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Read Ebook: Bruges-la-morte by Rodenbach Georges
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next PageEbook has 423 lines and 22789 words, and 9 pagesGeorges Rodenbach BRUGES-LA-MORTE Table des mati?res Le jour d?clinait, assombrissant les corridors de la grande demeure silencieuse, mettant des ?crans de cr?pe aux vitres. Hugues Viane se disposa ? sortir, comme il en avait l'habitude quotidienne ? la fin des apr?s-midi. Inoccup?, solitaire, il passait toute la journ?e dans sa chambre, une vaste pi?ce au premier ?tage, dont les fen?tres donnaient sur le quai du Rosaire, au long duquel s'alignait sa maison, mir?e dans l'eau. Il lisait un peu: des revues, de vieux livres; fumait beaucoup; r?vassait ? la crois?e ouverte par les temps gris, perdu dans ses souvenirs. Voil? cinq ans qu'il vivait ainsi, depuis qu'il ?tait venu se fixer ? Bruges, au lendemain de la mort de sa femme. Cinq ans d?j?! Et il se r?p?tait ? lui-m?me: < Pour lui, la s?paration avait ?t? terrible: il avait connu l'amour dans le luxe, les loisirs, le voyage, les pays neufs renouvelant l'idylle. Non seulement le d?lice paisible d'une vie conjugale exemplaire, mais la passion intacte, la fi?vre continu?e, le baiser ? peine assagi, l'accord des ?mes, distantes et jointes pourtant, comme les quais parall?les d'un canal qui m?le leurs deux reflets. Dix ann?es de ce bonheur, ? peine senties, tant elles avaient pass? vite! Puis, la jeune femme ?tait morte, au seuil de la trentaine, seulement alit?e quelques semaines, vite ?tendue sur ce lit du dernier jour, o? il la revoyait ? jamais: fan?e et blanche comme la cire l'?clairant, celle qu'il avait ador?e si belle avec son teint de fleur, ses yeux de prunelle dilat?e et noire dans de la nacre, dont l'obscurit? contrastait avec ses cheveux, d'un jaune d'ambre, des cheveux qui, d?ploy?s, lui couvraient tout le dos, longs et ondul?s. Les Vierges des Primitifs ont des toisons pareilles, qui descendent en frissons calmes. Sur le cadavre gisant, Hugues avait coup? cette gerbe, tress?e en longue natte dans les derniers jours de la maladie. N'est-ce pas comme une piti? de la mort? Elle ruine tout, mais laisse intactes les chevelures. Les yeux, les l?vres, tout se brouille et s'effondre. Les cheveux ne se d?colorent m?me pas. C'est en eux seuls qu'on se survit! Et maintenant, depuis les cinq ann?es d?j?, la tresse conserv?e de la morte n'avait gu?re p?li, malgr? le sel de tant de larmes. Le veuf, ce jour-l?, rev?cut plus douloureusement tout son pass?, ? cause de ces temps gris de novembre o? les cloches, dirait-on, s?ment dans l'air des poussi?res de sons, la cendre morte des ann?es. Il se d?cida pourtant ? sortir, non pour chercher au dehors quelque distraction oblig?e ou quelque rem?de ? son mal. Il n'en voulait point essayer. Mais il aimait cheminer aux approches du soir et chercher des analogies ? son deuil dans de solitaires canaux et d'eccl?siastiques quartiers. En descendant au rez-de-chauss?e de sa demeure, il aper?ut, toutes ouvertes sur le grand corridor blanc, les portes d'ordinaire closes. Il appela dans le silence sa vieille servante: < Aussit?t la femme apparut dans l'embrasure de la premi?re porte, et devinant pourquoi son ma?tre l'avait h?l?e: --Monsieur, f?t-elle, j'ai d? m'occuper des salons aujourd'hui, parce que demain c'est f?te. --Quelle f?te? demanda Hugues, l'air contrari?. --Comment! monsieur ne sait pas? Mais la f?te de la Pr?sentation de la Vierge. Il faut que j'aille ? la messe et au salut du B?guinage. C'est un jour comme un dimanche. Et puisque je ne peux pas travailler demain, j'ai rang? les salons aujourd'hui.>> Hugues Viane ne cacha pas son m?contentement. Elle savait bien qu'il voulait assister ? ce travail-l?. Il y avait, dans ces deux pi?ces, trop de tr?sors, trop de souvenirs d'Elle et de l'autrefois pour laisser la servante y circuler seule. Il d?sirait pouvoir la surveiller, suivre ses gestes, contr?ler sa prudence, ?pier son respect. Il voulait manier lui-m?me, quand il les fallait d?ranger pour l'enl?vement des poussi?res, tel bibelot pr?cieux, tels objets de la morte, un coussin, un ?cran qu'elle avait fait elle-m?me. Il semblait que ses doigts fussent partout dans ce mobilier intact et toujours pareil, sofas, divans, fauteuils o? elle s'?tait assise, et qui conservaient pour ainsi dire la forme de son corps. Les rideaux gardaient les plis ?ternis?s qu'elle leur avait donn?s. Et dans les miroirs, il semblait qu'avec prudence il fall?t en fr?ler d'?ponges et de linges la surface claire pour ne pas effacer son visage dormant au fond. Mais ce que Hugues voulait aussi surveiller et garder de tout heurt, ce sont les portraits de la pauvre morte, des portraits ? ses diff?rents ?ges, ?parpill?s un peu partout, sur la chemin?e, les gu?ridons, les murs; et puis surtout--un accident ? cela lui aurait bris? toute l'?me--le tr?sor conserv? de cette chevelure int?grale qu'il n'avait point voulu enfermer dans quelque tiroir de commode ou quelque coffret obscur--c'aurait ?t? comme mettre la chevelure dans un tombeau!--aimant mieux, puisqu'elle ?tait toujours vivante, elle, et d'un or sans ?ge, la laisser ?tal?e et visible comme la portion d'immortalit? de son amour! Pour la voir sans cesse, dans le grand salon toujours le m?me, cette chevelure qui ?tait encore Elle, il l'avait pos?e l? sur le piano d?sormais muet, simplement gisante--tresse interrompue, cha?ne bris?e, c?ble sauv? du naufrage! Et, pour l'abriter des contaminations, de l'air humide qui l'aurait pu d?teindre ou en oxyder le m?tal, il avait eu cette id?e, na?ve si elle n'e?t pas ?t? attendrissante, de la mettre sous verre, ?crin transparent, bo?te de cristal o? reposait la tresse nue qu'il allait chaque jour honorer. Pour lui, comme pour les choses silencieuses qui vivaient autour, il apparaissait que cette chevelure ?tait li?e ? leur existence et qu'elle ?tait l'?me de la maison. Barbe, la vieille servante flamande, un peu renfrogn?e, mais d?vou?e et soigneuse, savait de quelles pr?cautions il fallait entourer ces objets et n'en approchait qu'en tremblant. Peu communicative, elle avait les allures, avec sa robe noire et son bonnet de tulle blanc, d'une soeur touri?re. D'ailleurs, elle allait souvent au B?guinage voir son unique parente, la soeur Rosalie, qui ?tait b?guine. De ces fr?quentations, de ces habitudes pieuses, elle avait gard? le silence, le glissement qu'ont les pas habitu?s aux dalles d'?glise. Et c'est pour cela, parce qu'elle ne mettait pas de bruit ou de rires autour de sa douleur, que Hugues Viane s'en ?tait si bien accommod? depuis son arriv?e ? Bruges. Il n'avait pas eu d'autre servante et celle-ci lui ?tait devenue n?cessaire, malgr? sa tyrannie innocente, ses manies de vieille fille et de d?vote, sa volont? d'agir ? sa guise, comme aujourd'hui encore o?, ? cause d'une f?te anodine le lendemain, elle avait boulevers? les salons ? son insu et en d?pit de ses ordres formels. Hugues attendit pour sortir qu'elle e?t rang? les meubles, s'assura que tout ce qui lui ?tait cher f?t intact et remis en place. Puis tranquillis?, les persiennes et les portes closes, il se d?cida ? son ordinaire promenade du cr?puscule, bien qu'il ne cess?t pas de pluviner, bruine fr?quente des fins d'automne, petite pluie verticale qui larmoie, tisse de l'eau, faufile l'air, h?risse d'aiguilles les canaux planes, capture et transit l'?me comme un oiseau dans un filet mouill?, aux mailles interminables! Hugues recommen?ait chaque soir le m?me itin?raire, suivant la ligne des quais, d'une marche ind?cise, un peu vo?t? d?j?, quoiqu'il e?t seulement quarante ans. Mais le veuvage avait ?t? pour lui un automne pr?coce. Les tempes ?taient d?garnies, les cheveux pleins de cendre grise. Ses yeux fan?s regardaient loin, tr?s loin, au del? de la vie. Et comme Bruges aussi ?tait triste en ces fins d'apr?s-midi! Il l'aimait ainsi! C'est pour sa tristesse m?me qu'il l'avait choisie et y ?tait venu vivre apr?s le grand d?sastre. Jadis, dans les temps de bonheur, quand il voyageait avec sa femme, vivant ? sa fantaisie, d'une existence un peu cosmopolite, ? Paris, en pays ?tranger, au bord de la mer, il y ?tait venu avec elle, en passant, sans que la grande m?lancolie d'ici p?t influencer leur joie. Mais plus tard, rest? seul, il s'?tait ressouvenu de Bruges et avait eu l'intuition instantan?e qu'il fallait s'y fixer d?sormais. Une ?quation myst?rieuse s'?tablissait. ? l'?pouse morte devait correspondre une ville morte. Son grand deuil exigeait un tel d?cor. La vie ne lui serait supportable qu'ici. Il y ?tait venu d'instinct. Que le monde, ailleurs, s'agite, bruisse, allume ses f?tes, tresse ses mille rumeurs. Il avait besoin de silence infini et d'une existence si monotone qu'elle ne lui donnerait presque plus la sensation de vivre. Autour des douleurs physiques, pourquoi faut-il se taire, ?touffer les pas dans une chambre de malade? Pourquoi les bruits, pourquoi les voix semblent-ils d?ranger la charpie et rouvrir la plaie? Aux souffrances morales, le bruit aussi fait mal. Dans l'atmosph?re muette des eaux et des rues inanim?es, Hugues avait moins senti la souffrance de son coeur, il avait pens? plus doucement ? la morte. Il l'avait mieux revue, mieux entendue, retrouvant au fil des canaux son visage d'Oph?lie en all?e, ?coutant sa voix dans la chanson gr?le et lointaine des carillons. La ville, elle aussi, aim?e et belle jadis, incarnait de la sorte ses regrets. Bruges ?tait sa morte. Et sa morte ?tait Bruges. Tout s'unifiait en une destin?e pareille. C'?tait Bruges-la-Morte, elle-m?me mise au tombeau de ses quais de pierre, avec les art?res froidies de ses canaux, quand avait cess? d'y battre la grande pulsation de la mer. Ce soir-l?, plus que jamais, tandis qu'il cheminait au hasard, le noir souvenir le hanta, ?mergea de dessous les ponts o? pleurent les visages de sources invisibles. Une impression mortuaire ?manait des logis clos, des vitres comme des yeux brouill?s d'agonie, des pignons d?calquant dans l'eau des escaliers de cr?pe. Il longea le Quai Vert, le Quai du Miroir, s'?loigna vers le Pont du Moulin, les banlieues tristes bord?es de peupliers. Et partout, sur sa t?te, l'?gouttement froid, les petites notes sal?es des cloches de paroisse, projet?es comme d'un goupillon pour quelque absoute. Dans cette solitude du soir et de l'automne, o? le vent balayait les derni?res feuilles, il ?prouva plus que jamais le d?sir d'avoir fini sa vie et l'impatience du tombeau. Il semblait qu'une ombre s'allonge?t des tours sur son ?me; qu'un conseil v?nt des vieux murs jusqu'? lui; qu'une voix chuchotante mont?t de l'eau-- l'eau s'en venant au-devant de lui, comme elle vint au-devant d'Oph?lie, ainsi que le racontent les fossoyeurs de Shakespeare. Et il avait song? ? se tuer, s?rieusement et longtemps. Ah! cette femme, comme il l'avait ador?e! Ses yeux encore sur lui! Et sa voix qu'il poursuivait toujours, enfouie au bout de l'horizon, si loin! Qu'avait-elle donc, cette femme, pour se l'?tre attach? tout, et l'avoir d?pris du monde entier, depuis qu'elle ?tait disparue. Il y a donc des amours pareils ? ces fruits de la Mer Morte qui ne vous laissent ? la bouche qu'un go?t de cendre imp?rissable! S'il avait r?sist? ? ses id?es fixes de suicide, c'est encore pour elle. Son fond d'enfance religieuse lui ?tait remont? avec la lie de sa douleur. Mystique, il esp?rait que le n?ant n'?tait pas l'aboutissement de la vie et qu'il la reverrait un jour. La religion lui d?fendait la mort volontaire. C'e?t ?t? s'exiler du sein de Dieu et s'?ter la vague possibilit? de la revoir. Il v?cut donc; il pria m?me, trouvant un baume ? se l'imaginer, l'attendant, dans les jardins d'on ne sait quel ciel; ? r?ver d'elle, dans les ?glises, au bruit de l'orgue. Ce soir-l?, il entra, en passant, dans l'?glise Notre-Dame o? il se plaisait ? venir souvent, ? cause de son caract?re mortuaire: partout, sur les parois, sur le sol, des dalles tumulaires avec des t?tes de mort, des noms ?br?ch?s, des inscriptions rong?es aussi comme des l?vres de pierre... La mort elle-m?me ici effac?e par la mort. Mais, tout ? c?t?, le n?ant de la vie s'?clairait par la constante vision de l'amour se perp?tuant dans la mort, et c'est pour cela que Hugues venait souvent en p?lerinage ? cette ?glise: c'?taient les tombeaux c?l?bres de Charles le T?m?raire et de Marie de Bourgogne, au fond d'une chapelle lat?rale. Comme ils ?taient ?mouvants! Elle surtout, la douce princesse, les doigts juxtapos?s, la t?te sur un coussin, en robe de cuivre, les pieds appuy?s ? un chien symbolisant la fid?lit?, toute rigide sur l'entablement du sarcophage. Ainsi sa morte reposait ? jamais sur son ?me noire. Et le temps viendrait aussi o? il s'allongerait ? son tour comme le duc Charles et reposerait aupr?s d'elle. Sommeil c?te ? c?te, bon refuge de la mort, si l'espoir chr?tien ne devait point se r?aliser pour eux et les joindre. Hugues sortit de Notre-Dame plus triste que jamais. Il s'orienta du c?t? de sa demeure, l'heure approchant o? il rentrait d'habitude pour son repas du soir. Il cherchait en lui le souvenir de la morte pour l'appliquer ? la forme du tombeau qu'il venait de voir et imaginer tout celui-ci, avec un autre visage. Mais la figure des morts, que la m?moire nous conserve un temps, s'y alt?re peu ? peu, y d?p?rit, comme d'un pastel sans verre dont la poussi?re s'?vapore. Et, dans nous, nos morts meurent une seconde fois! Tout ? coup, tandis qu'il recomposait par une fixe tension d'esprit--et comme regardant au dedans de lui--ses traits ? demi effac?s d?j?, Hugues qui, d'ordinaire, remarquait ? peine les passants, si rares d'ailleurs, ?prouva un ?moi subit en voyant une jeune femme arriver vers lui. Il ne l'avait point aper?ue d'abord, s'avan?ant du bout de la rue, mais seulement quand elle fut toute proche. ? sa vue, il s'arr?ta net, comme fig?; la personne, qui venait en sens inverse, avait pass? pr?s de lui. Ce fut une secousse, une apparition. Hugues eut l'air de chavirer une minute. Il mit la main ? ses yeux comme pour ?carter un songe. Puis, apr?s un moment d'h?sitation, tourn? vers l'inconnue qui s'?loignait en son rythme de marche lente, il r?trograda, abandonna le quai qu'il descendait et se mit soudain ? la suivre. Il marcha vite pour la rejoindre, allant d'un trottoir ? l'autre, s'approchant d'elle, la regardant avec une insistance qui e?t ?t? inconvenante si elle n'avait apparu toute hallucin?e. La jeune femme allait, voyait sans regarder, impassible. Hugues semblait de plus en plus ?trange et hagard. Il la suivait maintenant depuis plusieurs minutes d?j?, de rue en rue, tant?t rapproch? d'elle, comme pour une enqu?te d?cisive, puis s'en ?loignant avec une apparence d'effroi quand il en devenait trop voisin. Il semblait attir? et effray? ? la fois, comme par un puits o? l'on cherche ? ?lucider un visage... Eh bien! oui! cette fois, il l'avait bien reconnue, et ? toute ?vidence. Ce teint de pastel, ces yeux de prunelle dilat?e et sombre dans la nacre, c'?taient les m?mes. Et tandis qu'il marchait derri?re elle, ces cheveux qui apparaissaient dans la nuque, sous la capote noire et la voilette, ?taient bien d'un or semblable, couleur d'ambre et de cocon, d'un jaune fluide et textuel. Le m?me d?saccord entre les yeux nocturnes et le midi flambant de la chevelure. Est-ce que sa raison p?riclitait ? pr?sent? Ou bien sa r?tine, ? force de sauver la morte, identifiait les passants avec elle? Tandis qu'il cherchait son visage, voici que cette femme, brusquement surgie, le lui avait offert, trop conforme et trop jumeau. Trouble d'une telle apparition! Miracle presque effrayant d'une ressemblance qui allait jusqu'? l'identit?. Et tout: sa marche, sa taille, le rythme de son corps, l'expression de ses traits, le songe int?rieur du regard, ce qui n'est plus seulement les lignes et la couleur, mais la spiritualit? de l'?tre et le mouvement de l'?me--tout cela lui ?tait rendu, r?apparaissait, vivait! L'air d'un somnambule, Hugues la suivait toujours, machinalement maintenant, sans savoir pourquoi et sans plus r?fl?chir, ? travers le d?dale embrum? des rues de Bruges, Arriv? ? un carrefour, o? plusieurs directions s'enchev?trent, tout ? coup, comme il marchait un peu derri?re elle, il ne la vit plus--en all?e, disparue dans on ne sait laquelle de ces ruelles tournantes. Il s'arr?ta, regardant au loin, inventoriant le vide, des larmes n?es au bord des yeux... Ah! comme elle ressemblait ? la morte! Hugues garda de cette rencontre un grand trouble. Maintenant, quand il songeait ? sa femme, c'?tait l'inconnue de l'autre soir qu'il revoyait; elle ?tait son souvenir vivant, pr?cis?. Elle lui apparaissait comme la morte plus ressemblante. Lorsqu'il allait, en de muettes d?votions, baiser la relique de la chevelure conserv?e ou s'attendrir devant quelque portrait, ce n'est plus avec la morte qu'il confrontait l'image, mais avec la vivante qui lui ressemblait. Myst?rieuse identification de ces deux visages. C'avait ?t? comme une piti? du sort offrant des points de rep?re ? sa m?moire, se mettant de connivence avec lui contre l'oubli, substituant une estampe fra?che ? celle qui p?lissait, d?j? jaunie et piqu?e par le temps. Hugues poss?dait maintenant de la disparue une vision toute nette et toute neuve. Il n'avait qu'? contempler en sa m?moire le vieux quai de l'autre jour, dans le soir qui tombe, et s'avan?ant vers lui une femme qui a la figure de la morte. Il n'avait plus besoin de regarder en arri?re, loin, dans le recul des ann?es; il lui suffisait de songer au dernier ou au p?nulti?me soir. C'?tait tout proche et tout simple maintenant. Son oeil avait emmagasin? le cher visage une nouvelle fois; la r?cente empreinte s'?tait fusionn?e avec l'ancienne, se fortifiant l'une par l'autre, en une ressemblance qui maintenant donnait presque l'illusion d'une pr?sence r?elle. Add to tbrJar First Page Next Page |
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