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Munafa ebook

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Read Ebook: La chasse galerie: Légendes Canadiennes by Beaugrand Honor

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Ebook has 301 lines and 19697 words, and 7 pages

Nous f?mes d'abord assaillis de questions:

--D'o? venez-vous?

--Je vous croyais dans les chantiers!

--Vous arrivez bien tard!

--Venez prendre une larme!

Ce fut encore Baptiste qui nous tira d'affaire en prenant la parole:

--D'abord, laissez-nous nous d?capoter et puis ensuite laissez-nous danser. Nous sommes venus expr?s pour ?a. Demain matin, je r?pondrai ? toutes vos questions et nous vous raconterons tout ce que vous voudrez.

--Attention! l?, mon vieux. Pique tout droit sur la montagne de Montr?al, aussit?t que tu pourras l'apercevoir.

--Je connais mon affaire, r?pliqua Baptiste, et m?le-toi des tiennes!

Et avant que j'aie eu le temps de r?pliquer:

Acabris! Acabras! Acabram! Fais-nous voyager par-dessus les montagnes!

Et nous voil? repartis ? toute vitesse. Mais il devint aussit?t ?vident que notre pilote n'avait plus la main aussi s?re, car le canot d?crivait des zigzags inqui?tants. Nous ne pass?mes pas ? cent pieds du clocher de Contrecoeur et au lieu de nous diriger ? l'ouest, vers Montr?al, Baptiste nous fit prendre les bord?es vers la rivi?re Richelieu. Quelques instants plus tard, nous pass?mes par-dessus la montagne de Beloeil et il ne s'en manqua pas de dix pieds que l'avant du canot n'all?t se briser sur la grande croix de temp?rance que l'?v?que de Qu?bec avait plant?e l?.

--? droite! Baptiste! ? droite! mon vieux, car tu vas nous envoyer chez le diable, si tu ne gouvernes pas mieux que ?a!

Acabris! Acabras! Acabram!

Tout ce que je puis vous dire, mes amis, c'est que ce n'est pas si dr?le qu'on le pense que d'aller voir sa blonde en canot d'?corce, en plein coeur d'hiver, en courant la chasse-galerie; surtout si vous avez un maudit ivrogne qui se m?le de gouverner. Si vous m'en croyez, vous attendrez ? l'?t? prochain pour aller embrasser vos p'tits coeurs, sans courir le risque de voyager aux d?pens du diable.

LE LOUP-GAROU

Oui! Vous ?tes tous des fins-fins, les avocats d Montr?al, pour vous moquer des loups-garous. Il es vrai que le diable ne fait pas tant de c?r?monies avec vous autres et qu'il est si s?r de son affaire, qu'il n'a pas besoin de vous faire courir la pr?tentaine pour vous attraper par le chignon du cou, ? l'heure qui lui conviendra.

--Voyons, p?re Brindamour, ne vous f?chez pas, et si vous avez vu des loups-garous, racontez-nous ?a.

C'?tait pendant la derni?re lutte ?lectorale de Richelieu, entre Bruneau et Morgan, dans une salle du comit? du Pot-au-beurre, en bas de Sorel. Les cabaleurs r?visaient les listes et faisaient des cours d'?conomie politique aux badauds qui pr?tendaient s'int?resser ? leurs arguments, pour attraper de temps en temps un p'tit coup de whisky blanc ? la sant? de monsieur Morgan.

Dans une salle basse, remplie de fum?e, assis sur des bancs grossiers autour d'une table de bois de sapin brut, vingt-cinq ? trente gaillards des alentours causaient politique sous la haute direction d'un ?tudiant en droit qui pontifiait, flanqu? de quatre ou cinq exemplaires du Hansard et des derniers livres bleus des minist?res d'Ottawa.

Le p?re Pierriche Brindamour en ?tait rendu au paroxysme d'un enthousiasme ?chevel? et criait comme un poss?d?:

--Hourrah pour monsieur Morgan! et que le diable emporte tous les rouges de Sorel; c'est une bande de coureux de loup-garoux.

Un ?clat de rire formidable accueillit cette frasque du p?re Pierriche et comme on le savait bavard, ? ses heures d'enthousiasme, on r?solut de le faire causer.

--Des coureux de loup-garou! Allons donc M. Brindamour, est-ce que vous croyez encore ? ces blagues-l?, dans le rang du Pot-au-beurre?

C'est alors que le vieillard riposta en s'attaquant au manque de vertu et d'orthodoxie des avocats en g?n?ral et de ceux de Montr?al en particulier.

--Ah ben oui! vous ?tes tous pareils, vous autres les avocats, et si je vous demandais seulement ce que c'est qu'un loup-garou, vous seriez ben en peine de me le dire. Quand je dis que tous les rouges de Sorel courent le loup-garou, c'est une mani?re de parler, car vous devriez savoir qu'il faut avoir pass? sept ans sans aller ? confesse, pour que le diable puisse s'emparer d'un homme et lui faire pousser du poil en dedans. Je suppose que vous ne savez m?me pas qu'un homme qui court le loup-garou a la couenne comme une peau de loup revir?e ? l'envers, avec le poil en dedans. Un sauvage de Saint-Fran?ois conna?t ?a, mais un avocat de Montr?al, ?a peut bavasser sur la politique, mais en dehors de ?a, faut pas lui demander grand-chose sur les choses s?rieuses et sur ce qui concerne les habitants.

--C'est vrai, r?pondirent quelques farceurs qui se rangeaient avec le p?re Pierriche, contre l'avocat en herbe.

--Oui! tout ?a, c'est tr?s bien, riposta l'?tudiant dans le but de pousser Pierriche ? bout, mais ?a n'est pas une v?ritable histoire de loup-garou. En avez-vous jamais vu, vous, un loup-garou, M. Brindamour? C'est cela que je voudrais savoir.

--Oui, j'en ai vu un loup-garou, pas un seul, mais vingt-cinq, et si je vous rencontrais seulement sur le bord d'un foss?, dans une talle de hart-rouge apr?s neuf heures du soir, je gagerais que vous auriez le poil aussi long qu'un loup, vous qui parlez, car ?a vous emb?terait ben de me montrer votre billet de confession. Le plus que ?a pourrait ?tre ce serait un mauvais billet de p?ques de renard. Ah! on vous conna?t les gens de Montr?al. Faut pas venir nous pousser des pointes, parce que vous ?tes plus ?duqu?s que nous autres.

--Oui! oui, tout ?a, c'est bien beau mais c'est pour nous endormir que vous blaguez comme ?a. Allez dire ?a aux gens de Bruneau. Ce qui me faut ? moi c'est des preuves, et si vous savez une histoire de loup-garou, racontez-la, car on va finir par croire que vous n'en savez pas et que vous voulez vous moquer de nous autres.

--Oui-da! oui. Eh ben j'en ai une histoire et je vas vous la conter, mais ? une condition: vous allez nous faire servir un gallon de whisky d'?lection pour que nous buvions ? la sant? de monsieur Morgan, notre candidat.

La proposition fut agr??e et le p'tit lait ?lectoral fut vers? ? la ronde, haussant d'un cran l'enthousiasme d?j? surchauff? de cet auditoire d?sint?ress?!

Et apr?s avoir constat? qu'il ne restait plus une goutte de liquide au fond de la mesure d'un gallon qu'on avait plac? sur une pile de litt?rature ?lectorale, au beau milieu de la table, Pierriche Brindamour prit la parole:

--Vite! Pierriche, vite! donne-moi la branche de rameau b?nit, qu'il y a ? la t?te de mon lit, dans la cabine. Tu trouveras aussi un tr?fle ? quatre feuilles dans un livre de pri?res, et puis prends deux balles et sauce-les dans l'eau b?nite. Vite, d?p?che-toi!

Je trouvai bien le rameau b?nit, mais je ne pus mettre la main sur le tr?fle ? quatre feuilles et dans ma pr?cipitation je renversai le petit b?nitier sans pouvoir saucer les balles dedans.

Mon p?re pulv?risa le rameau sec entre ses doigts et s'en servit pour bourrer son fusil, mais je n'osai lui avouer que le tr?fle ? quatre feuilles n'?tait pas l? et que les balles n'avaient pas ?t? mouill?es dans l'eau b?nite. Il mit les deux balles dans le canon, fit un grand signe de croix et visa dans le tas de m?cr?ants.

Le coup partit, mais c'est comme s'il avait charg? son fusil avec des pois et les loups-garous continu?rent ? danser et ? ricaner, en nous montrant du doigt.

Les maudits! dit mon d?funt p?re, je vais essayer encore une fois.

Et il rechargea son fusil et en guise de balle il fourra son chapelet dans le canon.

Et paf!

Cette fois le coup avait port?! Le feu s'?teignit sur la rive et les loups-garous s'enfuirent dans les bois en poussant des cris ? faire fr?mir un cabaleur d'?lections.

Les graines du chapelet les avaient ?videmment rendus malades et les avaient dispers?s, mais comme c'?tait un chapelet neuf qui n'avait pas encore ?t? b?nit, mon d?funt p?re ?tait d'opinion qu'il n'avait pas r?ussi ? les d?livrer et qu'ils iraient sans doute continuer leur sabbat sur un autre point de l'?le.

Ce qui avait emp?ch? le premier coup de porter, c'est que le fusil n'avait pas ?t? bourr? avec le tr?fle ? quatre feuilles et que les balles n'avaient pas ?t? plong?es dans l'eau b?nite.

--Hein! qu'est-ce que vous dites de ?a, M. l'avocat. J'en ai-t-y vu des loups-garous? continue Pierriche Brindamour.

--Oui! L'histoire n'est pas mauvaise, mais je trouve que vous les avez vus un peu de loin et qu'il y a bien longtemps de ?a. Si la chose s'?tait pass?e l'automne dernier, je croirais que ce sont les membres du Club de p?che de Phaneuf et de Joe Riendeau de Montr?al que vous avez aper?us sur l'?le de Gr?ce en train de courir la galipette. Vous avez dit vous-m?me que tous les rouges ?taient des coureux de loup-garou et vous savez bien, M. Brindamour, qu'il n'y a pas de bleus dans ce club-l?!

--Ah! vous vous moquez de mon histoire sans doute que c'?tait en temps d'?lection et que j'avais pris un coup de trop du whisky du candidat de ce temps-l?. Eh bien! arr?tez un peu, je n'ai pas fini et j'en ai une autre que mon d?funt p?re m'a racont?e, ce soir-l?, en montant ? Montr?al ? bord de son bateau. C'est une histoire qui lui est arriv?e ? lui-m?me et je vous avertis d'avance que je me f?cherai un peu s?rieusement si vous faites seulement semblant d'en douter.

Mon d?funt p?re, dans son jeune temps, faisait la chasse avec les sauvages de Saint-Fran?ois dans le haut du Saint-Maurice et dans le pays de la Matawan. C'?tait un luron qui n'avait pas froid aux yeux et, entre nous, j'peux bien vous dire qu'il n'ha?ssait pas les sauvagesses. Le cur? de la mission des Ab?nakis l'avait averti deux ou trois fois de bien prendre garde ? lui, car les sauvages pourraient lui faire un mauvais parti, s'ils l'attrapaient ? r?der autour de leurs cabanes. Mais les coureurs des bois de ce temps-l? ne craignaient pas grand-chose et, ma foi, vous autres, les godelureaux de Montr?al, vous savez bien qu'il faut que jeunesse se passe. Mon d?funt p?re ?tait donc parti pour aller faire la chasse au castor, au rat musqu? et au carcajou dans le haut du Saint-Maurice. Une fois rendu l?, il avait camp? avec les Ab?nakis, et sa cabane de sapinages ?tait ? peine couverte de neige qu'il avait d?j? jet? l'oeil sur une belle sauvagesse qui avait suivi son p?re ? la chasse. C'?tait une belle fille, une belle! mais elle passait pour ?tre sorci?re dans la tribu et elle se faisait craindre de tous les chasseurs qui n'osaient l'approcher. Mon d?funt p?re qui ?tait un brave se piqua au jeu et, comme il parlait couramment sauvage, il commen?a ? conter fleurette ? la sauvagesse. Le p?re de la belle faisait des absences de deux ou trois jours pour aller tendre ses pi?ges et ses attrapes, et pendant ce temps-l?, les choses allaient rondement. Il faut vous dire que la sauvagesse ?tait une v'limeuse de payenne qui n'allait jamais ? l'?glise de Saint-Fran?ois et on pr?tendait m?me qu'elle n'avait jamais ?t? baptis?e. Pas besoin de vous dire tout au long comment les choses se pass?rent, mais mon d?funt p?re finit par obtenir un rendez-vous, ? quelques arpents du camp, sur le coup de minuit d'un dimanche au soir.

Voil? mon histoire, monsieur l'incr?dule, termina le p?re Pierriche, et je vous assure qu'elle est diablement plus vraie que tout ce que vous venez nous raconter ? propos de Lector Langevin, de monsieur Morgan et du p'tit Baptiste Gu?vremont. T?chez seulement de vous d?livrer de Bruneau comme mon d?funt p?re s'?tait d?livr? de la sauvagesse, mais, s'il faut en croire Baptiste Rouillard qui cabale de l'autre c?t?, j'ai bien peur que les rouges nous fassent tous courir le loup-garou, le soir de l'?lection. En attendant prenons un aut'coup ? la sant? de notre candidat et allons nous coucher, chacun chez nous.

LA B?TE ? GRAND'QUEUE

C'est absolument comme je te le dis, insista le p'tit Pierriche Desrosiers, j'ai vu moi-m?me la queue de la b?te. Une queue poilue d'un rouge ?carlate et coup?e en sifflet pas loin du... trognon. Une queue de six pieds, mon vieux!

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