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Read Ebook: Récit d'une excursion de l'impératrice Marie-Louise aux glaciers de Savoie en juillet 1814 by M Neval Claude Fran Ois Baron De
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next PageEbook has 132 lines and 21259 words, and 3 pagesAvant de raconter le voyage de l'ex-imp?ratrice aux glaciers de Savoie, je dois rappeler en peu de mots les circonstances qui ont donn? lieu ? cette excursion. Notre brave arm?e d?cim?e, mais non vaincue, apr?s une lutte h?ro?que soutenue contre toute l'Europe coalis?e, fut forc?e de c?der au nombre, aid? par la trahison. Le monde conna?t sa r?sistance obstin?e, sa gloire et ses malheurs. Paris fut envahi apr?s la fatale retraite de la R?gente, qui, accompagn?e par son fils et suivie par les principales autorit?s, ?tait all?e porter le si?ge du gouvernement ? Blois. Elle y arriva dans la soir?e du 2 avril. C'?tait le triste anniversaire d'un jour m?morable. Quatre ans auparavant, ? pareil jour, la fille des C?sars avait fait ? Paris, comme imp?ratrice des Fran?ais, une pompeuse entr?e accueillie par les transports de tout un peuple enivr?, confiant dans l'avenir. Le temps ?tait ? jamais pass? du retour de ces anniversaires fameux qui rappelaient tant d'?poques heureuses et glorieuses de l'Empire! Six jours se pass?rent dans l'attente du parti que prendrait l'Empereur, dont la correspondance avec l'Imp?ratrice ?tait journali?re. Le 8, le g?n?ral russe Schouwaloff arriva ? Blois, et notifia ? cette princesse une d?cision du conseil souverain des alli?s, qui le chargeait de la conduire ? Orl?ans avec son fils. La mission de cet envoy? des alli?s, quand l'empereur d'Autriche et son ministre n'?taient pas encore arriv?s ? Paris, ?tait d'un sinistre augure; elle causa ? Marie-Louise une douloureuse ?motion. Mais il fallait ob?ir ou tenter une r?sistance impossible. Elle partit le lendemain pour Orl?ans, sous la conduite du g?n?ral Schouwaloff, et trouva ? Angerville un camp russe qui lui fournit une escorte. Pendant son s?jour ? Orl?ans, le duc de Cadore, que Napol?on l'avait engag?e ? envoyer pr?s de son p?re, et qui fut oblig? de courir jusqu'? Chanceaux, pr?s de Dijon, o? ce prince ?tait retenu par les mouvements de l'arm?e fran?aise, rapporta ? l'Imp?ratrice des lettres dont le contenu ne la rassura point. Elles renfermaient des protestations de tendresse et d'int?r?t, mais aucune promesse positive. Ses inqui?tudes s'en accrurent. La retraite des Fran?ais qui l'avaient suivie lui porta un nouveau coup. Elle se livra ? une douleur immod?r?e. Ses yeux ?taient constamment gonfl?s par les larmes. Son teint ?tait empourpr? par une ardeur fi?vreuse, et tous ses traits boulevers?s par une vive souffrance. Quand le prince Paul Esterhazy et le prince Wenzel-Lichtenstein se pr?sent?rent, le 12, ? Orl?ans, pour l'inviter ? se rendre imm?diatement ? Rambouillet, o? son p?re devait l'attendre, elle se disposait ? partir pour Fontainebleau. L'assurance qui lui fut donn?e par ces envoy?s du prince Metternich, que l'Empereur Napol?on ?tait pr?venu de ce rendez-vous, ranima ses esp?rances. Elle fut rassur?e par la pens?e que son ?poux, qui lui avait it?rativement recommand? de se tenir en communication avec l'empereur d'Autriche, approuvait l'entrevue, et qu'elle ne recourrait pas en vain ? la protection d'un p?re sur l'affection duquel elle devait compter. Arriv?e en grande h?te ? Rambouillet, ses yeux cherch?rent en vain ses serviteurs et ses gardes; ils ne rencontr?rent que de hideux Cosaques ma?tres des grilles et des avenues du ch?teau. Sa surprise fut grande de n'y point trouver son p?re. Son anxi?t?, un moment endormie, se r?veilla. Elle craignit d'?tre retenue captive; mais, au sortir de Blois, elle ?tait d?j? trop r?ellement prisonni?re de la coalition! Le g?n?ral russe qui l'avait conduite de Blois ? Orl?ans, sous une escorte russe, avait ?t? remplac? dans le trajet d'Orl?ans ? Rambouillet par des g?n?raux autrichiens.--Quand elle vint de Rambouillet ? Grosbois, o? son p?re lui avait donn? rendez-vous, des Fran?ais qui l'avaient suivie ? Blois et ? Orl?ans, il en restait ? peine trois qui s'attach?rent ? sa fortune.--Lorsque, de Grosbois, elle partit pour Vienne, elle ?tait escort?e par un g?n?ral et par un ?tat-major autrichiens. L?, elle avait fait ? la France d'?ternels adieux! Pendant son m?lancolique voyage ? travers nos provinces d?sol?es et dans les ?tats Autrichiens, sa tristesse avait redoubl?. Ses nuits ?taient troubl?es par de p?nibles insomnies, et son visage ?tait souvent baign? de pleurs. Apr?s une de ces nuits sans sommeil, elle me dit un jour, dans le Tyrol, avec les larmes aux yeux, qu'elle avait manqu? de r?solution ? Blois, et qu'aucune raison n'aurait d? retarder son d?part pour Fontainebleau. Louable, mais inutile regret que le temps n'a peut-?tre pas emport? tout entier! Le docteur Corvisart, dans lequel elle avait toute confiance, avait jug? que l'usage des bains d'Aix, en Savoie, ? l'exclusion de tous autres, lui ?tait absolument n?cessaire. En attendant que la saison favorable fut arriv?e, l'empereur Fran?ois d?sira que sa fille all?t passer quelque temps ? Vienne, au sein de sa famille, promettant de ne pas s'opposer aux prescriptions du c?l?bre m?decin, et de la laisser ensuite libre de s'?tablir, soit ? l'?le d'Elbe avec l'Empereur Napol?on, soit dans les ?tats de Parme qui lui avaient ?t? conc?d?s par un trait?. Apr?s cinq semaines donn?es aux douceurs de la vie de famille, l'Imp?ratrice, impatiente de se rapprocher de la France, vers laquelle ses souvenirs et ses sympathies la reportaient souvent, s'occupa avec activit? de son d?part. Elle ?tait conduite ? Aix, moins par la n?cessit? de soigner sa sant?, que par le d?sir d'y revoir quelques amis de France, et par l'esp?rance d'?tre mise, apr?s la saison des eaux, en possession du duch? de Parme, o? elle serait ma?tresse de ses actions. La voix alors toute puissante du devoir, et une affection sinc?re l'appelaient aussi ? l'?le d'Elbe. On r?p?tait ? Marie-Louise que la nouvelle vie qu'elle allait commencer avec un ma?tre d?chu, dont la disgr?ce aigrirait l'humeur, ne serait pas exempte de nuages. Mais la pens?e que Napol?on avait toujours ?t? pour elle un bon mari, et qu'il avait un noble coeur, combattait ces insinuations. Un autre motif la portait ? s'?loigner de Vienne; c'?tait le d?sir d'?chapper ? la jalouse tutelle de sa belle-m?re, et de se soustraire ? l'ennui que lui causait l'expression, r?p?t?e sans cesse autour d'elle, de sentiments qu'elle ne partageait pas. Ce voyage aux glaciers de Savoie, et m?me une excursion en Suisse, si une prolongation d'absence ?tait n?cessaire, lui donneraient le temps d'attendre l'effet des promesses de l'Empereur son p?re. Les deux ?poux n'avaient pas cess? de correspondre. Ils ?chang?rent m?me des lettres pendant ce voyage. L'Empereur, sans d?sapprouver le choix des eaux d'Aix, aurait pr?f?r? qu'elle p?t aller prendre les bains ? Pise, ou dans quelqu'autre partie de la Toscane, ne pensant pas que le s?jour d'Aix, trop voisin de la nouvelle France, conv?nt ? celle qui avait ?t? imp?ratrice des Fran?ais. Du reste, il paraissait se flatter de l'espoir de poss?der sa femme et son fils durant une partie de l'ann?e ? l'?le d'Elbe. C'?tait l'objet de tous ses voeux. Quand l'Imp?ratrice s'ennuierait des rochers de l'?le d'Elbe, elle retournerait ? Parme. Je recevais des lettres du g?n?ral Bertrand ?crites dans le m?me sens. Napol?on devait envoyer, de Porto-Ferrajo, dans cette ville, ce qu'il fit en effet, un d?tachement de sa garde, pour prot?ger l'Imp?ratrice, et pour lui servir d'escorte, quand elle viendrait ? l'?le d'Elbe. Ce voyage ?tait donc d?sir? par les deux ?poux. L'Empereur d'Autriche objecta d'abord qu'il devait y avoir en Allemagne des eaux qui pourraient convenir ? sa fille. Il c?da enfin ? ses instances. Le voyage fut r?solu, ? la condition qu'un agent Autrichien irait r?sider aupr?s d'elle ? Aix, apr?s son retour des glaciers de Savoie. Son fils devait aller la rejoindre. Le 28 juin, l'Imp?ratrice alla faire ses adieux ? son p?re aux bains de Baden, dans la vall?e de Sainte-H?l?ne, ? deux milles de Vienne. Le lendemain, jour fix? pour son d?part, une indisposition subite de Madame la comtesse Brignole faillit ajourner ind?finiment son voyage. Cette indisposition, dont la gravit? apparente nous avait fort inqui?t?s, cessa heureusement dans la soir?e. L'Imp?ratrice, apr?s avoir embrass? son fils, qui fut laiss? aux soins de Madame la comtesse de Montesquiou, prit cong? de sa grand'm?re la Reine de Sicile, de ses fr?res, de ses soeurs et de ses oncles. Elle partit de Schoenbrunn ? onze heures du soir. L'Imp?ratrice d'Autriche, sa belle-m?re, ?tait venue de Vienne pour la mettre en voiture. Marie-Louise voyageait sous le nom de duchesse de Colorno, nom emprunt? ? l'un de ses ch?teaux de Parme. Elle n'?tait accompagn?e que par des Fran?ais. C'?tait une derni?re concession faite ? ses souvenirs de la France, et une condescendance, jug?e utile pour d'impuissantes vell?it?s d'ind?pendance. On parait la victime, et l'on semait sa route de fleurs, pour la conduire plus s?rement au lieu du sacrifice. Une division Autrichienne cantonn?e dans les environs, devait exercer autour d'elle une surveillance inaper?ue. Elle alla coucher le lendemain ? l'abbaye de Lambach, et le troisi?me jour, elle arriva dans la soir?e ? Munich. Le prince Eug?ne et la princesse sa femme l'attendaient ? la poste. Ils l'emmen?rent souper au palais, o? elle trouva la soeur cadette de la princesse Eug?ne, qui avait ?t? mari?e en 1810 au prince royal de Wurtemberg, et n?glig?e par lui d?s le premier jour de ses noces. Ce prince, secr?tement engag? avec sa cousine la grande duchesse Catherine de Russie, qu'il ?pousa apr?s la chute de Napol?on, n'avait contract? qu'avec r?pugnance une union impos?e par l'Empereur, pour lier plus ?troitement les deux principaux ?tats de la Conf?d?ration du Rhin, dans l'int?r?t d'une politique bien entendue. Mais les sentiments personnels des princes ne sont point consult?s dans ces hautes combinaisons; ils doivent fl?chir devant des consid?rations inflexibles. Ces ?tres privil?gi?s, dont la condition est si ?lev?e au-dessus des autres hommes, sont condamn?s ? subir l'expiation de leur grandeur. Marie-Louise ?tait un autre exemple du veuvage anticip? dont elle avait le spectacle sous les yeux.--Le prince royal de Wurtemberg se s?para sans remords de son ?pouse politique, le soir m?me de ses noces, la laissant malheureuse, car elle l'aimait.--La princesse de Bavi?re, veuve sans avoir eu d'?poux, s'?tait retir?e, apr?s le renversement de l'Empire, aupr?s de sa soeur la princesse Eug?ne. Elle ne pr?voyait pas que, deux ans apr?s, son mariage avec l'Empereur d'Autriche la vengerait de l'abandon de son premier mari; et Marie-Louise ?tait loin de se douter qu'elle embrassait en elle sa future belle-m?re. La duchesse de Colorno partit de Munich pour continuer son voyage. Elle ne s'arr?ta qu'? Morsburg, pour y prendre quelques heures de repos. Apr?s avoir pass? la journ?e ? Constance et visit? l'?le de Mainau; apr?s avoir travers? Baden o? elle rencontra le roi Louis de Hollande qui y prenait les bains, et Arau, o? elle visita le beau cabinet de costumes suisses de M. Meyer, elle alla descendre ? Berne, ? l'auberge du Faucon. La duchesse ?tait attendue ? Payerne par le Roi Joseph, qui la conduisit ? son ch?teau de Prangins, o? elle re?ut l'hospitalit? ?l?gante qui distinguait le ma?tre de cette agr?able r?sidence. Elle y passa la journ?e du 10. Dans la soir?e du m?me jour, elle vint aux Secherons, auberge renomm?e aux portes de Gen?ve, d'o? elle devait partir pour son voyage du Montanvers. C'est ici que commence l'Odyss?e dont j'entreprends de raconter les vicissitudes, en prose m?l?e de vers, ? l'imitation de Chapelle et de Bachaumont, g?nies faciles auxquels je voudrais pouvoir emprunter, avec la forme de leur charmant voyage, quelques-unes de leurs heureuses inspirations. R?CIT D'UNE EXCURSION DE L'IMP?RATRICE MARIE-LOUISE AUX GLACIERS DE SAVOIE, En Juillet 1814. Salut pompeux Jura, terrible Montanvers, De neiges, de gla?ons entassements ?normes, Du temple des frimats colonnades informes. Prismes ?blouissants, dont les pans azur?s, D?fiant le soleil dont ils sont color?s, Teignent de pourpre et d'or leurs ?clatantes masses; Tandis que triomphant sur son tr?ne de glaces, L'hiver s'enorgueillit de voir l'astre du jour Embellir son palais et d?corer sa cour. Non jamais, au milieu de ces grands ph?nom?nes, De ces tableaux mouvants, de ces terribles sc?nes, L'imagination ne laisse dans ces lieux, Ou languir la pens?e ou reposer les yeux. DELILLE . EXCURSION AU MONTANVERS. Paris, septembre 1814. Il y a environ trois quarts de si?cle, les barri?res pos?es par la nature autour des Alpes de la Savoie n'avaient pas encore ?t? franchies; et ces r?gions glac?es paraissaient inaccessibles, lorsque le g?nie des d?couvertes, ?veill? dans le coeur de deux Anglais , en tenta la reconnaissance. L'exp?dition de ces hardis, mais prudents voyageurs, fut dirig?e avec autant de pr?cautions qu'en prit Christophe Colomb, quand il mit le pied sur les premi?res terres du Nouveau-Monde. On dit qu'? leur arriv?e ? Chamouni, ils ?tablirent un camp sur la principale place du village, et qu'ils s'y gard?rent militairement, comme s'ils eussent craint l'irruption de monstres inconnus, chass?s de leurs antres de glace, ou l'attaque de quelques animaux gigantesques de ces races perdues qui, r?fugi?s dans ces solitudes, y auraient surv?cu aux r?volutions du globe. Un nouveau champ a ?t? ouvert ? la science par l'esprit d'investigation britannique. Le savant explorateur des Alpes en a fray? les routes aux G?ologues. Ce qu'ils ont fait conna?tre des beaut?s naturelles cach?es dans ces montagnes y attire en foule les curieux. Le voyage du Montanvers est devenu pour eux un autre p?lerinage de la Mecque. Cette curiosit? est justifi?e par la grandeur et par la pompe de sc?nes que pr?sentent ces r?gions si longtemps inexplor?es. En effet, la nature se pla?t ? y montrer son in?puisable f?condit? par les plus ?tranges oppositions. C'est un contraste perp?tuel de glaces et de fleurs, de st?rilit? absolue et de v?g?tation vigoureuse. Le printemps y m?le sa verte jeunesse ? la d?cr?pitude de l'hiver. Ici, des cavernes de glace laissent ?chapper de leur sein d'imp?tueux torrents; des cascades arr?t?es dans leur chute, pendent immobiles, d?coup?es en longues stalactites. L?, des terres cultiv?es apparaissent dans des pr?cipices: des ?pis dor?s s'y balancent ? l'ombre de pyramides azur?es, m?l?es aux cimes des noirs sapins. ? c?t? de p?les champs de neige, aupr?s de monstrueux amas de gla?ons entass?s, resplendit une riante pelouse diapr?e de fleurs. Un filet d'eau limpide y coulait tout-?-l'heure avec un doux murmure: Tout-?-coup un torrent furieux fond avec fracas sur le paisible ruisseau, souille de limon, de pierres et de d?bris la puret? de son onde, et l'enveloppant dans ses fangeux replis, l'emporte et court s'engloutir avec lui dans un ab?me. Ailleurs, ce sont de verdoyantes prairies qui forment des ?les au sein de lacs glac?s. Enfin, on marche de surprises en surprises, caus?es par des spectacles inattendus. Le besoin de chercher une diversion ? de p?nibles souvenirs, et l'esp?rance de puiser dans la contemplation des grandes sc?nes de la nature le calme si d?sirable apr?s tant d'orages et une ?nergie nouvelle, attirait sur le th??tre de ces sc?nes imposantes une jeune princesse qui, n?e sous la pourpre imp?riale, et port?e du berceau des C?sars sur l'un des plus glorieux tr?nes du monde, venait d'en descendre, victime d'une terrible catastrophe. Ayant eu l'honneur d'accompagner dans sa modeste visite aux Glaciers de Savoie la souveraine nagu?re entour?e de tant de pompe, j'ai ?t? engag? ? retracer quelques circonstances de ce court voyage, moins par l'int?r?t qu'il a pr?sent?, que par le souvenir du charme qu'y a r?pandu la constante bienveillance de cette princesse qui, dou?e d'un caract?re facile et bon, et d?posant avec la majest? du rang les pr?jug?s de la naissance, n'a voulu ?tre qu'une femme aimable. Car l'?clat de son rang est son moindre avantage. Si sur son front empreint, l'auguste sceau des rois Inspire le respect et commande l'hommage, Les dons heureux qu'elle obtint en partage, La font r?gner par de plus douces lois. On voit s'empresser autour d'elle Des arts le cort?ge fid?le. Unissant l'?l?gance et la simplicit?, La douceur et la dignit?, La bonhomie et la finesse, Et de la vertu sans rudesse, L'indulgence et l'am?nit?, Elle a pour attributs la gr?ce et la bont?. Le ciel l'a faite, au printemps de son ?ge, Fille, ?pouse et m?re de rois, Voulant que par un triple hommage, Le respect et l'amour l'entourent ? la fois; Mais il ne l'a que montr?e ? la France, D'un brillant avenir trop flatteuse esp?rance! Associ?e au sort de l'Empereur, La fille des C?sars fut le gage trompeur D'une alliance mensong?re; Bient?t une ligue ?trang?re R?unit contre son ?poux, Et son p?re et ces rois de l'Empire jaloux, Courtisans du vainqueur, aux jours de sa puissance, Pendant la paix, infid?les amis, Dans le malheur, perfides ennemis. De ces Amphictyons une indigne sentence S?pare de l'?poux son ?pouse et son fils; L'une malgr? l'hymen, condamn?e au veuvage, L'autre, que sa naissance a sur un tr?ne assis, Et du berceau tomb? dans l'esclavage. Ah! de tant de grandeur et d'un si haut destin, Le ciel dans ses d?crets n'a pu marquer la fin! Du moins n'ont pas p?ri, dans ce d?sastre immense, Ces deux biens pr?cieux, l'honneur et l'esp?rance! Puissent la foi dans l'avenir, Tout ce qui dans l'exil charme le souvenir, De l'amour maternel la douceur infinie, La fid?le amiti?, les arts consolateurs, Qui calment les maux de la vie, D'une double infortune apaiser les douleurs. J'ai laiss? la duchesse de Colorno ? l'auberge des Secherons, apr?s son retour de Prangins, se disposant ? partir pour son voyage au Montanvers. En effet, le lendemain 11 juillet, de tr?s-grand matin, en m?me temps que le roi Joseph prenait cong? de sa belle-soeur, pour retourner chez lui, cette princesse montait en voiture pour se rendre dans la vall?e du Prieur?. Elle quittait les Secherons, r?solue ? faire dans la m?me journ?e les dix-huit lieues qui s?parent Gen?ve de Chamouni. Sa suite se composait de madame la comtesse Brignole, de mademoiselle Rabusson, lectrice de la princesse, du fianc? de cette derni?re , et de moi. Elle voulut bien nous admettre. Dans un char d?cent et modeste, ? Landau nagu?re invent?, Et couvert seulement par la vo?te c?leste, Que loin des murs de l'aust?re cit?, Quatre chevaux, d'un pas agile et leste, Eurent bient?t dans leur course emport?. Le soleil s'?levait sur l'horizon: les nuages avaient fui devant ses rayons naissants, et le ciel brillait d'un ?clat radieux. La chaleur qui commen?ait ? se faire sentir, s?chait la ros?e dont les perles humides s'effa?aient lentement sur les prairies et sur les buissons. L'air ?tait pur et suave; et les oiseaux en choeur saluaient de leurs ramages l'aurore d'une belle journ?e. Le trajet de Bonneville ? Cluse se fait ? travers une vall?e fertile, couverte d'arbres fruitiers, et flanqu?e de montagnes bois?es jusqu'? leur sommet. On arrive ? Cluse par un chemin ?troit taill? dans le roc, sans soup?onner l'existence de cette petite ville dont la vue est masqu?e par des masses de rochers. Elle est assez pauvre et habit?e en grande partie par des forgerons et par des fabricants de ressorts d'horlogerie. ? voir ces maisons enfum?es, D'une enceinte de rocs de toutes parts ferm?es, Je me crus transport? soudain Dans l'un des t?n?breux asiles, O? Vulcain entour? des cyclopes dociles, Bat le fer qui fr?mit sous sa robuste main. La rivi?re de l'Arve traverse cette petite cit?, dont les laborieux habitants semblent cacher l? leur active industrie. Elle coule emprisonn?e sous un pont d'une seule arche. Cluse justifie son nom. On y est enferm? dans une enceinte de rochers. ? l'ext?rieur, on ne l'aper?oit point: quand on y est entr?, on ne sait pas comment on en sortira. L'issue, comme l'entr?e, est une esp?ce de faux-fuyant. ? la sortie de Cluse, on suit le cours de l'Arve, en longeant des c?tes abruptes qui s'avancent tellement sur la route, qu'elles paraissent en quelques endroits l'intercepter. Puis la vall?e commence ? s'?largir. Elle pr?sente bient?t une vaste ar?ne, autour de laquelle sont group?es les montagnes. Nous aper??mes ? deux cents toises au-dessus de nos t?tes, ? gauche de la route, les bouches b?antes des grottes de Balme. Elles semblaient nous inviter ? en tenter l'escalade; mais nous pass?mes sans nous y arr?ter. Nous avions h?te d'arriver aux Bosquets de Maglans. Les s?duisantes descriptions qu'on nous en avait faites absorbaient toute notre curiosit?. De ces retraites merveilleuses, Que notre esprit trop enivr? Nous peignait si d?licieuses, Nos pieds foulaient le sol tant d?sir?! ? deux pas de l? se pr?sente, adoss? ? la montagne, le village de Maglans. Les blocs ?pars dans la prairie qui ?tale ses riches tapis au pied de ce village, attestent que ses habitants ont cherch? sous les rochers suspendus sur leurs toits, une protection quelquefois infid?le. Mais quoique menac?s par la chute de ces ?normes masses, leur s?curit? n'en est pas troubl?e. De ce danger la menace incessante, Loin de troubler leur vie insouciante, Peut-?tre les attache encor plus au clocher. Nos p?res, disent-ils, sont n?s sous ce rocher Qui de nos fils a prot?g? l'enfance; Leurs enfants y na?tront. Dieu qui dans sa cl?mence Pr?serva leurs parents, saura veiller sur eux. L? se bornent leur pr?voyance, Leur avenir, leurs soucis et leurs voeux. Nous arriv?mes bient?t en vue du Nant-d'Arpenaz, cascade tombant du haut d'une montagne qui est ? gauche de la route. Des grands aspects que nous venions admirer, c'?tait le premier que rencontrait notre vue. Nous esp?rions jouir d'un magnifique spectacle: notre curiosit? fut m?diocrement satisfaite. Pour voir cette cataracte avec tous ses avantages, il e?t fallu, nous dit-on, venir au moment de la fonte des neiges. Notre imagination dut donc faire seule les frais des magnificences absentes qu'elle emprunte ? la crue des eaux. Le Nant-d'Arpenaz, glissant modestement le long des parois de la montagne, ?tait alors terne et d?color?. Ses eaux rencontraient en tombant quelques saillies de rochers qu'elles couvraient d'une rare ?cume: puis se divisant en filets limpides, elles coulaient sans obstacle au bas de la montagne. La vue du triste lieu qu'on nous avait donn? pour les bosquets de Maglans, avait tromp? notre attente. Nous ne f?mes pas d?dommag?s par l'aspect du Nant-d'Arpenaz. Ce d?but n'?tait pas encourageant; il ne r?pondait pas ? l'id?e que nous nous ?tions faite des ph?nom?nes qui nous attiraient dans des lieux si f?conds en incidents pittoresques. Il n'?tait pas de nature ? ?veiller notre enthousiasme, qui n'attendait qu'une occasion pour ?clater. Mais nous avions la foi qui transporte les montagnes. Nous pensions que, comme dans un drame bien ordonn?, l'int?r?t devait aller en croissant. ? cet insigne honneur lui valut d'?tre admise. Pour une souveraine il faut une marquise. Celle-ci fi?re d'un tel choix, ? peine regardant ses ignobles pareilles, Dresse, belle d'orgueil, ses superbes oreilles. Il lui tarde d'aller sous un si noble poids, Et de pr?ter sa croupe ? la fille des rois. Apr?s une demi-heure de marche commence la montagne. L?, nous laiss?mes nos mulets et notre char-?-banc pour monter ? la cascade de Chede, en gravissant pendant l'espace de quelques minutes un sentier ?troit et escarp?, qui dominait un ravin profond. Ce sentier nous amena devant une vaste nappe d'eau tombant d'une hauteur de deux cents pieds au travers de rochers ombrag?s par des arbres plusieurs fois centenaires: c'?tait la cascade de Chede. Du pied de noirs sapins dans les airs ?lanc?s, L'imp?tueux torrent descend ? flots press?s, Roulant en vagues blanchissantes, De roc en roc ? grand bruit jaillissantes. Au loin les airs en sont troubl?s; Et sous sa masse foudroyante, De la montagne g?missante, Les vastes flancs sont ?branl?s. C'est en vain qu'au sein de la plage, Le torrent furieux veut s'ouvrir un passage; Le sol r?siste ? ses coups redoubl?s. Enfin, las d'exercer une impuissante rage, Sur les d?bris dans sa chute entra?n?s, Il s'enfuit en grondant; puis ses flots d?cha?n?s, Dans un cours plus tranquille oubliant leur furie, Se r?pandent dans la prairie, Divis?s en mille ruisseaux, Qui vont du lac de Chede alimenter les eaux. Ce beau spectacle attira pendant quelque temps notre attention. Avant de continuer notre route, nos guides nous conduisirent au lac pour boire de son eau, selon l'usage. Nous admir?mes le brillant cristal de cette eau, qui est en effet si limpide, qu'elle invite ? la go?ter. Ce lac est, dit-on, peupl? de couleuvres qui ont d?truit la race innocente des poissons, et r?gnent insolemment ? leur place. Ainsi sur tout ce qui respire, Tel est l'injuste arr?t du sort, La violence exerce son empire; Et le m?chant est le plus fort. Il ?tait six heures, quand nous atteign?mes le village de Servoz. Le ciel dont l'azur transparent nous avait charm?s ? notre d?part de Gen?ve, commen?ait ? se charger de blanches vapeurs flottantes, qui voilaient de temps en temps le soleil. Servoz est situ? ? l'extr?mit? d'une petite plaine qu'enferme une enceinte de montagnes, tapiss?es par la sombre verdure des sapins. Le Mont-Anterne ?l?ve au milieu d'elles sa t?te couverte de neiges. Nous nous repos?mes l? pendant un quart d'heure. ? peu de distance de Servoz, sont des b?timents servant ? l'exploitation de mines de cuivre et de plomb, r?cemment d?couvertes. Un petit monument s'?l?ve sur le bord de la Diouza, consacr? ? la m?moire d'un jeune Danois dont nous avions entendu d?plorer la perte. M. Eschen donnait de grandes esp?rances. Une belle traduction des odes d'Horace lui avait d?j? acquis de la c?l?brit? en litt?rature. Parti de Servoz avec un compagnon de voyage, ils gravirent le Mont-Buet. L'ardeur de M. Eschen qui l'entra?nait toujours en avant, l'avait s?par? de son guide d'une centaine de pas, lorsqu'il disparut tout-?-coup dans une crevasse du glacier. On ne put le tirer qu'? la nuit de cet ab?me. On le trouva debout, les bras ?lev?s au-dessus de la t?te, et d?j? dans un ?tat de cong?lation. On nous montra au haut d'une colline les ruines du ch?teau de Saint-Michel, ancien fort destin? ? d?fendre l'entr?e de la vall?e de Chamouni. Jadis dans ce ch?teau, si j'en crois la chronique, D'esprits malins un essaim fantastique Apparaissait vers le d?clin du jour. Tant?t d'un cri faible et m?lancolique Ils attristaient les ?chos d'alentour. Tant?t les longs ?clats de leur gait? bruyante Semaient au loin le trouble et l'?pouvante. Quand du jour qui s'enfuit les douteuses clart?s Pr?tent ? chaque objet une forme incertaine, Le passant attard? dans ces lieux redout?s, Qu'il croit du diable ? jamais le domaine, S'?loigne ? pas press?s de l'infernal taudis, Recommandant son ?me aux saints du paradis. Nous h?tions le pas, esp?rant arriver ? temps ? Chamouni; mais les l?g?res vapeurs dont l'aspect nous avait inqui?t?s ? Servoz, s'?taient condens?es. Elles formaient des nu?es mena?antes qui venaient s'amonceler sur les cimes, comme ? un sinistre rendez-vous. La faible lueur du cr?puscule laissait entrevoir sur le bord de la route des croix plant?es en m?moire de tragiques accidents. Ces avertissements donn?s par la mort nous paraissaient de funeste pr?sage. Nous passions silencieusement aupr?s de ces muets t?moins, en leur jetant un coup-d'oeil furtif. Add to tbrJar First Page Next Page |
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