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Read Ebook: Old-Time Makers of Medicine The Story of The Students And Teachers of the Sciences Related to Medicine During the Middle Ages by Walsh James J James Joseph
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next Page Prev PageEbook has 1544 lines and 127629 words, and 31 pagesSPOKANE ET LES INDIENS L'ancien coll?ge, beaucoup plus petit que le coll?ge actuel, et cependant de dimensions respectables, dut ?tre rapproch? des nouveaux b?timents: on le mit sur des roulettes et on le transporta tout d'une pi?ce sur son nouvel emplacement. L'op?ration co?ta 10.000 dollars . Le coll?ge de Spokane s'appelle GONZAGA COLLEGE; il a pour patron S. Louis de Gonzague; on esp?re le transformer un jour ou l'autre en Universit?. J'y fus re?u comme un fr?re par le R. P. Crimont, alors recteur et maintenant Pr?fet Apostolique d'Alaska, je m'y installai pour quelques semaines en attendant le retour d'Europe du sup?rieur g?n?ral de la mission, le R. P. de la Motte. Dans l'intervalle j'eus l'occasion de visiter la mission de Colville et la r?serve des Coeurs d'Al?ne. Colville est au Nord de Spokane, pr?s des lignes du Canada, sur la rivi?re et la cascade du m?me nom; c'est un ancien fort de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Une des premi?res choses que je remarquai en arrivant et qui m'?tonna, c'est que le bureau de poste est install? dans notre R?sidence, et c'est un P?re qui est ma?tre de postes, d?sign? par le gouvernement. La maison, b?tie sur une colline, est assez loin de la station, simple plate-forme en bois, sans abri. D'autre part les trains ont souvent des retards et quelquefois personne ne se trouve l? ? leur passage; quelquefois m?me ils ne s'arr?tent pas et se contentent en passant de ralentir la vitesse. Comment donc arrive et comment part le courrier? me demandez-vous. Pour l'arriv?e, rien de plus simple: le postier du train jette sur le sol le sac de d?p?ches que l'on va ramasser ensuite: pour le d?part, il d?croche d'une sorte de potence, dress?e au bord de la voie, le sac renfermant le courrier ? exp?dier, qu'on y a suspendu d'avance. Autrefois la mission de Colville, comprenant l'?glise, la r?sidence des missionnaires et l'?cole, se trouvait au centre du camp indien; depuis, les sauvages ayant ?migr? sur la rive droite de la Colombie, elle reste compl?tement isol?e. Le minist?re se borne donc ? des visites p?riodiques au nouveau campement des Indiens et aux petites villes de la r?gion, dont une porte le nom sonore de R?publique. Le dimanche cependant l'?glise s'anime de nouveau par l'arriv?e de quelques colons voisins de race blanche, d'un petit pensionnat tenu par des Soeurs Canadiennes. C'est ? Colville que je fis mes premi?res excursions ? cheval: j'allai ainsi un jour, le long de la Colombia, jusqu'? la cataracte qui porte le nom de Chaudi?re ; c'est une suite de rapides et d'?normes chutes d'eau tombant avec fracas dans un gouffre profond d'o? s'?chappent, comme d'une chaudi?re en ?bullition, des tourbillons fumants de poussi?re d'eau. Je mentionne seulement pour m?moire cette course ? Colville. Autrement int?ressante fut l'excursion que je fis quelques jours apr?s dans la R?serve des Coeurs d'Al?ne ? Desmet. Ainsi se nomme le village central de la mission en souvenir du v?n?r? P. de Smet, l'ap?tre des tribus indiennes de l'Am?rique septentrionale. J'allais enfin voir de pr?s nos chers sauvages. Disons tout d'abord que les choses ont bien chang? depuis le P. de Smedt. A cette ?poque , les Indiens parcouraient encore en toute libert? les immenses r?gions de l'Ouest, et transportaient leurs p?nates partout o? les menait leur vie vagabonde. Maintenant que les Blancs ont p?n?tr? jusqu'au Pacifique, et que les troupes des Etats-Unis ont dispers? leurs derni?res bandes arm?es, les Indiens sont cantonn?s dans les territoires nettement d?limit?s que l'on appelle des R?serves. Chacune de ces R?serves est grande en moyenne comme un de nos grands d?partements fran?ais; celle des Coeurs d'Al?ne, pour 500 Indiens , renferme 590.000 arpents de terre labourable et de for?ts, qui leur appartiennent de plein droit. Les Indiens doivent habiter dans la R?serve, o? ils sont gouvern?s par un agent du gouvernement f?d?ral; ils peuvent cependant voyager comme il leur pla?t, chasser ou p?cher hors de la R?serve, mais ? condition d'y rentrer sans trop de retard. On comprend que cette vie ? demi civilis?e, ce contact des Blancs ait adouci singuli?rement les moeurs de nos sauvages. Leur v?tement m?me s'est modifi?, et ce n'est que dans les grandes solennit?s que l'on voit encore parfois repara?tre ces costumes ?tranges, ces visages barbouill?s de rouge ainsi d?crits par le P. de Smedt: < >>Les petits gar?ons portent une esp?ce de dalmatique en peau bord?e de piquants de porc-?pic et ouverte aux deux bords, ce qui donne un air tout ? fait singulier ? ces petits sans culottes et sans chemise. >>Les femmes se couvrent d'une grande p?lerine, orn?e de dents d'?lan et de plusieurs rang?es de perles de diverses couleurs. Cet habillement, lorsque la peau est blanche et propre, fait un bel effet. >>Le sauvage met autant de soin ? orner son coursier qu'il en emploie pour sa propre personne; la t?te, le poitrail et les flancs de l'animal sont couverts de pendants de drap ?carlate, bord?s de perles et orn?s de longues franges, auxquelles ils attachent de petites sonnettes.>> De ce costume des hommes, il ne reste aujourd'hui que la couverture de laine aux couleurs ?clatantes, dans laquelle l'Indien se drape avec une majest? surprenante. Au lieu de la plume d'aigle, ils se coiffent d'un chapeau de feutre, gris ou blanc, aux larges bords et l?g?rement conique. Leurs pieds sont comme autrefois chauss?s de larges sandales en peau de chevreuil, qu'ils appellent < ces Indiens se rendaient ? la ville de Tekoa pour faire leurs provisions, ou simplement pour se promener. Nous ?tions ? l'avant-veille de la Toussaint; j'allai voir une de ces assembl?es ?difiantes et pittoresques. D?s le soir de mon arriv?e, j'assistai dans l'?glise ? la pri?re faite par les quelques Indiens d?j? pr?sents; c'?taient surtout des femmes ?g?es, qui, d'une voix nasillarde et tra?nante, r?citaient en commun de longues invocations o? le nom de Koline zouten, Grand Esprit, revenait sans cesse. Une d'elles semblait guider les autres; elle ?tait toujours en avance de quelques mots sur ses compagnes et priait avec une ardeur qu'une toux d?chirante ne parvenait pas ? ralentir. Il y avait l? aussi quelques jeunes femmes avec leurs b?b?s, qu'elles portent sur le dos, empaquet?s, debout dans leurs ch?les multicolores, de sorte que la petite t?te brune de l'enfant, piqu?e de deux grands yeux noirs, ?merge et regarde curieusement par-dessus l'?paule de sa m?re. Le lendemain, 31 octobre, les Indiens commenc?rent ? arriver en grand nombre. La premi?re voiture parut ? l'entr?e du campement ? 11 h.; elle ?tait attel?e de deux chevaux blancs; deux Indiens, envelopp?s de leur couverture rouge, ?taient assis sur le si?ge: derri?re, des formes confuses accroupies, sans doute des femmes. D'autres voitures suivirent, comme aussi beaucoup de cavaliers, hommes ou femmes, seuls ou en troupes. Peu ? peu le camp s'anima; des spirales de fum?e blanche s'?lev?rent au-dessus des toits; le hennissement des chevaux, les aboiements des chiens, rompirent le silence pesant de la solitude, et la nuit venue, les fen?tres s'?clair?rent de nombreuses lumi?res, per?ant l'obscurit? opaque. Le lendemain, jour de la Toussaint, la cloche appela ce bon peuple ? l'?glise du Sacr?-Coeur pour la grand'messe; ils vinrent sans retard et form?rent bient?t la foule la plus pittoresque et la plus bariol?e qui se puisse voir. Bon nombre d'hommes portaient une sorte de tunique flottante, faite d'une l?g?re ?toffe blanche ou noire; plusieurs ?taient majestueusement drap?s dans leurs couvertures de couleurs voyantes, o? le rouge domine. Sur toutes les t?tes, le chapeau de feutre blanc aux larges bords contrastant avec les longues chevelures noires. Parmi eux je distinguai quelques types vraiment admirables et d'une beaut? sculpturale. On me pr?senta deux ou trois personnages, entre autres le premier chantre, Louis, et le policeman: il faut savoir que la police dans les R?serves est faite par les Indiens, sous la direction de l'agent. Je ne sais quelle erreur avait ?t? commise, et des fleurs qu'on devait envoyer de Tekoa pour l'?glise, n'?taient point arriv?es. Le policeman et son compagnon expliqu?rent ce retard et en exprim?rent leurs regrets dans un long discours d'une grande solennit?, et dont je ne compris que les gestes, d'ailleurs tout ? fait oratoires. On sait quel go?t ont ces enfants de la nature pour la haute ?loquence. Enfin voici l'heure de la messe: l'?glise, d'assez grande dimension, est comble; vu de l'autel, l'aspect de ces figures jaunes, si expressives dans leur impassibilit?, fait un singulier effet. Du fond de la nef, c'est une mosa?que de costumes aux couleurs vives, digne du meilleur pinceau. Le pr?tre est ? l'autel, les chants commencent, ex?cut?s par toute la tribu, hommes et femmes; c'est une messe gr?gorienne avec de l?g?res modifications exig?es par le go?t de nos sauvages et par la port?e de leurs voix. Tout alla bien jusqu'au Sanctus; mais alors quel ne fut pas mon ?tonnement d'entendre, au lieu du chant liturgique, un cantique en langue indienne, sur l'air < Pendant la communion, on chanta un autre cantique, cette fois sur l'air < Je dois avouer que, pendant une bonne partie de la messe, je fus distrait par un spectacle ? la fois s?rieux et comique qui se d?roulait ? trois pas devant moi. Une jeune Indienne, coiff?e d'un foulard de soie rose et blanc, ?tait ? genoux par terre, dans son grand ch?le rouge ? carreaux verts et violets, avec b?b? sur le dos. Mais b?b? n'est pas sage; il s'agite et crie. Pour le calmer, sa m?re, sans se retourner, lui passe un mouchoir de couleur. B?b? s'amuse un instant ? le plier, ? le d?plier, puis il le laisse tomber. Sa m?re le ramasse et le lui rend. Aussit?t son plan est fait: une seconde fois il laisse tomber le mouchoir, puis il le jette ? une petite distance. Toujours la m?re ramasse et rend par-dessus son ?paule avec une patience inalt?rable. B?b? prend go?t au jeu et jette le mouchoir le plus loin possible: sa m?re se tra?ne sur ses genoux et ramasse. B?b? se lasse du jeu; pour se d?sennuyer, il se met ? marteler la t?te de sa m?re, il lui tire les cheveux; elle ne bouge pas. Finalement il lui enl?ve sa coiffe: l?ger mouvement d'impatience ou plut?t de d?tresse, car le moment de la communion est venu et elle ne peut pas se pr?senter t?te nue. Elle se rajuste et part ? la sainte Table avec b?b? toujours sur le dos. A peine revenue, b?b? crie et se d?bat. Elle le d?noue, et toujours ? genoux le plante debout devant elle, l'enveloppe dans son ch?le, et lui donne ? boire. Quand il a bu, B?b? se sent en humeur de danser, malgr? la saintet? du lieu. Cette fois une tape maternelle le rappelle ? l'ordre. Dans l'apr?s-midi, j'allai visiter le camp; j'entrai dans quelques maisons o? je ne remarquai rien de bien particulier, sinon la raret? des meubles les plus communs; ainsi en bien des endroits, point de chaises ni de bancs. Hommes et femmes se couchent et s'accroupissent sur le plancher. Je donnai quelques poign?es de mains ? la mode anglaise, et je me souviens d'une bonne femme dont les mains ?taient parfaitement propres, et qui cependant fit le simulacre de se les laver en les passant l'une sur l'autre, avant de me rendre ma politesse. Le lundi 3 novembre, je profitai de la voiture du facteur rural qui nous avait comme d'habitude apport? le courrier , et repris le chemin de Tekoa. Sur la route, nous rencontr?mes de nombreux Indiens se rendant ? la ville, les uns dans des voitures attel?es de deux et m?me de quatre poneys, les autres ? cheval. Notons en passant que les femmes montent ? cheval comme les hommes; quelquefois m?me l'absence de barbe chez ceux-ci peut occasionner des m?prises. A Tekoa je pris le train et rentrai ? Spokane. J'avais un instant h?sit? ? partir, ? cause du mauvais ?tat des chemins. Mais bien m'en prit de n'avoir pas attendu plus longtemps: le lendemain l'employ? des postes dut faire son service ? cheval, la boue ayant rendu les routes impraticables aux voitures. Nous avons maintenant une id?e de ce qu'est une mission indienne dans les R?serves am?ricaines. Au centre, vous trouvez invariablement une ?glise d'assez grandes dimensions; ? c?t? de l'?glise, sous un auvent de 7 ? 8 m?tres d'?l?vation, la cloche; puis la maison des P?res, le tout en bois et d'aspect fort modeste. Aussi pr?s que possible de la r?sidence des missionnaires, quelquefois m?me dans la r?sidence, l'?cole des gar?ons; ? quelque distance, l'?cole des filles et l'habitation des religieuses enseignantes. Ces ?coles malheureusement n'ont plus aujourd'hui la m?me importance qu'autrefois, les subsides du gouvernement ayant ?t? totalement supprim?s. Autrefois le missionnaire ?tait la seule autorit? reconnue ? c?t? des chefs indiens; depuis, le gouvernement des Etats-Unis a ?tabli dans chaque R?serve une agence, et pr?s de chaque agence une ?cole de gar?ons et de filles qu'il entretient lib?ralement; de l?, dans nos ?coles, diminution sensible des ?l?ves, qui se recrutent plut?t parmi les blancs et les m?tis que parmi les Indiens. A chaque mission se rattache une exploitation agricole, plus ou moins importante: il faut bien entretenir le personnel et nourrir les enfants. Ces fermes sont dirig?es par nos Fr?res qui pr?sident aux travaux de culture et ? l'?levage du b?tail. Les troupeaux de boeufs et de chevaux, parfois consid?rables, ne demandent pas grand entretien; on les laisse errer en libert? dans la R?serve, chaque animal portant imprim? au fer rouge la marque de son propri?taire. Deux ou trois fois par an les cowboys montent ? cheval, et par des courses fantastiques et des charges effr?n?es, r?unissent et ram?nent le troupeau entier. On compte les t?tes, on marque les veaux et les poulains, et de nouveau on donne libre carri?re ? toute la bande. On ne conserve jamais ? l'?curie plus de deux ou trois chevaux; si pour une raison quelconque il en faut un de plus, on va le chercher au p?turage. Nous avons ?galement une id?e du type indien: peau jaune, cheveux invariablement noirs, menton arrondi et sans barbe, figure ronde ou ovale, remarquablement r?guli?re. S'ils sont jaunes, me direz-vous, pourquoi les appelle-t-on Peaux-Rouges? J'ai moi-m?me pos? cette question ? un Am?ricain, qui m'a r?pondu: On les appelle Peaux-Rouges parce qu'ils avaient coutume de se peindre en rouge pour la guerre ou pour leurs danses solennelles. < On raconte que Louis-Napol?on, condamn? ? la prison ? perp?tuit?, se tourna en souriant vers Berryer, son avocat, et lui dit: < Nous part?mes deux jours apr?s, le R. P. de la Motte voulant bien m'accompagner, pour la R?serve d'Umatilla, pr?s de Pendleton, dans l'Or?gon. En passant ? la station de Tekoa, j'envoyai de loin un souvenir ? nos bons Coeurs d'Al?ne, et nous continu?mes notre course ? toute vapeur vers le Sud-Ouest. Jusqu'? Colfax, nous e?mes sous les yeux les horizons ordinaires du Montana: montagnes bois?es et vertes collines. Mais ? cet endroit, le paysage change brusquement: plus d'arbres, plus de verdure, du sable et des ?boulis de rochers, une vaste solitude couverte d'un linceul de poussi?re. Voici bient?t sur notre route la grande rivi?re des Serpents . Je me sentis le coeur gros ? la vue du spectacle morne et d?sol? que pr?sentaient les rives de ce fleuve, coulant entre deux cha?nes de collines grises et raboteuses, sans le moindre brin de verdure, sans le moindre arbuste. Je ne pus m'emp?cher de penser ? la vall?e du Rh?ne, que j'avais parcourue quelque temps auparavant, et le contraste de cette triste r?gion avec les splendeurs pittoresques de notre beau fleuve fran?ais me causa, je l'avoue, un brusque acc?s de nostalgie. La nuit ?tait tomb?e quand nous arriv?mes ? la gare de Pendleton. Le P. Neate, cur? de la paroisse, nous y attendait avec son cabriolet, dans lequel nous mont?mes, et quelques instants apr?s nous ?tions au presbyt?re. Pendleton est une petite ville b?tie toute en bois, sur les bords de la rivi?re Umatilla; il s'y trouve cependant quelques beaux ?difices en pierre ou en brique, entre autres l'h?pital catholique et le pensionnat tenu par des Soeurs allemandes. C'est une des rares paroisses desservies par nos P?res en dehors des R?serves. L'?glise et le presbyt?re, br?l?s compl?tement il y a quelques ann?es, furent reb?tis par un Fran?ais, le P. Victor Garrand. A une petite distance de la ville s'ouvre la R?serve des Nez-Perc?s, ? laquelle on a donn? le nom de la rivi?re qui la traverse, l'Umatilla. C'est au centre de cette R?serve, ? la mission Saint-Andr?, que j'allais et d?s le lendemain de notre arriv?e, le P. Ragaru, qui avait charge de cette mission, vint me chercher ? Pendleton. Je le vois encore, descendant de sa voiture, venir ? nous dans le jardin, v?tu d'un gros tricot de laine, qu'il avait conserv? de son costume de missionnaire d'Alaska. Apr?s le d?ner il fit ferrer ses chevaux et m'emmena ? travers des chemins d?fonc?s et une mer de boue. Plus nous approchions, plus le pays devenait triste et m?me lugubre: un sol uniform?ment gris ou noir, sans le moindre relief, sans ombre de v?g?tation, une solitude morne, un silence ?crasant, rompu de temps ? autre par le sifflement brusque de la bise ou par le glapissement suraigu des chiens sauvages, appel?s < Le lendemain matin j'explorai les environs imm?diats. Le pays m'apparut alors dans toute son horrible nudit?. Pas un arbre! ? peine si ? l'horizon une ?troite bande de verdure indiquait le cours de l'Umatilla. En dehors de l'?cole, solitude compl?te autour de nous. Le dimanche seulement nous pouvions esp?rer de voir des figures humaines, jaunes ou blanches, ? l'?glise. Pendant toute la semaine, nous ?tions ensevelis dans ce coin de terre comme dans un tombeau. Heureusement j'?tais venu sans illusion sur ce qui m'attendait dans ces pays lointains. Il fallait cependant, de toute n?cessit?, me cr?er une occupation: je me jetai ? corps perdu dans l'?tude du Nez-Perc? ou Noumipou. D'o? vient ce nom de Nez-Perc? donn? ? cette tribu par les trappeurs canadiens? Il est ? croire qu'autrefois ils se perforaient la cloison ou les ailes du nez pour y introduire des ornements. Actuellement il ne reste rien de cet usage, s'il a jamais exist?. Les Nez-Perc?s sont intelligents et braves; ils l'ont prouv? par leurs exploits sous la conduite de leur c?l?bre chef Joseph, mort r?cemment. Leur type se distingue entre tous les types indiens par sa noblesse et son ?l?gance. Leur langue, je l'ai d?j? dit, est relativement douce et harmonieuse. Tandis que les T?tes-Plates donnent ? Dieu le nom de Grand Esprit , les Nez-Perc?s l'appellent < J'?tudiais avec tant d'ardeur, qu'en moins de trois mois je pus pr?cher de m?moire un court sermon que j'avais compos? moi-m?me sur Dieu . Ki est le locatif . La division de ce sermon ?tait la suivante: < < < Il est d'usage, lorsqu'un nouveau P?re arrive dans une mission, que les Indiens lui donnent en leur langue un nom sp?cial, sous lequel il sera d?sormais d?sign? parmi eux. Ce nom leur est inspir? par un d?tail ext?rieur, une particularit? physique qui les frappe. Pour moi, ce qui leur parut le plus remarquable, ce fut mon lorgnon, et ils m'appel?rent < J'ai d?j? dit plus haut que la tribu des Coeurs d'Al?ne est tout enti?re catholique; ici il n'en est pas de m?me. Un tiers seulement des Nez-Perc?s est catholique, un autre tiers protestant et le reste encore pa?en. Ces pa?ens adorent, para?t-il, les astres, le feu, les eaux, mais surtout le soleil; il est d'ailleurs tr?s difficile de p?n?trer leurs myst?res. Je fus d?s le d?but t?moin d'une conversion, et j'assistai au bapt?me d'un jeune pa?en de 25 ? 30 ans, qui m'?difia par sa pi?t? na?ve. Il s'appelait Andr? Corne d'argent. Apr?s le bapt?me, on r?habilita son mariage; sa femme d?j? chr?tienne paraissait tout heureuse. Le dimanche ?tait notre grand jour; apr?s une semaine de solitude nous voyions arriver nos paroissiens, jaunes et blancs, les uns ? cheval, les autres en voiture, tous accompagn?s de leurs chiens, qui par leurs gambades et leurs aboiements joyeux mettaient dans le paysage une note de ga?t?. L'?glise ?tait bient?t pleine; les femmes commen?aient ? r?citer ou plut?t ? chanter le rosaire dans leur langue harmonieuse, jusqu'? ce que le pr?tre par?t ? l'autel. Les jeunes filles du pensionnat des Soeurs chantaient ? la tribune; le P. Ragaru et moi nous pr?chions alternativement, d'abord en anglais pour les Blancs, puis en nez-perc? pour les Indiens. L'aspect g?n?ral de la foule ?tait ? peu pr?s le m?me que chez les Coeurs d'Al?ne: m?me mosa?que de costumes aux couleurs ?clatantes, m?mes visages cuivr?s, encadr?s de longs cheveux noirs, avec cette diff?rence qu'il y avait dans l'assembl?e plus de visages p?les, c'est-?-dire de Canadiens-fran?ais. Apr?s la messe, les enfants, gar?ons et filles, retournaient ? l'?cole, la foule se dispersait et nous retombions dans notre solitude pour toute une semaine que j'employais ? l'?tude acharn?e de la langue. L'?cole comptait ? cette ?poque une centaine d'enfants, la plupart m?tis ou quarterons. J'y allais dire la messe le matin, parfois je donnais une instruction aux religieuses; c'?tait toute l'occupation qui me venait de ce c?t?. D'autre part il n'y avait gu?re ? songer ? des promenades aux environs; les chemins ?taient rendus impraticables par la boue d'abord, par la neige ensuite. Il ne me restait d'autre ressource que l'?tude. Les f?tes de No?l vinrent pourtant faire diversion; d?s la veille un certain nombre d'Indiens arriv?rent ? cheval, en voiture, pr?c?d?s ou suivis de leurs chiens, sans lesquels ils ne voyagent jamais. Quelques tentes s'?lev?rent autour de l'?glise, et le soir venu je pus voir de ma fen?tre la lueur rouge?tre des feux qui les ?clairaient ? l'int?rieur. L'ann?e pr?c?dente je me trouvais pendant cette nuit de No?l au milieu du tumulte, des chants, des bruits d'instruments de toutes sortes par lesquels les habitants des quartiers populaires de G?nes c?l?brent cette grande f?te. Par un brusque changement de d?cor, je la c?l?brais cette fois au fond d'un d?sert, dans le silence et la solitude. A la grand'messe le lendemain, le P. de la Motte qui ?tait venu passer les f?tes avec nous, pr?cha par interpr?te; pour un nouveau venu c'?tait un spectacle int?ressant, de voir ? la table de communion l'interpr?te debout ? c?t? du pr?dicateur; celui-ci proc?dait par phrases courtes et multipli?es; la traduction suivait aussit?t, alerte et naturelle: < Apr?s la grand'messe, il y eut conseil des chefs; le R. P. de la Motte, arriv? r?cemment de Rome, les avait convoqu?s pour leur donner des nouvelles du Saint-P?re et les consulter sur les besoins de la mission. Quand nous entr?mes dans la Salle du Conseil, ils ?taient d?j? l? cinq ou six chefs, assis sur un banc, silencieux et impassibles. Nous pr?mes place vis-?-vis d'eux, et pendant plusieurs minutes le plus profond silence r?gna dans la salle. Les Indiens, avant de parler, tiennent ? s'?tablir dans le calme le plus absolu; ils ma?trisent leurs ?motions par un acte de volont? et donnent ? leur visage une expression de compl?te indiff?rence. Enfin l'un d'eux se leva et lentement pronon?a quelques paroles de bienvenue, adress?es au Sup?rieur g?n?ral de la mission; puis il se rassit. Le P. de la Motte observa le m?me c?r?monial avant de r?pondre; pendant quelques minutes il resta silencieux et parut impassible; puis il pronon?a en anglais un petit discours sur Rome et le Saint-P?re dont l'interpr?te donna la traduction indienne phrase par phrase. Ensuite il leur demanda s'ils d?siraient quelque chose ou s'ils avaient quelque proposition ? faire. Longue pause, nouveau silence. L'un d'eux se l?ve enfin et commence ? parler en appuyant ce qu'il dit de gestes simples et nobles; l'interpr?te traduit en anglais: < Ce Conseil est le seul auquel j'aie jamais assist?; je regrette de dire qu'on n'y fuma point le calumet. On sait assez quelle importance les Indiens attachaient ? cet usage lorsqu'ils tenaient leurs conseils de guerre ou qu'ils concluaient la paix avec leurs ennemis. Mais ce que l'on sait moins, c'est la place que tenait le calumet dans toutes les c?r?monies religieuses. < Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page |
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