Use Dark Theme
bell notificationshomepageloginedit profile

Munafa ebook

Munafa ebook

Read Ebook: Les parisiennes de Paris by Banville Th Odore Faullain De

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page

Ebook has 1033 lines and 90954 words, and 21 pages

TH?ODORE DE BANVILLE

LES PARISIENNES DE PARIS

PARIS

A TH?ODORE BARRI?RE

MON CHER AMI,

Th. de B.

DEVANT LE RIDEAU

LES PARISIENNES DE PARIS

LA FEMME-ANGE

--?LODIE DE LUXEUIL--

Vous avez rencontr? ?lodie.

Vous connaissez ces premi?res repr?sentations qui sont un ?v?nement dans la ville. Lorsqu'il s'agit de juger l'oeuvre d'un homme ?minent ou m?me une com?die ? scandale, il semble que d?s le matin Paris bouillonne comme si la pens?e du po?te parlait d'avance ? nos ?mes ? travers le rideau immobile et ? travers le manuscrit ferm?. Le soir venu, par une inexplicable magie, tout s'anime jusqu'au paroxysme de la vie f?brile. Les toilettes et les visages rayonnent dans la lumi?re folle; plaintes, g?missements et fanfares d'all?gresse, les cordes des instruments et les cuivres de Sax r?sonnent d'une sonorit? inconnue. Un vent d'orage courbe silencieuses ces mille t?tes parmi lesquelles la foule reconna?t et salue ses idoles.

Tout ? coup, par un mouvement impr?vu, quelques personnes s'?cartent ou changent de place, et laissent ? d?couvert une loge jusque-l? cach?e; alors se d?tache devant vous une apparition dont vous ne perdrez jamais le souvenir.

P?le, id?ale, tremblante, mollement accoud?e sur le devant de cette loge ?clair?e par un globe d?poli, une po?tique figure r?ve, absorb?e dans quelque douloureuse extase. Les ombres d'une ingu?rissable m?lancolie flottent parmi les lignes divinement na?ves de son visage. V?tue d'une robe de soie blanche unie, la t?te et le cou envelopp?s et noy?s dans une brume de gaze blanche, blanche elle-m?me comme ses voiles, cette femme, est-ce une femme? semble pleurer am?rement les cieux d'o? elle est descendue. Ses grands yeux d'or, avides d'?ther, veulent percer les vo?tes du th??tre et boire le ciel. ?videmment elle cherche avec inqui?tude ses ailes sans tache, et si ses petites mains s'agitent ainsi, c'est qu'elles ne trouvent plus ? son c?t? la harpe sur laquelle elle chantait des joies ineffables, l?-haut dans les voies lact?es fleuries d'?toiles. Vous diriez d'un lis transplant? dans le verger d'un bourgeois: elle va mourir.

--Ah! r?pondit le blond et doux po?te ?mile de Nanteuil, il ne faut pas vouloir tout expliquer! Si madame de Luxeuil jouait cette com?die-l?, elle serait la plus cynique des cr?atures et elle ne nous occuperait pas ainsi tous. Pourquoi ne pas admettre le surnaturel, toujours bien plus facile ? comprendre que ce que nous voyons dans la vie?

--Oui, reprit Rosier, qu'on se prom?ne vers le soir sur le lac d'Enghien ou sur le lac de C?me, on la rencontre toujours ?chevel?e ? la brise, dans de petits bateaux! Preuve certaine qu'elle a trop lu Lamartine et qu'elle veut accaparer cette corde-l?. Cette jeune et jolie veuve a compris tout bonnement qu'? Paris les affaires d'argent et les affaires d'amour nous laissent une affreuse fatigue de la r?alit?, et elle a pris comme sp?cialit? l'Id?al.

Le po?te regarda finement ses interlocuteurs.

--Voil? qui est trop simple, dit-il. Comme moi, l'un de vous au moins a ?t? une fois dans sa vie persuad? par une conversation d'un quart d'heure, et tout le monde le serait.

--Persuad? de quoi? Persuad? qu'?lodie est un ange... tout ? fait ignorant?

--Oui.

--Mais ses enfants?

A ce moment-l?, je l'ai regard?e fixement, ?bloui, fou, irrit?; j'avais dans mes yeux toute l'indignation d'un coeur honn?te. ?lodie ne s'est pas troubl?e, elle n'a pas rougi, rien n'?tait jou?, elle ne mentait pas. Comme vous l'imaginez, les bras m'en tombaient, mais j'ai ?t? convaincu, et il fallait ?tre convaincu ? moins d'?tre un ath?e ou un imb?cile.

--C'est ?gal, dit Rosier, au diable la po?sie lamartinienne, et tous ceux qui boivent des cascatelles et qui s'en vont dans les clairi?res manger, sur le coup de minuit, des salades de sensitives! En rentrant chez moi, je veux qu'on m'apporte un jambon d'York bien rose et mon Rabelais, et une bouteille d'un de ces grands vins qui contiennent non-seulement l'amour et l'esprit, mais aussi tout le bon sens fran?ais. Car vous auriez bien pu me rendre fou!

LA BONNE DES GRANDES OCCASIONS

--TH?R?SE--

En g?n?ral, j'ai l'amour de la typographie classique; mais, sp?cialement pour ce chapitre, permettez-moi l'alin?a! L'alin?a seul, ? d?faut du rhythme, peut me fournir le lyrisme indispensable ? ce couplet de la vie transcendante.

On suppose parfois que l'existence de courtisane est ce qu'il y a au monde de plus ais? ? entreprendre et ? soutenir. N'est-ce pas le cas de r?p?ter avec Mimi: <>

Nos lecteurs ont plus d'instinct que cela. Ils devinent que beaut? surhumaine, gr?ce enchanteresse, force, r?signation, patience, l'agilit? du serpent et la souplesse du tigre, l'esprit parisien et le f?roce amour de l'or, il faut d?j? r?unir toutes les qualit?s avec lesquelles on remuerait l'univers, pour arriver ? ce triste r?sultat d'?tre une cr?ature ador?e, envi?e et m?pris?e sous sa robe ?clatante, sous ses rubis teints de sang humain, et sous ses diamants, qui sont des larmes de d?sespoir cristallis?es.

Il y a une haine qui dure depuis cinq mille ans, un duel terrible. Toute enfant, rose et blonde, couch?e dans son berceau, quand la petite fille pauvre va sourire ? sa m?re, elle aper?oit debout sur le seuil un maigre fant?me, et elle crie, malgr? les caresses de sa m?re.

Puis elle grandit; comme les oiseaux, elle envoie au ciel sa jeune chanson. Elle se regarde dans un bout de miroir cass?: elle est belle.

Elle voit aux vitrines des peignes d'?caille blonde, et elle se dit: <>

Elle voit de riches ?toffes. <>

Elle voit chez le marchand de comestibles des for?ts d'asperges plus grosses que des c?dres, des perdreaux d?sesp?r?ment truff?s, des fraises rougissantes et parfum?es. Elle dit: <> Et elle dit en regardant les flacons: <>

Mais le fant?me ne l'a pas quitt?e. Il lui tend un morceau de pain de munition, un verre d'eau trouble et un sayon de toile rapi?c?. Il murmure ? son oreille: <> Ah! quelle moue fait ? ce coup-l? la petite demoiselle!

Mais quoi! on l'instruit bien vite et elle apprend les nouvelles! Elle entend dire que, moyennant quelques concessions, des personnes obligeantes vous logent dans des appartements si bien tendus de soie, et matelass?s, et capitonn?s, et garnis de tapis d'Aubusson, qu'on n'entend plus marcher dans le corridor les pieds de marbre du fant?me.

Dans ces heureuses demeures, il y a aux portes de si jolis petits verrous et de si excellentes serrures anglaises, que le fant?me ne peut pas entrer et se casse les ongles contre le fer poli et le bois de ch?ne.

Aussit?t la jeune fille se met en qu?te des ?criteaux de location. Un monsieur soigneux fait mettre ? ses portes pour trois cent mille francs de serrures et de verrous, et elle-m?me, la folle Musette, elle s'enveloppe d'un divin peignoir de cachemire, elle tend ? son amant un cigare bien sec et bien allum?, et elle dit ? sa servante Julie de faire flamber un grand feu dans l'?tre. Puis elle allume les bougies, elle remplit les verres et elle saute de joie, et, frappant dans ses petites mains, elle interpelle le fant?me ? travers la porte:

<>

Bah! peine perdue que tout cela.

Sit?t qu'un jeune amoureux imprudent ou une femme de chambre trop ?grillarde laissent par hasard la porte entr'ouverte en allant acheter du tabac ? fumer ou du cold-cream, la Mis?re entre.

Elle ouvre les fen?tres toutes grandes.

Elle va aux porte-manteaux, aux garde-robes, aux armoires ? glace, aux armoires sans glace. Elle prend les toiles fines, les batistes, les linons, les dentelles, les soieries, les velours, les moires, les joyaux. Elle jette le tout dans la rue et tend ? Musette son vieux sayon rapi?c?.

Elle va ? la cuisine, ?te le r?ti de la broche, le jette ? la rue, et, dans le plat qui ?tait destin? ? le recevoir, elle glisse ? sa place la hideuse charcuterie, qu'elle a apport?e dans un papier huileux.

Elle jette les ?maux, les chandeliers d'argent, les vases craquel?s, les coupes de S?vres, et pose sur la chemin?e nue le pot ? l'eau ?br?ch? et la chandelle fich?e dans une bouteille.

Elle fait signe ? de grands diables de commissionnaires, qui viennent emporter les meubles, les tapis, les rideaux, les tentures, et qui, ? la place de tout cela, installent le lit de bois blanc peint en acajou, les deux chaises de merisier teint, la malle, la gravure ? l'aquatinte, et les deux tasses dor?es gagn?es au jeu de billard du bal Mabille.

Puis elle sort mena?ante et sereine, en laissant derri?re elle une odeur de moisissure et des montagnes de papier timbr?, tandis que Musette se tord les bras et ?clate en sanglots, ou, abrutie par la douleur, s'assied sur la malle et reste immobile comme une idiote.

Alors,

Quand la Mis?re est vraiment bien entr?e chez la courtisane;

Lorsqu'il n'y a plus de ressource ni de spectre de ressource, ni de vain espoir d'une ressource chim?rique;

Add to tbrJar First Page Next Page

Back to top Use Dark Theme