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Read Ebook: Réflexions ou sentences et maximes morales by La Rochefoucauld Fran Ois Duc De
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next Page Prev PageEbook has 2565 lines and 103434 words, and 52 pagesNotre humeur met le prix ? tout ce qui nous vient de la fortune. La f?licit? est dans le go?t et non pas dans les choses; et c'est par avoir ce qu'on aime qu'on est heureux, et non par avoir ce que les autres trouvent aimable. On n'est jamais si heureux ni si malheureux qu'on s'imagine. Ceux qui croient avoir du m?rite se font un honneur d'?tre malheureux, pour persuader aux autres et ? eux-m?mes qu'ils sont dignes d'?tre en butte ? la fortune. Rien ne doit tant diminuer la satisfaction que nous avons de nous-m?mes, que de voir que nous d?sapprouvons dans un temps ce que nous approuvions dans un autre. Quelque diff?rence qui paraisse entre les fortunes, il y a n?anmoins une certaine compensation de biens et de maux qui les rend ?gales. Quelques grands avantages que la nature donne, ce n'est pas elle seule, mais la fortune avec elle qui fait les h?ros. Le m?pris des richesses ?tait dans les philosophes un d?sir cach? de venger leur m?rite de l'injustice de la fortune par le m?pris des m?mes biens dont elle les privait; c'?tait un secret pour se garantir de l'avilissement de la pauvret?; c'?tait un chemin d?tourn? pour aller ? la consid?ration qu'ils ne pouvaient avoir par les richesses. La haine pour les favoris n'est autre chose que l'amour de la faveur. Le d?pit de ne la pas poss?der se console et s'adoucit par le m?pris que l'on t?moigne de ceux qui la poss?dent; et nous leur refusons nos hommages, ne pouvant pas leur ?ter ce qui leur attire ceux de tout le monde. Pour s'?tablir dans le monde, on fait tout ce que l'on peut pour y para?tre ?tabli. Quoique les hommes se flattent de leurs grandes actions, elles ne sont pas souvent les effets d'un grand dessein, mais des effets du hasard. Il semble que nos actions aient des ?toiles heureuses ou malheureuses ? qui elles doivent une grande partie de la louange et du bl?me qu'on leur donne. Il n'y a point d'accidents si malheureux dont les habiles gens ne tirent quelque avantage, ni de si heureux que les imprudents ne puissent tourner ? leur pr?judice. La fortune tourne tout ? l'avantage de ceux qu'elle favorise. Le bonheur et le malheur des hommes ne d?pend pas moins de leur humeur que de la fortune. La sinc?rit? est une ouverture de coeur. On la trouve en fort peu de gens; et celle que l'on voit d'ordinaire n'est qu'une fine dissimulation pour attirer la confiance des autres. L'aversion du mensonge est souvent une imperceptible ambition de rendre nos t?moignages consid?rables, et d'attirer ? nos paroles un respect de religion. La v?rit? ne fait pas tant de bien dans le monde que ses apparences y font de mal. Il n'y a point d'?loges qu'on ne donne ? la prudence. Cependant elle ne saurait nous assurer du moindre ?v?nement. Un habile homme doit r?gler le rang de ses int?r?ts et les conduire chacun dans son ordre. Notre avidit? le trouble souvent en nous faisant courir ? tant de choses ? la fois que, pour d?sirer trop les moins importantes, on manque les plus consid?rables. La bonne gr?ce est au corps ce que le bon sens est ? l'esprit. Il est difficile de d?finir l'amour. Ce qu'on en peut dire est que dans l'?me c'est une passion de r?gner, dans les esprits c'est une sympathie, et dans le corps ce n'est qu'une envie cach?e et d?licate de poss?der ce que l'on aime apr?s beaucoup de myst?res. S'il y a un amour pur et exempt du m?lange de nos autres passions, c'est celui qui est cach? au fond du coeur, et que nous ignorons nous-m?mes. Il n'y a point de d?guisement qui puisse longtemps cacher l'amour o? il est, ni le feindre o? il n'est pas. Il n'y a gu?re de gens qui ne soient honteux de s'?tre aim?s quand ils ne s'aiment plus. Si on juge de l'amour par la plupart de ses effets, il ressemble plus ? la haine qu'? l'amiti?. On peut trouver des femmes qui n'ont jamais eu de galanterie; mais il est rare d'en trouver qui n'en aient jamais eu qu'une. Il n'y a que d'une sorte d'amour, mais il y en a mille diff?rentes copies. L'amour aussi bien que le feu ne peut subsister sans un mouvement continuel; et il cesse de vivre d?s qu'il cesse d'esp?rer ou de craindre. Il est du v?ritable amour comme de l'apparition des esprits: tout le monde en parle, mais peu de gens en ont vu. L'amour pr?te son nom ? un nombre infini de commerces qu'on lui attribue, et o? il n'a non plus de part que le Doge ? ce qui se fait ? Venise. L'amour de la justice n'est en la plupart des hommes que la crainte de souffrir l'injustice. Le silence est le parti le plus s?r de celui qui se d?fie de soi-m?me. Ce qui nous rend si changeants dans nos amiti?s, c'est qu'il est difficile de conna?tre les qualit?s de l'?me, et facile de conna?tre celles de l'esprit. Nous ne pouvons rien aimer que par rapport ? nous, et nous ne faisons que suivre notre go?t et notre plaisir quand nous pr?f?rons nos amis ? nous-m?mes; c'est n?anmoins par cette pr?f?rence seule que l'amiti? peut ?tre vraie et parfaite. La r?conciliation avec nos ennemis n'est qu'un d?sir de rendre notre condition meilleure, une lassitude de la guerre, et une crainte de quelque mauvais ?v?nement. Ce que les hommes ont nomm? amiti? n'est qu'une soci?t?, qu'un m?nagement r?ciproque d'int?r?ts, et qu'un ?change de bons offices; ce n'est enfin qu'un commerce o? l'amour-propre se propose toujours quelque chose ? gagner. Il est plus honteux de se d?fier de ses amis que d'en ?tre tromp?. Nous nous persuadons souvent d'aimer les gens plus puissants que nous; et n?anmoins c'est l'int?r?t seul qui produit notre amiti?. Nous ne nous donnons pas ? eux pour le bien que nous leur voulons faire, mais pour celui que nous en voulons recevoir. Notre d?fiance justifie la tromperie d'autrui. Les hommes ne vivraient pas longtemps en soci?t? s'ils n'?taient les dupes les uns des autres. L'amour-propre nous augmente ou nous diminue les bonnes qualit?s de nos amis ? proportion de la satisfaction que nous avons d'eux; et nous jugeons de leur m?rite par la mani?re dont ils vivent avec nous. Tout le monde se plaint de sa m?moire, et personne ne se plaint de son jugement. Nous plaisons plus souvent dans le commerce de la vie par nos d?fauts que par nos bonnes qualit?s. La plus grande ambition n'en a pas la moindre apparence lorsqu'elle se rencontre dans une impossibilit? absolue d'arriver o? elle aspire. D?tromper un homme pr?occup? de son m?rite est lui rendre un aussi mauvais office que celui que l'on rendit ? ce fou d'Ath?nes, qui croyait que tous les vaisseaux qui arrivaient dans le port ?taient ? lui. Les vieillards aiment ? donner de bons pr?ceptes, pour se consoler de n'?tre plus en ?tat de donner de mauvais exemples. Les grands noms abaissent, au lieu d'?lever, ceux qui ne les savent pas soutenir. La marque d'un m?rite extraordinaire est de voir que ceux qui l'envient le plus sont contraints de le louer. Tel homme est ingrat, qui est moins coupable de son ingratitude que celui qui lui a fait du bien. On s'est tromp? lorsqu'on a cru que l'esprit et le jugement ?taient deux choses diff?rentes. Le jugement n'est que la grandeur de la lumi?re de l'esprit; cette lumi?re p?n?tre le fond des choses; elle y remarque tout ce qu'il faut remarquer et aper?oit celles qui semblent imperceptibles. Ainsi il faut demeurer d'accord que c'est l'?tendue de la lumi?re de l'esprit qui produit tous les effets qu'on attribue au jugement. Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page |
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