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Read Ebook: Le marquis de Loc-Ronan by Capendu Ernest
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next Page Prev PageEbook has 2460 lines and 61720 words, and 50 pagesAucune r?ponse ne lui fut faite. --Oh! du canot! r?p?ta-t-il une seconde fois. Un nouveau silence suivit ces paroles. --Oh! du canot! r?pondez ou je vous coule! fit le vieux marin en se redressant avec col?re et en sautant sur le banc de quart. Le chef de pi?ce approcha sa m?che de la lumi?re; il attendait le commandement de: feu! Mais au moment m?me o? Bervic allait donner l'ordre, le cri de la chouette retentit faiblement. --Ce sont des amis! murmura un matelot. --C'est peut-?tre une ruse, mes enfants! r?pondit Bervic. Parez vos carabines et attention! Le canot entrait alors dans les eaux m?mes du lougre. --Le commandant! s'?cria le mousse avec joie. --Marcof! fit la religieuse en s'approchant vivement. Oh! Dieu soit lou?! le Seigneur a exauc? ma pri?re. Bervic, en reconnaissant son chef, avait lanc? dans la nuit un nouveau coup de sifflet. Tous les hommes, se portant vivement ? tribord, s'appr?t?rent ? rendre les honneurs militaires en se rangeant sur une double ligne de la t?te de l'escalier d'honneur au pied du grand m?t. L'embarcation accostait, et l'un de ceux qui la montaient, saisissant un bout d'amarre lanc? du haut du lougre, la contraignait ? demeurer bord ? bord avec le petit navire. Marcof, suivi de Boishardy et de Keinec, s'?lan?a sur le pont et promena autour de lui un regard attentif. --Bien, mes enfants, dit-il de sa voix franche et sympathique, vous faites bonne veille et on ne peut vous surprendre; tr?s bien! je suis content, vous ?tes de vrais matelots. Puis, se tournant vers le vieux ma?tre: --Bervic! ajouta-t-il d'un ton amical. --Mon commandant? r?pondit le marin en s'avan?ant respectueusement. --Tu feras donner double ration ? l'?quipage. --Oui, commandant. En ce moment la religieuse s'avan?a vers Marcof et lui tendit sa petite main. --Vous ici, ? pareille heure! fit le marin d'un ton de doux reproche et en portant ? ses l?vres la main qui lui ?tait offerte avec une gr?ce chevaleresque, digne d'un preux du moyen ?ge. --Oui, mon ami, r?pondit la religieuse: je veillais pr?s de ces braves gens qui sont pour moi pleins de complaisance et de respect. --Ils ne font que leur devoir, madame; vous ?tes, ? mon bord, ma?tresse souveraine. Pendant ce temps Keinec ?changeait quelques poign?es de main amicales avec le vieux Bervic et les autres matelots, et M. de Boishardy, examinant curieusement le pont du navire, jetait autour de lui un regard o? se peignaient l'?tonnement et l'admiration. Enfin il s'approcha de Marcof qui venait de quitter Julie, laquelle, sur la pri?re du marin, ?tait redescendue dans l'entrepont. --Ma foi, mon cher! s'?cria gaiement le chef royaliste, je ne m'attendais pas ? voir ce que je vois. --Comment cela? r?pondit Marcof en souriant. --Mais votre lougre est gr??, am?nag? et arm? ? faire rougir un vaisseau du roi. Quel ordre! quel soin! quel aspect guerrier! --Vous trouvez? --D'honneur! je suis dans l'admiration. --Cordieu! ce doit ?tre un beau spectacle, et l'eau m'en vient ? la bouche, rien qu'en y pensant. --Tonnerre! pourquoi sommes-nous oblig?s de faire la guerre civile? --Parce que des brigands nous y contraignent. --Vous avez raison et vous me rappelez que ce n'est pas pour philosopher que nous avons quitt? le placis, il y a trois heures, et fait douze lieues au galop. Mais quand je pose le pied sur ce lougre, c'est plus fort que moi; je sens quelque chose comme une larme qui me mouille les yeux, et un d?sir effr?n? de combattre sans retourner ? terre. --Malheureusement cela ne se peut, mon cher, car c'est ? terre seulement que nous pourrons sauver Philippe. --Oui, et il faut m?me nous h?ter! Voulez-vous descendre visiter madame la marquise de Loc-Ronan? --Sans doute; c'?tait elle qui vous parlait tout ? l'heure, n'est-ce pas? --Oui. --Eh bien, faites-moi l'honneur de me pr?senter, je vous suis. Marcof se dirigea vers l'escalier conduisant dans l'int?rieur du navire et descendit, accompagn? de M. de Boishardy. Julie les attendait dans son appartement. Ce mot appartement pourrait sembler ?trange ? tous ceux qui connaissent l'int?rieur d'un petit navire de guerre, et cependant les cabines r?unies qu'habitait la religieuse m?ritaient parfaitement ce titre ? tous les points de vue et ? tous les ?gards. Lorsque Marcof avait conduit Julie ? son bord, il avait donn? des ordres ant?rieurs et tout fait disposer en cons?quence. Il voulait que la religieuse, accoutum?e au bien-?tre du couvent, que la fille noble ?lev?e dans le luxe et dans l'abondance, que la marquise de Loc-Ronan, enfin, la femme de son fr?re, ne souffr?t pas d'un s?jour prolong? dans un humble navire am?nag? pour des hommes aux habitudes grossi?res. Il voulait enfin que Julie f?t trait?e en reine et honor?e comme telle. Quelques jours d'un travail assidu et intelligemment dirig? avaient suffi pour ex?cuter les ordres du chef supr?me. A bord d'un navire de guerre, les ouvriers en tous genres sont nombreux: il s'y trouve naturellement des charpentiers, des menuisiers, des forgerons, et il est rare que tous les autres corps d'?tats manuels n'y aient pas chacun leur repr?sentant. D'ailleurs, le calfat est ? moiti? ma?on, le voilier ? demi-tapissier, le ma?tre charg? des pavillons presque un artiste en ornements. Tout se rencontre sous la main dans ces coques admirables: bois, fers, tentures, richesses de toutes sortes sont l? ? profusion. Puis le marin a, en g?n?ral, un go?t prononc? pour l'art de l'ameublement. Ing?nieux dans les moindres d?tails, comme l'homme qui se trouve constamment aux prises avec la n?cessit?, aucun obstacle ne l'arr?te; et si la difficult? est trop forte, il la tourne avec adresse. Cela s'explique facilement: enferm? les trois quarts de sa vie entre les parois de sa prison flottante, il cherche ? en dorer les barreaux, et, le temps ne lui faisant jamais faute, il arrive toujours ? son but. Ensuite, les voyages, les s?jours en pays ?trangers, qui lui font emprunter un usage ? l'un, un usage ? l'autre, d?veloppent son sentiment artistique sans qu'il s'en rende compte lui-m?me. Des meubles d'un merveilleux fini, et venant de tous les coins du monde, ornaient la pi?ce sans l'encombrer. Un prie-Dieu en ?b?ne et un Christ, v?ritable chef-d'oeuvre fouill? par la main d'un artiste dans un bloc d'ivoire jauni par le temps, avaient droit surtout ? l'admiration de tous les amants du beau et semblaient, par leur style s?v?re et grandiose, inviter ? la pri?re. Julie, doucement ?mue, avait tendu ses deux mains au fr?re de son mari, que ses larmes remerci?rent plus encore que ses paroles. Puis, le soir m?me, Marcof ?tait parti pour le placis de Saint-Gildas, sans que la religieuse cherch?t ? s'opposer ? ce d?part; car, pour ces deux nobles ?mes, le salut de Philippe ?tait la seule pr?occupation de tous les instants. On sait que les premi?res tentatives de Marcof furent vaines et que son premier s?jour ? Nantes n'amena aucun r?sultat. Alors il ?tait revenu ? la Roche-Bernard, et ensuite il ?tait retourn? aupr?s de Boishardy. Cette seconde exp?dition devait ?tre d?cisive, car le temps marchait avec une rapidit? effrayante, et le marquis ne vivait encore qu'? l'aide d'un miracle. --Je le sauverai! avait dit Marcof en quittant pour la seconde fois la marquise. --Dieu vous aidera! avait simplement r?pondu celle-ci avec une sainte confiance dans la protection divine. C'?tait ainsi qu'ils s'?taient s?par?s, et huit jours s'?taient ?coul?s sans voir apporter la plus insignifiante nouvelle. D?s lors, on comprend les inqui?tudes, les cruelles angoisses ressenties par la marquise, et la joie qu'elle ?prouva ? l'arriv?e si p?niblement attendue du marin. Marcof lui avait promis de revenir pr?s d'elle avant de tenter un effort supr?me. Julie savait que son hardi beau-fr?re allait au placis de Saint-Gildas retrouver M. de Boishardy, et elle esp?rait instinctivement que l'intr?pide royaliste, si connu par sa force, sa t?m?rit?, son intelligence et son courage, voudrait aider Marcof de tout son pouvoir, et mettrait tout en oeuvre pour lui prodiguer ses secours. Elle ne s'?tait pas tromp?e, en effet; mais au moment o? Boishardy ?tait mont? ? bord du lougre avec le commandant, elle ?tait loin de supposer la part active que voulait prendre le chef chouan ? la d?livrance de Philippe. Boishardy, marchant sur les pas de Marcof, ?tait donc descendu dans l'entrepont: l? encore, son admiration se manifesta vive et bruyante, et vint agr?ablement flatter l'orgueil satisfait du corsaire. Celui-ci se dirigea vers l'arri?re, et, s'adressant ? un mousse qui veillait ext?rieurement ? la porte de la religieuse: --Demande ? madame la marquise, lui dit-il, si elle veut bien nous recevoir. Le mousse entra dans le salon, et ressortit presque aussit?t en laissant la porte ouverte et en s'effa?ant pour livrer passage. Marcof et Boishardy p?n?tr?rent dans la pi?ce ?l?gante au milieu de laquelle se tenait Julie qui venait ? leur rencontre. En quelques mots, le marin pr?senta son compagnon ? la marquise, qui le re?ut avec une familiarit? noble et empress?e. La situation ?tait trop tendue pour se livrer ? des compliments et ? des d?monstrations de politesse. Au nom de Boishardy, Julie avait donn? sa main au gentilhomme chouan; puis la conversation s'?tait engag?e rapide, pr?cise, nullement entrav?e par les r?ticences, et d?pourvue des banalit?s d'usage. Julie prodigua ? Boishardy tout ce que sa tendresse pour Philippe lui inspirait d'expressions touchantes pour t?moigner au noble aventurier ce qu'elle ressentait au fond de son coeur. --Sauvez-le, dit-elle, et vous m'aurez sauv?e moi-m?me; car si Philippe meurt, je mourrai! Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page |
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