BLAISE
Je pensais aux nouveaux ma?tres qui vont arriver, maman, et je cherche ? deviner s'ils sont bons ou mauvais.
MADAME ANFRY
Que tu es nigaud! Comment veux-tu deviner ce que sont des ma?tres que personne de chez nous ne conna?t?
BLAISE
On ne les conna?t pas ici, mais les gar?ons d'?curie qui sont arriv?s hier avec les chevaux les connaissent, et ils ne les aiment pas.
MADAME ANFRY
Comment sais-tu cela?
BLAISE
Parce que je les ai entendus causer pendant que je les aidais ? arranger leurs harnais; ils disaient que M. Jules, le fils de M. le comte et de Mme la comtesse, les ferait gronder s'il ne trouvait pas son poney et sa petite voiture pr?ts ? ?tre attel?s; ils avaient l'air d'avoir peur de lui.
MADAME ANFRY
Eh bien, cela prouve-t-il qu'il soit m?chant et que les ma?tres sont mauvais?
BLAISE
Quand de grands gar?ons comme ces gens d'?curie ont peur d'un petit gar?on de onze ans, c'est qu'il leur fait du mal.
MADAME ANFRY
Quel mal veux-tu que leur fasse un enfant?
BLAISE
Ah! voil?! C'est qu'il va se plaindre, et que son p?re et sa m?re l'?coutent, et qu'ils grondent les pauvres domestiques. Je dis, moi, que c'est m?chant.
MADAME ANFRY
Et qu'est-ce que ?a te fait, ? toi? Tu n'es pas leur domestique; tu n'as pas ? te m?ler de leurs affaires. Reste tranquille chez toi, et ne va pas te fourrer au ch?teau comme tu faisais toujours du temps de M. Jacques.
BLAISE
Ah! mon pauvre petit M. Jacques! En voil? un bon et aimable comme on n'en voit pas souvent. Il partageait tout avec moi; il avait toujours une petite friandise ? me donner: une poire, un g?teau, des cerises, des joujoux; et puis, il ?tait bon et je l'aimais! Ah! je l'aimais!... Je ne me consolerai jamais de son d?part.>>
Et Blaise se mit ? pleurer.
MADAME ANFRY
Voyons, Blaise, finis donc! Quand tu pleurerais tout ce que tu as de larmes dans le corps, ce n'est pas cela qui les ferait revenir. Puisque son p?re a vendu aux nouveaux ma?tres, c'est une affaire faite, et tes larmes n'y peuvent rien, n'est-ce pas? Moi aussi, je regrette bien M. et Mme de Berne, et tu ne me vois pourtant pas pleurer...>>
Mme Anfry fut interrompue par le claquement d'un fouet et une voix forte qui appelait:
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