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Munafa ebook

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Read Ebook: Les vaines tendresses Études et Portraits littéraires premier série by Sully Prudhomme

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Ebook has 470 lines and 15113 words, and 10 pages

SULLY PRUDHOMME

LES VAINES TENDRESSES

AUX AMIS INCONNUS

Ces vers, je les d?die aux amis inconnus, A vous, les ?trangers en qui je sens des proches, Rivaux de ceux que j'aime et qui m'aiment le plus, Fr?res envers qui seuls mon coeur est sans reproches Et dont les coeurs au mien sont librement venus.

Comme on voit les ramiers sevr?s de leurs voli?res Rapporter sans faillir, par les cieux infinis, Un cher message aux mains qui leur sont famili?res, Nos po?mes parfois nous reviennent b?nis, Chauds d'un accueil lointain d'?mes hospitali?res.

Et quel triomphe alors! quelle f?licit? Orgueilleuse, mais tendre et pure nous inonde, Quand r?pond ? nos voix leur ?cho suscit? Par del? le vulgaire en l'invisible monde O? les fiers et les doux se sont fait leur cit?!

Et nous la m?ritons, cette ivresse supr?me, Car si l'humanit? tol?re encor nos chants, C'est que notre ?l?gie est son propre po?me, Et que seuls nous savons, sur des rhythmes touchants, En lui parlant de nous lui parler d'elle-m?me.

Parfois un vers, complice intime, vient rouvrir Quelque plaie o? le feu d?sire qu'on l'attise; Parfois un mot, le nom de ce qui fait souffrir, Tombe comme une larme ? la place pr?cise O? le coeur m?connu l'attendait pour gu?rir;

Peut-?tre un de mes vers est-il venu vous rendre Dans un ?clair br?lant vos chagrins tout entiers, Ou, par le seul vrai mot qui se faisait attendre, Vous ai-je dit le nom de ce que vous sentiez, Sans vous nommer les yeux o? j'avais d? l'apprendre.

Vous qui n'aurez cherch? dans mon propre tourment Que la sainte beaut? de la douleur humaine, Qui, pour la profondeur de mes soupirs m'aimant, Sans avoir ? descendre o? j'ai con?u ma peine, Les aurez entendus dans le ciel seulement;

Vous qui m'aurez donn? le pardon sans le bl?me, N'ayant connu mes torts que par mon repentir, Mes terrestres amours que par leur pure flamme, Pour qui je me fais juste et noble sans mentir, Dans un r?ve o? la vie est plus conforme ? l'?me!

Chers passants, ne prenez de moi-m?me qu'un peu, Le peu qui vous a plu parce qu'il vous ressemble; Mais de nous rencontrer ne formons point le voeu: Le vrai de l'amiti?, c'est de sentir ensemble, Le reste en est fragile, ?pargnons-nous l'adieu.

PRI?RE

Ah! si vous saviez comme on pleure De vivre seul et sans foyers, Quelquefois devant ma demeure Vous passeriez.

Si vous saviez ce que fait na?tre Dans l'?me triste un pur regard, Vous regarderiez ma fen?tre Comme au hasard.

Si vous saviez quel baume apporte Au coeur la pr?sence d'un coeur, Vous vous assoiriez sous ma porte Comme une soeur.

Si vous saviez que je vous aime, Surtout si vous saviez comment, Vous entreriez peut-?tre m?me Tout simplement.

CONSEIL

Jeune fille, crois-moi, s'il en est temps encore, Choisis un fianc? joyeux, ? l'oeil vivant, Au pas ferme, ? la voix sonore, Qui n'aille pas r?vant.

Sois g?n?reuse, ?pargne aux coeurs de se m?prendre. Au tien m?me, imprudente, ?pargne des regrets, N'en captive pas un trop tendre, Tu t'en repentirais.

La nature t'a faite indocile et rieuse, Crains une ?me o? la tienne apprendrait le souci, La tendresse est trop s?rieuse, Trop exigeante aussi.

Un compagnon r?veur attristerait ta vie, Tu sentirais toujours son ombre ? ton c?t? Maudire la rumeur d'envie O? marche ta beaut?.

Si, mauvais oiseleur, de ses caresses fr?les Il abaissait sur toi le d?licat r?seau, Comme d'un seul petit coup d'ailes S'affranchirait l'oiseau!

Et tu ne peux savoir tout le bonheur que broie D'un caprice enfantin le vol brusque et distrait Quand il arrache au coeur la proie Que la l?vre effleurait;

Quand l'extase, pareille ? ces bulles t?nues Qu'un souffle patient et peureux all?gea, S'?vanouit si pr?s des nues Qui s'y miraient d?j?.

Sois g?n?reuse, ?pargne ? des songeurs cr?dules Ta gr?ce, et de tes yeux les appels d?cevants: Ils chercheraient des cr?puscules Dans ces soleils levants;

Il leur faut une amie ? s'attendrir facile, Souple ? leurs vains soupirs comme aux vents le roseau, Dont le coeur leur soit un asile Et les bras un berceau,

Douce, infiniment douce, indulgente aux chim?res, In?puisable en soins calmants ou r?chauffants, Soins muets comme en ont les m?res, Car ce sont des enfants.

Il leur faut pour t?moin, dans les heures d'?tude, Une ?me qu'autour d'eux ils sentent se poser, Il leur faut une solitude O? voltige un baiser.

Jeune fille, crois-m'en, cherche qui te ressemble, Ils sont graves ceux-l?, ne choisis aucun d'eux, Vous seriez malheureux ensemble Bien qu'innocents tous deux.

AU BORD DE L'EAU

S'asseoir tous deux au bord d'un flot qui passe, Le voir passer; Tous deux, s'il glisse un nuage en l'espace, Le voir glisser; ? l'horizon, s'il fume un toit de chaume, Le voir fumer; Aux alentours si quelque fleur embaume, S'en embaumer; Si quelque fruit, o? les abeilles go?tent, Tente, y go?ter; Si quelque oiseau, dans les bois qui l'?coutent, Chante, ?couter... Entendre au pied du saule o? l'eau murmure L'eau murmurer; Ne pas sentir, tant que ce r?ve dure, Le temps durer; Mais n'apportant de passion profonde Qu'? s'adorer, Sans nul souci des querelles du monde, Les ignorer; Et seuls, heureux devant tout ce qui lasse, Sans se lasser, Sentir l'amour, devant tout ce qui passe, Ne point passer!

EN VOYAGE

Je partais pour un long voyage. En wagon, tapi dans mon coin, J'?coutais fuir l'aigu sillage Du sifflet dans la nuit au loin;

Je go?tais la vague indolence, L'?tat obscur et somnolent, O? fait tomber sans qu'on y pense Le train qui bourdonne en roulant;

Et je ne m'apercevais gu?re, Indiff?rent de bonne foi, Qu'une jeune fille et sa m?re Faisaient route ? c?t? de moi.

Elles se parlaient ? voix basse: C'?tait comme un bruit de frisson, Le bruit qu'on entend quand on passe Pr?s d'un nid le long d'un buisson;

Et bient?t elles se blottirent, Leurs fronts l'un vers l'autre pench?s, Comme deux gouttes d'eau s'attirent D?s que les bords se sont touch?s;

Puis, joue ? joue, avec tendresse Elles se firent toutes deux Un oreiller de leur caresse, Sous la lampe aux rayons laiteux.

L'enfant sur le bras de ma stalle Avait laiss? poser sa main, Qui refl?tait comme une opale La moiteur d'un jour incertain;

Une main de seize ans ? peine: La manchette l'ombrait un peu; L'azur d'une petite veine La nuan?ait comme un fil bleu;

Elle pendait molle et dormante, Et je ne sais si mon regard Pressentit qu'elle ?tait charmante Ou la rencontra par hasard,

Mais je m'?tais tourn? vers elle, Sollicit? sans le savoir: On dirait que la gr?ce appelle Avant m?me qu'on l'ait pu voir.

<> Et ce songe me rendait triste: Un voeu n'?cl?t que d'un regret.

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