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Read Ebook: La Suggestibilité by Binet Alfred
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next Page Prev PageEbook has 1159 lines and 170688 words, and 24 pagesDans ces chiffres sont confondus les enfants qui, avant la suggestion, ont fait une d?signation exacte de la ligne ?gale au mod?le, et les enfants qui ont fait une d?signation fausse. Il faut maintenant distinguer ces deux groupes d'enfants, dont chacun pr?sente un int?r?t particulier. Les enfants qui se sont tromp?s une premi?re fois font en g?n?ral une d?signation plus exacte, gr?ce ? la suggestion; ainsi, si l'on compte ceux dont la seconde d?signation se rapproche plus du mod?le que la premi?re, on en trouve 81 p. 100, tandis que ceux qui s'en ?loignent davantage forment une petite minorit? de 19 p. 100. Quant aux enfants qui ont vu juste la premi?re fois, ils sont remarquables par la fermet? avec laquelle ils r?sistent ? la suggestion, qui, dans leur cas, est perturbatrice; 56 p. 100 seulement abandonnent leur premi?re opinion, tandis que dans le cas d'une r?ponse inexacte, il y en a 72 p. 100 qui changent de d?signation. Derni?rement, un anthropologiste italien, Vitale Vitali, a reproduit nos exp?riences dans les ?coles de la Romagne, et il est arriv? ? des r?sultats encore plus frappants que les n?tres. Il a constat? comme nous que les changements d'opinion se font bien plus facilement dans l'op?ration de m?moire que dans la comparaison directe; le nombre de ceux qui changent d'opinion est ? peu pr?s le double dans le premier cas; il a vu aussi que cette suggestibilit? diminue beaucoup avec l'?ge, et enfin qu'elle est moins forte chez ceux qui ont vu juste la premi?re fois que chez ceux qui s'?taient tromp?s. Nos chiffres ?taient les suivants: pour ceux ayant vu juste la premi?re fois, les suggestibles ?taient de 56 p. 100, tandis que pour ceux qui s'?taient tromp?s, les suggestibles ?taient de 72 p. 100. Les r?sultats de Vitale Vitali sont encore plus nets; pour le premier groupe, il trouve 32 p. 100, et pour le second 80 p. 100. C'est donc une confirmation sur tous les points. Le m?me auteur a imagin? une variante curieuse de l'exp?rience susdite, en appliquant deux pointes de compas sur la peau d'un ?l?ve, et en lui demandant, lorsque l'?l?ve avait accus? une pointe ou deux: < Ainsi que nous l'avons fait nous-m?mes, Vitali insiste sur l'importance de la personnalit? de l'exp?rimentateur, personnalit? qui fait beaucoup varier les r?sultats. Il d?clare m?me qu'ayant r?p?t? apr?s quelque temps les m?mes tests sur les m?mes sujets, il a trouv? des variations ?normes. Nous croyons qu'il e?t ?t? utile d'?tudier ces variations et d'en rechercher les causes. M. Victor Henri a fait avec M. Tawney quelques exp?riences sur la sensibilit? tactile, pour ?tudier l'influence de l'attente et de la suggestion sur la perception de deux pointes lorsqu'on ne touche qu'un seul point de la peau; avant chaque exp?rience on montrait au sujet le compas avec les deux pointes pr?sentant un ?cart bien d?termin?; puis le sujet fermait les yeux, et on touchait sa peau avec une seule pointe; sous l'influence de cette suggestion, les appr?ciations du sujet sont profond?ment troubl?es; le plus souvent, il per?oit deux pointes au lieu d'une, et de plus, il juge l'?cart d'autant plus grand que l'?cart r?el qu'on lui a montr? est plus grand. Cela est tr?s curieux, et on pourrait bien, de cette mani?re, mesurer la suggestibilit? du sujet par le nombre de fois qu'il per?oit une pointe au lieu de deux; mais il aurait ?t? tr?s int?ressant de savoir s'il y a quelque relation entre la suggestibilit? de la personne et la finesse de sa sensibilit? tactile; c'est une question qui malheureusement n'a pas ?t? examin?e. Les exp?riences de MM. Henri et Tawney sont des exp?riences de suggestion; voici pourquoi: il n'y a pas, ? proprement parler, d'ordre donn? sur un ton imp?ratif; mais l'id?e pr?con?ue de deux pointes est accept?e par le sujet pendant toute la s?ance parce qu'il a confiance dans la parole de l'op?rateur et qu'il croit que l'op?rateur est incapable de le tromper; en effet, comme dans les laboratoires de psychologie on ne fait gu?re d'exp?riences de suggestion, les ?l?ves ne sont point habitu?s ? des exp?riences de mensonge, et ils ne songent pas ? se m?fier de ce qu'on leur dit. C'est donc de la suggestion dans le sens de confiance plut?t que dans le sens d'ob?issance. Ce sont de petites nuances qui se pr?ciseront sans doute dans les ?tudes ult?rieures. Quels ont ?t? les r?sultats? Notons tout d'abord que la reproduction de la premi?re ligne--ce qui est une pure exp?rience de m?moire, sans suggestion d'aucune sorte--donne lieu ? d'?normes diff?rences individuelles, comprises, pour la premi?re classe, entre deux extr?mes: 60 millim?tres et 28 millim?tres; la ligne avait en r?alit? 50 millim?tres; or, il y a eu seulement trois ?l?ves sur vingt-cinq qui ont dessin? une ligne ?gale ou sup?rieure au mod?le; tous les autres ont dessin? une ligne plus petite; par cons?quent, on peut affirmer qu'il y a bien , une tendance des enfants ? diminuer la longueur des lignes de 50 centim?tres en les reproduisant dans la m?moire. Dans la deuxi?me classe, il y a eu 3 ?l?ves reproduisant une ligne sup?rieure ? 50; tous les autres ?l?ves ont reproduit des lignes plus courtes; enfin, semblablement, dans la troisi?me classe, nous n'en trouvons que deux dessinant une ligne plus longue que le mod?le, tous les autres ont fait plus court. En examinant quelle diff?rence les ?l?ves ont indiqu?e entre la premi?re ligne et la seconde on trouve que bien peu d'?l?ves ont jug? r?ellement la seconde ligne plus petite que la premi?re; par cons?quent, la suggestion a ?t? efficace; 9 ?l?ves seulement, sur les 86 des trois classes, ont dessin? une seconde ligne plus courte; on peut donc dire que 9 ?l?ves seulement ont r?sist? ? la suggestion et ont cru au t?moignage de leur m?moire plus qu'? la parole de leur ma?tre; et encore, cette remarque comporte une r?serve; il est probable que ces r?fractaires ont quand m?me ?t? un peu influenc?s par la suggestion, car un seul a rendu la seconde ligne plus petite de 10 millim?tres, ce qui ?tait l'?cart r?el; tous les autres ont amoindri cette diff?rence; 2 l'ont faite de 7 millim?tres, 2 l'ont faite de 5, etc. Ils ont compos? entre le t?moignage de leur m?moire et la parole du ma?tre. Quant ? ceux qui, ob?issant ? la suggestion, ont dessin? la seconde ligne plus grande que la premi?re, ils pr?sentent des degr?s tr?s diff?rents de suggestibilit?. Les ?carts ont pu atteindre 10 millim?tres assez fr?quemment, et une fois m?me, l'?cart a d?pass? 20 millim?tres, ce qui veut dire qu'au lieu de faire la seconde ligne plus courte de 10 millim?tres, le sujet a ?t? tellement docile ? la suggestion, qu'il a fait la seconde plus longue de 20 millim?tres; en d'autres termes, la suggestion a produit dans ce cas extr?me, une erreur de 30 millim?tres, erreur ?norme si on consid?re qu'elle a port? sur une longueur totale de 50 millim?tres. En moyenne, on a fait la seconde ligne plus grande de 6 millim?tres et comme elle ?tait en r?alit? plus petite de 10 millim?tres, l'erreur totale est de 1 cm. 5 environ. Il est ? remarquer que les enfants les plus jeunes se sont montr?s les plus suggestibles. Nous trouvons en effet, dans la premi?re classe, que 7 ?l?ves seulement ont fait la seconde ligne de 5 millim?tres plus grande que la premi?re; au contraire, dans la troisi?me classe, le nombre d'?l?ves qui sont dans ce cas est de 16. Du reste, dans nos exp?riences ant?rieures avec M. Henri sur la suggestibilit? scolaire, nous avions aussi constat? que les plus jeunes enfants ont plus de suggestibilit? que les enfants plus ?g?s. Cette seconde suggestion a ?t? moins efficace que la premi?re; les ?l?ves semblent s'?tre mieux rendu compte de la longueur vraie des lignes; tandis que la premi?re fois 5 ?l?ves seulement avaient fait un dessin en sens contraire de la suggestion, on en trouve 16 dans le m?me cas ? la seconde reprise. Il nous a paru n?cessaire d'examiner nos r?sultats de plus pr?s, et de rechercher si chaque ?l?ve avait pr?sent? pendant les deux ?preuves la m?me suggestibilit? ou la m?me r?sistance. Nous allons diviser tous nos sujets en cinq groupes: 1? ceux qui ont fait ? la premi?re suggestion une seconde ligne moindre que la premi?re ; 2? ceux qui ont fait ? la premi?re suggestion une seconde ligne ?gale ? la premi?re, ou sup?rieure de 1, 2 ? 4 millim?tres; 3? ceux qui ont fait ? la premi?re suggestion une seconde ligne sup?rieure de 4 ? 8 millim?tres; 4? ceux qui ont fait ? la premi?re suggestion la seconde ligne sup?rieure de 8 ? 12 millim?tres; enfin, 5? ceux qui ont fait ? la premi?re suggestion la seconde ligne sup?rieure de 12 ? 20 millim?tres. On voit que ce groupement exprime l'ordre de suggestibilit?, les ?l?ves du cinqui?me groupe se sont montr?s plus suggestibles que ceux du quatri?me groupe, et ainsi de suite jusqu'au premier groupe. Or voici les r?sultats donn?s par ce calcul: Ordre Nombre Suggestion Suggestion de des de d'allongement raccourcissement Groupes. Sujets. de la ligne. de la ligne. Ces chiffres, pour ?tre clairs, exigent une courte explication. Dans la premi?re ?preuve, rappelons-le, la seconde ligne pr?sent?e ?tait plus courte que la premi?re de 10 millim?tres, mais la suggestion donn?e ?tait que cette seconde ligne ?tait la plus longue. Par cons?quent, les ?l?ves qui l'ont dessin?e plus courte, comme ceux de notre premier groupe qui l'ont dessin?e avec une longueur moindre de 4mm,6, ont ?t? plus exacts que ceux du deuxi?me groupe, qui ont donn? ? cette ligne une longueur plus grande que la premi?re, plus grande de 3mm,07; ? leur tour, les sujets du second groupe ont ?t? plus exacts que ceux du troisi?me et ceux du quatri?me groupes, puisque ceux-ci ont allong? encore davantage la seconde ligne, qui ?tait cependant plus courte. Il est donc bien clair que nous avons ?tabli nos quatre groupes dans l'ordre de la suggestibilit? croissante. Or, qu'on comprenne bien ce point, ce sont les sujets formant chacun de ces quatre groupes dont on a cherch? ? appr?cier les r?sultats dans la seconde ?preuve; nous avons voulu savoir si les ?l?ves A, B, C, etc., formant le premier groupe, le meilleur, le plus r?sistant ? la suggestion de la premi?re ?preuve ont manifest? les m?mes qualit?s d'exactitude et de r?sistance ? la suggestion dans la seconde ?preuve; et pour cela, nous avons calcul? les ?carts de lignes pr?sent?s par ces sujets dans cette seconde ?preuve. Seulement, il faut se souvenir que dans la seconde ?preuve la suggestion donn?e ?tait une suggestion de raccourcissement; et que la ligne qu'on pr?sentait ? dessiner ?tait r?ellement plus grande que la pr?c?dente; par cons?quent, les ?l?ves les plus exacts ? cette seconde ?preuve sont ceux qui ont dessin? la ligne plus grande que la pr?c?dente; et parmi ceux qui l'ont dessin?e plus courte, les plus exacts sont ceux qui ont le moins exag?r? cette diff?rence en moins. Ces explications feront comprendre les oppositions de signe alg?brique que l'on rencontre dans les r?sultats des ?preuves pour un m?me groupe de sujets. Il est clair maintenant qu'il existe une concordance bien remarquable entre les deux ?preuves; on voit en effet, que les ?l?ves du premier groupe qui avaient r?sist? ? la suggestion d'allongement de la premi?re ?preuve ont ?galement r?sist? ? la suggestion de raccourcissement de la seconde ?preuve, puisqu'ils ont dessin? la troisi?me ligne avec 2 millim?tres en plus tandis que la suggestion tendait ? la faire dessiner plus petite; de m?me, on voit dans les groupes suivants que plus un groupe a ob?i ? la suggestion d'allongement de la premi?re ?preuve, plus il a ob?i ? la suggestion de raccourcissement de la seconde. Le r?sultat est aussi net qu'on peut le souhaiter. Qu'est-ce que ces exp?riences nous apprennent de plus sur la suggestibilit? des enfants? C'est l? une question utile qu'on devrait se poser ? propos de chaque ?tude nouvelle. Nos exp?riences fournissent un nouveau moyen, d'une efficacit? v?rifi?e, pour mesurer la suggestibilit? des enfants; et le proc?d? nous para?t recommandable puisqu'il fait appara?tre de tr?s grandes diff?rences individuelles. Nous avons pu constater en outre que les enfants les plus suggestibles sont ceux de la troisi?me classe, c'est-?-dire les plus jeunes. Cette ?preuve nous a montr? la possibilit? de faire ? la suite l'une de l'autre deux exercices de suggestibilit?, dans lesquels les enfants se comportent ? peu pr?s de la m?me mani?re, et gardent chacun leur degr? propre de suggestibilit?; cette confirmation est tr?s importante; elle nous montre que la suggestibilit? pr?sente un certain caract?re de constance, au moins lorsque l'exp?rience est bien conduite. Enfin, nous avons eu ? noter qu'une suggestion r?p?t?e a moins d'efficacit? la seconde fois que la premi?re: cet affaiblissement est sans doute sp?cial ? ces suggestions indirectes de l'?tat de veille, qui ne constituent point ? proprement parler des mains-mises sur l'intelligence des individus; dans les exp?riences d'hypnotisme, au contraire, la suggestibilit? de l'individu hypnotis? cro?t avec le nombre des hypnotisations. M. Michel m'a communiqu? le classement intellectuel que les professeurs ont fait des ?l?ves qui ont servi ? ces exp?riences; le classement est, comme c'est l'habitude, tripartite; les ?l?ves sont divis?s en: 1? intelligence vive; 2? intelligence moyenne; et 3? intelligence faible. De notre exp?rience collective ? une exp?rience de cours il n'y a qu'un pas. Voil? ? peu pr?s quelles sont les ?tudes qui ont ?t? faites jusqu'ici sur la suggestibilit? ou suggestion ? l'?tat de veille et chez les sujets normaux. Il semble que quand elle est r?duite ? sa forme la plus simple, l'?preuve de la suggestion ? l'?tat de veille constitue un test de docilit?; et il est vraisemblable que des individus dress?s ? l'ob?issance passive s'y conformeront mieux que les ind?pendants. Rappelons-nous ce fait si curieux, que d'apr?s les statistiques de Bernheim les personnes les plus sensibles ? l'hypnotisme--c'est-?-dire ? la suggestion autoritaire--ne sont pas, comme on pourrait le croire, les femmes nerveuses, mais les anciens militaires, les anciens employ?s d'administration, en un mot, tous ceux qui ont contract? l'habitude de la discipline et de l'ob?issance passive. ERREURS D'IMAGINATION Il m'a sembl? que l'?tude de cette question rentre dans notre sujet, bien qu'elle soit un peu distincte, th?oriquement, de la suggestibilit?. Il s'agit ici d'une disposition ? imaginer, ? inventer, sans s'apercevoir qu'on imagine, et en attachant la plus grande importance et tous les caract?res de la r?alit? aux produits de son invention. ? ce trait chacun peut reconna?tre plus d'une de ses connaissances, et Alphonse Daudet a dans un de ses romans peint de pied en cap un de ces personnages, qui est sans cesse la victime d'une imagination ? la fois trop riche et trop mal gouvern?e. Je me demande s'il ne serait pas possible de faire une ?tude r?guli?re de cette disposition mentale; je suis m?me tr?s ?tonn? qu'aucun auteur n'en ait encore eu l'id?e. Ce serait cependant plus utile que beaucoup de chinoiseries auxquelles on a eu le tort d'attribuer tant d'importance. Quelle m?thode faudrait-il prendre? La plus simple vaudrait le mieux. Je me rappelle qu'il y a une quinzaine d'ann?es, M. Ochorowicz, auteur qui a ?crit un ouvrage plein de finesse sur la suggestion mentale, vint a la Salp?tri?re pour montrer ? Charcot un gros aimant en forme de bague, qu'il appelait l'hypnoscope; il disait qu'il mettait cet aimant au doigt d'une personne, qu'il l'interrogeait ensuite sur ce qu'elle ?prouvait, qu'il recherchait si l'aimant avait produit quelque petit changement dans la motilit? ou la sensibilit? du doigt ou de la main, et qu'il pouvait juger tr?s rapidement si une personne ?tait hypnotisable ou non. Dans le cabinet de Charcot on fit venir, l'une apr?s l'autre, une vingtaine de malades, et M. Ochorowicz les examina et d?clara pour chacune d'elles s'il la croyait hypnotisable ou non; il ?tait convenu qu'on prendrait note de ses observations, et qu'on chercherait ? les v?rifier; mais je doute fort que l'affaire ait eu une suite quelconque, l'attention du Ma?tre ?tait ailleurs. Je crois qu'on pourrait adopter, pour l'?tude de l'attention expectante, un dispositif analogue ? celui que je viens de signaler; par exemple un tube dans lequel le sujet devrait laisser son doigt enfonc? pendant cinq minutes; on prendrait des mesures pour donner ? l'exp?rience un caract?re s?rieux, et surtout on r?glerait d'avance les paroles ? adresser au sujet; apr?s quelques t?tonnements in?vitables, il me para?t certain qu'on arriverait tr?s vite ? un r?sultat. De telles recherches montreraient surtout si l'?tat mental de suggestibilit? a quelque analogie avec l'?tat mental d'attention expectante . INCONSCIENCE, DIVISION DE CONSCIENCE ET SPIRITISME La personne qui s'est pr?t?e aux exp?riences est un jeune homme de vingt-deux ans, ?tudiant ? l'Universit?, paraissant jouir d'une excellente sant?, ne s'?tant jamais occup? de spiritisme, et n'ayant jamais ?t? hypnotis?. Cependant, ces deux assertions ne sont pas tout ? fait exactes; s'il n'a pas fait de spiritisme, il a cependant caus?, quatre ans auparavant, avec une de ses tantes, qui est spirite, et il a lu probablement quelques livres de spiritisme; mais ces lectures n'ont fait aucune impression sur lui; et il a jug? tous les ph?nom?nes spirites comme une superstition curieuse. Pour l'hypnotisme, il a assist? ? deux ou trois s?ances donn?es par un hypnotiseur de passage, et il s'est offert ? lui servir de sujet; on a constat? qu'il ?tait un bon sujet. Un jour, ayant lu quelques observations sur les suggestions post-hypnotiques, il en causa avec l'auteur, M. W. Patrick, qui, sur sa demande, l'hypnotisa et lui donna pendant le sommeil l'ordre d'ex?cuter au r?veil certains actes insignifiants, comme de prendre un volume dans une biblioth?que; ces ordres furent ex?cut?s de point en point, et, comme c'est l'habitude, ils ne laiss?rent apr?s eux aucun souvenir. Quelque temps apr?s, le sujet,--nous l'appellerons Henry W.,--apprit ? l'auteur que lorsqu'il tenait un crayon ? la main et pensait ? autre chose, sa main ?tait continuellement en mouvement et tra?ait avec le crayon des griffonnages d?nu?s de sens. C'?tait un rudiment d'?criture automatique. Patrick se d?cida ? ?tudier cette ?criture automatique, et il le fit dans six s?ances, dont les trois derni?res furent s?par?es des premi?res par deux ans d'intervalle. L'?tude se fit de la mani?re suivante: on se r?unissait dans une pi?ce silencieuse, le sujet tenait un crayon dans sa main droite et appuyait le crayon sur une feuille de papier blanc; il ne regardait pas sa main, il avait la t?te et le corps tourn?s de c?t?, et il tenait dans sa main gauche un ouvrage int?ressant, qu'il devait lire avec beaucoup d'attention. Naturellement, comme ces exp?riences ?taient faites en partie sur sa demande et excitaient vivement sa curiosit?, il se pr?occupait beaucoup de ce que sa main pouvait ?crire, mais il ignorait absolument ce qu'elle ?crivait; on lui permit quelquefois, pas toujours, de relire ce que sa main avait ?crit; il avait autant de peine que n'importe quelle autre personne ? d?chiffrer sa propre ?criture. Dans quelques cas, on le pria de quitter la lecture de son livre et, de surveiller attentivement les mouvements de sa main, sans la regarder; il eut alors conscience des mouvements qu'elle ex?cutait; mais sauf ces cas exceptionnels, l'?criture ?tait trac?e automatiquement. Maintenant, comment l'op?rateur entrait-il en communication avec cette main? Je ne le vois pas clairement dans l'article. Il est tr?s probable que Patrick a employ? la m?thode usuelle et la plus commode; il adressait ? demi voix les questions ? Henry W.; celui-ci ne r?pondait pas, et n'entendait pas, son attention ?tant distraite par la lecture du livre; mais sa main ?crivait la r?ponse. C'est de cette mani?re qu'on a pu obtenir toute une s?rie de demandes et r?ponses qui sont publi?es dans l'article. Il est important d'ajouter que le sujet est un jeune homme dont la sinc?rit? et la loyaut? sont au-dessus de tout soup?on, car il serait assez facile de simuler des ph?nom?nes de ce genre, feindre de lire, ?couter et r?pondre par ?crit; mais nous avons comme garantie contre la fraude non seulement les r?f?rences donn?es par l'auteur mais encore ce fait important que ces d?doublements de conscience sont aujourd'hui bien connus et ont ?t? observ?s dans des conditions d'une pr?cision irr?prochable par des auteurs dignes de foi. La premi?re s?ance commen?a ainsi: Cette premi?re r?ponse ?tait illisible et Henry W. fut autoris? ? lire son ?criture: il d?chiffra le mot Satan et rit; mais d'autres questions montr?rent que la vraie r?ponse ?tait Laton. Cette r?ponse est inexplicable, car dans la suite Laton a toujours manifest? le caract?re d'un homme. Les questions suivantes furent faites pour conna?tre un peu de la biographie de ce Bart Laton. Il se trouva que certaines de ses r?ponses ?taient justes, et d'autres fausses, et que ses connaissances ?taient ? peu pr?s celles de Henry W. Voici encore un ?chantillon de ces dialogues. Deux jours apr?s: Henry W. interrog? connaissait seulement trois de ces noms. Une semaine apr?s: La question de l'op?rateur a pour but de donner une suggestion que le sujet a tr?s na?vement accept?e. On a vu du reste qu'il avait accept? aussi un autre nom, celui de Frank Sabine. Ce personnage qui guide l'?criture de la main est donc tr?s suggestible. Deux ans apr?s: Une autre fois, on a cherch? ? mettre Laton en col?re. De toutes les r?ponses de Laton celle-ci est la seule qui d?note ce que l'auteur appelle une facult? d'intuition. M. Patrick a eu un oncle de ce nom, mort dans la guerre civile et dont il porte le nom m?l? au sien de la mani?re suivante: George-Thomas-White Patrick. Henry W. ignorait ce fait, quoiqu'il ait eu l'occasion de voir le nom de M. Patrick ?crit en d?tail; interrog? sur George White, Laton f?t une foule d'erreurs sur son genre de mort, la date de sa mort, etc. Divers autres essais furent faits pour savoir si ce Laton avait quelque pouvoir t?l?pathique; mais on ne put rien obtenir. R?sumons d'apr?s les conversations pr?c?dentes la psychologie de ce personnage qui s'est donn? le nom de Laton. Ce personnage s'est d?velopp?, d?fini et caract?ris? sous l'influence des questions adress?es par Patrick, et il s'est d?velopp?, remarquons-le bien, ? l'insu de Henry W. qui ne sait de lui que ce qu'il a pu apprendre quand on lui a permis de relire quelques ?chantillons d'?criture automatique. Si surprenant que ce fait puisse para?tre, il faut cependant l'admettre comme absolument r?el, car il est surabondamment prouv?. Ce personnage secondaire, subconscient, existe donc, et chose curieuse, il pr?sente un certain nombre de caract?res qu'on reconna?t ? presque toutes les incarnations du m?me genre. D'abord, il est tr?s suggestible; on a vu avec quelle facilit? Patrick l'a d?baptis?, et lui a impos? le nom de Frank Sabine; ensuite ce personnage est au courant de tout ce qui s'est dit et fait pendant que Henry W. ?tait hypnotis?. Nous avons rapport? plus haut que Henry W. a ?t? hypnotis? par Patrick et ne se rappelait pas au r?veil les divers incidents de son sommeil; cet oubli au r?veil n'existe point pour Laton. Ce fait important, qui a ?t? d?couvert, croyons-nous, par Gurney, jette quelque jour sur la nature de ces personnages qui s'expriment par l'?criture automatique; il y a un lien entre ces manifestations spirites de la veille, et les s?ances d'hypnotisme, plus qu'un lien, une continuit?, et c'est la m?moire qui prouve cette continuit?. Patrick insiste aussi, avec raison, sur le caract?re vulgaire des r?ponses, sur la pauvret? d'imagination et de raisonnement qu'elles nous montrent, sur le manque d'attention et d'effort, Laton ?tant incapable m?me de faire une op?ration correcte d'arithm?tique; autres faits curieux ? relever, les pr?tentions de Laton, son ton emphatique, ses efforts ridicules pour donner des r?ponses profondes, et la grossi?ret? de ses expressions quand on le taquine ou qu'on le met en col?re. Tout cela indique un pauvre esprit. Mais ce pauvre esprit para?t avoir de temps en temps un rudiment de belles et brillantes facult?s intuitives; il semble conna?tre des choses que Henry W. ignore et n'a pu apprendre. Patrick a ?tudi? de pr?s ce c?t? de la question, il a fait des enqu?tes pour v?rifier avec le plus grand soin les affirmations de Laton. Le plus souvent, ces affirmations se sont trouv?es erron?es; mais parfois il y a eu quelque chose qui semble d?passer les moyens ordinaires de connaissance. Patrick ne cherche point ? expliquer cette facult? d'intuition, mais il pense qu'on ne peut la nier compl?tement, car on la retrouve dans beaucoup d'observations analogues et elle est comme un trait de caract?re du personnage qui se manifeste par l'?criture automatique. L'opinion de Patrick para?t ?tre que cette facult? d'intuition est une facult? naturelle, perdue par l'homme civilis?, comme cette acuit? des sens qu'on observe encore, para?t-il, chez les sauvages. Enfin, cette obsession qu'a eu le personnage subconscient de se consid?rer comme un esprit, comme l'esprit d'un individu ayant v?cu autrefois, comment faut-il la comprendre? Il est ? supposer que la mani?re dont les questions ont ?t? pos?es explique un peu ce r?sultat. On a demand?: < Ce qu'il y a d'essentiel dans les observations et exp?riences de ce genre, c'est le fait m?me de la division de conscience; le reste est une affaire d'orientation des id?es, et varie avec les croyances des individus, avec les r?cits qu'ils entendent faire, avec les opinions courantes; dans nos soci?t?s modernes, la division de conscience conduira ? la d?sincarnation ou ? la r?incarnation de l'esprit des morts; dans les couvents du moyen ?ge, ce seront les d?mons qui viendront agiter les corps des malheureuses religieuses; ailleurs encore--et c'est l? un des faits les plus surprenants qu'on puisse imaginer--cette division de conscience devient un instrument de travail pour une oeuvre litt?raire: c'est un ph?nom?ne naturel que l'auteur cultive et dirige. Le cas de Patrick est un peu passif; son sujet ne se livre ? l'?criture automatique que dans les s?ances dont nous venons de transcrire le r?cit; en dehors de ces s?ances le personnage secondaire ne para?t pas, il n'agit pas, il fait le mort. Aussi ne peut-on pas, avec ce seul exemple, se faire une id?e juste du r?le que le personnage secondaire peut remplir. Je crois utile de reproduire ici une observation que Flournoy vient de publier tout r?cemment; elle compl?te la pr?c?dente. < < < M. Flournoy, commentant cette observation, remarque: < <<1? ? ce que M. Til m'a racont? lui-m?me, sans para?tre d'ailleurs en comprendre l'importance, il avait remarqu?, deux ou trois semaines avant son acc?s de spiritisme, que son fils fumait beaucoup de cigarettes, et il lui en avait fait l'observation. Le jeune gar?on s'excusa en disant que ses camarades de bureau en faisaient autant, ? l'exemple du patron lui-m?me, qui ?tait un enrag? fumeur et laissait m?me tra?ner ses cigarettes partout, en sorte que rien ne serait plus facile que de s'en servir si l'on voulait. Cette explication ne laissa pas que d'inqui?ter un peu M. Til, qui est la probit? en personne, et qui se rappelle avoir pens? tout bas: Pourvu que mon fils n'aille pas commettre cette ind?licatesse! On se demandera peut-?tre comment il est possible de trouver chez un individu normal des signes de cette divisibilit? de conscience. Cette recherche int?resse peu les spirites et la g?n?ralit? des hypnotiseurs, qui se contentent d'?tudier les cas brillants et complets. Je crois bien ?tre le premier qui ait fait une ?tude suivie de cette question, et j'ai ?t? fort aise de voir que mes premi?res ?tudes, qui datent d'une dizaine d'ann?es, ont ?t? reprises, contr?l?es dans des laboratoires am?ricains par Solomons et Stein, qui du reste ont n?glig? de me citer. Il est bien certain que si on se contente de mettre un crayon dans la main d'une personne, et de lui faire lire attentivement un livre, puis de lui adresser une question, comme le faisait Patrick, de deux choses l'une: ou bien la personne n'entendra pas et son crayon restera immobile, ou bien la personne entendra la question et r?pondra elle-m?me de vive voix. Voil? ce qui se produit le plus souvent. Il faut que le ph?nom?ne de l'?criture automatique soit d?j? un peu d?velopp? pour appara?tre d?s la premi?re heure, au premier appel, comme chez Henry W. Quand on a affaire ? des individus normaux, il est n?cessaire de prendre plus de d?tours; on ne peut songer ? des proc?d?s directs qui, lorsqu'ils ne r?ussissent pas, ont l'inconv?nient de couvrir l'op?rateur de confusion. Voici la m?thode que je pr?conise: elle est lente, et exige un peu de patience; c'est son principal inconv?nient. Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page |
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