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Read Ebook: La chasse galerie: Légendes Canadiennes by Beaugrand Honor
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next PageEbook has 301 lines and 19697 words, and 7 pagesDU M?ME AUTEUR JEANNE LA FILEUSE--?pisode de l'?migration Franco-Canadienne aux ?tats-Unis--Premi?re ?dition 1878--Duexi?me ?dition--Montr?al, 1888. LE VIEUX MONTR?AL, 1611-1803--Album historique, chronologique et topographique de la ville de Montr?al depuis se fondation--13 planches en couleurs--Dessins de P. L. Morin--Montr?al, 1884. MELANGES--Trois Conf?rences--Montr?al, 1888. LETTRES DE VOYAGE--France--Italie--Sicile--Malte--Tunisie--Alg?rie-- Espagne--Montr?al, 1889. LA CHASSE GALERIE L?gendes Canadiennes par H. Beaugrand MONTREAL 1900 TABLE DES MATI?RES La Chasse-Galerie Le Loup-Garou La B?te ? Grand'queue Macloune Le P?re Louison H.B. LA CHASSE-GALERIE Pour lors que je vais vous raconter une r?deuse d'histoire, dans le fin fil; mais s'il y a parmi vous autres des lurons qui auraient envie de courir la chasse-galerie ou le loup-garou, je vous avertis qu'ils font mieux d'aller voir dehors si les chats-huants font le sabbat, car je vais commencer mon histoire en faisant un grand signe de croix pour chasser le diable et ses diablotins. J'en ai eu assez de ces maudits-l? dans mon jeune temps. On ?tait ? la veille du jour de l'an 1858, en pleine for?t vierge, dans les chantiers des Ross, en haut de la Gatineau. La saison avait ?t? dure et la neige atteignait d?j? la hauteur du toit de la cabane. Le bourgeois avait, selon la coutume, ordonn? la distribution du contenu d'un petit baril de rhum parmi les hommes du chantier, et le cuisinier avait termin? de bonne heure les pr?paratifs du fricot de pattes et des glissantes pour le repas du lendemain. La m?lasse mijotait dans le grand chaudron pour la partie de tire qui devait terminer la soir?e. Chacun avait bourr? sa pipe de bon tabac canadien, et un nuage ?pais obscurcissait l'int?rieur de la cabane, o? un feu p?tillant de pin r?sineux jetait, cependant, par intervalles, des lueurs rouge?tres qui tremblotaient en ?clairant par des effets merveilleux de clair-obscur, les m?les figures de ces rudes travailleurs des grands bois. Je dormais donc depuis assez longtemps lorsque je me sentis secouer rudement par le boss des piqueurs, Baptiste Durand, qui me dit: --Joe! minuit vient de sonner et tu es en retard pour le saut du quart. Les camarades sont partis pour faire leur tourn?e et moi je m'en vais ? Lavaltrie voir ma blonde. Veux-tu venir avec moi? --? Lavaltrie! lui r?pondis-je, es-tu fou? nous en sommes ? plus de cent lieues et d'ailleurs aurais-tu deux mois pour faire le voyage, qu'il n'y a pas de chemin de sortie dans la neige. Et puis, le travail du lendemain du jour de l'an? --Animal! r?pondit mon homme, il ne s'agit pas de cela. Nous ferons le voyage en canot d'?corce ? l'aviron, et demain matin ? six heures nous serons de retour au chantier. Je comprenais. Mon homme me proposait de courir la chasse-galerie et de risquer mon salut ?ternel pour le plaisir d'aller embrasser ma blonde, au village. C'?tait raide! Il ?tait bien vrai que j'?tais un peu ivrogne et d?bauch? et que la religion ne me fatiguait pas ? cette ?poque, mais risquer de vendre mon ?me au diable, ?a me surpassait. --Cr? poule mouill?e! continua Baptiste, tu sais bien qu'il n'y a pas de danger. Il s'agit d'aller ? Lavaltrie et de revenir dans six heures. Tu sais bien qu'avec la chasse-galerie, on voyage au moins 50 lieues ? l'heure lorsqu'on sait manier l'aviron comme nous. Il s'agit tout simplement de ne pas prononcer le nom du bon Dieu pendant le trajet, et de ne pas s'accrocher aux croix des clochers en voyageant. C'est facile ? faire et pour ?viter tout danger, il faut penser ? ce qu'on dit, avoir l'oeil o? l'on va et ne pas prendre de boisson en route. J'ai d?j? fait le voyage cinq fois et tu vois bien qu'il ne m'est jamais arriv? malheur. Allons mon vieux, prends ton courage ? deux mains et, si le coeur t'en dit, dans deux heures de temps nous serons ? Lavaltrie. Pense ? la petite Liza Guimbette et au plaisir de l'embrasser. Nous sommes d?j? sept pour faire le voyage mais il faut ?tre deux, quatre, six ou huit et tu seras le huiti?me. --Oui! tout cela est tr?s bien, mais il faut faire un serment au diable, et c'est un animal qui n'entend pas ? rire lorsqu'on s'engage ? lui. Je me laissai entra?ner hors de la cabane o? je vis en effet six de nos hommes qui nous attendaient, l'aviron ? la main. Le grand canot ?tait sur la neige dans une clairi?re et avant d'avoir eu le temps de r?fl?chir, j'?tais d?j? assis dans le devant, l'aviron pendant sur le plat-bord, attendant le signal du d?part. J'avoue que j'?tais un peu troubl?, mais Baptiste qui passait, dans le chantier, pour n'?tre pas all? ? confesse depuis sept ans ne me laissa pas le temps de me d?brouiller. Il ?tait ? l'arri?re, debout, et d'une voix vibrante il nous dit: --R?p?tez avec moi! Et nous r?p?t?mes: --Satan! roi des enfers, nous te promettons de te livrer nos ?mes, si d'ici ? six heures nous pronon?ons le nom de ton ma?tre et du n?tre, le bon Dieu, et nous touchons une croix dans le voyage. ? cette condition tu nous transporteras ? travers les airs, au lieu o? nous voulons aller et tu nous ram?neras de m?me au chantier! Acabris! Acabras! Acabram Fais-nous voyager par-dessus les montagnes ? peine avions-nous prononc? les derni?res paroles que nous sent?mes le canot s'?lever dans l'air ? une hauteur de cinq ou six cents pieds. Il me semblait que j'?tais l?ger comme une plume et au commandement de Baptiste, nous commen??mes ? nager comme des poss?d?s que nous ?tions. Aux premiers coups d'aviron le canot s'?lan?a dans l'air comme une fl?che, et c'est le cas de le dire, le diable nous emportait. ?a nous en coupait le respire et le poil en frisait sur nos bonnets de carcajou. --Attendez un peu, cria Baptiste. Nous allons raser Montr?al et nous allons effrayer les coureux qui sont encore dehors ? c'te heure cite. Toi, Joe! l?, en avant, ?claircis-toi le gosier et chante-nous une chanson sur l'aviron. En effet, nous apercevions d?j? les mille lumi?res de la grande ville, et Baptiste, d'un coup d'aviron, nous fit descendre ? peu pr?s au niveau des tours de Notre-Dame. J'enlevai ma chique pour ne pas l'avaler, et j'entonnai ? tue-t?te cette chanson de circonstance que tous les canotiers r?p?t?rent en choeur: Mon p?re n'avait fille que moi, Canot d'?corce qui va voler, Et dessus la mer il m'envoie: Canot d'?corce qui vole, qui vole, Canot d'?corce qui va voler! Et dessus la mer il m'envoie, Canot d'?corce qui va voler, Le marinier qui me menait: Canot d'?corce qui vole, qui vole, Canot d'?corce qui va voler! Le marinier qui me menait, Canot d'?corce qui va voler, Me dit, ma belle, embrassez-moi: Canot d'?corce qui vole, qui vole, Canot d'?corce qui va voler! Me dit, ma belle, embrassez-moi, Canot d'?corce qui va voler, Non, non, monsieur, je ne saurais: Canot d'?corce qui vole, qui vole, Canot d'?corce qui va voler! Non, non, monsieur, je ne saurais, Canot d'?corce qui va voler, Car si mon papa le savait: Canot d'?corce qui vole, qui vole, Canot d'?corce qui va voler! Car si mon papa le savait, Canot d'?corce qui va voler, Ah! c'est bien s?r qu'il me battrait. Canot d'?corce qui vole, qui vole, Canot d'?corce qui va voler! Bien qu'il f?t pr?s de deux heures du matin, nous v?mes des groupes S'arr?ter dans les rues pour nous voir passer, mais nous filions si vite qu'en un clin d'oeil nous avions d?pass? Montr?al et ses faubourgs, et alors je commen?ai ? compter les clochers: la Longue-Pointe, la Pointe-aux-Trembles, Repentigny, Saint-Sulpice, et enfin les deux fl?ches argent?es de Lavaltrie qui dominaient le vert sommet des grands pins du domaine. --Attention! vous autres, nous cria Baptiste. Nous allons atterrir ? l'entr?e du bois, dans le champ de mon parrain, Jean-Jean Gabriel, et nous nous rendrons ensuite ? pied pour aller surprendre nos connaissances dans quelque fricot ou quelque danse du voisinage. --Allons au rigodon, chez Batissette Aug?, nous dit Baptiste, on est certain d'y rencontrer nos blondes. --Allons chez Batissette! Et nous retourn?mes au canot, tout en nous mettant mutuellement en garde sur le danger qu'il y avait de prononcer certaines paroles et de prendre un coup de trop, car il fallait reprendre la route des chantiers et y arriver avant six heures du matin, sans quoi nous ?tions flamb?s comme des carcajous, et le diable nous emportait au fin fond des enfers. Acabris! Acabras! Acabram! Fais-nous voyager par-dessus les montagnes! cria de nouveau Baptiste. Et nous voil? repartis pour la Petite-Mis?re, en naviguant en l'air comme des ren?gats que nous ?tions tous. En deux tours d'aviron, nous avions travers? le fleuve et nous ?tions rendus chez Batissette Aug? dont la maison ?tait tout illumin?e. On entendait vaguement, au dehors, les sons du violon et les ?clats de rire des danseurs dont on voyait les ombres se tr?mousser, ? travers les vitres couvertes de givre. Nous cach?mes notre canot derri?re les tas de bourdillons qui bordaient la rive, car la glace avait refoul?, cette ann?e-l?. --Maintenant, nous r?p?ta Baptiste, pas de b?tises, les amis, et attention ? vos paroles. Dansons comme des perdus, mais pas un seul verre de Molson, ni de jama?que, vous m'entendez! Et au premier signe, suivez-moi tous, car il faudra repartir sans attirer l'attention. Et nous all?mes frapper ? la porte. Le p?re Batissette vint ouvrir lui-m?me et nous f?mes re?us ? bras ouverts par les invit?s que nous connaissions presque tous. Nous f?mes d'abord assaillis de questions: Add to tbrJar First Page Next Page |
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