Read Ebook: Jane Journeys On by Mitchell Ruth Comfort

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Ebook has 1853 lines and 62331 words, and 38 pages

En bonne compagne, Jeanne Viole, cherchant ? concilier tous les esprits, arr?te ce flux de paroles:

--B?che toujours, ma pauvre vieille, Adrienne Chantilly a le charme, elle s?duit les d?licats: elle saura prendre d'Aveline, comme elle a pris Plumkett, comme ?a, nonchalamment, avec gr?ce. Je te l'accorde, l'affreuse Nollet lui est sup?rieure, mais sa laideur est le rachat de son intelligence. Vois-tu, ?a nous vexe toujours qu'une autre soit plus femme que nous...

A ce moment, survient une grande jeune fille, Madeleine Bertrand, ?l?ve m?diocre, cachant sa pauvret? d'esprit sous une attitude hautaine; le poids d'une natte ?norme, tombant jusqu'aux talons, redresse sa t?te; il y a du triomphe dans sa d?marche.

--Comment, c'est encore d'Elle qu'on parle ici! Peut-on songer ? d'autres qu'? soi-m?me, dans un moment pareil! Moi j'ai la fi?vre, mon coeur bat...

--Ouais, riposte Berthe Passy, ton coeur bat, la belle: aurais-tu la frousse! Attention on nous regarde, ne dis pas que tu as peur, tu rendrais courage ? tout ce monde-l?. Et le moyen de vaincre apr?s?

Tu sais ce qu'a dit la Directrice de F?nelon: Je veux que les cinq premi?res qui entreront ? S?vres, sortent de mon lyc?e! C'est dit. Mais tu m'amuses toi! avec une pareille natte dans le dos, n'es-tu pas s?re d'?tre re?ue! Qu'est-ce qu'une corde de pendu, aupr?s de ce porte-veine.

Madeleine Bertrand, bouche b?e, ne sait que r?pondre: elle va, vient, imperturbablement sotte, au milieu des petits rires moqueurs; puis un mouvement se fait, l'attention du groupe de F?nelon se porte sur Adrienne Chantilly, qui arrive enfin, nonchalamment, avec une gr?ce de l?vantine. C'est une belle juive, ? la taille tr?s cambr?e; des cheveux fris?s, poudr?s d'or; des yeux d'un vert glauque, qui luisent comme une source ? travers les ramilles; des sourcils noirs, un teint mat, l'arc de la bouche tr?s joliment tendu.

Les jeunes filles ?changent des poign?es de mains, et Didi, fort ? son aise, cherche ? placer son petit potin.

--Savez-vous pourquoi Thadd?e a l?ch? si brusquement F?nelon?

--An?mie c?r?brale, assure Mlle Froli?re.

--Pas du tout! On a d?couvert un flirt sensationnel entre Thadd?e et Mounet-Sully! Oui, ma ch?re! figure-toi qu'elle avait eu le toupet d'aller lui demander des le?ons de d?clamation. Mounet, surpris de sa belle voix, accepta. Sit?t fait, l'autre tombe amoureuse, ?crit des vers, prom?ne sur son coeur une photographie ? d?dicace; elle a trop caus?, on a tout su, bref, pour raison de moralit?, la Directrice lui a fait dire de ne plus revenir au cours.

--Pauvre Thadd?e, soupire ironiquement Jeanne Viole, sa vocation ?tait l'amour, ou le th??tre; elle ?tait fourvoy?e parmi nous.

--Ma foi oui, conclut Berthe Passy, l? au moins elle n'aura rien ? perdre, et tout ? gagner. Mais voici Victoire; que peut-elle bien ruminer encore? regardez-la, elle se parle ? elle-m?me; cette fille est sans cesse aux prises avec son destin.

Victoire Nollet est justement cette aspirante ? S?vres, qui passe, dans tout le lyc?e, pour le mod?le accompli de la laideur, sorte de Quasimodo femelle; un corps en tuyau de po?le, une t?te ?norme, congestionn?e: construction audacieuse de t?tard intelligent.

Elle cause tout haut, tr?s excit?e par l'approche de son examen.

--24 juin! Voil? le grand jour arriv?; dire que, depuis six ans, je b?che, pour en arriver l?.

Ai-je assez traduit Hegel et Klopstock! Mis en mauvais allemand la prose de Voltaire! Ai-je fait assez de r?sum?s d'histoire, pioch? ma nomenclature, lu et relu les documents, paraphras? Racine, Bossuet, Hugo! continue-t-elle tout ? fait emball?e.

M?l? l'astronomie ? la g?ologie, la g?ographie ? la philosophie! Je sais par coeur mon <>. J'ai coll? mon fr?re, un v?t?ran de Henri IV, sur les Noum?nes! Hier, j'en savais trois fois plus qu'on ne m'en demandera; le nez devant cette porte, j'ai peur d'avoir perdu mon temps au lyc?e...

--Allons, allons, ma ch?re, vous ?tes un peu folle; vous voulez qu'on vous redise encore que vous ?tes la merveille de notre <>, que vous savez tout ce que moi j'ignore; vous ?tes ?patante, vous citez les petits P?res et l'Almanach de Gotha, comme une ?l?ve des bonnes <>!

A S?vres, ils en seront baba! et tu oses te plaindre, ingrate.

--Mais vous ne savez donc pas, que si au lieu d'un la?us sur l'Immortalit?, sur nos Droits, on s'avise de me questionner sur la politesse, je suis coll?e!

--Faites comme moi, Victoire; tout ? l'heure j'avais le trac, je me suis remont?e en pensant ? l'anc?tre qui hurle, ? la porte du lyc?e, notre devise d'aujourd'hui: De l'audace! encore de l'audace! toujours de l'audace!

Et d'un geste qui enroule ses magnifiques cheveux autour du cou, Madeleine ajoute avec candeur: J'en ai.

--A la bonne heure, fait Berthe qui salue jusqu'? terre.

Huit heures moins le quart sonnent ? l'horloge; quelques figures bl?missent dans les autres groupes, Racine, Moli?re, S?vign?.

On voit arriver tr?s vite Mlle Froli?re, le sympathique professeur de litt?rature, une blonde grassouillette, trente ans sonn?s, la bouche gourmande, l'oeil sensuel et c?lin. Elle est la toquade de toutes ses ?l?ves, qui s'arrachent des vieilles plumes, des vieux papiers, voire m?me des morceaux de pain qu'on se partage comme pain b?nit. Tout F?nelon se pr?cipite:

--Vite mes petites, que je vous redise une derni?re fois votre Credo.

Si votre texte commence ainsi: On a dit... On r?p?te souvent... d'apr?s une critique c?l?bre, etc. Vous voyez la formule, c'est une question de cours; ne vous y trompez pas, le sujet est donn? par le R?v?rend professeur Taillis.

Il n'est sensible qu'au devoir banal et correct. Rappelez-vous que vous n'?tes rien, que c'est Merlet, Nisard, Sarcey qui vaudront la meilleure note ? votre copie.

--Ouf! jette Berthe Passy, gouailleuse, c'est pas un homme, m'sieu Taillis, c'est un carrefour!

--Oh! mademoiselle, donnez-nous le mot de passe!

--Incorrigible, laissez-moi finir!

Faites une copie d'un aimable p?dantisme. Jouez-vous gravement de la S?mantique, de l'?tymologie, des Doublets, de la Morphologie; Darmesteter, Brunot, Brachet, recommandez-vous de leurs gloses!

Quelle que soit la question, ramenez tout ? Jeanne d'Arc. Que la Pucelle d'Orl?ans soit la clef de vo?te de votre argumentation: admirez hautement, le reste ira tout seul, car J?r?me P?tre sera content.

Inutile, Mesdemoiselles, de vous r?p?ter ce que Mlle Pierron vous a dit toute l'ann?e. Plus de nomenclature, plus de d?tails, l?chons les vieux proc?d?s, soyons tout ? la <>; manoeuvrez le pluviom?tre, la sonde; mesurez les Oc?ans; ?valuez, par des coupes, les hauteurs moyennes des montagnes; articulez vos c?tes; g?n?ralisez, cherchez avec les fleuves, les voies de p?n?tration: car M. Criquet lui-m?me vous corrigera.

Maintenant, il ne tient plus qu'? vous d'?tre toutes re?ues!

Et sur ces mots, Mlle Froli?re, toujours charmante, va s'esquiver, mais les aspirantes se resserrent autour d'elle.

--Mademoiselle, mademoiselle, embrassez-nous!

Ce sont des embrassades folles, qui mettent en rumeur tout ce public aux ?coutes: quelques ?l?ves pr?f?r?es se faufilent, pour ?tre embrass?es deux fois; puis toutes:

--Mademoiselle, que fera-t-on apr?s l'?crit?

--Ah! ah! et puis?

--Bravo, bravo, crie tout le groupe, en reconduisant Mlle Froli?re jusqu'? la rue, sans souci du d?pit et de la mauvaise humeur qui se peignent sur les visages des autres aspirantes.

Une Moli?re interpellant une Racine:

--Quel aplomb! ce n'est pas la peine, si on les re?oit ? l'avance, de nous faire venir ici.

Plus loin, une m?re rogue, ? une autre m?re plus rogue encore:

--A F?nelon, elles n'ont pas de pudeur; comme elles ?talent leur joie, les entendez-vous rire! Ah! ma pauvre Ad?le, pourquoi donc que t'n'as pas eu ta bourse dans ce lyc?e-l?? Je ne me tournerais pas les sangs aujourd'hui. Pauv' petite, croiriez-vous, M?d?me, que depuis P?ques, ?a se l?ve avant les cloches! tout ?a pour entrer ? c't'?cole de S?vres.

Que je donnerais donc des mille et des cents pour que ce soit fini.

Plus loin, tr?s seules, deux jeunes filles attendent, ce sont deux ?l?ves du Coll?ge S?vign?; l'une, Marguerite Triel est grande, svelte: des bandeaux blonds sur une figure de Madone; des yeux ravissants, que l'?moi embrume, comme deux fleurs dans la lumi?re ind?cise de l'aube. Il y a en elle une distinction, une r?serve qui surprend, au milieu de ces ?coli?res manquant de tenue. Son amie, Charlotte Verneuil, est petite, gracieuse; elle est de celles <>.

--Tu les vois, Charlotte, sont-elles assez tranquilles! qu'est-ce qui croirait, ? les voir, que pour nous toutes, cette porte cache quelque chose de redoutable! Moi j'ai peur, je me sens triste jusqu'? la mort.--Si j'?tais recal?e! C'est un concours, le hasard peut tout; ? F?nelon que de chances elles ont de r?ussir: les meilleurs professeurs de Paris, d'anciens succ?s, et la Foi!

--Sans compter les recommandations! Vois-tu, ma ch?rie, il faut l? aussi du piston; et la r?clame crois-tu qu'elle ne sert ? rien? Si Mlle Nollet est la fille d'un vieux r?publicain de 48, Jeanne Viole est parente d'un Inspecteur g?n?ral; et depuis six mois on r?p?te partout, qu'Adrienne Chantilly est l'?toile du lyc?e F?nelon, et qu'elle entrera premi?re ? S?vres!

--Et le reste que nous ne savons pas. Vilain chapitre celui-l?.

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