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Munafa ebook

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Read Ebook: La vie errante by Maupassant Guy De

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Ebook has 778 lines and 45320 words, and 16 pages

LA VIE ERRANTE

PAR

GUY DE MAUPASSANT

LA VIE ERRANTE

NOTRE COEUR.

LA VIE ERRANTE

PAR

GUY DE MAUPASSANT

Tous droits de traduction et de reproduction r?serves pour tous les pays y compris la Su?de et la Norv?ge.

IL A ?T? TIR? ? PART

Cinq exemplaires sur papier du Japon, 1 ? 5; Cent exemplaires sur papier de Hollande, 6 ? 105.

LA VIE ERRANTE

LASSITUDE

J'ai quitt? Paris et m?me la France, parce que la tour Eiffel finissait par m'ennuyer trop.

Non seulement on la voyait de partout, mais on la trouvait partout, faite de toutes les mati?res connues, expos?e ? toutes les vitres, cauchemar in?vitable et torturant.

Ce n'est pas elle uniquement d'ailleurs qui m'a donn? une irr?sistible envie de vivre seul pendant quelque temps, mais tout ce qu'on a fait autour d'elle, dedans, dessus, aux environs.

Comment tous les journaux vraiment ont-ils os? nous parler d'architecture nouvelle ? propos de cette carcasse m?tallique, car l'architecture, le plus incompris et le plus oubli? des arts aujourd'hui, en est peut-?tre aussi le plus esth?tique, le plus myst?rieux et le plus nourri d'id?es?

Il a eu ce privil?ge ? travers les si?cles de symboliser pour ainsi dire chaque ?poque, de r?sumer, par un tr?s petit nombre de monuments typiques, la mani?re de penser, de sentir et de r?ver d'une race et d'une civilisation.

Quelques temples et quelques ?glises, quelques palais et quelques ch?teaux contiennent ? peu pr?s toute l'histoire de l'art ? travers le monde, expriment ? nos yeux mieux que des livres, par l'harmonie des lignes et le charme de l'ornementation, toute la gr?ce et la grandeur d'une ?poque.

Mais je me demande ce qu'on conclura de notre g?n?ration si quelque prochaine ?meute ne d?boulonne pas cette haute et maigre pyramide d'?chelles de fer, squelette disgracieux et g?ant, dont la base semble faite pour porter un formidable monument de Cyclopes et qui avorte en un ridicule et mince profil de chemin?e d'usine.

C'est un probl?me r?solu, dit-on. Soit,--mais il ne servait ? rien!--et je pr?f?re alors ? cette conception d?mod?e de recommencer la na?ve tentative de la tour de Babel, celle qu'eurent, d?s le douzi?me si?cle, les architectes du campanile de Pise.

L'id?e de construire cette gentille tour ? huit ?tages de colonnes de marbre, pench?e comme si elle allait toujours tomber, de prouver ? la post?rit? stup?faite que le centre de gravit? n'est qu'un pr?jug? inutile d'ing?nieur et que les monuments peuvent s'en passer, ?tre charmants tout de m?me, et faire venir apr?s sept si?cles plus de visiteurs surpris que la tour Eiffel n'en attirera dans sept mois, constitue, certes, un probl?me,--puisque probl?me il y a,--plus original que celui de cette g?ante chaudronnerie, badigeonn?e pour des yeux d'Indiens.

Je sais qu'une autre version veut que le campanile se soit pench? tout seul. Qui le sait? Le joli monument garde son secret toujours discut? et imp?n?trable.

Peu m'importe, d'ailleurs, la tour Eiffel. Elle ne fut que le phare d'une kermesse internationale, selon l'expression consacr?e, dont le souvenir me hantera comme le cauchemar, comme la vision r?alis?e de l'horrible spectacle que peut donner ? un homme d?go?t? la foule humaine qui s'amuse.

Je me garderai bien de critiquer cette colossale entreprise politique, l'Exposition universelle, qui a montr? au monde, juste au moment ou il fallait le faire, la force, la vitalit?, l'activit? et la richesse in?puisable de ce pays surprenant: la France.

On a donn? un grand plaisir, un grand divertissement et un grand exemple aux peuples et aux bourgeoisies. Ils se sont amus?s de tout leur coeur. On a bien fait et ils ont bien fait.

J'ai seulement constat?, d?s le premier jour, que je ne suis pas cr?? pour ces plaisirs-l?.

Apr?s avoir visit? avec une admiration profonde la galerie des machines et les fantastiques d?couvertes de la science, de la m?canique, de la physique et de la chimie modernes; apr?s avoir constat? que la danse du ventre n'est amusante que dans les pays o? on agite des ventres nus, et que les autres danses arabes n'ont de charme et de couleur que dans les ksours blancs d'Alg?rie, je me suis dit qu'en d?finitive aller l? de temps en temps serait une chose fatigante mais distrayante, dont on se reposerait ailleurs, chez soi ou chez ses amis.

Mais je n'avais point song? ? ce qu'allait devenir Paris envahi par l'univers.

D?s le jour, les rues sont pleines, les trottoirs roulent des foules comme des torrents grossis. Tout cela descend vers l'Exposition, ou en revient, ou y retourne. Sur les chauss?es, les voitures se tiennent comme les wagons d'un train sans fin. Pas une n'est libre, pas un cocher ne consent ? vous conduire ailleurs qu'? l'Exposition, ou ? sa remise quand il va relayer. Pas de coup?s aux cercles. Ils travaillent maintenant pour le rastaquou?re ?tranger; pas une tableaux restaurants, et pas un ami qui d?ne chez lui ou qui consente ? d?ner chez vous.

Quand on l'invite, il accepte ? la condition qu'on banquettera sur la tour Eiffel. C'est plus gai. Et tous, comme par suite d'un mot d'ordre, ils vous y convient ainsi tous les jours de la semaine, soit pour d?jeuner, soit pour d?ner.

Dans cette chaleur, dans cette poussi?re, dans cette puanteur, dans cette foule de populaire en goguette et en transpiration, dans ces papiers gras tra?nant et voltigeant partout, dans cette odeur de charcuterie et de vin r?pandu sur les bancs, dans ces haleines de trois cent mille bouches soufflant le relent de leurs nourritures, dans le coudoiement, dans le fr?lement, dans l'emm?lement de toute cette chair ?chauff?e, dans cette sueur confondue de tous les peuples semant leurs puces sur les si?ges et par les chemins, je trouvais bien l?gitime qu'on all?t manger une fois ou deux, avec d?go?t et curiosit?, la cuisine de cantine des gargotiers a?riens, mais je jugeais stup?fiant qu'on p?t d?ner, tous les soirs, dans cette crasse et dans cette cohue, comme le faisait la bonne soci?t?, la soci?t? d?licate, la soci?t? d'?lite, la soci?t? fine et mani?r?e qui, d'ordinaire, a des naus?es devant le peuple qui peine et sent la fatigue humaine.

Cela prouve d'ailleurs, d'une fa?on d?finitive, le triomphe complet de la d?mocratie.

Il n'y a plus de castes, de races, d'?pidermes aristocrates. Il n'y a plus chez nous que des gens riches et des gens pauvres. Aucun autre classement ne peut diff?rencier les degr?s de la soci?t? contemporaine.

Une aristocratie d'un autre ordre s'?tablit qui vient de triompher ? l'unanimit? ? cette Exposition universelle, l'aristocratie de la science, ou plut?t de l'industrie scientifique.

Quant aux arts, ils disparaissent; le sens m?me s'en efface dans l'?lite de la nation, qui a regard? sans protester l'horripilante d?coration du d?me central et de quelques b?timents voisins.

Le go?t italien moderne nous gagne, et la contagion est telle que les coins r?serv?s aux artistes, dans ce grand bazar populaire et bourgeois qu'on vient de fermer, y prenaient aussi des aspects de r?clame et d'?talage forain.

Je ne protesterais nullement d'ailleurs contre l'av?nement et le r?gne des savants scientifiques, si la nature de leur oeuvre et de leurs d?couvertes ne me contraignait de constater que ce sont, avant tout, des savants de commerce.

Ce n'est pas leur faute, peut-?tre. Mais on dirait que le cours de l'esprit humain s'endigue entre deux murailles qu'on ne franchira plus: l'industrie et la vente.

Au commencement des civilisations, l'?me de l'homme s'est pr?cipit?e vers l'art. On croirait qu'alors une divinit? jalouse lui a dit: <>

Voil?, en effet, qu'aujourd'hui l'?motion s?ductrice et puissante des si?cles artistes semble ?teinte, tandis que des esprits d'un tout autre ordre s'?veillent qui inventent des machines de toute sorte, des appareils surprenants, des m?caniques aussi compliqu?es que les corps vivants, ou qui, combinant des substances, obtiennent des r?sultats stup?fiants et admirables. Tout cela pour servir aux besoins physiques de l'homme, ou pour le tuer.

Les conceptions id?ales, ainsi que la science pure et d?sint?ress?e, celle de Galil?e, de Newton, de Pascal, nous semblent interdites, tandis que notre imagination para?t de plus en plus excitable par l'envie de sp?culer sur les d?couvertes utiles ? l'existence.

Or, le g?nie de celui qui, d'un bond de sa pens?e, est all? de la chute d'une pomme ? la grande loi qui r?git les mondes, ne semble-t-il, pas n? d'un germe plus divin que l'esprit p?n?trant de l'inventeur am?ricain, du miraculeux fabricant de sonnettes, de porte-voix et d'appareils lumineux.

N'est-ce point l? le vice secret de l'?me moderne, la marque de son inf?riorit? dans un triomphe?

J'ai peut-?tre tort absolument. En tout cas, ces choses, qui nous int?ressent, ne nous passionnent pas comme les anciennes formes de la pens?e, nous autre, esclaves irritables d'un r?ve de beaut? d?licate, qui hante et g?te notre vie.

J'ai senti qu'il me serait agr?able de revoir Florence, et je suis parti.

LA NUIT

Sortis du port de Cannes ? trois heures du matin, nous avons pu recueillir encore un reste des faibles brises que les golfes exhalent vers la mer pendant la nuit. Puis un l?ger souffle du large est venu, poussant le yacht couvert de toile vers la c?te italienne.

C'est un bateau de vingt tonneaux tout blanc avec un imperceptible fil dor? qui le contourne comme une mince cordeli?re sur un flanc de cygne. Ses voiles en toile fine et neuve, sous le soleil d'ao?t qui jette des flammes sur l'eau, ont l'air d'ailes de soie argent?e d?ploy?es dans le firmament bleu. Ses trois focs s'envolent en avant, triangles l?gers qu'arrondit l'haleine du vent, et, la grande misaine est molle, sous la fl?che aigu? qui dresse, ? dix-huit m?tres au dessus du pont, sa pointe ?clatante par le ciel. Tout ? l'arri?re, la derni?re voile, l'artimon, semble dormir.

Et tout la monde bient?t sommeille sur le pont. C'est un apr?s-midi d'?t?, sur la M?diterran?e. La derni?re brise est tomb?e. Le soleil f?roce emplit le ciel et fait de la mer une plaque molle et bleu?tre, sans mouvement et sans frissons, endormie aussi, sous un miroitant duvet de brume qui semble la sueur de l'eau.

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