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Read Ebook: La Pantoufle de Sapho by Sacher Masoch Leopold Ritter Von Dolor S D Translator
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next PageEbook has 218 lines and 8565 words, and 5 pagesce coin. >>C'est la premi?re fois, j'avais si affreusement faim, mais personne ne m'a rien donn? et je mourrais plut?t que de recommencer. --Je ne veux pas que vous recommenciez, s'?cria Sophie. C'est moi qui vais ... La trag?dienne ouvrit sa bourse, mais l'int?rieur de cette bourse offrait un spectacle bien triste ou bien risible, comme on voudra. La grande Sophie eut de la peine ? rassembler vingt kreuzer, qu'elle glissa dans la main de la vieille tout en lui montrant sa bourse vide. --Voyez, ch?re Muller, je ne poss?de rien moi-m?me. Il n'en va pas autrement avec nous autres com?diens, si quelques marchands ne me faisaient cr?dit, je serais souvent bien embarrass?e pour m'habiller. Mais cette bagatelle ne vous tire pas d'affaire. --Mais si, mais si, murmura la com?dienne en serrant la main de sa camarade. --Non, non, il vous faut beaucoup plus. Comment ferons-nous? Sophie se mit ? r?fl?chir. Des badauds de tous rangs s'?taient rassembl?s autour des deux femmes, car la curiosit? des Viennois est notoire. Tout ? coup, la Schroeder fendit le groupe. Une belle et heureuse inspiration venait d'illuminer sa physionomie d'habitude aust?re. Elle entra pr?cipitamment dans une boutique de confiseur et en revint, une assiette ? la main. C'est moi qui mendirai pour vous, Muller, dit-elle avec ce sourire qui lui ouvrait tous les coeurs. Effectivement, elle se pla?a ? c?t? de la vieille actrice et tendit l'assiette. --Une aum?me pour une malheureuse, je vous prie, la charit? pour une pauvre com?dienne ?g?e. En quelques secondes, l'assiette se couvrit de pi?ces d'argent et de cuivre de toutes sortes. Mais cela ne satisfit pas la qu?teuse. Quand Sophie se m?lait de quelque chose, elle voulait que ce f?t bien, et elle ne se lassa pas de prier et de tendre l'assiette. Les passants, qui apercevaient la Schroeder, dans sa pelisse brune bien connue, entour?e d'une foule de curieux, s'arr?taient et se frayaient un chemin jusqu'? elle. Grands seigneurs et grandes dames jouaient des coudes et se m?laient ? la foule, pour le plaisir de d?poser une bank-note dans l'assiette que tenait la main de la c?l?bre femme, jusqu'au policier, qui approcha, les sourcils fronc?s, et s'effa?a en reconnaissant la Schroeder. --La mendicit? est interdite sous peine d'amende, grommela-t-il respectueusement dans sa moustache noire, mais non aux com?diens imp?riaux et royaux. --Mon Dieu, que vous ?tes bonne, soupira la vieille. Que Dieu vous le rende! moi je ne le puis, c'est trop, beaucoup trop. Enfin la Schroeder elle-m?me se d?clara satisfaite. Elle souleva le pan du fichu de la vieille et, d'un geste hardi, y jeta p?le-m?le les bank-notes, les pi?ces d'argent et les monnaies de cuivre, lorsqu'au moment de rapporter l'assiette, elle dut la tendre une fois encore: son adorateur, le gentilhomme polonais, surgit inopin?ment, la t?te d?couverte, offrant un billet de 50 florins. Un regard rayonnant de la femme ador?e fut sa r?compense. --Cela suffira bien pour quelque temps, n'est-ce pas, Muller? dit la trag?dienne en se tournant une derni?re fois vers sa camarade. Puis, tu reviendras, n'oublie pas, Muller, promets-moi de ne pas oublier! Mais les badauds de Vienne n'abandonn?rent pas aussi facilement leur com?dienne favorite. Ils l'escort?rent au del? du march? aux chevaux jusqu'au Graben, o? elle dut se r?fugier sous la vo?te de la < Chemin faisant, Sophie ne put s'emp?cher de repenser au Polonais. < Il n'est pas assez viril, il lui manque d'?tre un homme et, ? moi, d'?tre Sapho. Je pourrais difficilement l'aimer. Et lui? Esp?rons qu'il sera raisonnable et ne se jettera pas dans le Danube.>> --Mais, mon cher ma?tre dit soudain l'actrice en se pla?ant devant lui et en rejetant la t?te en arri?re, d'un mouvement qui lui ?tait familier, je n'ai plus que faire de vous. --Vraiment? fit le po?te, et il leva vers elle ses beaux yeux bleus suppliants. Puis, d'un ton r?sign?:--Alors il me faut partir. Grillparzer se leva en poussant un soupir, prit son chapeau et soupira de nouveau. La Schroeder lui tendit la main. --Je pars, dit-il en consid?rant cette main, mais--vous savez que je d?teste le baise-main--je dois vous baiser la main. Si j'?tais berlinois, je dirais que votre main est spirituelle, mais, en bon Viennois, je vous dis seulement: vous avez des menottes affriolantes. Il porta la main, qui paraissait sculpt?e dans de l'ivoire, ? ses l?vres et partit. A peine la Schroeder se trouva-t-elle seule, qu'on frappa ? la porte. La vieille com?dienne, Mme Muller, entra timidement. La vieille levait des mains suppliantes. --Rassurez-vous, vous me verrez jouer, ma ch?re Muller, mais, avant tout, prenez une tasse de caf? bien chaud, cela vous fera du bien. La Schroeder for?a sa vieille camarade ? prendre place sur le canap?, et la servit de ses propres mains. Pendant qu'elle ?tait assise ? humer le breuvage r?confortant et qu'un sourire de bonheur ?panouissait ses vieux traits rid?s, la Schroeder terminait ses pr?paratifs tout en causant. --Il est impossible que vous montiez ? la galerie ce soir, je ne le permettrai pas. On s'y ?touffera, vous pourriez vous trouver mal, la foule, la chaleur ... Le parterre doit ?tre comble ?galement, vous ne pourriez vous tenir debout et les si?ges doivent ?tre tous lou?s. Elle r?fl?chissait. --Savez-vous quoi? je vous emm?ne dans les coulisses au lieu de Babette, qui trouvera une place ? l'orchestre o? on la conna?t bien. --Que vous ?tes bonne! --Et o? en est l'argent? poursuivit la trag?dienne. Nous autres artistes en manquons toujours. Ainsi, parlez franc. Que vous faut-il? La maladie a tout absorb?? --Vous croyez cela? repartit la vieille en souriant. Oh non, je suis devenue tr?s ?conome. Avec ce que je dois ? votre g?n?rosit?, je puis encore vivre le quart d'une ann?e. La Schroeder avait ouvert son porte-monnaie et ?clata de rire. --Voyez, dit-elle, joyeuse comme une enfant, je voulais vous g?ter et ne poss?de rien moi-m?me. Vous ?tes en ce moment plus riche que moi. Je donne ? Babette ce qu'il lui faut pour tout le mois, une fois qu'elle l'a dans ses mains, je n'ai plus le droit d'y toucher; le reste passe par la fen?tre, je ne sais comment. L'important est que vous soyez momentan?ment ? l'abri du besoin. Mais occupons-nous de l'avenir. --Divine amie, si je pouvais entreprendre un petit commerce, un tout petit commerce, soupira la vieille actrice. --Bon. Et combien faudrait-il? je n'en ai pas le moindre soup?on. Mille ?cus peut-?tre? La vieille femme eut presque une frayeur. --Mille ?cus? s'?cria-t-elle, le dixi?me suffirait. Cent ?cus. --Vous les aurez, assura la Schroeder. Mais j'entends le vacarme de notre arche de No?. Babette, donne-moi ma pelisse. D'un geste rapide, elle glissa dans la chaude fourrure et descendit majestueusement les marches de l'escalier. La vieille Muller suivit, toujours envelopp?e de son fichu. Le Burgth??tre ?tait plein ? s'?touffer, jusque dans les plus petits recoins. Un public de choix attendait avec une impatience f?brile le lever du rideau. Au premier rang, se tenait, ? sa place accoutum?e, F?licien Wasilewski, en proie ? une agitation extraordinaire. Il se levait, se rasseyait, couvrait son visage de ses mains et d?chirait son mouchoir de poche en mille petits morceaux. Enfin, la pi?ce commen?a. Le premier acte se passa dans l'habituel mouvement d'une salle trop pleine. Mais les mots du choeur: < Les modes gr?co-romaines de ce temps permettaient ? l'artiste une libert? d'habillement, telle que, de nos jours, on ne la conc?de qu'aux chanteuses d'op?rettes. Une ample draperie blanche, retenue sur l'?paule par une agrafe en or massif, suivait de pr?s le contour ferme et ?lastique des seins, laissant ? d?couvert des bras superbes. Du c?t? gauche, tombait, le long de la hanche, un manteau ?carlate brod? d'or. S?par?e, au milieu du front, l'opulente chevelure se d?roulait en anneaux le long des tempes et, retenue par un bandeau blanc tiss? d'or formait un noeud de boucles sombres, qui retombaient sur la nuque. F?licien tressaillit en la voyant ainsi. Elle lui sembla presque terrible. Dans la majest? de ses formes, il y avait une puissance presque violente qui le terrassait, et son pied d?licat chauss? de sandales d'or appelait son baiser plus imp?rieusement que jamais ne l'avaient fait la main blanche ou les l?vres rouges d'une femme. Mais, quand elle commen?a de parler, quand sa voix merveilleuse r?sonna, pareille tant?t ? un son de cloches, tant?t ? un murmure de harpe, lorsque dans chaque mouvement s'exprima la grande ?me de la po?tesse ador?e du peuple et souveraine des coeurs rentrant victorieuse des jeux olympiques, Sapho lui parut ?tre la divine Sophie elle-m?me, la femme fi?re et dominatrice, despotique en amour, comme en art. Il sentit alors combien follement il l'aimait, mais aussi ? quel point le courage lui manquerait de jamais lui demander ses faveurs. Grillparzer et Sophie f?t?rent ce soir un triomphe complet et qui ne devait ?tre surpass? que plus tard, lorsque, en M?d?e, la Schroeder p?trifia litt?ralement son auditoire par le mot trois fois r?p?t?: < C'est surtout ? la tomb?e du rideau que les applaudissements devinrent d?lirants et, pendant que Sophie se voyait contrainte de para?tre et de repara?tre ind?finiment, le Polonais, saisi d'une id?e subite, enjamba la rampe de l'orchestre et fut en quelques instants dans la rue. Add to tbrJar First Page Next Page |
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