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Munafa ebook

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Read Ebook: Le cycle patibulaire by Eekhoud Georges

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Ebook has 700 lines and 42854 words, and 14 pages

--Peuh! leurs chiens m'ont fait des agaceries....

--Et tu as pu leur ?chapper....

--Au moyen de ceci....

Et elle lui montre un m?chant couteau de poche.

Kriel daigne sourire d'un rire approbateur et m?me s'informer encore des bobos faits ? la petite:

--O? es-tu bless?e?

--A la cuisse. Une simple ?raflure....

--Et cela ne t'emp?chera pas de marcher?

--Oh! que non!

--A la bonne heure.... En route, alors!

Et c'est par ce coup d'essai que Gentillie obtint de pouvoir accompagner l'ombrageux Pintloon.

Elle le suivit toute d?guenill?e, pieds nus, tremblant la fi?vre, mettant ? le servir, ? deviner ses intentions un empressement qui ne se rel?chait pas; ambitieuse de lui faire oublier le chien Dapper, qu'il regrettait et dont il ne parlait jamais, en ses fr?quents acc?s d'humeur, sans tourner ? l'avantage du quadrup?de la comparaison entre celui-ci et Gentillie.

Elle lui ?pargnait les risques et les corv?es; pour qu'il ne s'expos?t pas, c'?tait elle qui, en pays d?couvert, allait puiser de l'eau potable. Elle gueusait pour lui, d'?tape en ?tape, ou se rendait m?me en maraude.

Lorsqu'elle revenait les mains vides, apr?s avoir essuy? les rebuffades, les insultes, et m?me les brutalit?s des paysans, ou apr?s des d?m?l?s avec les gardes-c?tes et les gabelous que ses attitudes louches et vagabondes commen?aient ? intriguer, son amant exasp?r? par les fringales, en proie ? une col?re blanche, la battait sans piti?. Il la jetait par terre, la daubait en plein visage.

Elle ne murmurait pas, ne d?tournait pas la t?te, se laissait d?figurer; mais de grosses larmes coulaient de ses yeux fix?s sur lui avec une tendresse ? toute ?preuve. Il l'aurait tu?e qu'elle e?t trouv? cette fin naturelle et, venant de ses mains b?nies, enviable.

C'?tait son chien de garde. Pendant que l'Esprot dormait ? la belle ?toile ou dans une grange mal ferm?e, elle faisait sentinelle mieux que ne l'e?t fait Dapper. Elle en ?tait arriv?e ? oublier son sexe. D'ailleurs Pintloon ne lui t?moignait pas plus d'attention qu'? une b?te.

Ils v?curent des mois ainsi, souvent s?par?s par les exp?ditions. Jamais elle ne songea ? profiter de la bifurcation de leurs routes pour s'arracher ? cette servitude; au contraire, lui absent, elle se rongeait l'?me, angoiss?e, haletante apr?s son retour. Il la retrouvait douce, baiss?e, aimante, comme il l'avait quitt?e. Elle accourait et ob?issait au moindre signal; ne se plaignait jamais sous la charge; souvent foul?e et strapass?e comme une b?te de somme. A part lui, Pintloon finissait par se f?liciter de cette acquisition.

Il ne lui parlait que rarement ou s'il s'adressait ? elle c'?tait pour la rabrouer.

Cependant, une nuit d'hiver, ? Dunkerque, comme ils se retrouvaient apr?s une exp?dition tr?s lucrative o? elle s'?tait particuli?rement distingu?e, et que Pintloon s'?tait pay? le luxe d'un vrai lit dans une auberge ? peu pr?s habitable du port, en entendant sa vigilante complice claquer des dents et grelotter sur le carreau, il c?da ? un mouvement de piti?, et sans aucune id?e de paillardise, il l'appela aupr?s de lui, sous les draps.

Respectueuse, un peu craintive, ne pouvant croire ? une telle condescendance, elle h?sitait; alors il la somma par un juron. Toujours gr?ce ? sa belle humeur, il se fit qu'en la sentant pr?s de lui, il commen?a par la taquiner, puis s'?chauffant, la trouvant plus potel?e qu'il ne le croyait, pour la premi?re fois depuis leur vie commune, il la traita en femme, prodigalement; et cette nuit, tant fut immense la f?licit? de Gentillie qu'elle e?t voulu agoniser contre sa poitrine.

Le lendemain pourtant, il ne lui t?moigna pas plus d'?gards; elle, par contre, loin de se montrer exigeante, fut plus pr?venante et plus humble que jamais. Depuis ce rapprochement il la traitait ? la fois en ma?tresse et en b?te de somme. Les racl?es finissaient par des caresses et, r?ciproquement, les ?treintes amoureuses d?g?n?raient en effroyables tueries.

Mais pour mieux m?riter les faveurs du m?le, elle endurait les mauvais traitements du bourreau. C'?tait ? la fois son souffre-douleur et son souffre-plaisir.

Cependant, ? Lampernisse, le grand Sander se repr?sentait les formes d?sirables de la fugitive. Souvent il parlait de courtiser une autre paroissienne. Il n'aurait eu qu'? choisir. Il avait m?me commenc? ? exaucer les souhaits d'une belle soupirante. Mais le grand Jabikel continuait ? s'arr?ter ? la porte de Gentillie. Alors Sander, mettant pied ? terre, entrait et s'entretenait de l'enfant perdue, avec la veuve Verjans, et n'avait plus le coeur ? de nouvelles poursuites.

C'?tait le troisi?me ?t? que l'Esprot et Gentillie passaient ensemble. Un soir que la lune ?clairait l'?tendue, un de ces soirs trop clairs, funestes aux travailleurs de l'ombre, Pintloon, amolli par la ti?deur parfum?e et chatouilleuse de l'atmosph?re avait trait? sa compagne avec une douceur plus continue que d'habitude. Peut-?tre son coeur allait-il enfin se fondre et payer autrement que d'amour mat?riel le d?vouement de sa compagne? Tout ? coup le contrebandier dressa l'oreille et murmura avec une certaine sollicitude: <>

Gentillie n'eut que le temps de s'?tendre sur le dos parmi les gen?vriers, comme elle faisait en ces moments d'alerte, tandis que son homme courait se blottir plus loin.

Mais on les avait vus! Pantelante, elle entendit des d?tonations; elle reconnut la voix br?ve et cors?e du vieux fusil de Kriel, le bruit d'une planche qu'on d?chire; puis d'autres coups de feu plus gr?les, mais nombreux et r?p?t?s. Des lueurs blanches d?chiraient la nuit bleue. Une balle siffla non loin de sa cachette, et Gentillie aper?ut, dans les rayons lunaires, Pintloon tr?buchant comme un ivrogne et s'appuyant ? un buisson pour recharger son arme.

--Foutu! murmura-t-il d'une voix rauque, en lui jetant un regard dont elle devait se rappeler la d?tresse m?l?e de rage, et, vaincu, il s'abattit dans les hoyats.

En le voyant tomber, les agresseurs, gendarmes et paysans, qui s'?taient tenus prudemment ? distance, accoururent et l'empoign?rent ? la fois. Le grand Sander, ? la t?te de quatre ? cinq gars de Lampernisse, voulut l'achever ? coups de sabots, comme une b?te puante, mais Gentillie se jeta devant lui, avec un cri atroce, et Cierge de Neuvaine s'arr?ta net, en se voilant la face, tant elle avait l'air d'un spectre.

A l'aube, on charroya Pintloon, tout bless? qu'il ?tait, par les routes vicinales dans un de ces tombereaux o? les toucheurs alignent les veaux men?s au march?. Il s'agissait de le conduire ? la prison de Bruges. On prit ? peine le temps de panser sa blessure; ?puis? par l'h?morragie, il gisait sans connaissance au fond de cette caisse, sur un peu de paille et, malgr? sa faiblesse, quoiqu'il n'e?t pu seulement lever la main, les gendarmes l'avaient ligot?.

A la nouvelle de sa capture, les ruraux, que son seul nom avait si longtemps terroris?s, s'ameutaient sur son passage. Aux ?tapes, les badauds payaient la goutte aux gendarmes pour pouvoir s'approcher du brigand. Grimp?s sur les roues et l'?chelette, ils se penchaient, riaient ? pr?sent de le voir si ch?tif, si piteux, si mis?rable, ? la merci du premier venu. Ils s'enhardissaient ? le pincer, ? lui arracher un frison de cheveux et ses soubresauts de douleur les mettaient en joie, et ils se vengeaient par ces privaut?s de toute la chair de poule qu'il leur avait donn?e.

A Lampernisse, l'arrestation du pendard d?cha?na une v?ritable kermesse. Des sarabandes se nouaient autour du tombereau d'infamie.

Seul Sander Bischbosch ne jubilait plus.

Revenu de sa stupeur ? la vue de sa mis?rable amante faite comme une br?leuse de moissons, le bon Sander, incapable de rancune, avait voulu ramener Gentillie ? la veuve Verjans, mais les gendarmes s'?taient interpos?s en exhibant un mandat d'arrestation lanc? aussi contre elle; complice de son d?testable amant.

--Oh! folle, folle Gentillie, comment en ?tait-elle arriv?e l?? Instrument d'un homicide et d'un voleur, elle, la promise du riche Sander Bischbosch qui se r?jouissait de la doter de plus de bijoux et d'atours que n'en poss?dent les madones les mieux achaland?es de la c?te des Flandres.

Gentillie, les mains attach?es sur le dos, marchait derri?re la charrette, entre les gendarmes. Elle se renfermait dans un mutisme d'idiote, et, habitu?e aux coups, elle ne sentait m?me pas la crosse du soldat qui lui labourait de temps en temps les ?paules. Elle ne tressaillait qu'en entendant le patient se plaindre et demander <>

Quand la sinistre cavalcade traversa Lampernisse, Sander Bischbosch alla se r?fugier chez la vieille m?re de Gentillie et ne se montra pas, comme si c'?tait ? lui de rougir et d'avoir honte.

Et les honn?tes gens bl?m?rent le pauvre gar?on de s'?tre rendu en un tel moment chez la m?re d'une voleuse.

Ce Sandor fut encore plus d?raisonnable en avan?ant ? la veuve Verjans, compl?tement ruin?e ? pr?sent, un peu du bel argent destin? ? Gentillie, pour payer l'avocat de cette indigne esp?ce. Le d?fenseur plaida l'inconscience de sa cliente et r?ussit ? la faire acquitter apr?s trois mois de d?tention pr?ventive.

Un matin, les gens de Lampernisse la virent rentrer au village, jaune, maigre, les yeux cern?s et creux. Et, ? l'inexprimable scandale de toute la paroisse, elle portait sur les bras un petit diablotin cr?pu, noir comme un pruneau, aussi remuant qu'elle semblait ?nerv?e. La digne prog?niture de Pintloon, rien que ?a! Absorb?e dans la contemplation de son petit, elle ne parut m?me pas remarquer le hourvari que causait ce retour.

Elle ne t?moigna aucune joie de son ?largissement, mais accompagna machinalement sa m?re. Peut-?tre e?t-elle pr?f?r? partager le sort de son homme, condamn? aux travaux forc?s pour le meurtre du lignard?

Les caresses de la vieille Verjans, qui sautait de joie, malgr? ses rhumatismes, dans la cour du Palais, apr?s l'acquittement, avaient laiss? Gentillie aussi indiff?rente que les corrections d'autrefois.

Volontairement elle se confine avec son b?b? dans cette soupente d'o? elle s'?vada, une nuit n?faste. Ne la rencontrant jamais et les sachant sans ressources, les bonnes gens pr?tendent qu'elle vague la nuit et continue le m?tier de son abominable amant. Et la r?probation frappe peu ? peu la veuve aussi bien que la fille.

Malgr? les criailleries et les indignations, Cierge de Neuvaine, le riche fermier du Dyck-Graaf, continue de s'occuper de ces pauvres gens. Encore si ce n'?tait que par charit?; mais, croirait-on que, ensorcel? ? son tour, il veuille encore du bien ? cette fille-m?re! Et, ce qu'il y a de plus inconcevable, c'est que la p?core continue de le rebuter.

Impatient? par sa froideur, le bonasse Sander se risque ? lui dire:

--Ah! Gentillie, tu m?riterais bien qu'on bris?t cette mauvaise t?te pour le mal que tu t'es fait ? toi-m?me et ? ceux qui t'aimaient!

--C'est vrai! r?pond Gentillie. Mais si Dieu le voulait ainsi?

Profitant de cette douceur encourageante, le digne Sander continue:

--Eh bien, si tu te repentais et essayais de redevenir brave et raisonnable, tout pourrait encore s'arranger. Oui, nous partirions, nous irions vivre ailleurs, loin des mauvaises ?mes.... Gentillie, reviens ? toi, n'auras-tu pas une bonne parole?...

Mais elle, de hausser les ?paules, de courir ? son enfant, et d'embrasser ce fils de Pintloon avec une exaltation qui ne laisse plus aucun espoir au jeune fermier. Mordu de jalousie, il n'a pu retenir une exclamation de d?go?t:

--C'est ? ce vilain Esprot que vont ces caresses!

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