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Read Ebook: Jean Racine by Lema Tre Jules
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next PageEbook has 752 lines and 81236 words, and 16 pagesJULES LEMA?TRE JEAN RACINE PARIS CALMANN-L?VY, ?DITEURS PREMI?RE CONF?RENCE SON ENFANCE.--SON ?DUCATION Pourquoi vous parl?-je cette ann?e de Racine? Tout simplement parce que c'est Racine qu'on m'a le plus < Je pourrais vous dire aussi qu'ayant ?tudi? Jean-Jacques Rousseau l'an dernier, j'ai cherch? un effet de contraste: Racine, traditionaliste; Rousseau, r?volutionnaire; Racine, catholique fran?ais, monarchiste; Rousseau, protestant genevois, r?publicain; Racine, artiste pur; Rousseau, philosophe et promoteur d'id?es... Mais ce parall?le, sugg?r? par un hasard, serait fort artificiel, et j'aime mieux vous avouer qu'il y a peu de rapports, sinon antith?tiques, et encore pas sur tous les points, entre les deux personnages . ? cause de cela nous l'aimons aujourd'hui, je pense, plus qu'on n'a jamais fait. Aujourd'hui, je le r?p?te, Racine est extr?mement en faveur. On l'aime plus que jamais, un peu par r?action contre le mensonge et l'illusion romantiques. Et en m?me temps, on peut dire que le romantisme, qui m?connaissait si niaisement Racine, nous a cependant aid?s ? le mieux comprendre et nous a incit?s ? d?couvrir chez notre po?te--f?t-ce un peu par malice et esprit de contradiction--les choses m?me dont le romantisme se piquait le plus: pittoresque, v?rit? hardie, po?sie, lyrisme. Et voil? pourquoi je vous parlerai de Racine, quoique d'innombrables critiques--et, parmi les morts, Boileau, La Bruy?re, Voltaire, Vauvenargues, La Harpe m?me, Chateaubriand, Geoffroy, Sainte-Beuve, Nisard, Vinet, Veuillot, Weiss, Bruneti?re--en aient excellemment parl?. ?videmment, je leur emprunterai beaucoup, et aussi aux critiques vivants. Quand je m'en apercevrai, je vous le dirai; mais sans doute je ne m'en apercevrai pas toujours. Sachez bien que, sur pareil sujet, je ne pr?tends pas ? l'originalit?. Mais, par cela m?me que j'<>, pour ainsi dire, l'oeuvre de Racine deux cent huit ans apr?s sa mort, et avec une ?me de cette ann?e-ci, j'aurai chance d'en recevoir quelques impressions int?ressantes et pas encore trop ressass?es. Je ne pourrai pas faire exactement pour lui ce que j'ai fait pour Rousseau, car il est clair que le rapport est moins direct, chez Racine, entre la vie de l'?crivain et son oeuvre. N?anmoins, l'homme et l'auteur communiquent chez lui par beaucoup de points, et par plus de points encore qu'il ne semble ? premi?re vue. Et sa vie, sans ?tre aussi ?trangement dramatique que celle de Rousseau, est si ?mouvante encore! Elle soutient avec son th??tre des relations si harmonieuses et quelquefois si d?licates et impr?vues! En somme, la vie de Racine rapproche et finalement concilie les m?mes traditions que ses trag?dies elles-m?mes. Et l?-dessus, ayant relu Racine pour la centi?me fois et m'?tant p?n?tr? de toutes les notes et notices de l'admirable ?dition de Paul Mesnard, profitant aussi, ? l'occasion, de la documentation si riche et en m?me temps si scrupuleuse de M. Augustin Gazier, je commence cette dix milli?me ?tude sur Racine. C'est ? la Fert?-Milon, gros bourg de l'?le-de-France, dans le Valois. Par les belles soir?es de l'?t? de 1639, les habitants de la ville, assis devant leurs portes, regardaient passer quatre bourgeois fort simplement v?tus, qui, revenant de la promenade, marchaient l'un derri?re l'autre en disant leur chapelet. Les bonnes gens de la Fert?-Milon se levaient par respect et faisaient grand silence pendant que passaient ces messieurs. Car ces messieurs, jeunes encore , ?taient quatre messieurs de Port-Royal qui, chass?s de leur retraite l'ann?e pr?c?dente, s'?taient alors r?fugi?s ? la Fert?-Milon chez une famille amie, les Vitart, alli?s des Racine. Ces messieurs s'appelaient Lancelot, Singlin, Antoine Lema?tre et Lema?tre de S?ricourt. Le myst?rieux s?jour de ces quatre saints ? la Fert?-Milon fut ?videmment un objet d'?dification et une occasion de bons efforts pour les Racine et les Vitart et les chr?tiens s?rieux de la petite ville. La vie religieuse du p?re et de la m?re de Jean Racine ?tait donc particuli?rement fervente et ils subissaient directement l'influence de Port-Royal dans le temps o? Jean Racine fut con?u. Port-Royal le fa?onna d?s avant sa naissance. Jean Racine naquit le 20 ou le 21 d?cembre 1639, de petite mais ancienne bourgeoisie. Les quatre solitaires avaient quitt? la Fert?-Milon quelques mois auparavant: mais ils laissaient derri?re eux un souvenir profond, et ne tard?rent point ? attirer ? eux une grande partie des familles Racine et Vitart. La grand'm?re de Jean Racine, Marie Desmoulins, se retira en 1649 au monast?re des Champs. Elle y avait eu une soeur religieuse; elle y avait une fille religieuse ?galement. Vitart, l'oncle de Jean Racine, rejoignit aussi ces messieurs, d?s 1639, et prit soin de la ferme du monast?re des Champs jusqu'? sa mort . Sa veuve vient demeurer ? Paris, dans le quartier de Port-Royal. C'est elle qui cache, durant les pers?cutions, M. Singlin, M. de Sacy et d'autres messieurs dans une petite maison du faubourg Saint-Marceau. Et caetera... De tous c?t?s, Port-Royal enveloppe Jean Racine. Port-Royal l'enserre d'autant plus ?troitement que l'enfant perd sa m?re en janvier 1641, son p?re en f?vrier 1643, et se trouve donc orphelin ? trois ans. Il est ?lev? chez sa grand'm?re jusqu'? l'?ge de dix ans. Puis il est mis au coll?ge de la ville de Beauvais, maison amie de Port-Royal. Enfin, ? quinze ans, apr?s sa rh?torique, on le prend ? Port-Royal ? la maison des Granges. Notez qu'on l'y prend par une exception unique, car la r?gle ?tait de ne recevoir ? Port-Royal les ?l?ves que tout jeunes . Notez encore qu'? ce moment, l'?cole des Granges va ?tre dispers?e . Le petit Racine est donc, pendant trois ans le seul ?l?ve de ces messieurs, tout seul avec ces saints, plus libre, par cons?quent, en m?me temps que suivi de plus pr?s, et vivant sans doute plus famili?rement avec eux. Il a pour lui tout seul des ma?tres tels que Lancelot, Nicole, Antoine Lema?tre, Hamon. Jamais, je crois, enfant n'a re?u une ?ducation pareille. Comme instruction, c'est unique, c'est magnifique et plus que princier. Comme enseignement religieux, c'est intense. Port-Royal est, litt?ralement, la famille du petit Racine. Or, qu'est-ce que Port-Royal? qu'est-ce que le jans?nisme? Le jans?nisme, c'est la restauration, par deux th?ologiens passionn?s, Jans?nius et Saint-Cyran, de la doctrine de saint Augustin, le plus subtil des dialecticiens et le plus tourment? des hommes. C'est, je ne dirai pas un christianisme outr?, mais le christianisme comme ramass? autour de ce qu'il a de plus surnaturel. Il se r?sume en ceci, que la nature de l'homme apr?s la chute est fonci?rement mauvaise; que l'homme ne peut donc rien faire de bon sans la gr?ce, et que la gr?ce, et m?me le d?sir de la gr?ce, est un pr?sent gratuit. D'o? cette conception est-elle venue ? des hommes? De la pr?occupation de ne pas amoindrir Dieu; du besoin de sentir son action partout; de la pens?e toujours pr?sente du myst?re de la R?demption. Si l'on accorde, en effet, que la nature humaine corrompue peut, par elle-m?me, quelque bien, la R?demption devient inutile.--Oui, mais si l'on dit que la nature humaine ne peut rien de bon par elle-m?me, plus de libre arbitre et, par cons?quent, plus de m?rite.--Oui, mais si l'homme, abandonn? ? ses seules forces, pouvait m?riter, c'est donc qu'il pourrait se passer de la gr?ce... Et le raisonnement peut tourner ainsi ind?finiment. Cercle vertigineux! ? peine, dans cette conception qui donne tout ? Dieu, le jans?nisme peut-il sauver verbalement une ombre de libert? humaine. Car toujours, au moment o? il va accorder quelque chose ? l'homme, il craint d'en faire tort ? Dieu. Et de l? tant de formules singuli?res et contradictoires, et belles pourtant, comme celle-ci, de M. Hamon, qui < Ainsi, si nous soumettons notre volont? ? celle de Dieu, c'est par un effet de la mis?ricorde de Dieu, c'est-?-dire encore par la volont? de Dieu. Et cependant, nous restons, para?t-il, ma?tres de notre volont?. On ne voit pas bien comment: mais cette ?nigme, c'est le jans?nisme m?me. Accorder tant ? la volont? et ? l'action de Dieu que l'homme para?t irresponsable, ?tant, par nature, incapable de m?riter; et toutefois trembler devant Dieu comme si l'on ?tait responsable devant lui, voil?, je crois bien, en quoi consiste, au fond, l'?tat d'esprit jans?niste. ? le consid?rer, non point th?ologiquement, mais psychologiquement, le jans?niste est l'homme qui entretient avec Dieu les relations les plus dramatiques. Le jans?niste est l'homme qui pense le plus de mal de la nature humaine et qui a le moins d'illusions sur elle. Par suite, le jans?niste est l'homme qui a le plus besoin de croire ? J?sus r?dempteur pour ne pas sombrer dans la n?gation et dans le d?sespoir. Non seulement Pascal para?t avoir connu ces tentations, mais de saintes religieuses, comme la m?re Ang?lique de Saint-Jean: J'appris, ?crit-elle dans le r?cit de son s?jour au couvent des Annonciades, ce que c'est que le d?sespoir et par o? l'on y va... J'?tais au hasard de laisser ?teindre ma lampe... C'?tait comme une esp?ce de doute de toutes les choses de la foi et de la Providence. Le jans?niste est l'homme qui a le plus besoin de voir et de sentir partout, et dans les moindres choses, l'action de Dieu et qui a pour lui l'amour le plus inquiet. Le jans?niste est l'homme qui aime Dieu avec le plus de d?sint?ressement, puisqu'il craint toujours que Dieu ne le lui rende pas, et qu'il vit dans la terreur de n'avoir pas la gr?ce. Et, cons?quemment, le jans?niste est, de tous les chr?tiens, celui qui s'examine avec le plus de diligence et d'angoisse. Mais, d'autre part, le jans?niste, si humble devant Dieu, nourrit, et peut-?tre ? son insu, un secret orgueil, comme un homme qui ne ressemble pas aux autres, qui ne veut pas leur ressembler, et qui a des < ... Ils accablent la faiblesse humaine en ajoutant au joug que Dieu nous impose... Qui ne voit que cette rigueur enfle la pr?somption, nourrit le d?dain, entretient un chagrin superbe et un esprit de fastueuse singularit?, fait para?tre la vertu trop pesante, l'?vangile excessif, le christianisme impossible? Le jans?niste rench?rit sur le surnaturel; et, devant le myst?re de la r?demption et de la gr?ce, il abdique sa raison plus totalement que les autres chr?tiens. Mais il la retrouve, et il en revendique ?prement les droits, lorsqu'il s'agit de savoir si les < Le jeune Racine ne sera point un homme d'opposition; sans renier ses ma?tres pers?cut?s, il sera un chr?tien soumis et un sujet amoureux de son roi. Mais l'opinion de Port-Royal sur la nature humaine se retrouvera dans ses trag?dies; elle le fera v?ridique et hardi dans ses peintures de l'homme. Et, ? cause de Port-Royal, je le crois, jamais il ne donnera dans l'optimisme romanesque des deux Corneille et de Quinault. En attendant, Jean Racine est un enfant tr?s bien dou? et tr?s sensible, un enfant privil?gi?, ?lev? dans le sanctuaire de la pi?t?, et qui re?oit l'empreinte chr?tienne ? une profondeur dont il ne s'apercevra lui-m?me que plus tard. Ses professeurs sont Nicole, Lancelot, Antoine Lema?tre, Hamon; et, comme je l'ai dit, il les a pour lui tout seul. Je ne vois pas en quoi cet aimable homme a mis sa marque sur Racine. Mais je crois qu'il lui apprit tr?s bien le latin. Le second ma?tre de Racine, Lancelot, ?tait un homme qui avait la rare manie de l'effacement, de la subordination, de l'humilit?. Il demeura sous-diacre, parce qu'il ne se sentait pas digne d'?tre pr?tre. Il se complaisait dans les offices inf?rieurs. Type de vieil enfant de choeur, d'acolyte, de sacristain volontaire. Avant la dispersion des < Mais cet homme effac? avait l'?me la plus ardente. Pendant dix ans, il avait v?cu d'un d?sir: celui de rencontrer M. de Saint-Cyran. Il avait le don des larmes. Et, quand il fut entr? ? Port-Royal, il eut aussi le don du rire,--d'un rire qui n'avait rien du tout de profane. L'abondance des gr?ces dont il plaisait ? Dieu de me combler, ?crit-il, et la paix dont il me remplissait ?taient si grandes, que je ne pouvais presque m'emp?cher de rire en toutes rencontres. C'est le rire des jeunes filles tr?s pures et des religieuses innocentes. Le troisi?me professeur de Jean Racine, Antoine Lema?tre, avait ?t? un avocat c?l?bre et un <Add to tbrJar First Page Next Page |
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