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Munafa ebook

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Read Ebook: Lettres écrites d'Égypte et de Nubie en 1828 et 1829 by Champollion Jean Fran Ois

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Ebook has 467 lines and 90961 words, and 10 pages

LETTRES

?CRITES

D'?GYPTE ET DE NUBIE

EN 1828 ET 1829

PAR

CHAMPOLLION LE JEUNE

NOUVELLE EDITION

AVERTISSEMENT

En 1833, mon oncle, M. Champollion-Figeac, alors conservateur au d?partement des manuscrits de la Biblioth?que royale, publia, chez Firmin Didot, une ?dition de ces lettres dont il poss?dait les originaux. C'est cette ?dition, ?puis?e depuis longtemps d?j?, que je reproduis dans le pr?sent volume.

Les savants qui ont march? dans la voie de Champollion le jeune m'ont attest? que, malgr? les progr?s obtenus depuis trente ans dans la science qu'il a fond?e, ces lettres ?taient encore d'une utilit? s?rieuse et d'un grand int?r?t; c'est cette conviction, unie ? un vif sentiment de respect pour la m?moire de mon p?re, qui m'a engag?e ? faire cette nouvelle ?dition.

Z. CH?RONNET-CHAMPOLLION.

Paris, le 15 septembre 1867.

M?MOIRE

SUR

UN PROJET DE VOYAGE LITT?RAIRE

EN ?GYPTE

PR?SENT? AU ROI EN 1827

PLAN ET MOTIFS DU VOYAGE

L'Europe savante conna?t l'existence de cet amas de richesses historiques: son ardent d?sir serait d'en ?tre mise en possession. Elle a jug? que nos progr?s dans les ?tudes ?gyptiennes demandent qu'un gouvernement ?clair? se h?te d'envoyer enfin en ?gypte des personnes d?vou?es ? la science et convenablement pr?par?es, pour recueillir, tant qu'ils subsistent encore, les innombrables et pr?cieux documents que la magnificence ?gyptienne inscrivit jadis sur les ?difices dont les masses imposantes couvrent les deux rives du Nil. L'Europe, sachant aussi que la barbarie, toujours croissante, d?truit syst?matiquement ces respectables t?moins d'une antique civilisation, h?te de tous ses voeux le moment o? des copies fid?les de ces inscriptions et de ces bas-reliefs historiques lui donneront le moyen de remplir avec certitude les plus anciennes pages des annales du monde, en perp?tuant ainsi les t?moignages si nombreux et si authentiques trac?s sur tant de monuments dont rien ne saurait remplacer la perte. Un voyage litt?raire en ?gypte est donc aujourd'hui l'un des plus utiles qu'on puisse entreprendre. Mais ce n'est point ? l'histoire seule de l'?gypte que le voyage propos? dans ce M?moire doit fournir des lumi?res qu'on chercherait vainement autre part que dans les palais de Th?bes: c'est l? qu'existent ?galement, et nous en avons la certitude, des notions aussi d?sirables qu'inesp?r?es, sur tous les peuples qui, d?s les premiers temps de la civilisation humaine, jouaient un r?le important en Afrique et dans l'Asie occidentale. Les principales exp?ditions des Pharaons contre les nations qui, dans cet ancien monde, pouvaient lutter de puissance avec l'?gypte ou lui inspirer des craintes, sont sculpt?es sur les monuments ?rig?s par les triomphateurs: on y lit les noms de ces peuples, le nombre des soldats, les noms des villes assi?g?es et prises, les noms des fleuves travers?s, ceux des pays soumis, la quotit? des tributs impos?s aux peuples vaincus; et les noms des objets pr?cieux enlev?s ? l'ennemi sont ?crits sur des tableaux qui repr?sentent ces troph?es de la victoire. Ces bas-reliefs, entrem?l?s de longues inscriptions explicatives, sont d'autant plus utiles ? conna?tre que les artistes ?gyptiens ont rendu avec une admirable fid?lit? la physionomie, le costume et toutes les habitudes des peuples ?trangers qu'ils ont eu ? combattre. Nous pourrons donc apprendre enfin, par l'?tude directe de cette immense galerie historique, quelles nations pouvaient balancer, ? des ?poques sur lesquelles l'histoire est encore muette, le pouvoir des Pharaons en rivalisant avec l'?gypte, pour lui disputer l'empire de cet ancien monde que nous n'apercevons encore qu'? travers mille incertitudes, mais dont la r?alit?, d?j? d?montr?e, n'en est pas moins surprenante; toutefois, en rapportant le temps de ces grandes sc?nes ? des ?poques beaucoup plus rapproch?es de nous que ne le voulait un esprit de syst?me plus hardi que raisonn?.

On ne saurait fixer l'importance des d?couvertes historiques que peut amener une ?tude approfondie des bas-reliefs qui d?corent les ?difices antiques de l'?gypte, et surtout ceux de Th?bes, sa vieille capitale. Ce pays s'est en effet trouv? en relation directe avec tous les grands peuples connus de l'antiquit?: si ses v?n?rables monuments nous montrent une foule de peuples ? demi sauvages du continent africain, vaincus et d?posant aux pieds des Pharaons l'or, les mati?res pr?cieuses, les oiseaux rares et les animaux curieux de l'int?rieur d'un pays encore si peu connu, nous trouvons d'autre part le tableau des luttes sanglantes des ?gyptiens, soit sur terre, soit sur mer, avec diverses nations asiatiques , nations qui combattent avec des armes ?gales et des moyens tout aussi avanc?s que ceux des ?gyptiens, leurs rivaux. Nous savons, ? n'en point douter, que les temples et les palais de l'?gypte offrent les images et des inscriptions contemporaines des rois ?thiopiens qui ont conquis l'?gypte, au milieu des monuments des Pharaons, dont ils ont momentan?ment interrompu la longue et brillante succession. On y recueillera les annales des rois ?gyptiens les plus renomm?s, tels que les Osimandyas, Amosis, les Rhams?s, les Thouthmosis; ailleurs celles des Pharaons S?sonchis, Osorchon, S?v?chus, Tharaca, Apri?s et N?chao, que les Livres saints nous peignent entrant dans le coeur de la Syrie ? la t?te d'arm?es innombrables. On r?unira les copies du peu de monuments ?lev?s sous la tyrannie des rois persans, les Darius et les Xerx?s; on notera les lieux o? se lisent encore le grand nom d'Alexandre, celui de son fr?re, de son jeune fils, et ceux des successeurs de cet homme qui releva l'?gypte foul?e par le gouvernement militaire des Perses. On ?claircira toute l'histoire des Lagides; et cet examen des inscriptions monumentales se terminera en recueillant, sur les m?mes ?difices qui ont pr?c?d? tant d'empires, leur ont surv?cu, et qui ont vu passer tant de gloires, les noms les plus illustres de Rome gouvern?e par les empereurs. Ainsi les monuments de l'?gypte conservent des inscriptions qui se lient ? l'histoire ancienne tout enti?re, et en rec?lent une grande partie que les ?crivains ne nous ont point conserv?e: c'est donner une id?e de l'immense moisson de faits et des documents qu'un gouvernement protecteur des sciences utiles peut assurer aux ?tudes solides, en ordonnant l'ex?cution d'un voyage auquel sont directement int?ress?s les progr?s de toutes les sciences historiques. Ajoutons enfin que ce voyage, o? l'on pourra ?tudier et comparer entre elles le nombre immense d'inscriptions qui couvrent tous les monuments de l'?gypte, avancerait avec une merveilleuse rapidit? nos connaissances sur l'?criture hi?roglyphique, et qu'il fournira, sans aucun doute ? cet ?gard, des lumi?res qu'on ne pourrait peut-?tre point obtenir d'une ?tude de plusieurs si?cles faite en Europe sur les seuls monuments ?gyptiens que le hasard y ferait transporter ? l'avenir. Sous ce point de vue seul, les r?sultats du voyage projet? seraient inappr?ciables.

Les travaux des Fran?ais qui firent partie de l'exp?dition d'?gypte n'ont fait que pr?parer l'Europe savante ? de tels r?sultats, en lui montrant, par le trop petit nombre de dessins pris sur les monuments historiques, tout ce qu'elle doit d?sirer encore, et tout ce qu'on peut attendre d'un examen approfondi et d'un voyage dont ces monuments seront l'objet principal. Ces recherches, qui doivent produire tant de fruits et jeter tant de lumi?res sur l'obscurit? des temps antiques, ?taient impossibles alors. On n'avait, en effet, ? la fin du si?cle dernier et dans les premi?res ann?es du si?cle pr?sent, aucune donn?e positive sur le syst?me des ?critures ?gyptiennes; aussi les membres de la Commission d'?gypte, et la plupart des voyageurs qui ont march? sur leurs traces, persuad?s peut-?tre qu'on n'arriverait jamais ? l'intelligence des signes hi?roglyphiques, ont-ils attach? moins d'int?r?t ? copier avec exactitude les longues inscriptions en caract?res sacr?s qui accompagnent les figures mises en sc?ne dans les bas-reliefs historiques; il les ont presque toujours n?glig?es, et souvent m?me, en copiant quelques sc?nes de ces bas-reliefs, on s'est content? de marquer seulement la place occup?e par ces l?gendes. C'?tait cependant, sinon pour cette ?poque, du moins pour l'avenir, la partie la plus int?ressante d'un tel travail. Mais enfin on doit beaucoup de reconnaissance ? ces voyageurs pour nous avoir appris, ? n'en pouvoir douter, qu'il ne d?pend plus que de notre volont? de recueillir, par exemple, dans le palais de Karnac ? Th?bes, l'histoire des conqu?tes de plusieurs rois, et probablement aussi celle de la d?livrance de l'?gypte du joug des Pasteurs ou Hykschos, ?v?nement auquel se rattachent la venue et la captivit? des H?breux; dans les sculptures de Kalabsch?, le tableau des conqu?tes de Rhams?s II ? l'int?rieur de l'Afrique; dans les galeries du palais de M?dinet-Abou, les exp?ditions de Rhams?s-Me?amoun contre les peuples de l'Asie; dans divers temples de la Nubie, des hauts faits des Pharaons Moeris, Osortasen, Am?nophis II; dans le palais de Kourna, ceux de Mandoue? et Ousire?, etc.; enfin, dans les palais de Louqsor, les ?difices d'Ibsamboul et le palais dit d'Osimandyas, les d?tails les plus circonstanci?s sur les conqu?tes du grand S?sostris, tant en Asie qu'en Afrique.

De nos jours, des dessins de la totalit? de ces grandes sc?nes historiques, qui s'?clairent les unes par les autres, et surtout des copies exactes des inscriptions hi?roglyphiques qu'on y a m?l?es en si grand nombre, acquerraient un prix infini et r?aliseraient, sinon en totalit?, du moins en tr?s-grande partie, les hautes esp?rances qu'y rattachent les sciences historiques. Les notions positives sur le m?canisme de l'?criture hi?roglyphique sont assez avanc?es, et l'on a reconnu le sens d'un nombre de caract?res assez consid?rable, pour retirer sur-le-champ, avec une certitude enti?re, les faits principaux et les plus pr?cieux contenus dans ces bas-reliefs ou dans ces inscriptions, et tous les documents utiles qu'ils renferment; enfin, avec les connaissances nouvellement acquises sur les ?critures de l'ancienne ?gypte, un voyage entrepris maintenant sur cette terre classique, par un petit nombre de personnes bien pr?par?es, produira incontestablement des r?sultats scientifiques tels qu'on e?t en vain os? les esp?rer dans le temps m?me que l'?gypte, au pouvoir d'une arm?e fran?aise, ?tait livr?e aux recherches d'une foule de savants qui ont beaucoup fait pour les sciences physiques, naturelles et math?matiques, mais qui manquaient de l'instrument essentiel et indispensable pour exploiter convenablement la mine si riche de documents historiques que la fortune des armes livrait ? leur examen. La France guerri?re a fait conna?tre ? fond l'?gypte moderne, sa constitution physique, ses productions naturelles, et les diff?rents genres de monuments qui la couvrent: c'est aussi ? la France, jouissant de la faveur de la paix, si propice au progr?s des sciences et de la civilisation nouvelle, ? recueillir les souvenirs grav?s sur ces monuments t?moins d'une civilisation primitive et des efforts progressifs des sciences sur une terre qui en fut le berceau: elles en sortirent pour ?clairer l'Europe encore ? demi sauvage lorsque l'?gypte ?tait d?j? d?chue de sa premi?re splendeur: l'Europe remontera donc ainsi vers ses plus antiques origines.

Apr?s cet expos? sommaire des motifs g?n?raux du voyage, il reste ? indiquer l'ordre d?taill? des travaux que doivent ex?cuter les personnes charg?es de cette entreprise litt?raire.

Ces divers travaux auront pour r?sultat de faire conna?tre ? fond l'ensemble du culte ?gyptien, source de toutes les religions pa?ennes de l'Occident, et serviront ? d?montrer les nombreux emprunts que la religion des Grecs fit ? celle de l'?gypte. On terminera ainsi les dissidences qui partagent les savants sur une mati?re mise en discussion avant de poss?der les ?l?ments indispensables pour en ?claircir les difficult?s.

Tels sont le but, le plan et les motifs d'un voyage en ?gypte.

Pour l'ex?cuter, M. Champollion n'attend plus que les ordres du Roi.

LETTRES

?CRITES PENDANT LE VOYAGE DE PARIS A ALEXANDRIE

Lyon, le 18 juillet 1828.

Me voici arriv? ? Lyon en tr?s-bonne sant?. J'ai trouv? notre ami M. Artaud pr?t ? me recevoir, et je me suis ?tabli dans son mus?e.

M. Artaud a ?crit aujourd'hui ? M. Sallier d'Aix, pour l'informer de mon prochain passage par cette ville. Je m'attends donc ? faire une bonne r?colte dans cette nombreuse collection, et j'y consacrerai deux jours s'il le faut.

Toulon, 25 juillet 1828.

Il m'a ?t? impossible d'?crire d'Aix comme j'en avais le projet: le cabinet de M. Sallier m'a occup? pendant les deux jours que j'ai pass?s dans cette vieille ville. J'y ai trouv? quelques pi?ces importantes que j'ai copi?es ou fait dessiner. Ce ne fut que le soir du second jour que M. Sallier me mit dans les mains un paquet de papyrus ?gyptiens non fun?raires, dans lequel j'ai trouv?: 1? un long papyrus en fort mauvais ?tat, qui m'a paru renfermer des observations astrologiques, le tout en belle ?criture hi?ratique; 2? deux rouleaux contenant des esp?ces d'odes ou litanies ? la louange d'un Pharaon; 3? un rouleau dont les premi?res pages manquent, mais qui contient les louanges et les exploits de Rhams?s-S?sostris en style biblique, c'est-?-dire sous la forme d'une ode dialogu?e, entre les dieux et le roi.

M. Sallier m'a promis de me donner l'empreinte en papier des trois pierres qui portent les fragments du d?cret romain relatif au prix des denr?es et marchandises; je l'aurais faite moi-m?me, mais, malheureusement, on a rempli en pl?tre durci les lettres du texte: on les fera laver et nettoyer.

Toulon, le 29 juillet.

J'ai re?u la premi?re lettre de Paris, attendue d?j? avec impatience. Ma s?rie de num?ros ne commencera qu'apr?s l'embarquement, et ma premi?re sera dat?e des domaines de Neptune, car j'esp?re que nous rencontrerons en route quelque b?timent revenant en Europe, et qu'il sera possible de le charger d'un billet pour la France. Mais si par hasard nous sommes seuls sur le grand chemin du monde, vous n'aurez de mes nouvelles que dans deux mois au plus t?t, les d?parts d'Alexandrie pour France ?tant extr?mement rares. Notre corvette, destin?e ? convoyer les b?timents marchands, ne convoiera personne. On n'ose plus se mettre en mer, non qu'il y ait danger de perte de corps ou de biens, mais parce que le commerce avec l'?gypte est dans un ?tat complet de torpeur; l'?gypte elle-m?me n'envoie plus de coton. L'amiral m'assure, toutefois, que nos relations avec le pacha sont sur le pied le plus amical. Je vais avoir, du reste, des nouvelles positives sur notre position ? l'?gard de l'?gypte, car je re?ois ? l'instant un rendez-vous au lazaret, de la part de M. L?on de Laborde, arrivant d'Alexandrie en trente-trois jours. Il me dira certainement ce qu'il faut craindre ou esp?rer; le ton de sa lettre est d'ailleurs tr?s-rassurant, et je n'en augure que de bonnes nouvelles.

Nos Parisiens sont arriv?s ce matin; et nos Toscans le soir, apr?s un voyage de quinze jours. Ils ont eu toutes les peines du monde ? traverser le cordon sanitaire ?tabli ? la fronti?re du Pi?mont par le roi de Sardaigne, qui, tromp? par les exag?rations d'un capitaine marchand de Marseille, d?barqu? ? G?nes, s'est imagin? que la peste ravageait la Provence; les r?giments ont march? pour occuper tous les d?bouch?s des Alpes, et les lettres et journaux venant de France sont taillad?s et pass?s au vinaigre. Il est connu en Italie que nous mourons ici et ? Marseille par centaines: tandis que le temps est superbe, gr?ce ? une brise d'ouest qui rafra?chit l'air et nous jettera en pleine mer en moins d'une heure.

La mer promet d'?tre excellente. J'ai d?j? essay? mon estomac, et je le crois assez bien amarin?, ayant couru la rade en barque par une mer assez grosse.

Il m'a ?t? impossible de voir M. de Laborde; la brise ?tait trop forte pour pouvoir sans danger communiquer avec le lazaret dans une petite embarcation; il m'indique un nouveau rendez-vous pour demain ? une heure: mais ? cette heure-l?, je serai d?j? loin de Toulon, puisque notre embarquement aura lieu entre neuf et dix heures du matin. Nos gros effets sont ? bord, et nous sommes pr?ts ? dire adieu ? la terre ferme. On me fait esp?rer de toucher en Sicile. J'ai demand? ? l'amiral qu'il perm?t au commandant de nous d?barquer quelques heures ? Agrigente; cela est accord?. C'est ? la mer ? nous le permettre maintenant. Si elle est bonne, j'?crirai ? l'ombre d'une des colonnes doriques du temple de Jupiter.

Adieu; soyez sans inqui?tude, les dieux de l'?gypte veillent sur nous.

En mer, entre la Sardaigne et la Sicile, 3 ao?t 1828.

Je vais essayer d'?crire malgr? le mouvement du vaisseau, qui, pouss? par un vent ? souhait, marche assez rapidement vers la c?te occidentale de Sicile, que nous aurons ce soir en vue, selon toute apparence. Jusqu'ici la travers?e a ?t? des plus heureuses, et le plus difficile est fait: mon estomac a subi toutes ses ?preuves, et je me trouve parfaitement bien maintenant. Le repos forc? dont on jouit sur le b?timent, et l'impossibilit? de s'y occuper avec quelque suite, ont tourn? au profit de ma sant?, et je me porte ? merveille.

Je ne parlerai point des deux jours pass?s, n'ayant eu sous les yeux que le ciel et la mer. Le tableau, quoique vari? par quelques ?volutions de marsouins et la lourde apparition de deux cachalots, pr?senterait trop d'uniformit?. La s?che d?solation des c?tes de Sardaigne, pays bien digne de l'aspect de ses anciens Nuraghes, n'offre rien non plus de bien int?ressant.

Je parlerai donc de l'espoir plus attrayant de d?barquer au milieu des temples de la vieille Agrigente. Notre commandant nous le promet pour demain au soir, si ?ole et Neptune veulent bien nous octroyer cette douceur.

Du 4.

Nous ayons tourn?, pendant la nuit, la pointe ouest de la Sardaigne, et couru la c?te m?ridionale, vraie succursale de l'Afrique. Ce matin nous ne voyons encore que le ciel et la mer. Vers le soir, on aper?oit l'?le de Maritimo, le point le plus occidental de la Sicile, mais un calme malencontreux nous emp?che d'avancer.

Du 5.

Apr?s une nuit pass?e ? louvoyer, nous avons revu Maritimo de bon matin, ? deux ou trois lieues de nous. Le vent s'?tant enfin lev?, le vaisseau a pass? devant les ?les de Favignana et Levanzo; nous avions en perspective Trapani , l'ancien arsenal de Sicile, et le mont ?ryx si vant? dans l'En?ide. L'apr?s-midi, nous avons pass? devant Marsalla et salu? d?votement ses excellents vignobles: il s'est m?l? ? mon salut une teinte fort respectueuse, lorsqu'on a d?pass? cette ville qui fut la vieille Lilyb?e, le principal ?tablissement carthaginois en Sicile. Cette c?te m?ridionale est d'une beaut? parfaite.

Du 6.

Du 7, ? six heures du matin.

Aucune nouvelle de terre ne nous est encore parvenue. Je perds tout espoir. Je vais fermer cette lettre pour l'envoyer dans une heure et demie d'ici ? terre, pour t?cher de la faire mettre ? la poste ? travers toutes les fumigations d'usage. Nous nous portons tous ? faire plaisir, bon app?tit, l'oeil vif, des teints superbes, et on veut absolument nous traiter en pestif?r?s! Je rouvrirais ma lettre si j'avais ? vous annoncer qu'on nous permet de voir Agrigente autrement qu'? deux milles de distance; je serais si heureux de d?barquer au milieu de ces v?n?rables ruines! Mais je n'ose y compter.

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