Use Dark Theme
bell notificationshomepageloginedit profile

Munafa ebook

Munafa ebook

Read Ebook: Scènes de mer Tome II by Corbi Re Edouard

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

Ebook has 654 lines and 46801 words, and 14 pages

--De quoi avez-vous le plus besoin?

--D'un chirurgien, capitaine; le n?tre a succomb?.

--Je n'en ai qu'un ? bord, et je le garde.

--S'il pouvait venir pour quelques instans seulement ? notre bord, et qu'il voul?t visiter nos malades, il nous rendrait le service le plus signal? que la Providence p?t nous accorder.

--Oui, la Providence!... Quelle est la maladie qui s'est manifest?e chez vous?

--Je l'ignore; c'est une fi?vre, je crois; mais vous n'avez pas besoin d'avoir peur, elle ne se communique pas.

--Peur! reprend vivement et en souriant avec d?dain le capitaine, peur! et en r?p?tant ce dernier mot il fait un signe ? son timonnier, qui pousse la barre un peu au vent.

LE FANTOME!

--Commandant, je vous demande pardon d'avoir employ? une expression qui a paru vous d?plaire; mais je ne savais pas....

L'Anglais reprit, toujours avec la m?me alt?ration de voix:

--Mais je ne savais pas avoir l'honneur de parler au Capitaine-Noir. Je me f?licite, au surplus, d'avoir rencontr?, ? la suite de tous mes malheurs, un homme aussi renomm? par l'intr?pidit? de son caract?re que par l'humanit? de son coeur.

--Finissons-en. De quoi avez-vous le plus besoin?

--D'un chirurgien, commandant, et de quelques vivres un peu frais pour nos pauvres malades.

--Mon chirurgien ne peut passer qu'une heure ? votre bord: des vivres, vous allez en avoir.

Un geste imp?rieux du Capitaine-Noir fit sortir comme par magie de l'entrepont, o? se trouvaient rang?s en silence ses matelots et ses officiers, neuf hommes qui, paraissant avoir devin? l'intention de leur chef, s'empress?rent de placer quelques barils et beaucoup de provisions dans un canot suspendu, le long du gaillard d'arri?re, sur d'?l?gans montans en fer.

A un autre signe du Capitaine-Noir, le navire se trouva mis en panne, et les neuf hommes laiss?rent glisser, sans dire un seul mot, l'embarcation ? la mer.

A l'aspect de ce jeune et grave officier, la figure des malades s'?panouit, et une lueur d'espoir se laisse voir ? travers la douleur qui contracte leurs traits d?compos?s. Les passagers et les matelots entourent l'?tranger. C'est un dieu r?parateur qui leur apporte un baume pour leurs plaies, une consolation pour toutes leurs souffrances. Il interroge, il examine, il ordonne. On l'?coute comme un oracle; on recueille ses moindres paroles comme des arr?ts c?lestes; on devine chacun de ses gestes; on ex?cute chacun de ses ordres. La confiance rena?t ? sa voix, et l'oubli de tous les maux pass?s coule de ses l?vres dans les coeurs des malheureux qu'il ranime par la persuasion et par le besoin m?me qu'ils ont de croire ? un avenir de bonheur, apr?s toutes les angoisses qu'ils ont ?prouv?es, tous les supplices qu'ils ont subis....

Le capitaine anglais seul est inconsolable. Le m?decin a d?clar? en vain que l'?pid?mie ne pr?sentait plus de danger pour la plupart des malades, et qu'avec les soins qu'il a prescrits leur r?tablissement serait assur?, le malheureux capitaine sent trop, pour partager la joie commune, que le mal qui le d?vore est sans rem?de. Le m?decin, qui soup?onne et qui apprend le sujet de sa douleur profonde, ne peut lui offrir aucune consolation; mais il cherche du moins ? lui t?moigner une bienveillance affectueuse: c'est le seul moyen d'adoucir l'amertume des maux que rien ne peut gu?rir.

--Capitaine, lui dit-il, il ne me reste qu'un devoir ? remplir, apr?s m'?tre acquitt? ? votre bord de la mission dont mon commandant m'a charg?: c'est de vous demander le service que je pourrais encore vous rendre.

--Pour moi personnellement, monsieur, je n'ai plus rien ? r?clamer de votre humanit?. Le seul devoir qui me reste ? remplir envers mes passagers et mon ?quipage sera bient?t accompli, si Dieu veut nous permettre de nous rendre ? Buenos-Ayres. La t?che que je me suis impos?e est la seule chose qui m'attache encore ? la vie. J'ai navigu? pendant quarante ans, et un malheur inou? vient de m'apprendre que ma p?nible carri?re ?tait finie, et que l'homme ? qui la Providence a refus? ses secours, n'est plus fait pour r?pondre de l'existence de ceux qui lui confiaient leur fortune, leur famille et leur vie.... Mais puisque vous ?tes encore assez g?n?reux pour me proposer un service apr?s celui que votre capitaine a bien voulu me rendre, j'oserai vous adresser une pri?re.

--Parlez, capitaine, je suis encore ? vos ordres.

--Une femme, la plus int?ressante de toutes celles qui ont droit ? nos respects et ? nos ?gards, se meurt ? mon bord, frapp?e par l'?pid?mie, qui ? peine a ?pargn? son mari.

Ces deux ?poux, que l'attachement le plus vif semble avoir encha?n?s ? une m?me destin?e, sont riches, consid?r?s, et r?sign?s aux plus grands sacrifices. La femme, avec les secours de l'art, peut ?chapper ? la mort, et elle p?rira, j'en suis s?r, pour peu que notre travers?e se prolonge, sans que nous puissions lui offrir autre chose que des soins ordinaires et le plus souvent mal dirig?s.... Votre b?timent marche mieux que le mien; vous verrez la terre bien avant moi, sans doute, si jamais je la revois; ? votre bord, vous pouvez prodiguer ? vos malades, ? chaque heure, ? chaque instant, les secours si puissans que nous ignorons.... Si le Capitaine-Noir, cet homme si extraordinaire, que l'on dit brave et g?n?reux jusqu'au fanatisme, consentait ? recevoir ? son bord la jeune malade et son malheureux ?poux, je croirais n'avoir plus aucun voeu ? adresser au ciel dans ce monde qui va me devenir bient?t si indiff?rent.

Celui-ci, d?sesp?rant d'obtenir ce qu'il avait demand?, se pr?parait d?j? ? ?prouver un refus.

Le docteur, cependant, prit la parole apr?s quelques momens d'h?sitation.

--Capitaine, lui dit-il, je voudrais pouvoir vous promettre d'obtenir la faveur que vous sollicitez, et s'il ne d?pendait que de moi de vous l'accorder, vous n'auriez d?j? plus rien ? d?sirer; mais je ne dois pas vous dissimuler, malgr? tout le z?le que je pourrai mettre ? seconder votre intention, la difficult? de r?ussir. A notre bord, nous ne savons qu'ob?ir aveugl?ment aux ordres de notre commandant, et jamais personne ne s'est hasard? ? rien lui demander. Sa sollicitude pour nous, au reste, est si ing?nieuse, qu'elle sait pr?venir tous nos besoins, et qu'elle peut se passer de nos objections. Cet homme, que l'on conna?t si mal partout o? l'on parle de lui, a fait notre fortune; au milieu des dangers que nous allons chercher avec lui, il a toujours r?ussi jusqu'ici ? nous arracher ? la vengeance des ennemis qui avaient jur? notre perte. Notre d?vo?ment pour lui va maintenant, je pourrais le dire, jusqu'? la superstition. A bord, ce n'est pas de l'ob?issance que nous avons pour ses volont?s, c'est un culte que nous avons vou? ? son ?tonnante sup?riorit?.... Et puis, si vous saviez combien il est bon, noble et g?n?reux!.. et combien il a souffert dans sa vie!.. On ne le conna?t gu?re, sur ces mers qu'il a remplies de son nom, que par la gloire sanglante qu'il s'est acquise en ?crasant les Espagnols; mais si l'on savait que de bienfaits il a r?pandus sur les infortun?s m?me qui redoutent le plus sa terrible r?putation, au lieu de le craindre comme un exterminateur, on l'aimerait comme un des hommes les plus magnanimes, et on le plaindrait comme un des ?tres les plus malheureux qui soient au monde!...

--Comment! le Capitaine-Noir?...

--Oui. Cette r?v?lation-l? vous ?tonne, n'est-ce pas? mais rien n'est cependant plus vrai: vous ne connaissez que son nom, et moi je suis depuis long-temps son ami.

--Et vous pensez qu'il ne consentira pas?...

--Je ne pense rien encore. Aujourd'hui notre commandant para?t ?tre dans un de ses bons jours, c'est-?-dire qu'il semble moins sombre et moins souffrant qu'? l'ordinaire.... Je me risquerai peut-?tre bien en arrivant ? bord ? lui parler; car, malgr? l'amiti? que j'ai pour lui et celle qu'il a pour moi, je ne lui parle pas, au moins, tous les jours. Depuis le dernier combat, dans lequel nous avons coul? une corvette espagnole, je ne lui ai adress? qu'une fois la parole pour lui rendre compte de l'?tat de nos bless?s.

--Vous vous ?tes donc battus depuis que vous avez quitt? Buenos-Ayres?

--Trois combats et deux abordages.

--Et cependant je n'ai vu dans le corps du b?timent ni dans votre gr?ement aucune trace de boulets!...

--Je le crois bien! Cinq ? six heures apr?s chaque action, l'oeil du plus fin marin ne d?couvrirait ? bord de notre brick aucune marque de boulet. Il ferait beau! Avec une vingtaine de charpentiers et les plus vaillans matelots du monde, nous aurions le temps en vingt-quatre heures de refaire, je crois, un autre brick. Mais pardon! j'ai cru voir le commandant baisser la t?te en se promenant sur le pont: c'est mauvais signe; il trouve peut-?tre un peu longue la visite qu'il m'a ordonn? de vous faire, et je vais maintenant retourner ? mon bord.

--De gr?ce, monsieur, quand vous serez rendu, n'oubliez pas la pri?re que je viens de vous adresser; les deux passagers dont je vous ai parl? sont riches, fort riches, je vous le r?p?te, et ils n'?pargneront rien pour r?compenser le Capitaine-Noir du service inappr?ciable qu'il peut leur rendre.

--Ah bien oui! Je serais bien venu, je vous assure, de parler d'argent au commandant! Ce serait le plus s?r moyen de n'obtenir rien que sa col?re ou son m?pris; et je n'y suis nullement dispos?, je vous prie de le croire.

--Mais au moins vous interc?derez pour moi, n'est-ce pas, et pour mes deux infortun?s passagers?

--Je ne vous promets rien encore; mais si j'entrevois un seul petit instant favorable, soyez s?r que j'en profiterai. Adieu, capitaine, ou peut-?tre ? revoir.

--A revoir, g?n?reux jeune homme; car j'esp?re, je ne sais pourquoi, vous revoir bient?t.

--Que le Capitaine-Noir est, comme vous me l'avez dit, le plus humain et le plus terrible des hommes; car je ne puis le regarder sans esp?rer en lui, et cependant sans en avoir un peu peur. A revoir, docteur.

--Adieu, capitaine.

Puis, apr?s avoir proc?d? ? cette op?ration, les matelots et le docteur disparurent de dessus le pont pour aller, sans doute, reprendre la place qu'ils occupaient avant d'?tre appel?s ? remplir la corv?e dont un geste seul de leur commandant les avait charg?.

--Capitaine, capitaine, s'?cria doucement et avec un air de myst?re un des passagers qui avait entendu la conversation du docteur et de l'Anglais, voil? le chirurgien qui parle au Capitaine-Noir.

Le m?decin, en effet, la casquette ? la main, s'?tait approch? de son chef, et il paraissait occup? ? r?pondre timidement ? quelques questions.

Pendant que le docteur parlait, le Capitaine-Noir continuait ? se promener ? grands pas, la t?te baiss?e et les mains dans les poches de c?t? de son large pantalon....

--Il baisse la t?te, dit le capitaine anglais: le docteur m'a dit que c'?tait un mauvais signe.... Il n'y a rien ? esp?rer pour milady ni pour sir Walace.... Cependant il para?t ?couter le docteur, et le docteur parle encore.... Mais non, le voil? qui descend dans l'entre-pont, et le Capitaine-Noir ne lui a rien dit, rien ordonn?....

--Oui, capitaine; j'ai tout obtenu de lui. Vous pouvez me confier vos deux passagers. Il a m?me permis que la femme ? laquelle vous vous int?ressez si vivement f?t plac?e ? notre bord. Faites vos dispositions pour qu'on puisse l'embarquer dans le canot sans risquer de lui faire ?prouver des secousses qui pourraient nuire ? l'?tat de cette pauvre malade. La mer est belle, le navire n'a que peu de mouvement, et il ne sera pas difficile de placer doucement cette dame dans l'embarcation, sur un bon matelas ou dans un cadre.

Les marins anglais ne savent que penser de l'?tranget? de cette sc?ne muette et myst?rieuse.

--Comment, r?pondaient les passagers aux cr?dules matelots, pouvez-vous ajouter foi ? de telles exag?rations, bonnes tout au plus pour effrayer de jeunes enfans?

--Comment nous pouvons ajouter foi ? cela! Mais, messieurs, vous ne connaissez donc pas la complainte faite ? Buenos-Ayres sur le Capitaine-Noir?

--Jamais nous n'en avons entendu parler.

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

Back to top Use Dark Theme