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Munafa ebook

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Read Ebook: Lettres écrites d'Égypte et de Nubie en 1828 et 1829 by Champollion Jean Fran Ois

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Ebook has 467 lines and 90961 words, and 10 pages

Aucune nouvelle de terre ne nous est encore parvenue. Je perds tout espoir. Je vais fermer cette lettre pour l'envoyer dans une heure et demie d'ici ? terre, pour t?cher de la faire mettre ? la poste ? travers toutes les fumigations d'usage. Nous nous portons tous ? faire plaisir, bon app?tit, l'oeil vif, des teints superbes, et on veut absolument nous traiter en pestif?r?s! Je rouvrirais ma lettre si j'avais ? vous annoncer qu'on nous permet de voir Agrigente autrement qu'? deux milles de distance; je serais si heureux de d?barquer au milieu de ces v?n?rables ruines! Mais je n'ose y compter.

Si nous n'avons pas l'entr?e ? huit heures, nous mettrons imm?diatement ? la voile, pour courir sur Malte.

Alexandrie, le 22 ao?t 1828.

Je hasarde ces lignes par un b?timent toscan qui part demain pour Livourne. Comme il est fort douteux que cette lettre parvienne en France aussit?t que celle dont veut bien se charger notre excellent commandant de l'Egl?, lequel retourne en Europe et met ? la voile mardi prochain, je mets un n? 1 provisoire ? celle-ci, r?servant tous les d?tails pour la seconde, qui sera le v?ritable num?ro premier.

J'ai pu voir M. Drovetti le soir m?me de mon arriv?e, et l? j'ai appris qu'il m'avait ?crit et conseill? d'ajourner mon voyage. Depuis la date de cette lettre, heureusement arriv?e trop tard ? Paris, les choses sont bien chang?es. Vous devez conna?tre d?j? les conventions pour l'?vacuation de la Mor?e, consenties le 6 juillet par Ibrahim-Pacha et sign?es il y a une douzaine de jours par le vice-roi Mohammed-Aly. Mon voyage ne rencontrera aucun emp?chement; le pacha est inform? de mon arriv?e, et il a bien voulu me faire dire que j'?tais le bienvenu; je lui serai pr?sent? demain ou apr?s-demain au plus tard. Tout se dispose au mieux pour mes travaux futurs; et les Alexandrins sont si bons que j'ai d?j? secou? tous les pr?jug?s inspir?s par de pr?tendus historiens.

Notre jeunesse est ?merveill?e de ce qu'elle a d?j? vu.... A ma prochaine les d?tails: la s?rie de mes lettres d'observation commencera r?ellement avec elle....

Adieu.

LETTRES

?CRITES

D'?GYPTE ET DE NUBIE

EN 1828 ET 1829

PREMI?RE LETTRE

Alexandrie, du 18 au 29 ao?t 1828.

Nous en avions donc fini avec la mer, d?s le 18 ? cinq heures du soir: il ne nous restait qu'un seul regret, celui de nous s?parer de notre commandant Cosmao-Dumanoir, si recommandable ? tous ?gards, et des autres officiers de la corvette, qui, tous, nous ont combl?s de pr?venances et de soins, et nous ont procur? par leur instruction tous les charmes de la plus agr?able soci?t?; mes compagnons et moi n'oublierons jamais tout ce que nous leur devons de reconnaissance.

A peine mouill?s dans le port, plusieurs officiers sup?rieurs des vaisseaux fran?ais vinrent ? notre bord, et nous donn?rent d'excellentes nouvelles du pays: ils nous apprirent la prochaine ?vacuation de la Mor?e par les troupes d'Ibrahim, en cons?quence d'une convention r?cente. On attend dans peu de jours la rentr?e de la premi?re division de l'arm?e ?gyptienne.

M. le chancelier du consulat-g?n?ral de France voulut bien aussi venir ? notre bord, nous complimenter de la part de M. Drovetti, qui se trouvait heureusement ? Alexandrie, ainsi que le vice-roi. Le soir m?me, ? six heures, je me rendis ? terre, avec notre brave commandant et mes compagnons de voyage, Rosellini, Bibent, Ricci, et quelques autres: je baisai le sol ?gyptien en le touchant pour la premi?re fois, apr?s l'avoir si longtemps d?sir?. A peine d?barqu?s, nous f?mes entour?s par des conducteurs d'?nes , et, mont?s sur ces nobles coursiers, nous entr?mes dans Alexandrie.

Les descriptions que l'on peut lire de cette ville ne sauraient en donner une id?e compl?te; ce fut pour nous comme une apparition des antipodes, et un monde tout nouveau: des couloirs ?troits bord?s d'?choppes, encombr?s d'hommes de toutes les couleurs, de chiens endormis et de chameaux en chapelet; des cris rauques partant de tous les c?t?s et se m?lant ? la voix glapissante des femmes, ou d'enfants ? demi nus; une poussi?re ?touffante, et par-ci par-l? quelques seigneurs magnifiquement habill?s, maniant habilement de beaux chevaux richement harnach?s, voil? ce qu'on nomme une rue d'Alexandrie. Apr?s une demi-heure de course sur nos ?nes et une infinit? de d?tours, nous arriv?mes chez M. Drovetti, dont l'accueil empress? mit le comble ? toutes nos satisfactions. Surpris toutefois de notre arriv?e au milieu des circonstances actuelles, il nous en f?licita cependant, et nous donna l'assurance que notre voyage d'exploration ne souffrirait aucune difficult?; son cr?dit, fruit de sa conduite noble, franche et d?sint?ress?e, qui n'a jamais pour objet que le service de notre monarque dont le nom est partout v?n?r?, et l'honneur de la France, est une garantie suffisante de ces promesses. M. Drovetti ajouta encore ? ses pr?venances, en m'offrant un logement au palais de France, l'ancien quartier-g?n?ral de notre arm?e. J'y ai trouv? un petit appartement tr?s-agr?able, c'est celui de Kl?ber, et ce n'est pas sans de vives ?motions que je me suis couch? dans l'alc?ve o? a dormi le vainqueur d'H?liopolis.

Je suis d?j? familiaris? avec les usages et coutumes du pays; le caf?, la pipe, la siesta, les ?nes, la moustache et la chaleur; surtout la sobri?t?, qui est une v?ritable vertu ? la table de M. Drovetti, o? nous nous asseyons tous les jours, mes compagnons de voyage et moi.

C'est le 24 ao?t, ? huit heures du matin, que nous avons ?t? re?us par le vice-roi. S.A. habite plusieurs belles maisons construites avec beaucoup de soin dans le go?t des palais de Constantinople; ces ?difices, de belle apparence, sont situ?s dans l'ancienne ?le du Phare. Nous nous y sommes rendus en corps, pr?c?d?s de M. Drovetti, tous habill?s au mieux, et les uns dans une cal?che attel?e de deux beaux chevaux conduits habilement ? toute bride dans les rues d'Alexandrie par le cocher de M. Drovetti, et les autres mont?s sur des ?nes escortant la cal?che.

Descendus au grand escalier de la salle du divan, nous sommes entr?s dans une vaste pi?ce remplie de fonctionnaires, et nous avons ?t? imm?diatement introduits dans une seconde salle, perc?e ? jour: dans un de ses angles, entre deux crois?es, ?tait assise S.A., dans un costume fort simple, et tenant dans ses mains une pipe enrichie de diamants. Sa taille est ordinaire, et l'ensemble de sa physionomie a une teinte de ga?t? qui surprend dans un personnage occup? de si grandes choses. Ses yeux ont une expression tr?s-vive, et une magnifique barbe blanche couvre sa poitrine. S.A., apr?s avoir demand? de nos nouvelles, a bien voulu nous dire que nous ?tions les bienvenus, et me questionner ensuite sur le plan de mon voyage. Je l'ai expos? sommairement, et j'ai demand? les firmans n?cessaires; ils m'ont ?t? accord?s sur-le-champ, avec deux chaouchs du vice-roi, qui nous accompagneront partout. S.A. a ensuite parl? des affaires de la Gr?ce, et nous a fait part de la nouvelle du jour, qui est la mort d'Ahmed-Pacha, de Patras, livr? ? des Grecs introduits dans sa chambre par des soldats infid?les soudoy?s. Quoique fort ?g?, Ahmed s'est vigoureusement d?fendu, a tu? sept de ses assassins, mais a succomb? sous le nombre. Le vice-roi nous a fait donner ensuite le caf?, et nous avons pris cong? de S.A., qui nous a accompagn?s avec des saluts de main tr?s-bienveillants. C'est encore une gr?ce de plus dont nous sommes redevables aux bont?s in?puisables de M. Drovetti.

La commission toscane, conduite par M. Hip. Rosellini, a ?t? re?ue aussi le lendemain, 25 ao?t, par le vice-roi, pr?sent?e par M. Rosetti, consul-g?n?ral de Toscane. Elle a re?u le m?me accueil, les m?mes promesses et la m?me protection. L'?gypte, disait S.A., devait ?tre pour nous comme notre pays m?me; et je suis persuad? que le vice-roi est tr?s-flatt? de la confiance que nos gouvernements ont mise dans son caract?re, en autorisant notre entreprise dans les circonstances actuelles.

Nous sommes donc au mieux, et nous en rendons journellement des gr?ces infinies ? la protection royale qui nous devance partout, et aux soins in?puisables de M. Drovetti, qui ne se font attendre nulle part.

Alexandrie, le 14 septembre 1828.

Mon d?part pour le Caire est d?finitivement arr?t? pour demain, tous nos pr?paratifs ?tant heureusement termin?s, ainsi que ce que je puis appeler l'organisation de l'exp?dition, chacun ayant sa part officielle d'action pour le bien de tous. Le docteur Ricci est charg? de la sant? et des vivres; M. Duchesne, de l'arsenal; M. Bibent, des fouilles, ustensiles et engins; M. Lh?te, des finances; M. Ga?tano Rosellini, du mobilier et des bagages, etc. Nous avons avec nous deux domestiques et un cuisinier arabes; deux autres domestiques barabras; mon homme ? moi, Soliman, est un Arabe, de belle mine, et dont le service est excellent.

Notre sant? se soutient, et l'?preuve du climat d'Alexandrie, qui est une ville toute lybique, est d'un tr?s-bon augure. Nous sommes tous enchant?s de notre voyage, et heureux d'avoir ?chapp? aux d?p?ches t?l?graphiques qui devaient nous retarder. Les circonstances de mauvaise apparence ont toutes tourn? pour nous; quelques difficult?s inattendues sont aplanies: nous voyageons pour le Roi et pour la science; nous serons heureux partout.

Je viens ? l'instant de prendre cong? du vice-roi. S.A. a ?t? on ne peut pas plus gracieuse; je l'ai pri?e d'agr?er notre gratitude pour la protection ouverte qu'elle veut bien nous assurer. Le vice-roi a r?pondu que les princes chr?tiens traitant ses sujets avec distinction, la r?ciprocit? ?tait pour lui un devoir. Nous avons parl? hi?roglyphes, et il m'a demand? une traduction des inscriptions des ob?lisques d'Alexandrie. Je me suis empress? de la lui promettre, et elle lui sera remise demain matin, mise en langue turque par M. le chancelier du consulat de France. S.A. a d?sir? savoir jusqu'? quel point de la Nubie je pousserai mon voyage, et elle m'a assur? que nous trouverions partout honneurs et protection; je lui ai exprim? ma reconnaissance dans les termes les plus flatteurs, et je puis dire qu'il les repoussait d'une mani?re fort aimable; ces bons musulmans nous ont trait?s avec une franchise qui nous charme. Adieu.

TROISI?ME LETTRE

Au Caire, le 27 septembre 1828.

Les dimensions de la grande enceinte qui renfermait ces ?difices sont vraiment ?tonnantes. Le parall?logramme, dont les petits c?t?s n'ont pas moins de 1440 pieds, et les grands 2160, a ainsi plus de 7000 pieds de tour. La hauteur de cette muraille peut ?tre estim?e ? 80 pieds, et son ?paisseur mesur?e est de 54 pieds: on pourrait donc y compter les grandes briques par millions.

QUATRI?ME LETTRE

Sakkarah, le 5 octobre 1828.

J'ai visit? ici, ? Sakkarah, la plaine des momies, l'ancien cimeti?re de Memphis, parsem? de pyramides et de tombeaux viol?s. Cette localit?, gr?ce ? la rapace barbarie des marchands d'antiquit?s, est presque tout ? fait nulle pour l'?tude: les tombeaux orn?s de sculptures sont, pour la plupart, d?vast?s, ou recombl?s apr?s avoir ?t? pill?s. Ce d?sert est affreux; il est form? par une suite de petits monticules de sable produits des fouilles et des bouleversements, le tout parsem? d'ossements humains, d?bris des vieilles g?n?rations. Deux tombeaux seuls ont attir? notre attention, et m'ont d?dommag? du triste aspect de ce champ de d?solation. J'ai trouv?, dans l'un d'eux, une s?rie d'oiseaux sculpt?s sur les parois, et accompagn?s de leurs noms en hi?roglyphes; cinq esp?ces de gazelles avec leurs noms; et enfin quelques sc?nes domestiques, telles que l'action de traire le lait, deux cuisiniers exer?ant leur art, etc. Nos portefeuilles se grossissent du fruit de ces d?couvertes ... Adieu.

CINQUI?ME LETTRE

Au pied des pyramides de Giz?h, le 8 octobre 1828.

J'ai transport? mon camp et mes p?nates ? l'ombre des grandes pyramides, depuis hier que, quittant Sakkarah pour visiter l'une des merveilles du monde, sept chameaux et vingt ?nes ont transport? nous et nos bagages ? travers le d?sert qui s?pare les pyramides m?ridionales de celles de Giz?h, les plus c?l?bres de toutes, et qu'il me fallait voir enfin avant de partir pour la Haute-?gypte. Ces merveilles ont besoin d'?tre ?tudi?es de pr?s pour ?tre bien appr?ci?es; elles semblent diminuer de hauteur ? mesure qu'on en approche, et ce n'est qu'en touchant les blocs de pierre dont elles sont form?es qu'on a une id?e juste de leur masse et de leur immensit?. Il y a peu ? faire ici, et lorsqu'on aura copi? des sc?nes de la vie domestique, sculpt?es dans un tombeau voisin de la deuxi?me pyramide, je regagnerai nos embarcations, qui viendront nous prendre ? Giz?h, et nous cinglerons ? force de voiles pour la Haute-?gypte, mon v?ritable quartier-g?n?ral. Th?bes est l?, et on y arrive toujours trop tard.

Sauf un peu de fatigue de la journ?e d'hier, nous nous portons fort bien. Mais point encore de nouvelles d'Europe!..... Adieu.

A B?ni-Hassau, le 5; et ? Monfaloutli, le 8 novembre 1828.

J'esp?re compl?ter et ?tendre dignement ces diverses s?ries, puisque je n'ai encore vu, pour ainsi dire, aucun monument ?gyptien; les grands ?difices ne commencent en effet qu'? Abydos, et je n'y serai que dans dix jours.

SEPTI?ME LETTRE

Th?bes, le 24 novembre 1828.

J'omets une foule d'autres r?sultats curieux; je devrais passer tout mon temps ? ?crire, s'il fallait d?tailler toutes mes observations nouvelles. J'?cris ce que je puis dans les moments o? les ruines ?gyptiennes me permettent de respirer au milieu de tous ces travaux et de ces jouissances r?ellement trop vives si elles devaient se renouveler souvent ailleurs comme ? Th?bes.

HUITI?ME LETTRE

De l'?le de Philae, le 8 d?cembre 1828.

Je quittai Th?bes le 26 novembre, et c'est de ce monde enchant? que ma derni?re lettre est dat?e; il a fallu m'abstenir de donner des d?tails sur cette vieille capitale des Pharaons: comment parler en quelques lignes de telles choses, et quand on n'a fait que les entrevoir! C'est apr?s mon retour sur ce sol classique, apr?s l'avoir ?tudi? pas ? pas, que je pourrai ?crire avec connaissance de cause, avec des id?es arr?t?es et des r?sultats bien m?ris. Th?bes n'est encore pour moi, qui l'ai courue quatre ou cinq jours entiers, qu'un amas de colonnades, d'ob?lisques et de colosses; il faut examiner un ? un les membres ?pars du monstre pour en donner une id?e tr?s-pr?cise. Patience donc, jusqu'? l'?poque o? je planterai mes tentes dans les p?ristyles du palais des Rhams?s.

C'est ici, ? Philae, que j'ai enfin re?u des lettres d'Europe, ? la date des 15 et 25 ao?t et 3 septembre derniers, voil? tout; enfin, c'est quelque chose, et il faut bien s'en contenter.... Adieu.

NEUVIEME LETTRE

Ouadi-Halfa, deuxi?me cataracte, 1er janvier 1829.

Apr?s deux heures et demie d'admiration, et ayant vu tous les bas-reliefs, le besoin de respirer un peu d'air pur se fit sentir, et il fallut regagner l'entr?e de la fournaise en prenant des pr?cautions pour en sortir. J'endossai deux gilets de flanelle, un burnous de laine, et mon grand manteau, dont on m'enveloppa aussit?t que je fus revenu ? la lumi?re; et l?, assis aupr?s d'un des colosses ext?rieurs dont l'immense mollet arr?tait le souffle du vent du nord, je me reposai une demi-heure pour laisser passer la grande transpiration. Je regagnai ensuite ma barque, o? je passai pr?s de deux heures sur mon lit. Cette visite exp?rimentale m'a prouv? qu'on peut rester deux heures et demie ? trois heures dans l'int?rieur du temple sans ?prouver aucune g?ne de respiration, mais seulement de l'affaiblissement dans les jambes et aux articulations; j'en conclus donc qu'? notre retour nous pourrons dessiner les bas-reliefs historiques, en travaillant par escouades de quatre , et pendant deux heures le matin et deux heures le soir. Ce sera une rude campagne; mais le r?sultat en est si int?ressant, les bas-reliefs sont si beaux, que je ferai tout pour les avoir, ainsi que les l?gendes compl?tes. Je compare la chaleur d'Ibsamboul ? celle d'un bain turc, et cette visite peut amplement nous en tenir lieu.

A M. DACIER.

Ouadi-Halfa, ? la seconde cataracte, 1er janvier 1829.

Monsieur,

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