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Munafa ebook

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Read Ebook: La sorcellerie by Louandre Charles

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Ebook has 131 lines and 34246 words, and 3 pages

SORCELLERIE

PAR

CH. LOUANDRE

PARIS

LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET Cie

RUE PIERRE-SARRAZIN, No 14

LA SORCELLERIE.

Universalit? des sciences occultes.--Leurs diff?rentes divisions.--Sorciers mentionn?s dans la Bible.--R?le de Satan d'apr?s la tradition chr?tienne.--Le diable de la sorcellerie, distinction essentielle.

C'est une croyance universelle, et pour ainsi dire une tradition native du genre humain, que l'homme, ? l'aide de certaines formules et de certaines pratiques, emprunt?es tant?t ? la religion, tant?t ? la science, peut changer les lois ?ternelles de la nature, soumettre ? sa volont? les ?tres invisibles, s'?lever au-dessus de sa propre faiblesse, et acqu?rir la connaissance absolue et la puissance sans limites. Ces dons sup?rieurs auxquels il aspire, il les demande indistinctement aux ?l?ments, aux nombres, aux astres, aux songes, au principe ?ternel du bien comme au g?nie du mal, aux anges, ? Satan. ?gar? par son orgueil, il cr?e toute une science en dehors de l'observation positive; et, pour r?gner en ma?tre absolu sur la nature, il outrage ? la fois la religion, la raison et les lois. Cette science, c'est la magie, qui se divise, suivant les temps et les lieux, en une infinit? de branches: cabale, divination, n?cromancie, g?omancie, philosophie occulte, philosophie herm?tique, astrologie, etc., science empoisonn?e dans sa source, qui se r?sume, au moyen ?ge, dans la sorcellerie, et qui, toujours maudite, toujours combattue par les lois de l'?glise et de la soci?t?, repara?t toujours impuissante et convaincue.

Ainsi, entre la magie et le r?le de Satan dans l'?criture, et la magie et le r?le de Satan dans le moyen ?ge, il y a cette diff?rence essentielle et profonde que, d'un c?t?, le d?mon n'est jamais qu'un vaincu qui n'agit que par la permission de Dieu, qui reste enti?rement ind?pendant de l'homme, et qui, dans la sph?re m?me la plus redoutable de son action, n'est encore que l'instrument docile du souverain ma?tre. Dans la sorcellerie, au contraire, le d?mon est asservi ? la volont? de l'homme; il se met au service de ses haines, de ses passions. Il se r?volte de nouveau contre Dieu, et semble vouloir faire retourner le monde ? l'antique idol?trie. Cette distinction, nettement, ?tablie, et sans toucher davantage aux questions qui sont plac?es par la foi en dehors de la discussion, nous allons marcher ? notre aise ? travers le r?ve et la l?gende, en nous attachant toujours ? porter, autant que possible, l'ordre et la clart? au milieu de ce chaos et de ces t?n?bres, et en ?tablissant des classifications rationnelles, dans ce sujet, o? la plupart des historiens qui l'ont trait? marchent au hasard, comme dans un v?ritable labyrinthe.

De la magie dans l'antiquit?.--Elle se divise en deux branches, la th?urgie et la go?tie.--La th?urgie se confond avec la religion.--Ses rites et ses formules.--La go?tie se rapproche de la sorcellerie du moyen ?ge.--Elle est essentiellement malfaisante.--Ses pratiques et ses recettes.--Conjurations des sorciers ?gyptiens.--Circ?, Canidie et Sagone. Les sorci?res de la Thessalie.--Le spectre du temple de Pallas.--Mal?fices et talismans pa?ens.--Lois de l'antiquit? relatives aux magiciens et aux sorciers.

Les ?crivains de l'antiquit?, historiens ou po?tes, sont remplis de nombreux t?moignages qui attestent l'importance de la magie et de la sorcellerie dans le monde pa?en. Dans l'Inde, ces pr?tendues sciences se confondent constamment avec la religion; on les retrouve en ?gypte, en Thessalie et en Chald?e, dans la Gr?ce et ? Rome. Quelques-uns des ?crivains anciens, grecs ou romains, qui parlent de la magie la divisent en deux branches distinctes: l'une, th?urgique, qui rel?ve uniquement de la religion et de la science, et qui ne cherche que le bien; l'autre, go?tique, qui n'agit que par l'interm?diaire des g?nies malfaisants ou des dieux infernaux, et qui ne cherche que le mal. Ces deux branches, de m?me qu'elles ont un but et un esprit diff?rents, proc?dent ?galement par des moyens oppos?s.

Dans la th?urgie, le c?r?monial est grave et s?rieux. La premi?re condition impos?e ? ceux qui la pratiquent, c'est la puret?. Ils ne doivent point se nourrir de choses qui aient v?cu: ils doivent ?viter tout contact avec les cadavres; dans leurs invocations, ils ne s'adressent qu'aux g?nies bienfaisants, ? ceux qui veillent au bonheur des hommes. Les herbes, les pierres, les parfums, ?tant chacun le symbole particulier d'une divinit?, le th?urgiste les offrait aux dieux qu'il voulait se rendre favorables; mais pour que l'op?ration r?uss?t, il devait nommer tous les dieux et pr?senter ? chacun d'eux l'offrande qui lui ?tait agr?able: <> La th?urgie, comme la religion, avait des initiations, de grands et de petits myst?res: on en attribuait l'invention ? Orph?e, qui ?tait consid?r? comme le plus ancien des magiciens. Cette science ne changeait rien aux id?es que la th?ogonie pa?enne se formait des dieux, et toutes deux suivaient les m?mes rites pour arriver aux m?mes r?sultats.

Il n'en ?tait pas de m?me de la magie go?tique, qui s'adressait aux divinit?s malfaisantes ou ? celles qui pr?sidaient aux passions. Cette magie avait un appareil sombre; elle cherchait pour ses op?rations les lieux souterrains, les herbes v?n?neuses, les ossements des morts, les plus redoutables impr?cations, et n'agissait que pour nuire. Du reste, la distinction entre les deux sciences ?tait fort difficile ? maintenir; et si quelques esprits sup?rieurs ont tent?, en se ralliant ? la th?urgie, d'en faire l'auxiliaire des cultes pa?ens dans ce qu'ils avaient d'aspirations spiritualistes, la foule ne tint jamais compte des diff?rences. La th?urgie et ses myst?res rest?rent ? l'?tat de doctrines occultes; et la go?tie, comme la sorcellerie du moyen ?ge, dont elle est l'a?eule directe, tenta comme elle de s'emparer du monde et d'assurer ? l'homme l'enti?re satisfaction de tous ses penchants, de toutes ses passions, de tous les d?sirs de ses sens, de toutes les ambitions de son esprit. Comme la sorcellerie, elle proc?dait, par des conjurations et par une foule de pratiques absurdes ou minutieuses ? l'aide desquelles elle esp?rait asservir les dieux, les ?tres du monde supra-sensible, les ?l?ments, les astres, et toutes les forces vives de la nature. Porphyre nous a conserv? les formules de conjurations des magiciens ?gyptiens: ces magiciens s'adressaient au soleil, ? la lune, aux astres. Ils leur disaient que, s'ils ne se pr?taient point ? leurs d?sirs, ils bouleverseraient la vo?te du ciel, qu'ils d?couvriraient les myst?res d'Isis, qu'ils exposeraient ce qui ?tait cach? dans l'int?rieur du temple d'Abydos, qu'ils arr?teraient la course du vaisseau de l'?gypte; et que, pour plaire ? Typhon, ils disperseraient les membres d'Osiris. Les enchanteurs de l'Inde proc?daient de m?me par la menace et l'impr?cation; seulement ils s'adressaient aux g?nies au lieu de s'adresser aux astres, et leur ?crivaient au lieu de leur parler.

La plupart des recettes qui figurent en si grand nombre dans les livres de la sorcellerie moderne se retrouvent dans l'antiquit?. Sans parler de la divination qui faisait partie int?grante du culte, les philtres, les charmes, les ?vocations des morts, les m?tamorphoses d'hommes en animaux, tout cela est dans le paganisme gr?co-romain. Hom?re nous montre le devin Tir?sias pr?parant une fosse pleine de sang pour ?voquer les m?nes; il nous montre Circ? changeant en pourceaux les compagnons d'Ulysse, comme Horace nous montre Canidie et Sagone se rendant la nuit dans un cimeti?re pour proc?der ? leurs mal?fices. L? elles enterrent un jeune enfant tout vivant pour pr?parer un philtre avec son foie et sa moelle; elles ramassent des herbes malfaisantes, des ossements dess?ch?s; elles d?chirent une brebis noire et versent son sang dans une fosse creus?e avec leurs ongles; elles animent, comme les envo?teurs du moyen ?ge, des figures de cire et les br?lent ensuite. Les po?tes, dans ces r?cits, ne font que traduire les superstitions populaires; car le monde pa?en n'est pas moins riche en l?gendes de cette esp?ce que le monde fantastique du moyen ?ge. S'agissait-il d'?voquer un mort, on pouvait en toute s?ret? recourir aux magiciens de Thessalie; on savait que quand les Lac?d?moniens eurent fait p?rir de faim Pausanias dans le temple de Pallas, des magiciens avaient ?t? charg?s de d?barrasser ce temple du spectre qui venait y r?der chaque jour, et en ?cartait la foule. Dans ce but, ils ?voqu?rent les ?mes de plusieurs citoyens qui, pendant leur vie, avaient ?t? les ennemis d?clar?s de Pausanias; et celles-ci, en retrouvant le spectre de l'homme qu'elles avaient d?test?, lui donn?rent une telle chasse qu'il n'osa plus se pr?senter, et laissa parfaitement paisibles les visiteurs du temple. Voulait-on se faire aimer d'une femme, on demandait aux disciples des pr?tres de Memphis, pour l'enterrer sur le seuil de la maison qu'elle habitait, la laine d'airain charg?e d'images lascives. On savait que les magiciens faisaient tomber la gr?le, le tonnerre, qu'ils excitaient les temp?tes, qu'ils voyageaient par les airs, qu'ils faisaient descendre la lune sur la terre, et qu'ils transportaient les moissons d'un champ dans un autre. On savait que pour se d?fendre de leurs mal?fices, il fallait faire des fumigations de soufre, ou clouer ? la porte de sa maison une t?te de loup. Les plus grands hommes eux-m?mes acceptaient ces croyances. C?sar avait son amulette, et Auguste portait pour talisman une peau de veau marin dans la persuasion que cette peau le pr?serverait de la foudre.

A Rome, comme chez nous, les magiciens et les sorciers, qui n'?taient souvent en r?alit? que des malfaiteurs ou des empoisonneurs, abritant leurs crimes sous les myst?res d'une doctrine secr?te, furent rigoureusement poursuivis par les lois. Ils s'?taient tellement multipli?s en Italie, au temps de Tacite, sous le nom de math?maticiens, ils s'y livraient ? de si t?n?breuses pratiques, que ce grand historien les place au nombre des plus redoutables fl?aux de l'empire, et malgr? la s?v?rit? des lois romaines qui les frappaient des peines les plus s?v?res, malgr? l'exil ou la mort, ils reparaissaient toujours plus nombreux, et, comme les sorciers du moyen ?ge, ils semblaient se multiplier par la pers?cution.

Transformation de la sorcellerie pa?enne ? l'av?nement du christianisme.--Les dieux de l'Olympe se changent en d?mons.--Les druides et les bardes se changent en enchanteurs.--Diff?rence de l'enchanteur et du sorcier.--Biographie fantastique de Merlin.--Sa naissance; il parle en venant au monde et proph?tise ? l'?ge de six mois.--Viviane et la for?t de Broc?liande.--La tour enchant?e.--Merlin n'est pas mort.

Le type le plus parfait de l'enchanteur du moyen tige, c'est Merlin, personnage r?el, qui v?cut, on le sait, au Ve si?cle dans la Bretagne armoricaine, et que l'on retrouve partout, ? travers le moyen ?ge, dans l'histoire, la l?gende, la po?sie et les romans chevaleresques. Les voix proph?tiques qui avaient parl? si longtemps dans les vieilles for?ts de la Gaule, ne pouvaient se taire tout ? coup. Aussi Merlin est-il proph?te. Fantastique incarnation des derni?res traditions du druidisme, de la mythologie Scandinave et du polyth?isme, il d?fend la nationalit? bretonne comme Vell?da d?fendait sa patrie germaine. Il aide Arthur dans ses longues luttes contre les Danois, comme Ulysse aidait Agamemnon de ses conseils et de sa sagesse.

L'enchanteur, en quittant ma?tre Blaise, se rendit aupr?s de Viviane; et celle-ci, qui le voyait triste, et craignait une s?paration, lui demanda comment on pouvait retenir un prisonnier sans lui mettre des fers et sans l'enfermer dans une prison. Merlin lui donna pour cette op?ration une formule magique; fatale indiscr?tion qu'il devait expier bient?t! Le soir, en se promenant dans la for?t de Broc?liande, il se reposa au pied d'un buisson d'aub?pine, et s'endormit. Viviane alors d?tacha sa ceinture, et, tra?ant avec cette ceinture un cercle autour de lui, elle l'enferma pour toujours dans une enceinte sans issue. Une tour indestructible, dont l'air m?me avait ciment? les pierres, s'?tait ?lev?e sur la ceinture et avait enferm? Merlin jusqu'? la fin des si?cles.

Depuis ce jour, la for?t de Broc?liande ?tend sur la tour ses rameaux qui ne se fl?trissent jamais, et Viviane veille au pied des murailles, comme cette pieuse matrone qui garde le tombeau du roi ?douard, et qui tresse sur le front de ce saint roi des cheveux dont la mort n'a point arr?t? la croissance. Quant ? Merlin, il est toujours vivant et captif, et le voyageur, en passant dans les verts sentiers de Broc?liande, l'entend soupirer dans sa tour.

On le voit par ce qui pr?c?de, les enchanteurs, dont Merlin est, comme nous l'avons d?j? dit, le type le plus parfait, les enchanteurs ont une tout autre physionomie que les sorciers. L'enchanteur est un ?tre surhumain, qui a re?u, en venant au monde, un pouvoir surnaturel; c'est le fr?re des g?nies et des f?es; les sorciers sont tout simplement des hommes. L'enchanteur fait indistinctement le bien et le mal; le sorcier ne fait que le mal. L'enchanteur est v?n?r? par les peuples, c?l?br? par les po?tes; le sorcier est m?pris? par tout le monde. En un mot, l'enchanteur est un personnage c?l?bre transfigur? par la l?gende, Aristote, Virgile, ou Merlin, et le sorcier une esp?ce de truand, qui n'est bon qu'? br?ler ou ? pendre. Les enchanteurs, du reste, ont toujours ?t? beaucoup plus rares que les sorciers, et l'on vit un duc de Savoie d?penser en pure perte cent mille ?cus pour en trouver un.

But de la sorcellerie au moyen ?ge.--Elle est avant tout mat?rialiste et sensuelle.--La religion la consid?re justement comme une idol?trie sacril?ge.--Elle s'inspire de toutes les sciences apocryphes.--?num?ration et d?finition de ces sciences.--Cabale.--Science des nombres.--Astrologie judiciaire.--Divination et ses diverses branches.

Comme les sciences les plus positives elles-m?mes, la sorcellerie a un but nettement d?termin?, et une s?rie de formules et de pratiques ? l'aide desquelles elle op?re. Son but est le m?me dans tous les temps: elle veut donner ? l'homme la connaissance des secrets de la nature, satisfaire tous ses d?sirs, lui r?v?ler le pass? et l'avenir, le rendre riche, puissant, invisible comme les esprits, l?ger comme les oiseaux; elle veut soumettre ? sa volont? les ?tres du monde supra-sensible, r?veiller les morts de leur sommeil ?ternel, d?fendre les sens du vieillard contre les atteintes de l'?ge, livrer au jeune homme les femmes qu'il convoite, d?barrasser l'amant de ses rivaux, l'ambitieux de ses ennemis. Elle est donc dans son but essentiellement mat?rialiste et sensuelle; elle est impie dans sa curiosit?, parce qu'elle veut p?n?trer les secrets que Dieu cache aux yeux des hommes. Elle est sacril?ge, parce qu'elle parodie les pri?res et les myst?res les plus v?n?rables de la religion.

Elle est absurde dans ses pratiques, parce que, laissant de c?t? l'exp?rience et l'observation, elle attribue ? ce qu'elle appelle les forces ?l?mentaires des vertus qu'elles ne poss?dent pas, qu'elles ne peuvent pas poss?der. Aux yeux de la religion, elle n'est qu'une idol?trie, parce qu'elle rend aux cr?atures un culte qui n'appartient qu'? Dieu, et quand l'?glise la proscrit, elle a, comme la science, compl?tement raison contre elle. Ceci pos?, nous allons indiquer d'abord les diverses branches dont l'ensemble constitue les sciences occultes, et qui servent comme de prol?gom?nes ? la sorcellerie, ce vaste pand?monium de toutes les aberrations de l'esprit humain.

La divination n'est pas moins importante. Cette branche, si longtemps populaire des sciences occultes, se subdivise elle-m?me en une foule de branches accessoires, dont la plus c?l?bre est l'astrologie.

Ces divers modes de divination ?taient pour la plupart tr?s-inoffensifs dans la pratique, mais presque toujours d?sastreux dans leurs r?sultats, parce qu'en trompant sur l'avenir ceux qui ?taient assez cr?dules pour y avoir recours, ils les encha?naient d'avance ? une sorte de fatalit? myst?rieuse et an?antissaient leur libre arbitre. Aussi l'?glise eut-elle toujours le soin de proscrire, quelles qu'elles fussent, toutes les pratiques dont nous venons de parler, en les consid?rant avec raison comme un danger pour l'homme et un outrage envers Dieu, qui seul peut lire dans l'avenir.

De l'alchimie.--De la n?cromancie.--Comment on ?voquait les morts.--Recettes pour faire des spectres.--Causes rationnelles de la croyance populaire aux apparitions des ?mes et aux revenants.

Ainsi, de quelque c?t? que l'on se tourne dans ce monde de l'erreur et du r?ve, on trouve toujours l'homme aux prises avec l'impossible, et cette lutte obstin?e a pour th??tre la cr?ation tout enti?re. Quand l'astrologue interroge le ciel, la n?cromancie interroge la terre, pour en faire sortir les morts. Elle ?voque les ?mes, comme la cabale ?voque les anges, comme la sorcellerie ?voque le d?mon. Suivant le po?te Lucain, elle op?rait au moyen de l'emploi magique d'un os de la personne morte, qu'elle voulait faire appara?tre. Les rabbins avaient la m?me croyance: il fallait, suivant eux, prendre le cr?ne de pr?f?rence, sans doute parce que c'?tait l? que l'?me avait fait sa demeure, lui offrir de l'encens et l'invoquer jusqu'? ce que le mort lui-m?me e?t apparu, ou qu'un d?mon, prenant sa figure, se pr?sent?t et parl?t en son nom. Le plus ordinairement, on employait les pri?res de l'?glise, en y ajoutant quelques formules emprunt?es ? la sorcellerie. On disait aussi que lorsqu'on pouvait se procurer quelques d?bris des cadavres, ou quelques poign?es de la terre dans laquelle ils avaient repos?, et, ? d?faut de cette terre, un fragment des pierres de leur tombeau, un morceau de leur croix fun?bre, on parvenait, en soumettant ces objets ? l'action du feu, ? produire, par la combustion, des spectres, repr?sentant exactement la figure de ceux que l'on cherchait ? rappeler de l'autre monde; on assurait de plus que ces spectres, anim?s d'une vie factice et ?ph?m?re, r?pondaient distinctement ? toutes les questions qui leur ?taient adress?es.

Partant de cette id?e que l'?me, d?gag?e des liens de la chair, a pris une enti?re possession de ses attributs immortels, et qu'elle a l'intuition compl?te du pass? et de l'avenir, le n?cromancien ?voquait les morts pour conna?tre dans quel ?tat, b?atitude ou damnation, se trouvaient ceux auxquels il s'int?ressait et dont il ?tait s?par? par la tombe; pour s'?clairer lui-m?me sur les myst?res de la vie future; pour conna?tre l'?poque de sa mort, de celle de ses proches ou de ses ennemis; enfin pour s'?clairer sur tout ce qui est ind?pendant de la pr?voyance humaine. Les morts, du reste, n'attendaient pas toujours, on le sait, qu'on les rappel?t de leur froid sommeil comme un homme qu'on r?veille violemment; ils revenaient souvent d'eux-m?mes, quand ils avaient de leur vivant promis de revenir, comme le spectre de Marsile Ficin, le traducteur de Platon, qui se rendit, mont? sur un cheval blanc, chez son ami Micha?l Mercato, auquel il s'?tait engag? de r?v?ler les secrets de l'autre monde. Ici encore l'erreur ?tait logique; car elle n'est que le r?sultat d'un dogme irr?cusable, l'immortalit? de l'?me. La seconde vie, telle que le christianisme nous l'enseigne, telle que nous l'esp?rons, se continue avec les souvenirs et les affections de la vie premi?re; elle s'illumine m?me de clart?s nouvelles: d?s lors, pourquoi l'?me qui se souvient de la terre ne reviendrait-elle pas, libre et d?gag?e de ses entraves, vers cette terre qui garde son enveloppe mortelle, et o? la rappelle le souvenir? Ainsi, dans ces myst?res de la mort et de la n?cromancie elle-m?me, la cr?dulit? qui nous fait sourire n'est que la cons?quence imm?diate de la plus ch?re des esp?rances qui nous consolent. Malgr? cette excuse, la n?cromancie fut ?galement condamn?e dans l'antiquit? et les temps modernes. Sous Constantin, ceux qui s'y livraient encoururent la peine capitale; plus tard on les br?la; et ? toutes les ?poques, on les assimila aux violateurs des tombeaux, dans la pens?e qu'ils troublaient comme eux le repos de la mort.

La sorcellerie compl?te, par l'intervention du diable, ses emprunts aux diverses branches des sciences occultes.--Caract?re et puissance du diable dans les l?gendes d?monographiques.--Comment l'homme se met en rapport avec lui.--Du contrat diabolique et de ses cons?quences.--De la complaisance et de la m?chancet? du d?mon.--Les deux p?les de la vision.--Le pacte de Palma Cayet.--Histoires diverses.

Les diverses sciences occultes dont nous venons de parler: la cabale, l'astrologie, la divination, la n?cromancie forment chacune, on l'a vu, une sp?cialit? distincte et limit?e; mais il en est une qui les domine et les r?sume toutes: c'est la magie, devenue la sorcellerie du moyen ?ge. La sorcellerie, en effet, pr?dit l'avenir, change et transforme non-seulement les ?l?ments, mais m?me les hommes; elle ?voque les morts; elle tue les vivants ? la distance de plusieurs centaines de lieues; elle donne ? ses adeptes la science sans ?tude, la fortune sans travail; elle op?re une foule de prodiges; et telle est la terreur qu'elle inspire, ou la fascination qu'elle exerce sur ses initi?s, que de toutes parts les b?chers s'allument pour les consumer, tandis qu'un grand nombre d'entre eux aiment mieux mourir plut?t que de renier la science qui leur co?te la vie.

Comment, dans la croyance du moyen ?ge, le sorcier arrivait-il ? cette puissance sup?rieure? comment op?rait-il ces prodiges qui ont ?pouvant? les vieux ?ges? Il les op?rait par l'entremise du d?mon; en d'autres termes, la sorcellerie n'est que le r?sum? des sciences occultes ?lev?es, par l'intervention de Satan, ? leur dernier degr? de puissance. La tradition du pass? tout enti?re est l? pour l'attester. Satan, en effet, pour les hommes du moyen ?ge, n'est point le vaincu de l'ab?me; c'est le principe du mal des traditions indiennes, ?gal en puissance au principe du bien: c'est le dispensateur des tr?sors, des plaisirs, le r?v?lateur de tous les secrets de la nature; c'est le ma?tre de tous ceux qui veulent jouir et savoir, qui escomptent pour des biens p?rissables les biens ?ternels, afin d'obtenir l'accomplissement de leurs r?ves ou de leurs passions. Voyons maintenant comment s'?tablissent les relations qui mettent l'homme en contact avec le d?mon.

Nous ne parlerons point ici des possessions, qui sont attest?es par l'?criture et par l'?vangile. Nous nous occuperons seulement des rapports qui s'?tablissent dans la sorcellerie et qui sont relat?s dans toutes les l?gendes d?monographiques.

Satan, nous l'avons dit plus haut, remplissait exactement ses engagements aussi longtemps que durait le contrat; mais ? l'expiration de ce contrat, il ne manquait jamais de venir r?clamer le prix de ses complaisances, et alors il fallait les payer cher; il n'attendait pas toujours, pour s'indemniser de ses peines, que la fi?vre ou la vieillesse emport?t son d?biteur dans l'autre monde, et pour jouir plus vite de cette ?me qui s'?tait vendue et qu'il regardait comme son bien, comme un bien sur lequel il avait hypoth?que, il la d?liait souvent lui-m?me des liens de sa prison charnelle, en tordant le cou ? l'homme dont il s'?tait fait pour quelques jours l'esclave ob?issant, afin d'?tre son ma?tre dans l'?ternit?.

Recettes pour faire appara?tre le diable et les esprits ?l?mentaires.--Les noms efficaces et les lettres ?ph?siennes.--Th?orie des conjurations diaboliques.--Statistique des sujets de B?elz?buth invoqu?s par les sorciers.--Les ducs et comtes de l'enfer.--Revue des l?gions sataniques.

Ce n'?tait point seulement par le pacte ou contrat infernal que l'homme se mettait en rapport direct avec Satan. On pouvait encore, ? l'aide de certaines op?rations, de certaines formules le forcer ? sortir de l'ab?me, soit pour s'en servir momentan?ment, soit pour se l'attacher, comme dans le pacte, durant un temps d?termin?. <> <> On voit ais?ment, par ces deux passages, que la th?orie des conjurations ?tait connue d?s les premiers si?cles de l'?glise chr?tienne; et en consultant les ?crivains orientaux, grecs et romains, on en suit les traces ? travers les si?cles pa?ens.

Pour donner ? ces livres absurdes, o? les choses les plus respectables sont indignement profan?es, une autorit? plus grande, on disait qu'il fallait les faire baptiser par un pr?tre, et les nommer comme un enfant. Le pr?tre recommandait aux puissances infernales d'?tre favorables ? ce n?ophyte; et il sommait l'une de ces puissances de venir, au nom de toutes, apposer son cachet sur le volume. Le livre sign? et scell?, tout l'enfer se trouvait soumis aux volont?s de celui qui s'en servait, et il n'y avait point de diable qui ne se f?t un plaisir et un honneur d'ob?ir.

<>

Le diable ne r?pondait point toujours en personne aux sommations de ceux qui le conjuraient. Il se contentait quelquefois de leur envoyer des d?l?gu?s; ou de faire appara?tre devant eux et de mettre ? leur disposition les individus ou les objets dont on lui avait fait la demande. Ces sortes de communications n'?taient pas, du reste, sans danger, et ceux qui n'?taient point suffisamment au courant de la science risquaient souvent leur vie. C'est ce qui arriva, en 1526, ? Louvain. Un sorcier c?l?bre qui, ? cette ?poque, habitait cette ville, sortit un jour de chez lui en laissant ? sa femme les clefs de son cabinet, avec la recommandation expresse de n'y laisser entrer personne; mais celle-ci, indiscr?te comme toutes les personnes de son sexe, les remit ? un ?tudiant qui habitait la m?me maison. Pouss? par une curiosit? fatale, ce jeune homme franchit le seuil de la retraite myst?rieuse. Un livre est ouvert sur une table; il lit.... Au m?me moment, un coup terrible ?branle la porte. Satan para?t, et d'une voix mena?ante: <> L'?tudiant p?lit et ne sait que r?pondre. Alors Satan, furieux de s'?tre d?rang? pour rien, le saisit ? la gorge, et l'?trangle. Le sorcier rentrait en ce moment. Il voit des diables perch?s sur sa maison, et, tout surpris, il leur fait signe d'approcher. L'un d'eux se d?tache de la bande, et lui raconte ce qui s'est pass?. Il court ? son cabinet, et trouve en effet l'?tudiant ?tendu mort sur le pav?. Que faire de ce cadavre? On va peut-?tre l'accuser de meurtre? Et alors comment se justifier? Apr?s un moment de r?flexion, il ordonne au diable qui avait commis l'assassinat de passer dans le corps de sa victime. Le diable ob?it, et va se promener sur la place, ? l'endroit le plus fr?quent? des ?coliers. Mais tout ? coup, sur un nouvel ordre, le d?mon quitte ce corps qu'il vient d'animer d'une vie factice, et le cadavre retombe au milieu des promeneurs saisis de crainte. On pensa longtemps que l'?tudiant avait ?t? frapp? de mort subite; mais plus tard la v?rit? fut d?couverte; et le sorcier, oblig? de quitter Louvain, alla r?pandre dans la Lorraine les poisons de son abominable doctrine.

Il ne suffisait pas aux sorciers, et surtout aux sorci?res, de pactiser avec Satan. Celles-ci, pour le tenir dans une d?pendance plus grande, pour obtenir de lui de plus ?clatantes faveurs, le traitaient souvent comme un amant ou un mari. Les exemples de ces mariages diaboliques, sont assez nombreux au moyen ?ge. En 1275, la date est pr?cise, on d?couvrit une femme de soixante ans qui, depuis longues ann?es d?j?, avait ?pous? un d?mon. A l'?ge de cinquante-trois ans elle donna le jour ? un monstre qui avait une t?te de lapin, une queue de serpent et le corps d'un homme. Elle le nourrit pendant deux ans avec de la chair de petits enfants ?trangl?s avant le bapt?me; au bout de ce temps le monstre disparut sans qu'on en ait jamais entendu parler depuis.

Des instruments et des outils de la sorcellerie.--Des diverses esp?ces de talismans.--La peau d'hy?ne, les pierres pr?cieuses et les talismans naturels.--Les talismans fabriqu?s.--Comment on les faisait.

Ainsi que les math?matiques, ou les sciences physiques et naturelles, la sorcellerie avait une foule d'instruments particuliers, ? l'aide desquels elle op?rait. Ces instruments, comme les livres dont nous venons de parler, portaient en eux-m?mes une puissance extraordinaire, puissance qui leur ?tait communiqu?e par le sorcier lui-m?me, et qui souvent aussi ?tait inh?rente ? leur nature. Ils comprenaient sous le nom g?n?rique d'abraxas, talismans, phylact?res, cercles, anneaux, carr?s magiques, etc., une foule d'objets tr?s-diff?rents entre eux et dont il suffira d'indiquer ici les principaux, en laissant toutefois de c?t? les amulettes, qui appartiennent plut?t ? l'histoire des pratiques superstitieuses qu'? celle de la sorcellerie.

Parmi les talismans naturels, nous indiquerons la peau d'hy?ne, qui rendait invuln?rable au milieu des combats; la mandragore, qui inspirait l'amour; la val?riane et le sang des chiens noirs, qui ?loignaient les d?mons quand le sorcier voulait se d?barrasser de leur pr?sence; la plupart des pierres pr?cieuses, telles que l'?meraude, qui pr?servait de la foudre, et rendait la m?moire infaillible; la topaze, qui gu?rissait la m?lancolie; le rubis, qui apaisait les soul?vements des sens, etc. L'hippoman?s, excroissance charnue de couleur brune, qui se trouve ? la t?te des poulains lors de leur naissance, ?tait consid?r?e du temps m?me de saint Augustin comme un agent des plus puissants pour produire l'amour; il en ?tait de m?me du crapaud dess?ch?. La membrane dont la t?te de certains enfants est couverte ? leur naissance, faisait r?ussir les avocats au barreau. La pierre alectorienne donnait aux soldats une victoire assur?e. Une autre pierre qui, suivant Isidore de S?ville, se trouve dans la t?te d'une tortue des Indes, procurait la facult? de deviner l'avenir ? ceux qui portaient habituellement cette pierre sur leur langue. Ces talismans formaient ce que l'on pourrait appeler l'arsenal inoffensif des sciences occultes, et leur usage avait sa source dans une sorte de naturalisme panth?istique plut?t que dans la sorcellerie proprement dite. Quant aux talismans fabriqu?s, ils appartiennent de plein droit ? la magie et souvent ? la magie la plus noire.

Le plus c?l?bre des talismans du moyen ?ge ?tait, sans contredit, l'anneau de Salomon; quelques rois, parmi les plus puissants, se sont vant?s de le poss?der; mais ils se sont vant?s ? tort, car on sait d'une mani?re certaine, disent les cabalistes, que cet anneau incomparable repose dans le tombeau m?me de ce grand prince au milieu des ?les de l'oc?an Indien. Il y avait aussi des talismans avec les noms de J?sus-Christ ou de saint Pierre, de saint Paul ou de saint Michel. Le concile de Laodic?e, au IVe si?cle, en interdit l'usage sous peine d'excommunication, et d?clara que ceux qui les fabriqueraient seraient chass?s de l'?glise.

Le miroir magique.--La pistole volante.--Les t?tes d'airain et l'andro?de.--Les armes enchant?es.--Les coupes.--Les bagues.--L'anneau du voyageur et l'anneau d'invisibilit?.--Le t?raphim.--Le carr?.--La baguette magique.--Comment elle se fabriquait.

La pistole volante ?tait une monnaie marqu?e d'un signe magique, qui revenait toujours dans la poche de son ma?tre, comme les cinq sols du Juif errant.

Les t?tes d'airain, fabriqu?es sous l'influence de certaines constellations, avaient la facult? de parler, et elles donnaient des avis sur les affaires importantes. Virgile, Robert de Lincoln, Roger Bacon, en poss?daient plusieurs qui ne se trompaient jamais. Albert le Grand avait m?me fait un homme entier, ? la confection duquel il travailla trente ans; cet homme d'airain se nommait l'andro?de; mais il fut bris? par saint Thomas d'Aquin, qui ne pouvait supporter son babil.

Les armes enchant?es, qui rappellent les armes forg?es par Vulcain, et qui jouent un si grand r?le dans les romans de chevalerie, avaient la propri?t? de faire voler en ?clats toutes celles qui leur ?taient oppos?es, et de ne jamais se briser elles-m?mes.

Les coupes magiques communiquaient aux breuvages, dont elles ?taient remplies, des vertus extraordinaires, et se brisaient lorsqu'elles ?taient touch?es par une liqueur empoisonn?e.

Les peaux d'enfants sur lesquelles on tra?ait des caract?res magiques, pr?servaient des maladies, et reculaient ind?finiment la vieillesse.

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