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Read Ebook: Réflexions ou sentences et maximes morales by La Rochefoucauld Fran Ois Duc De
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next PageEbook has 2565 lines and 103434 words, and 52 pagesFran?ois de La Rochefoucauld Table des mati?res R?flexions morales Nos vertus ne sont, le plus souvent, que de vices d?guis?s. Ce que nous prenons pour des vertus n'est souvent qu'un assemblage de diverses actions et de divers int?r?ts, que la fortune ou notre industrie savent arranger; et ce n'est pas toujours par valeur et par chastet? que les hommes sont vaillants, et que les femmes sont chastes. L'amour-propre est le plus grand de tous les flatteurs. Quelque d?couverte que l'on ait faite dans le pays de l'amour-propre, il y reste encore bien des terres inconnues. L'amour-propre est plus habile que le plus habile homme du monde. La dur?e de nos passions ne d?pend pas plus de nous que la dur?e de notre vie. La passion fait souvent un fou du plus habile homme, et rend souvent les plus sots habiles. Ces grandes et ?clatantes actions qui ?blouissent les yeux sont repr?sent?es par les politiques comme les effets des grands desseins, au lieu que ce sont d'ordinaire les effets de l'humeur et des passions. Ainsi la guerre d'Auguste et d'Antoine, qu'on rapporte ? l'ambition qu'ils avaient de se rendre ma?tres du monde, n'?tait peut-?tre qu'un effet de jalousie. Les passions sont les seuls orateurs qui persuadent toujours. Elles sont comme un art de la nature dont les r?gles sont infaillibles; et l'homme le plus simple qui a de la passion persuade mieux que le plus ?loquent qui n'en a point. Les passions ont une injustice et un propre int?r?t qui fait qu'il est dangereux de les suivre, et qu'on s'en doit d?fier lors m?me qu'elles paraissent les plus raisonnables. Il y a dans le coeur humain une g?n?ration perp?tuelle de passions, en sorte que la ruine de l'une est presque toujours l'?tablissement d'une autre. Les passions en engendrent souvent qui leur sont contraires. L'avarice produit quelquefois la prodigalit?, et la prodigalit? l'avarice; on est souvent ferme par faiblesse, et audacieux par timidit?. Quelque soin que l'on prenne de couvrir ses passions par des apparences de pi?t? et d'honneur, elles paraissent toujours au travers de ces voiles. Notre amour-propre souffre plus impatiemment la condamnation de nos go?ts que de nos opinions. Les hommes ne sont pas seulement sujets ? perdre le souvenir des bienfaits et des injures; ils ha?ssent m?me ceux qui les ont oblig?s, et cessent de ha?r ceux qui leur ont fait des outrages. L'application ? r?compenser le bien, et ? se venger du mal, leur para?t une servitude ? laquelle ils ont peine de se soumettre. La cl?mence des princes n'est souvent qu'une politique pour gagner l'affection des peuples. Cette cl?mence dont on fait une vertu se pratique tant?t par vanit?, quelquefois par paresse, souvent par crainte, et presque toujours par tous les trois ensemble. La mod?ration des personnes heureuses vient du calme que la bonne fortune donne ? leur humeur. La mod?ration est une crainte de tomber dans l'envie et dans le m?pris que m?ritent ceux qui s'enivrent de leur bonheur; c'est une vaine ostentation de la force de notre esprit; et enfin la mod?ration des hommes dans leur plus haute ?l?vation est un d?sir de para?tre plus grands que leur fortune. Nous avons tous assez de force pour supporter les maux d'autrui. La constance des sages n'est que l'art de renfermer leur agitation dans le coeur. Ceux qu'on condamne au supplice affectent quelquefois une constance et un m?pris de la mort qui n'est en effet que la crainte de l'envisager. De sorte qu'on peut dire que cette constance et ce m?pris sont ? leur esprit ce que le bandeau est ? leurs yeux. La philosophie triomphe ais?ment des maux pass?s et des maux ? venir. Mais les maux pr?sents triomphent d'elle. Peu de gens connaissent la mort. On ne la souffre pas ordinairement par r?solution, mais par stupidit? et par coutume; et la plupart des hommes meurent parce qu'on ne peut s'emp?cher de mourir. Lorsque les grands hommes se laissent abattre par la longueur de leurs infortunes, ils font voir qu'ils ne les soutenaient que par la force de leur ambition, et non par celle de leur ?me, et qu'? une grande vanit? pr?s les h?ros sont faits comme les autres hommes. Il faut de plus grandes vertus pour soutenir la bonne fortune que la mauvaise. Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement. On fait souvent vanit? des passions m?me les plus criminelles; mais l'envie est une passion timide et honteuse que l'on n'ose jamais avouer. La jalousie est en quelque mani?re juste et raisonnable, puisqu'elle ne tend qu'? conserver un bien qui nous appartient, ou que nous croyons nous appartenir; au lieu que l'envie est une fureur qui ne peut souffrir le bien des autres. Le mal que nous faisons ne nous attire pas tant de pers?cution et de haine que nos bonnes qualit?s. Nous avons plus de force que de volont?; et c'est souvent pour nous excuser ? nous-m?mes que nous nous imaginons que les choses sont impossibles. Si nous n'avions point de d?fauts, nous ne prendrions pas tant de plaisir ? en remarquer dans les autres. La jalousie se nourrit dans les doutes, et elle devient fureur, ou elle finit, sit?t qu'on passe du doute ? la certitude. L'orgueil se d?dommage toujours et ne perd rien lors m?me qu'il renonce ? la vanit?. Si nous n'avions point d'orgueil, nous ne nous plaindrions pas de celui des autres. L'orgueil est ?gal dans tous les hommes, et il n'y a de diff?rence qu'aux moyens et ? la mani?re de le mettre au jour. Il semble que la nature, qui a si sagement dispos? les organes de notre corps pour nous rendre heureux; nous ait aussi donn? l'orgueil pour nous ?pargner la douleur de conna?tre nos imperfections. L'orgueil a plus de part que la bont? aux remontrances que nous faisons ? ceux qui commettent des fautes; et nous ne les reprenons pas tant pour les en corriger que pour leur persuader que nous en sommes exempts. Nous promettons selon nos esp?rances, et nous tenons selon nos craintes. L'int?r?t parle toutes sortes de langues, et joue toutes sortes de personnages, m?me celui de d?sint?ress?. L'int?r?t, qui aveugle les uns, fait la lumi?re des autres. Ceux qui s'appliquent trop aux petites choses deviennent ordinairement incapables des grandes. Nous n'avons pas assez de force pour suivre toute notre raison. L'homme croit souvent se conduire lorsqu'il est conduit; et pendant que par son esprit il tend ? un but, son coeur l'entra?ne insensiblement ? un autre. La force et la faiblesse de l'esprit sont mal nomm?es; elles ne sont en effet que la bonne ou la mauvaise disposition des organes du corps. Le caprice de notre humeur est encore plus bizarre que celui de la fortune. L'attachement ou l'indiff?rence que les philosophes avaient pour la vie n'?tait qu'un go?t de leur amour-propre, dont on ne doit non plus disputer que du go?t de la langue ou du choix des couleurs. Notre humeur met le prix ? tout ce qui nous vient de la fortune. Add to tbrJar First Page Next Page |
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