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Read Ebook: Aziyadé Extrait des notes et lettres d'un lieutenant de la marine anglaise entré au service de la Turquie le 10 mai 1876 tué dans les murs de Kars le 27 octobre 1877. by Loti Pierre
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next PageEbook has 1271 lines and 52005 words, and 26 pagesAZIYAD? par PIERRE LOTI De l'Acad?mie fran?aise Extrait des notes et lettres d'un lieutenant de la marine anglaise entr? au service de la Turquie le 10 mai 1876 tu? dans les murs de Kars le 27 octobre 1877. PR?FACE DE PLUMKETT AMI DE LOTI Dans tout roman bien conduit, une description du h?ros est de rigueur. Mais ce livre n'est point un roman, ou, du moins, c'en est un qui n'a pas ?t? plus conduit que la vie de son h?ros. Et puis d?crire au public indiff?rent ce Loti que nous aimions n'est pas chose ais?e, et les plus habiles pourraient bien s'y perdre. Bien cambr?, bien lav?; ........ Des mains de patricien, l'aspect fier et nerveux Ce qu'il avait de beau surtout, c'?taient les yeux. Comme Hassan, il ?tait tr?s joyeux, et pourtant tr?s maussade; indignement na?f, et pourtant tr?s blas?. En bien comme en mal, il allait loin toujours; mais nous l'aimions mieux que cet Hassan ?go?ste, et c'?tait ? Rolla plut?t qu'il e?t pu ressembler ... Dans plus d'une ?me on voit deux choses ? la fois: .................. Le ciel,--qui teint les eaux ? peine remu?es, .................. Et la vase,--fond morne, affreux, sombre et dormant. PLUMKETT. SALONIQUE JOURNAL DE LOTI ... Une belle journ?e de mai, un beau soleil, un ciel pur ... Quand les canots ?trangers arriv?rent, les bourreaux, sur les quais, mettaient la derni?re main ? leur oeuvre: six pendus ex?cutaient en pr?sence de la foule l'horrible contorsion finale ... Les fen?tres, les toits ?taient encombr?s de spectateurs; sur un balcon voisin, les autorit?s turques souriaient ? ce spectacle familier. Le gouvernement du sultan avait fait peu de frais pour l'appareil du supplice; les potences ?taient si basses que les pieds nus des condamn?s touchaient la terre. Leurs ongles crisp?s grin?aient sur le sable. L'ex?cution termin?e, les soldats se retir?rent et les morts rest?rent jusqu'? la tomb?e du jour expos?s aux yeux du peuple. Les six cadavres, debout sur leurs pieds, firent, jusqu'au soir, la hideuse grimace de la mort au beau soleil de Turquie, au milieu de promeneurs indiff?rents et de groupes silencieux de jeunes femmes. Les gouvernements de France et d'Allemagne avaient exig? ces ex?cutions d'ensemble, comme r?paration de ce massacre des consuls qui fit du bruit en Europe au d?but de la crise orientale. Toutes les nations europ?ennes avaient envoy? sur rade de Salonique d'imposants cuirass?s. L'Angleterre s'y ?tait une des premi?res fait repr?senter, et c'est ainsi que j'y ?tais venu moi-m?me, sur l'une des corvettes de Sa Majest?. Un beau jour de printemps, un des premiers o? il nous fut permis de circuler dans Salonique de Mac?doine, peu apr?s les massacres, trois jours apr?s les pendaisons, vers quatre heures de l'apr?s-midi, il arriva que je m'arr?tai devant la porte ferm?e d'une vieille mosqu?e, pour regarder se battre deux cigognes. La sc?ne se passait dans une rue du vieux quartier musulman. Des maisons caduques bordaient de petits chemins tortueux, ? moiti? recouverts par les saillies des shaknisirs . Des avoines poussaient entre les pav?s de galets noirs, et des branches de fra?che verdure couraient sur les toits; le ciel, entrevu par ?chapp?es, ?tait pur et bleu; on respirait partout l'air ti?de et la bonne odeur de mai. Je me croyais si parfaitement seul, que j'?prouvai une ?trange impression en apercevant pr?s de moi, derri?re d'?pais barreaux de fer, le haut d'une t?te humaine, deux grands yeux verts fix?s sur les miens. Les sourcils ?taient bruns, l?g?rement fronc?s, rapproch?s jusqu'? se rejoindre; l'expression de ce regard ?tait un m?lange d'?nergie et de na?vet?; on e?t dit un regard d'enfant, tant il avait de fra?cheur et de jeunesse. La jeune femme qui avait ces yeux se leva, et montra jusqu'? la ceinture sa taille envelopp?e d'un camail ? la turque aux plis longs et rigides. Le camail ?tait de soie verte, orn? de broderies d'argent. Un voile blanc enveloppait soigneusement la t?te, n'en laissant para?tre que le front et les grands yeux. Les prunelles ?taient bien vertes, de cette teinte vert de mer d'autrefois chant?e par les po?tes d'Orient. Cette jeune femme ?tait Aziyad?. Aziyad? me regardait fixement. Devant un Turc, elle se f?t cach?e; mais un giaour n'est pas un homme; tout au plus est-ce un objet de curiosit? qu'on peut contempler ? loisir. Elle paraissait surprise qu'un de ces ?trangers, qui ?taient venus menacer son pays sur de si terribles machines de fer, p?t ?tre un tr?s jeune homme dont l'aspect ne lui causait ni r?pulsion ni frayeur. Tous les canots des escadres ?taient partis quand je revins sur le quai; les yeux verts m'avaient l?g?rement captiv?, bien que le visage exquis cach? par le voile blanc me f?t encore inconnu; j'?tais repass? trois fois devant la mosqu?e aux cigognes, et l'heure s'en ?tait all?e sans que j'en eusse conscience. Les impossibilit?s ?taient entass?es comme ? plaisir entre cette jeune femme et moi; impossibilit? d'?changer avec elle une pens?e, de lui parler ni de lui ?crire; d?fense de quitter le bord apr?s six heures du soir, et autrement qu'en armes; d?part probable avant huit jours pour ne jamais revenir, et, par dessus tout, les farouches surveillances des harems. Je regardai s'?loigner les derniers canots anglais, le soleil pr?s de dispara?tre, et je m'assis irr?solu sous la tente d'un caf? turc. Un attroupement fut aussit?t form? autour de moi; c'?tait une bande de ces hommes qui vivent ? la belle ?toile sur les quais de Salonique, bateliers ou portefaix, qui d?siraient savoir pourquoi j'?tais rest? ? terre et attendaient l?, dans l'espoir que peut-?tre j'aurais besoin de leurs services. Dans ce groupe de Mac?doniens, je remarquai un homme qui avait une dr?le de barbe, s?par?e en petites boucles comme les plus antiques statues de ce pays; il ?tait assis devant moi par terre et m'examinait avec beaucoup de curiosit?; mon costume et surtout mes bottines paraissaient l'int?resser vivement. Il s'?tirait avec des airs c?lins, des mines de gros chat angora, et b?illait en montrant deux rang?es de dents toutes petites, aussi brillantes que des perles. Il avait d'ailleurs une tr?s belle t?te, une grande douceur dans les yeux qui resplendissaient d'honn?tet? et d'intelligence. Il ?tait tout d?penaill?, pieds nus, jambes nues, la chemise en lambeaux, mais propre comme une chatte. Ce personnage ?tait Samuel. Ces deux ?tres rencontr?s le m?me jour devaient bient?t remplir un r?le dans mon existence et jouer, pendant trois mois, leur vie pour moi; on m'e?t beaucoup ?tonn? en me le disant. Tous deux devaient abandonner ensuite leur pays pour me suivre, et nous ?tions destin?s ? passer l'hiver ensemble, sous le m?me toit, ? Stamboul. Samuel s'enhardit jusqu'? me dire les trois mots qu'il savait d'anglais: Et il continua en sabir: Samuel entendait le sabir; je songeai tout de suite au parti qu'on pouvait tirer d'un gar?on intelligent et d?termin?, parlant une langue connue, pour cette entreprise insens?e qui flottait d?j? devant moi ? l'?tat de vague ?bauche. L'or ?tait un moyen de m'attacher ce va-nu-pieds, mais j'en avais peu. Samuel, d'ailleurs, devait ?tre honn?te, et un gar?on qui l'est ne consent point pour de l'or ? servir d'interm?diaire entre un jeune homme et une jeune femme. A WILLIAM BROWN, LIEUTENANT AU 3E D'INFANTERIE DE LIGNE, A LONDRES Salonique, 2 juin. ... Ce n'?tait d'abord qu'une ivresse de l'imagination et des sens; quelque chose de plus est venu ensuite, de l'amour ou peu s'en faut; j'en suis surpris et charm?. Si vous aviez pu suivre aujourd'hui votre ami Loti dans les rues d'un vieux quartier solitaire, vous l'auriez vu monter dans une maison d'aspect fantastique. La porte se referme sur lui avec myst?re. C'est la case choisie pour ces changements de d?cors qui lui sont familiers. D?but de m?lodrame. Premier tableau: Un vieil appartement obscur. Aspect assez mis?rable, mais beaucoup de couleur orientale. Des narguilh?s tra?nent ? terre avec des armes. Votre ami Loti est plant? au milieu et trois vieilles juives s'empressent autour de lui sans mot dire. Elles ont des costumes pittoresques et des nez crochus, de longues vestes orn?es de paillettes, des sequins enfil?s pour colliers, et, pour coiffure, des catogans de soie verte. Elles se d?p?chent de lui enlever ses v?tements d'officier et se mettent ? l'habiller ? la turque, en s'agenouillant pour commencer par les gu?tres dor?es et les jarreti?res. Loti conserve l'air sombre et pr?occup? qui convient au h?ros d'un drame lyrique. Les trois vieilles mettent dans sa ceinture plusieurs poignards dont les manches d'argent sont incrust?s de corail, et les lames damasquin?es d'or; elles lui passent une veste dor?e ? manches flottantes, et le coiffent d'un tarbouch. Apr?s cela, elles expriment, par des gestes, que Loti est tr?s beau ainsi, et vont chercher un grand miroir. Add to tbrJar First Page Next Page |
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