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Munafa ebook

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Read Ebook: La dernière Aldini: Simon by Sand George

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Ebook has 428 lines and 34279 words, and 9 pages

strie, n'en doutez pas. Ayons toujours l'oeil sur lui, et tenez votre montre dans votre main quand il passera pr?s de vous. Je vous jure que, pendant que je me penchais, sans me douter de rien, vers le piano, pour lui dire de le baisser, il a avanc? la main pour me voler ma cha?ne d'or.

--Eh! vous raillez, ma cousine! Il est impossible qu'un filou ait tant d'audace. Ce n'est pas du tout l? ce que je veux vous dire, et vous feignez de ne pas me comprendre.

--Je feins, Hector? Vous m'accusez de feindre? Moi, feindre! En v?rit?, dites-moi si vous valez la peine que je me donnerais pour inventer un mensonge?

--Cette duret? est fort inutile, ma cousine. Il para?t que je vaux du moins la peine que vous cherchiez l'occasion de m'adresser des paroles mortifiantes.

--Mais, pour Dieu, de quoi parlez-vous, mon cousin? Et pourquoi dites-vous que cet homme...

--Je dis que cet homme n'est point un accordeur de pianos, qu'il n'accorde pas votre piano, qu'il n'a jamais accord? aucun piano. Je dis qu'il ne vous quitte pas de l'oeil, qu'il ?pie tous vos mouvements, qu'il aspire toutes vos paroles. Je dis que c'est un homme qui vous aura vue quelque part, ? Naples ou ? Florence, au th??tre ou ? la promenade, et qui est tomb? amoureux de vous.

Je revis la signora au bras de son cousin, se promenant sur la terrasse, et de temps en temps s'arr?tant devant la porte de glaces entr'ouverte, pour me regarder, elle, d'un air railleur, lui, d'un air embarrass?. Je ne savais plus ce qui se passait entre eux, et la col?re me montait de plus en plus ? la gorge.

Une jolie soubrette se trouva tout d'un coup en tiers sur la terrasse. La signora lui parlait d'un ton anim?, tant?t riant, tant?t prenant un air absolu. La soubrette semblait h?siter; le cousin semblait supplier sa cousine de ne pas faire d'extravagance. Enfin la soubrette vint ? moi d'un air confus, et me dit en rougissant jusqu'? la racine des cheveux: <

--Moi! Monsieur, dit la soubrette en rougissant encore plus et en inclinant sa jolie t?te sur son sein avec embarras. Comment pouvais-je occuper monsieur?

--Parce que vous ?tes plus jolie cent fois que votre ma?tresse,>> lui dis-je en passant un bras autour d'elle et en lui donnant un baiser avant qu'elle e?t le temps de se douter de ma fantaisie.

C'?tait une belle villageoise, une soeur de lait de la signora. Elle ?tait brune aussi, grande et svelte, mais timide dans sa d?marche, et aussi na?ve, aussi douce dans son maintien que sa jeune ma?tresse ?tait r?solue et rus?e. Elle tomba dans un tel trouble en se voyant ainsi embrass?e par surprise devant la signora, qui s'?tait approch?e jusqu'au seuil du salon, entra?nant son imb?cile cousin, qu'elle s'enfuit en cachant son visage dans son tablier bleu brod? d'argent. La signora, qui ne s'attendait pas davantage ? me voir prendre si philosophiquement ses impertinences, recula d'un pas, et le cousin, qui n'avait rien vu, r?p?ta plusieurs fois de suite: <> La pauvre fillette continua de fuir sans vouloir r?pondre, et la signora ?clata d'un rire forc? dont je feignis de ne pas m'apercevoir.

Au bout de peu d'instants, je la vis repara?tre seule. Elle avait une expression de visage qui voulait ?tre s?v?re, et qui ?tait ?mue et troubl?e. <

--En v?rit?, Mademoiselle? r?pondis-je gravement.

--Ne raillez pas, Monsieur, reprit-elle avec d?pit. On peut ?tre ais? ? tromper quand on aime; mais on est brave quand on s'appelle Grimani.

--Je n'en doute point, Mademoiselle, r?pondis-je sur le m?me ton.

--Je vous prie donc, Monsieur, reprit-elle encore avec une v?h?mence involontaire, de ne plus vous montrer ici; car toutes ces plaisanteries pourraient mal finir.

--C'est comme il vous plaira, Mademoiselle, r?pondis-je toujours imperturbable.

--Il me para?t cependant, Monsieur, qu'elles vous divertissent beaucoup; car vous ne paraissez pas dispos? ? les terminer.

--Si je m'en amuse, signora, c'est par ob?issance, comme on s'amuse en Italie sous le r?gne du grand Napol?on. Je voulais me retirer il y a une heure, et c'est vous qui n'avez pas voulu.

--Je ne l'ai pas voulu? Osez-vous dire que je ne l'ai pas voulu?

--Je voulais dire, signora, que vous n'y avez pas song?; car j'attendais que vous me donnassiez un pr?texte pour me retirer d'une mani?re tant soit peu vraisemblable au beau milieu de ma besogne, et il m'?tait impossible, quant ? moi, de l'imaginer. Cela serait si peu naturel dans l'?tat o? est le piano, et j'ai une si ferme volont? de ne rien faire qui puisse vous compromettre, que je reviendrai demain...

--Vous ne le ferez pas...

--J'en demande bien pardon ? Votre Seigneurie, je reviendrai.

--Et pourquoi donc, Monsieur? Et de quel droit?

--Je reviendrai pour satisfaire la curiosit? du seigneur Hector, qui est fort intrigu? de savoir qui je suis, et j'y reviendrai du droit que vous m'avez donn? de faire face ? l'homme avec qui vous avez voulu rire de moi.

--Est-ce une menace, seigneur L?lio? dit-elle en cachant sa frayeur sous le manteau de son orgueil.

--Non, signora. Un homme qui ne veut pas reculer devant un autre homme n'est pas un homme qui menace.

--Mais mon cousin ne vous a rien dit, Monsieur; c'est contre son gr? que je vous ai fait ces plaisanteries.

--Mais il est jaloux et querelleur... De plus, il est brave. Moi, je ne suis pas jaloux, signora, je n'en ai ni le droit ni la fantaisie. Mais je suis querelleur aussi, et peut-?tre que, moi aussi, bien que je ne m'appelle pas Grimani, je suis brave; qu'en savez-vous?

--Oh! je n'en doute pas, L?lio!>> s'?cria-t-elle avec un accent qui me fit fr?mir de la t?te aux pieds, tant il ?tait diff?rent de ce que j'entendais depuis trois jours.

Je la regardai avec surprise; elle baissa les yeux d'un air ? la fois modeste et fier. Je fus d?sarm? encore une fois. <>

Elle h?sita un instant. <> Une grosse larme roula sur la noire paupi?re de la signora; elle essaya quelques instants de la retenir, mais elle vint tomber sur sa main. ?mu, p?n?tr? et terrass? par le terrible dieu avec lequel on ne joue pas en vain, je portai mes l?vres sur cette belle main, et je d?vorai cette belle larme, poison subtil qui mit le feu dans mon sein. J'entendis revenir le cousin, et, me levant pr?cipitamment: <> Et, la saluant jusqu'? terre, je me retirai. Le cousin ne me parut pas aussi belliqueux qu'elle me l'avait d?peint; car il me salua le premier, lorsque je passai devant lui. Je me retirai lentement, p?n?tr? de tristesse; car j'aimais, et je devais ne pas revenir. En devenant sinc?re, mon amour devenait g?n?reux.

Je me retournai plusieurs fois pour voir la robe de velours de la signora; mais elle avait disparu. Au moment o? je franchissais la grille du parc, je l'aper?us dans une petite all?e qui longeait la muraille int?rieurement. Elle avait couru pour se trouver l? en m?me temps que moi, et elle s'effor?ait de prendre une d?marche lente et r?veuse pour me faire croire que le hasard amenait cette rencontre; mais elle ?tait tout essouffl?e, et ses beaux bandeaux de cheveux noirs s'?taient d?rang?s le long des branches qu'elle avait rapidement ?cart?es pour venir ? travers le taillis. Je voulus m'approcher d'elle, elle me fit un signe comme pour m'indiquer qu'on la suivait. J'essayai de franchir la grille; je ne pouvais pas m'y d?cider. Elle me fit alors un signe d'adieu accompagn? d'un regard et d'un sourire ineffables. En cet instant elle fut belle comme je ne l'avais point encore vue. Je mis une main sur mon coeur, l'autre sur mon front, et je m'enfuis, heureux et amoureux d?j? comme un fou. Les branches avaient fr?mi ? quelques pas derri?re la signora; mais, l? comme ailleurs, le cousin n'arrivait pas ? temps: j'avais disparu.

Je trouvai chez moi une lettre de la Checchina. <> Je partis une heure apr?s, et, au point du jour, j'arrivai ? San-Giovani. <> lui dis-je en essayant de me d?barrasser de ses grands bras et de ses fraternelles accolades, insupportables pour moi depuis ma maladie, ? cause des parfums dont elle faisait un usage immod?r?, soit qu'elle cr?t ainsi imiter les grandes dames, soit qu'elle aim?t de passion tout ce qui flatte les sens. <>

Tout en regagnant la villa de Cafaggiolo et en laissant ma compagne de voyage donner un libre cours ? ses d?clamations h?ro?ques, ? ses divagations et ? ses h?bleries, j'arrivai, non sans peine, ? savoir que le bon Nasi avait ?t? fascin? dans un bal par une belle personne et l'avait demand?e en mariage; qu'il ?tait venu signifier sa r?solution ? Checchina; que celle-ci ayant pris le parti de s'?vanouir et d'avoir des convulsions, il avait ?t? tellement ?pouvant? par la violence de son d?sespoir, qu'il l'avait suppli?e d'accepter un terme moyen et de rester sa ma?tresse malgr? le mariage. Alors la Checchina, le voyant faiblir, avait orgueilleusement refus? de partager le coeur et la bourse de son amant. Elle avait demand? des chevaux de poste et sign? ou feint de signer un engagement avec l'Op?ra de Paris. Le d?bonnaire Nasi n'avait pu supporter l'id?e de perdre une femme qu'il n'?tait pas s?r de ne plus adorer pour une femme que peut-?tre il n'adorait pas encore. Il avait demand? pardon ? la cantatrice; il avait retir? sa demande et cess? ses d?marches de mariage aupr?s de l'illustre beaut? dont la Checchina ignorait le nom. Checchina s'?tait laiss? attendrir; mais elle avait appris indirectement, le lendemain de ce grand sacrifice, que Nasi n'avait pas eu un grand m?rite ? le faire, puisqu'il venait entre la sc?ne de fureur et la sc?ne de raccommodement, d'?tre d?bout? de sa demande de mariage et d?daign? pour un heureux rival. La Checchina, outr?e, ?tait partie, laissant au comte une lettre foudroyante dans laquelle elle lui d?clarait qu'elle ne le reverrait jamais; et, prenant la route de France, car tout chemin m?ne ? Paris aussi bien qu'? Rome, elle courait attendre ? Cafaggiolo que son amant la poursuiv?t et v?nt mettre son corps en travers du chemin pour l'emp?cher de pousser plus avant une vengeance dont elle commen?ait ? s'ennuyer un peu.

Tout cela n'?tait pas dans le cerveau de la Checchina ? l'?tat de calcul ?troit et d'intrigue cupide. Elle aimait l'opulence, il est vrai, et ne pouvait s'en passer; mais elle avait tant de foi en sa destin?e et tant d'audace dans le caract?re, qu'elle risquait ? chaque instant la fortune du jour pour celle du lendemain. Elle passait le Rubicon tous les matins, certaine de trouver sur l'autre rive un empire plus florissant que celui qu'elle abandonnait. Il n'y avait donc dans ces f?minines roueries rien de vil parce qu'il n'y avait rien de craintif. Elle ne jouait pas la douleur; elle ne faisait ni fausses promesses ni feintes pri?res. Elle avait dans ses moments de contrari?t? de tr?s-v?ritables attaques de nerfs. Pourquoi ses amants ?taient-ils assez cr?dules pour prendre l'imp?tuosit? de sa col?re pour l'effet d'une douleur profonde combattue par l'orgueil? N'est-ce pas notre faute ? tous quand nous sommes dupes de notre propre vanit??

D'ailleurs, quand m?me, pour conserver son empire, la Checchina aurait un peu jou? la trag?die dans son boudoir, elle avait son excuse dans la grande sinc?rit? de sa conduite. Je n'ai jamais rencontr? de femme plus franche, plus fid?le aux amants qui lui ?taient fid?les, plus t?m?raire dans ses aveux lorsqu'elle ?tait veng?e, plus incapable de ressaisir sa domination au prix d'un mensonge. Il est vrai qu'elle n'aimait pas assez pour cela, et que nul homme ne lui semblait valoir la peine de se contraindre et de s'humilier ? ses propres yeux par une dissimulation prolong?e. J'ai souvent pens? que nous ?tions bien fous, nous autres, d'exiger tant de franchise quand nous appr?cions si peu le m?rite de la fid?lit?. J'ai souvent ?prouv? par moi-m?me qu'il faut plus de passion pour soutenir un mensonge qu'il ne faut de courage pour dire la v?rit?. Il est si facile d'?tre sinc?re avec ce qu'on n'aime pas! il est si agr?able de l'?tre avec ce qu'on n'aime plus!

Cette simple r?flexion vous expliquera pourquoi il me fut impossible d'aimer longtemps la Checchina, et comment il me fut impossible aussi de ne pas l'estimer toujours, en d?pit de ses frasques insolentes et de son ambition d?mesur?e. Je compris vite que c'?tait une d?testable amante et une excellente amie, et puis, il y avait une sorte de po?sie dans cette ?nergie d'aventuri?re, dans ce d?tachement des richesses, inspir? par l'amour m?me des richesses; dans cette fatuit? inconcevable, couronn?e toujours d'un succ?s plus inconcevable encore. Elle se comparait sans cesse aux soeurs de Napol?on pour se pr?f?rer ? elles, et ? Napol?on pour s'?galer ? lui. Cela ?tait plaisant et pas trop ridicule. Dans sa sph?re, elle avait autant d'audace et de bonheur que le grand conqu?rant. Elle n'eut jamais pour amants que des hommes jeunes, riches, beaux, et honn?tes; et je ne crois pas qu'un seul se soit jamais plaint d'elle apr?s l'avoir quitt?e ou perdue; car au fond elle ?tait grande et noble. Elle savait toujours racheter mille pu?rilit?s et mille malices par un acte d?cisif de force et de bont?. Enfin, pour tout dire, elle ?tait brave au moral et au physique, et les gens de ce temp?rament valent toujours quelque chose, o? qu'ils soient et quoi qu'ils fassent.

<

--Qu'est-ce que c'est que la Barataria? Est-ce que c'est le nouvel op?ra de Cimarosa?

--Non, c'est le nom de l'?toile qui pr?side ? ta destin?e.>>

Nous arriv?mes ? Cafaggiolo, et n'y trouv?mes point Nasi. <> dis-je ? la Chioggiote. Elle se mordit les l?vres et reprit aussit?t avec un sourire: <> En parlant ainsi, elle se mit ? table, avala presque une daube truff?e; apr?s quoi elle dormit douze heures sans d?semparer, passa trois heures ? sa toilette, et p?tilla d'esprit et d'absurdit? jusqu'au soir. Nasi n'arriva point.

Pour moi, au milieu de la gaiet? et de l'animation que cette bonne fille avait apport?e dans ma solitude, j'?tais pr?occup? du souvenir de mon aventure ? la villa Grimani, et tourment? du d?sir de revoir ma belle patricienne. Mais quel moyen? Je me creusais vainement l'esprit pour en trouver un qui ne la comprom?t pas. En la quittant, je m'?tais jur? de ne faire aucune imprudence. En repassant dans ma m?moire le souvenir de ces derniers instants o? elle m'avait sembl? si na?ve et si touchante, je sentais que je ne pouvais plus agir l?g?rement envers elle sans perdre ma propre estime. Je n'osais pas prendre des informations sur son entourage, encore moins sur son int?rieur; je n'avais voulu voir personne dans les environs, et maintenant j'en ?tais presque f?ch?; car j'eusse pu apprendre par hasard ce que je n'osais demander directement. Le domestique qui me servait ?tait un Napolitain arriv? avec moi et comme moi pour la premi?re fois dans le pays. Le jardinier ?tait idiot et sourd. Une vieille femme de charge, qui tenait la maison depuis l'enfance de Nasi, e?t pu m'instruire peut-?tre; mais je n'osais l'interroger, elle ?tait curieuse et bavarde. Elle s'inqui?tait beaucoup de savoir o? j'allais, et, pendant les trois jours que je ne lui avais pas rapport? de gibier, ni rendu compte de mes promenades, elle ?tait si intrigu?e, que je tremblais qu'elle ne vint ? d?couvrir mon roman. Un nom seul e?t pu la mettre sur la voie. Je me gardai donc bien de le prononcer. Je ne voulais pas aller ? Florence, j'y ?tais trop connu; je m'y serais ? peine montr?, que j'eusse ?t? inond? de visites. Or, dans la disposition maladive et misanthropique qui m'avait fait chercher la retraite de Cafaggiolo, j'avais cach? mon nom et mon ?tat tant aux gens des environs qu'aux serviteurs de la maison m?me. Je devais garder plus que jamais mon incognito; car je pr?sumais que le comte allait arriver, et que ses vell?it?s de mariage pourraient bien lui faire d?sirer d'ensevelir dans le myst?re la pr?sence de la Checchina dans sa maison.

Deux jours s'?coul?rent ainsi sans que Nasi rev?nt, lui qui e?t pu m'?clairer, et sans que j'osasse faire un pas dehors. La Checchina fut prise de vives douleurs et d'un gros rhume par suite des m?saventures de son voyage. Peut-?tre, ne sachant quelle figure faire vis-?-vis de moi, ne voulant pas avoir l'air d'attendre son infid?le apr?s avoir jur? qu'elle ne l'attendrait pas, n'?tait-elle pas f?ch?e d'avoir un pr?texte pour rester ? Cafaggiolo.

Un matin, ne pouvant y tenir, car cette signorina de quinze ans me trottait par la t?te avec ses petites mains blanches et ses grands yeux noirs, je pris mon carnier, j'appelai mon chien, et je partis pour la chasse, n'oubliant que mon fusil. Je r?dai vainement autour de la villa Grimani; je n'aper?us pas un ?tre vivant, je n'entendis pas un bruit humain. Toutes les grilles du parc ?taient ferm?es, et je remarquai que dans la grande all?e, d'o? l'on apercevait le bas de la fa?ade, on avait abattu de gros arbres, dont le branchage touffu interceptait compl?tement la vue. ?tait-ce ? dessein qu'on avait dress? ces barricades? ?tait-ce une vengeance du cousin? ?tait-ce une pr?caution de la tante? ?tait-ce une malice de mon h?ro?ne elle-m?me? Si je le croyais! me disais-je. Mais je ne le croyais pas. J'aimais bien mieux supposer qu'elle g?missait de mon absence et de sa captivit?, et je faisais pour sa d?livrance mille projets plus ridicules les uns que les autres.

En rentrant ? Cafaggiolo, je trouvai dans la chambre de la Checchina une belle villageoise que je reconnus aussit?t pour la soeur de lait de la Grimani. <

--Venez, ma ch?re enfant, dis-je ? la soubrette, et ne craignez rien; vous n'avez affaire ici qu'? d'honn?tes gens.>>

La pauvre fille restait debout, ?perdue, et triste ? faire piti?. Bien qu'elle e?t eu le courage de cacher jusque-l? le motif de sa visite, elle tirait de sa poche et montrait ? demi, dans son trouble, un billet qu'elle y renfon?ait de nouveau, partag?e entre le soin de son honneur et celui de l'honneur de sa ma?tresse. <>

La jeune fille fit une profonde r?v?rence et me suivit dans le salon. Son coeur battait ? briser le lacet de son corsage de velours vert, et ses joues ?taient ?carlates comme sa jupe. Elle se h?ta de tirer la lettre de sa poche, et, en me la remettant, elle recula de trois pas, tant elle craignait que je ne fusse aussi insolent avec elle que la premi?re fois. Je la rassurai par le calme de mon maintien, et lui demandai si elle avait quelque chose de plus ? me dire. <> Et je la reconduisis aupr?s de la Checchina. <> dit la Checchina en lui faisant signe de s'asseoir, et en lui souriant d'un air de protection amicale. Cette douceur et cette simplicit? de mani?res envers les gens de son ancienne condition ?taient au nombre des belles qualit?s de la Chioggiote. En m?me temps qu'elle minaudait les allures de la grande dame, elle conservait la bont? brusque et na?ve de la bateli?re. Ses mani?res, souvent ridicules, ?taient toujours bienveillantes; et, si elle aimait ? tr?ner dans un lit de satin garni de dentelles devant cette pauvre villageoise, elle n'en avait pas moins dans le coeur et sur les l?vres de tendres encouragements pour son humilit?.

La lettre de la signora ?tait con?ue en ces termes:

R?pondre, promettre, jurer, remercier, et remettre ? la belle Lila le plus ampoul? des billets d'amour, ce fut l'affaire de peu d'instants. Mais quand je voulus glisser une pi?ce d'or dans la main de la messag?re, j'en fus emp?ch? par un regard plein de tristesse et de dignit?. Elle avait c?d? par d?vouement ? la fantaisie de sa ma?tresse; mais il ?tait ?vident que sa conscience lui reprochait cet acte de faiblesse, et que lui en offrir le paiement, c'e?t ?t? la ch?tier et l'humilier cruellement. Je me reprochais beaucoup en cet instant le baiser que j'avais os? lui d?rober pour railler sa ma?tresse, et j'essayai de r?parer ma faute en la reconduisant jusqu'au bout du jardin avec autant de respect et de courtoisie que j'en eusse t?moign? ? une grande dame.

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