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Read Ebook: Légendes Normandes by Lavalley Gaston
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next Page Prev PageEbook has 967 lines and 35530 words, and 20 pages--N'importe! tu es ma fille et tu vas me comprendre. Admire l'?l?gance de ces fen?tres, longues et ?troites. Admire la finesse des colonnettes; vois comme les quatre pans de l'octogone correspondent bien aux quatre faces de la tour. Remarque comme chaque d?tail est ?tudi?, comme tout est pr?vu, calcul?, proportionn?; et dis-moi si ce n'est pas l? un travail admirable! --Oui, mon p?re, c'est bien beau. --Eh bien! le croiras-tu? ce troupeau d'imb?ciles me tourne en ridicule. Ils disent que l'effet est manqu?, que ma tour ressemble au four d'un potier, que j'ai d?shonor? leur village. En v?rit?, ils m?riteraient, les mis?rables, que je commandasse ? mes ouvriers de d?molir leur ?glise et de ne pas laisser pierre sur pierre de cet ?difice de damnation! --Plus vous vous emporterez, plus vous augmenterez votre mal, dit Marie. Tout en parlant ainsi, la jeune fille prit doucement le bras de son p?re et le fit asseoir pr?s de la table. --Vous travaillez trop, vous vous fatiguez, reprit-elle. Que ne prenez-vous quelqu'un pour vous aider? --C'est cela! grommela le vieillard avec humeur; je ne suis plus propre ? rien! Vite, il faut faire place ? un successeur! Aujourd'hui, l'imb?cillit?; demain, la tombe! --Je prie assez le bon Dieu et sa douce m?re, ma patronne, pour qu'ils me fassent la gr?ce de vous conserver longtemps. --Je pr?f?rerais la mort ? une vieillesse honteuse! --Vous blasph?mez, mon p?re, dit Marie. Est-ce que vous ne n'aimez plus? ajouta-t-elle en se suspendant au cou du vieillard. Est-ce que je suis trop exigeante? Je vous demande de vivre pour moi, de ne pas ?puiser vos forces par un travail opini?tre, de confier ? quelque personne intelligente une partie de vos entreprises. --Voil? justement la difficult?. Qui choisir? Philippe, Robert, Ewrard? Ils ne manquent pas d'adresse; ce sont d'excellents t?cherons, de bons tailleurs de pierre, de bons appareilleurs. Mais allez donc leur demander des projections sur parchemin ou des trac?s sur granit, et vous verrez la belle besogne qu'ils vous feront! Toi, ma fille, tu parles fort ? ton aise de choses que tu n'es pas capable d'appr?cier. J'ai des ouvriers, des hommes qui ex?cutent bien, mais qui sont impuissants quand il s'agit d'inventer. Voil? ce qui me condamne ? faire tout par moi-m?me. --N'oubliez-vous pas quelqu'un? dit Marie en rougissant. Le ma?tre de l'oeuvre jeta un regard per?ant sur sa fille et ne put s'emp?cher de partager son trouble. Il ne comprenait que trop bien. Mais, feignant d'ignorer de qui la jeune fille voulait parler, il demeura les yeux fixes, comme un homme qui cherche ? rappeler ses souvenirs. --Celui qui a cisel? la coupe que vous avez entre les mains, reprit Marie. --Je ne me souviens pas... --Il vous l'a pourtant apport?e lui-m?me, le jour de votre f?te, il n'y a pas un an de cela. Le pauvre Fran?ois, le fils de cette bonne m?re Regnault, serait bien afflig? s'il apprenait que vous faites si peu de cas de ses attentions pour vous. --C'est vrai. Tu as ma foi raison! Mais il est si jeune que je n'aurais jamais song? ? lui, quand tu me parlais de chercher quelqu'un pour me d?charger un peu de mon travail. --Il a du talent. --Qu'en sais-tu? --Mais ses dessins, ses statuettes, vous les connaissez aussi bien que moi... Que je vous montre encore un de ses derniers ouvrages! Marie alla chercher son livre d'heures. Elle l'ouvrit et mit sous les yeux de son p?re une feuille de parchemin, enlumin?e avec cette richesse de couleurs qu'on ne rencontre plus que dans les manuscrits du moyen ?ge. --Cela pourrait ?tre mieux, dit Pierre Vardouin en r?pondant par un jugement s?v?re ? l'enthousiasme de sa fille. Ce sont des enfantillages. Tout cela me confirme dans mon opinion sur Fran?ois Regnault. Il ne saura jamais faire que des images ou des statuettes. Je t'interdis de rien accepter d?sormais de ce gar?on-l?. --Est-ce qu'il y a du mal ? recevoir un pr?sent? --Sans doute, quand celui qui le fait esp?re un droit de retour. Te voil? maintenant l'oblig?e de Fran?ois, et je ne le veux pas, entends-tu je ne le veux pas. --Vous me grondez, petit p?re, dit Marie en jouant avec les cheveux du vieillard et en lui donnant un baiser sur le front. Est-ce que vous avez ? vous plaindre de moi? J'?coute docilement vos le?ons; je chante quand vous m'ordonnez de vous d?sennuyer; je prie le bon Dieu avec ardeur, matin et soir, pour que vous soyez illustre et heureux, pour qu'il vous fasse retrouver en votre fille les vertus qui distinguaient ma pauvre m?re. Enfin--et la jeune fille rendit sa voix encore plus caressante,--je vous ai promis de me soumettre ? vos volont?s. Vous choisirez vous-m?me mon mari, et je ne me plaindrai pas, s'il a les yeux noirs comme ceux du fils de la veuve Regnault. Mais voici les v?pres qui sonnent, ajouta Marie avant de quitter sa position de suppliante; vous ne me laisserez pas partir sans me promettre d'?tre plus indulgent pour Fran?ois? --Nous verrons! r?pondit Pierre Vardouin en embrassant sa fille. Et Marie s'?chappa des bras du ma?tre de l'oeuvre, emportant avec elle du bonheur et de l'esp?rance pour le reste de la journ?e et s'attachant au dernier mot de son p?re, comme l'hirondelle, qui traverse les mers, se repose sur le m?t d'un navire afin d'y prendre la force de continuer son voyage. A propos d'une fleur. Les premiers travaux de Pierre Vardouin ? Bretteville avaient ?t? signal?s par un triste ?v?nement. Un tailleur de pierre s'?tait bris? la t?te en tombant du haut d'un ?chafaudage. Marie, qui n'avait alors que huit ans, ?tait pr?sente ? l'agonie du pauvre ouvrier. La vue du sang la gla?a d'effroi; puis son coeur se gonfla et ses larmes coul?rent, quand on emporta le corps de la victime et lorsqu'elle entendit les g?missements de sa femme et de son enfant. Elle suivit son p?re dans la maison de ces infortun?s. A partir de ce jour, la veuve Regnault et son fils devinrent les prot?g?s de Pierre Vardouin. Fran?ois entra comme apprenti chez le ma?tre de l'oeuvre. En nettoyant les outils, en pr?parant les mortiers, l'adolescent n'aurait gagn? qu'un faible salaire si son patron ne l'e?t r?compens? plus largement en souvenir de ses malheurs. A part cette charit?, Pierre Vardouin s'inqui?tait fort peu de son apprenti, le croyant destin?, comme son p?re, ? mener une vie obscure et laborieuse. Une seule personne remarqua ses heureuses dispositions. C'?tait la petite Marie. Elle aimait ? s'entretenir avec lui; elle lui racontait les belles l?gendes des saints qu'elle avait entendu raconter elle-m?me ? sa m?re, tandis que Fran?ois fa?onnait de petites statuettes avec de la terre grasse ou dessinait sur le sable des cath?drales imaginaires. Rien n'?tait plus touchant que cette communication d'id?es entre deux enfants si jeunes. Bient?t Marie, sur les instances de son ami, se d?cida ? d?rober quelques-uns des rares manuscrits de son p?re. Elle les lui remettait en secret. Une fois rentr? chez lui, Fran?ois les ?tudiait avec ardeur, devinant les passages difficiles ? comprendre, tant son esprit avait de sagacit?, et reproduisant les dessins et les figures de g?om?trie. Au bout de cinq ans, il les savait par coeur. Il critiquait d?j? les travaux de son ma?tre; il tra?ait des plans de fantaisie, appelant de tous ses voeux le moment o? il commanderait ? son tour. Il n'?tait encore que simple manoeuvre! Pierre Vardouin fut ?merveill? des dispositions de son apprenti; sa facilit?, ses connaissances le frapp?rent d'?tonnement. Un instant, il songea ? lui confier ses ouvrages les plus d?licats: ses trac?s; ses mod?les, ses ?pures; mais, ? la r?flexion, il eut peur. Il se garda bien d'encourager et d'aiguillonner ce talent naissant, qui d?j? lui portait ombrage. La confidence de Marie r?veilla toutes les inqui?tudes de Pierre Vardouin. Fran?ois Regnault, son apprenti, son prot?g?, aim? de sa fille! Cette pens?e le faisait fr?mir. Pour peu que cette passion s'enracin?t dans le coeur de son enfant, il voyait le jour o? il serait oblig? de c?der ? son d?sir. Son gendre alors deviendrait son rival; sa jeune renomm?e ferait p?lir son ?toile. Il ?tait grand temps de lui ?ter toute esp?rance, en lui montrant l'inutilit? de ses pr?tentions. Quant ? Marie, il dirigerait son esprit vers d'autres id?es. On mettrait en jeu sa vanit?; on lui ferait comprendre qu'elle ne devait pas avoir d'amours vulgaires et qu'elle pouvait pr?tendre aux plus beaux partis. En cherchant ? se cacher ainsi la v?rit?, Pierre Vardouin en vint ? se tromper de bonne foi. Tout en combattant, par un sentiment d'inqui?tude personnel, les voeux de sa fille, il s'imagina travailler dans l'int?r?t de son enfant bien plus que dans celui de sa pr?somption. D?j? il caressait la pens?e d'une alliance avec un de ses anciens amis, Henry Montredon, alors employ? aux premiers travaux de l'abbaye de Saint-Ouen. Tandis que Pierre Vardouin roulait ces beaux projets dans sa t?te, Marie sortait de l'office en compagnie de la veuve Regnault et de son fils. La pauvre veuve, fid?le ? la m?moire de son mari, allait, tous les dimanches, prier sur sa tombe dans le cimeti?re du petit village de Norrey. Marie et Fran?ois l'accompagnaient habituellement dans cette pieuse promenade. La m?re pleurait en songeant ? la fin malheureuse de son mari; les deux jeunes gens fol?traient ? ses c?t?s et se jetaient des fleurs. Celle-ci r?citait la pri?re des morts, ceux-l? pensaient ? leurs amours et r?vaient le bonheur dans l'avenir. Cependant, on ?tait arriv? dans le cimeti?re de Norrey. Tous trois s'agenouill?rent avec respect pr?s d'une humble croix de bois et pri?rent du fond du coeur pour le pauvre ouvrier. Magdeleine, alors, fit signe aux jeunes gens de se lever. --Allez, dit-elle; votre ?ge n'est pas fait pour de longues douleurs. Laissez-moi prier seule et promenez-vous sous les grands arbres du bois sans trop vous ?loigner. Marie passa son bras sous celui de Fran?ois. Ils s'?loign?rent lentement sous l'oeil de la veuve qui, tout en priant pour le mort, demandait au ciel de leur faire la vie douce et facile. Gais et fol?tres, il n'y a qu'un moment, les jeunes gens avaient dans leur d?marche quelque chose de m?lancolique. Le devoir, qu'ils venaient d'accomplir, avait touch? leur esprit. Ou plut?t, purs comme des anges, une voix int?rieure leur disait que, maintenant qu'ils avaient ?chapp? ? la surveillance de Magdeleine, ils devaient agir avec plus de r?serve et r?primer les ?lans passionn?s de leurs coeurs. En ?changeant quelques paroles, ? de rares intervalles, ils arriv?rent ? l'entr?e du bois. Ils en connaissaient d?j? les moindres all?es et, sans qu'ils se communiquassent leurs impressions, leur promenade les ramenait toujours vers un tertre vert, banc rustique dont la nature avait fait tous les frais et o? les deux amants s'asseyaient sur un moelleux coussin de mousse. Le site ?tait ravissant et plein de fra?cheur. A deux pas de l?, une petite source s'?chappait de dessous terre, descendait, d'abord libre et d?gag?e de toute entrave, sur un terrain l?g?rement inclin?, puis s'enfon?ait en murmurant sous les buissons, comme si elle e?t reproch? aux herbes et aux jonquilles de lui barrer le passage. Plus loin, elle prenait possession de son lit et venait, brillant ruisseau, former de petites cascades sous les pieds des deux amants. Marie et Fran?ois, les mains dans les mains, admiraient sans mot dire ce petit coin de la cr?ation qui, pour eux, valait tout un monde, puisqu'ils y trouvaient le charme d'un beau site et deux coeurs qui battaient l'un pour l'autre. Ils se plaisaient surtout ? lancer dans le courant des mottes de terre ou des brins d'herbe, dont la chute faisait ballotter leur image ? la surface, ?cartant ou rapprochant leurs figures, selon le caprice du flot. --Pourquoi ne peut-on passer toute sa vie ainsi? dit Marie en cueillant une rose sauvage aux branches d'un ?glantier. Fran?ois la regardait, d'un air r?veur, rouler dans ses doigts la tige de la rose. --Oui, interrompit Marie, vous pensez beaucoup ? moi et encore plus ? la gloire. --La gloire? je ne l'atteindrai jamais... Je suis trop pauvre pour cela! Je pensais cependant que le temps est venu de ne plus emprunter ? la d?coration orientale ses palmettes et ses fleurs grasses. Je pensais qu'en reproduisant les v?g?taux du pays, en d?coupant d?licatement dans la pierre ces feuilles si fines, si ?l?gantes, on ferait mieux que de l'art: on ob?irait ? la loi de Dieu, dont la main g?n?reuse a si justement r?parti entre tous les climats les productions capables de les embellir, et qui ne veut pas qu'on d?laisse l'humble fleur de nos champs pour les plantes orgueilleuses de l'Orient. Quand nos p?res commenc?rent ? ?lever des ?glises, ils furent bien oblig?s de chercher des mod?les en terre ?trang?re. Les feuilles d'acanthe, les palmettes venaient naturellement couronner leurs colonnes massives. Ils s'essayaient, ils n'avaient pas encore trouv? la mani?re qui convient aux ?difices religieux; leurs arcades s'abaissaient lourdement sur la t?te des fid?les et semblaient arr?ter l'?lan des ?mes vers le ciel. Plus tard, on voulut plus d'espace, plus d'air, afin que les hymnes et les pri?res montassent plus librement au tr?ne du Seigneur. Comment se fit ce changement? Comment les ma?tres de l'oeuvre obtinrent-ils ce progr?s? En observant la nature. Voyez, Marie, comme ces grands arbres s'?l?vent majestueusement au-dessus de nos t?tes, comme ils se pressent, se rapprochent ? leur sommet et entrelacent leurs derni?res branches en forme de vo?te. Et, plus loin, remarquez ce groupe de ch?nes rabougris, dont les troncs paraissent abandonner avec regret le sol qui les nourrit; un cavalier passerait difficilement sous leurs rameaux et, d'o? nous sommes, on pourrait les prendre pour un ?norme buisson. Vous avez l? tout le secret de notre art et de celui de nos p?res: l? des colonnes ?cras?es, des arcades en plein-cintre; ici des f?ts de colonnettes l?g?res, des arcades ?lanc?es. Eh bien! je vous demande s'il ne serait pas d?raisonnable et contraire ? la nature d'attacher des feuilles de palmier ? ces arbres de notre pays, au lieu d'y suspendre des feuilles de saule, de lierre ou de rosier? Il y a des moments o? la langue humaine, si riche qu'on la suppose, n'a plus assez d'images pour exprimer la foule de pens?es et de sentiments qui vous assi?gent. Le mieux alors est de s'abandonner ? une vague r?verie, source de toute po?sie pour les hommes d'imagination. Le jeune homme cessa de parler. Ses yeux, noy?s dans l'infini, semblaient lire dans l'azur du ciel. C'est ainsi que devaient r?ver Pythagore, quand il ?tudiait le vrai dans le monde physique; Virgile, quand il ?tudiait le vrai dans le monde moral. Marie le contemplait avec ravissement. Mais elle s'inqui?ta bient?t de ce silence prolong?. Elle lui passa pr?s du visage la rose qu'elle tenait encore ? la main et dit en souriant: --C'est ? l'occasion de cette fleur que vous avez imagin? de si belles choses. Maintenant que vous vous taisez, si j'en cueillais une autre? --Ne l'oubliez pas, Marie, reprit l'apprenti: vous ?tes pour moi le principe des plus nobles pens?es. L'homme poss?de en lui d'admirables facult?s; mais tous ces tr?sors, si quelque hasard heureux ne les met au jour, sont expos?s ? rester ?ternellement cach?s dans son ?me. Il faut un rayon de soleil pour que le diamant brille et se distingue, par son ?clat, de la pierre brute qui l'entoure. Vous avez ?t? pour moi cette lumi?re bienfaisante. Auparavant, mon ?me ?tait remplie de t?n?bres. J'ignorais ma puissance; je ne savais pas ce qu'il y a en moi d'?nergie, d'imagination, de courage. Ma m?re m'avait appris ? prier, et je ne me rendais pas compte de ce que peut ?tre Dieu. Depuis, quand l'?ge est venu, quand je vous ai connue, j'ai su pourquoi j'aimais ma m?re et Dieu, pourquoi j'avais de l'intelligence. Et toutes ces notions me venaient de mon amour pour vous. Je vous voyais bonne et j'eus imm?diatement l'id?e d'une bont? sup?rieure ? la v?tre: Dieu m'?tait r?v?l?! Je vous voyais belle, et j'eus l'id?e d'une beaut? plus parfaite encore: j'eus le sentiment du beau! Je remarquai l'expression toujours vari?e de vos traits, la mobilit? de vos pens?es; et je fus dou? d'invention! Les quelques manuscrits de votre p?re m'ont donn? des connaissances; vous, vous m'avez donn? l'inspiration! Vous ?tes et vous serez le principe de tout ce que je ferai, de tout ce que j'imaginerai de grand et de beau! Plus le jeune homme parlait, plus les mots se pressaient harmonieux et sonores sur ses l?vres. Il s'exprimait avec toute la force d'une ?me libre et convaincue. Le sein de Marie se gonflait d'?motion. La voix de son ami frappait aussi doucement son oreille qu'une musique c?leste. --Si j'?tais peintre, continua Fran?ois, j'entourerais votre front d'une brillante aur?ole et je vous placerais entre la terre et les astres, sur la route du ciel. Si j'?tais sculpteur, je n'aurais pas assez de ma vie pour reproduire avec le marbre la finesse de vos traits, le charme de votre sourire! --Et moi, si j'?tais reine, r?pondit Marie en pressant avec effusion la main du jeune homme, je vous demanderais de me construire un palais, non pas pour avoir une magnifique demeure, mais pour vous faire ?lever un monument qui dirait votre nom aux si?cles futurs. Car vous ?tes grand, Fran?ois! car vous m?ritez d'?tre illustre! et je... Marie s'arr?ta, rougissante. Ce mot charmant ? dire, plus charmant ? entendre, ce mot si noble et tant de fois profan?, que chaque si?cle prononce et qui ne mourra jamais, ce mot: je t'aime! allait s'?chapper de sa bouche. Mais Fran?ois l'avait devin?. Ivre de bonheur, il approcha ses l?vres du front de la jeune fille. C'?tait le premier baiser. Marie sentit un frisson de plaisir courir par tous ses membres. En m?me temps, la sainte honte de la pudeur colora son visage; et la petite rose d'?glantier, qu'elle tenait ? la main, semblait p?lir de jalousie aupr?s de l'?clat de son teint. Marie n'avait pas oppos? de r?sistance. Elle ne fit pas non plus de reproches, parce qu'elle n'?tait pas coquette et qu'elle aimait de toute la force de son ?me. Elle ?tait heureuse! pourquoi se plaindre? Fran?ois ?prouvait plus d'embarras que son amie. Il s'?tait d?tourn?, plein de confusion et de regrets, s'accusant d?j? de trop d'audace. Il ne savait comment trouver des paroles d'excuse, lorsque, en se retournant, il comprit ? l'air souriant de Marie qu'il ?tait pardonn?. Il se rapprocha d'elle, et, prenant une de ses mains dans les siennes: --Marie, dit-il, nous nous aimons. Nous pouvons nous le dire sans crainte aujourd'hui, parce que nous sommes trop jeunes pour ?tre pers?cut?s... Mais, plus tard, Marie, si l'on voulait nous s?parer, trouveriez-vous la force de r?sister? --Vous savez que je d?pends de mon p?re, r?pondit tristement Marie. Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page |
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