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Munafa ebook

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Read Ebook: Jean Racine by Lema Tre Jules

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Ebook has 752 lines and 81236 words, and 16 pages

J'?prouvais, dit M. Hamon, que, quand on se met sur son fumier, on est d?livr? de bien des tentations... Je r?solus, dit-il encore, de ne plus juger personne.

Bient?t vient le d?tachement de la vie et l'amour de la mort:

Je regardais la mort avec assez de douceur. Je pensais fortement qu'il fallait me disposer ? quitter les vivants, qui sont morts, afin d'aller trouver les morts, qui sont vivants.

Vient enfin la totale <>.

Voil? les quatre professeurs de Racine. Celui qu'il semble avoir aim? et v?n?r? le plus est justement ce bizarre et d?licieux bonhomme, M. Hamon. Quarante ans plus tard, il ?crira dans son testament :

Je d?sire qu'apr?s ma mort, mon corps soit port? ? Port-Royal-des-Champs, qu'il soit inhum? dans le cimeti?re, au pied de la fosse de M. Hamon. Je supplie tr?s humblement la m?re abbesse et les religieuses de vouloir bien m'accorder cet honneur, quoique je m'en reconnaisse tr?s indigne, etc.

Et maintenant, repr?sentez-vous cet enfant tout seul au milieu de ces saints, d'ailleurs tous occup?s de leurs d?votions et de leurs travaux. Je ne dis pas qu'il dut s'y ennuyer: mais l'absence d'enfants de son ?ge, le silence de ce grand clo?tre d?peupl? et de cette vall?e solitaire, tout cela ?tait ?videmment fort propre ? le jeter dans la r?verie. Il dut r?ver beaucoup, ces trois ann?es-l?, le long de l'?tang, dans les jardins et dans les bois. Et sa sensibilit?, repli?e sur soi, secr?te, sans confident, dut se faire par l? plus profonde et plus d?licate.

Son plus grand plaisir ?tait de s'aller enfoncer dans les bois de l'abbaye avec Sophocle et Euripide qu'il savait presque par coeur. Il avait une m?moire surprenante. Il trouva par hasard le roman grec des amours de Th?ag?ne et de Charicl?e. Il le d?vorait, lorsque le sacristain Claude Lancelot, qui le surprit dans cette lecture, lui arracha le livre et le jeta au feu. Il trouva moyen d'en avoir un autre exemplaire, qui eut le m?me sort, ce qui l'engagea ? en acheter un troisi?me, et, pour n'en plus craindre la proscription, il l'apprit par coeur et le porta au sacristain en lui disant: <>

Je l'ai parcouru, moi, dans la traduction d'Amyot, et une seule fois, et en passant beaucoup de pages. Que Racine ? seize ans l'ait lu, lui, dans le texte, et au moins trois fois, cela prouve qu'il ?tait d?j? tr?s fort en grec, et qu'il avait une grande fra?cheur de sensibilit? et d'imagination.

Et, somme toute, je comprends que le bon sacristain Lancelot ait cru devoir, par deux fois, lui confisquer son exemplaire. Car enfin, d?s les premi?res pages du roman, l'?colier de seize ans y pouvait lire cette description d'une belle personne dont l'ami vient d'?tre ? moiti? ?gorg? par des pirates:

C'?tait une jeune pucelle assise dessus un rocher... Elle avait le chef couronn? d'un chapeau de laurier, et des ?paules lui pendait, par derri?re, un carquois qu'elle portait en ?charpe. Son bras gauche ?tait appuy? sur son arc... Sur sa cuisse droite reposait le coude de son autre bras; et avait la joue dedans la paume de sa main dont elle soutenait sa t?te, tenant les yeux fich?s en terre ? regarder un jeune damoiseau ?tendu tout de son long, lequel ?tait tout meurtri de coups, etc.

Et deux pages plus loin:

Cette belle jeune fille se prit ? embrasser le jouvenceau et commen?a ? pleurer, ? le baiser, ? essuyer ses plaies, et ? soupirer...

Et un peu plus loin encore:

Apollon! dit la belle captive, les maux que nous avons par ci-devant endur?s ne te sont-ils point satisfaction suffisante? ?tre priv?s de nos parents et amis, ?tre pris par des pirates, avoir ?t? deux fois prisonniers entre les mains des brigands sur terre, et l'attente de l'avenir pire que ce que nous avons jusqu'ici essuy?!... O? donc arr?teras-tu le cours de tant de mis?res? Si c'est en mort, mais que ce soit sans vilenie, douce me sera telle issue. Mais si aucun d'aventure se met en effort de me violer et conna?tre honteusement, moi que Th?ag?ne m?me n'a encore point connue, je pr?viendrai cette injure en me d?faisant moi-m?me, et me maintiendrai pure et enti?re jusques ? la mort, emportant avec moi pour honneur fun?ral ma virginit? incontamin?e.

Lire ces choses-l?,--dans un grec mignard,--au fond des bois,--? seize ans, et quand on n'a encore connu d'autres femmes que sa grand'm?re et sa tante--pourquoi cela ne serait-il pas d?licieux et ?mouvant?...

Ce sont des vers d'enfant, et c'est tr?s bien ainsi. Certes le petit Racine jouit vivement du charme des eaux, des arbres, des prairies. Quelques ann?es plus tard, La Fontaine, dans sa Psych?, dira de lui: <> Mais, n'?tant encore qu'un enfant, Racine, comme il est tout naturel, imite dans sa forme les po?tes descriptifs ? la mode, et notamment Th?ophile de Viau et Tristan l'Ermite.

Un soir que les flots mariniers Appr?taient leur molle liti?re Aux quatre rouges timoniers Qui sont au joug de la lumi?re, Je penchais mes yeux sur le bord D'un lit o? la Na?ade dort, Et regardant p?cher Silvie, Je voyais battre les poissons ? qui plus t?t perdrait la vie En l'honneur de ses hame?ons.

D'une main d?fendant le bruit, Et de l'autre jetant la ligne, Elle fait qu'abordant la nuit, Le jour plus bellement d?cline; Le soleil craignait d'?clairer, Et craignait de se retirer; Les ?toiles n'osaient para?tre; Les flots n'osaient s'entre-pousser. Le z?phire n'osait passer, L'herbe se retenait de cro?tre.

Aupr?s de cette grotte sombre O? l'on respire un air si doux, L'onde lutte avec les cailloux Et la lumi?re avecque l'ombre.

Ces flots, lass?s de l'exercice Qu'ils ont fait dessus ce gravier Se reposent dans ce vivier O? mourut autrefois Narcisse.

C'est un des miroirs o? le Faune Vient voir si son teint cramoisi, Depuis que l'amour l'a saisi, Ne serait point devenu jaune.

Ce Tristan et ce Th?ophile sont des po?tes ing?nieux--et qui aiment la nature, oh! mon Dieu, peut-?tre autant que nous l'aimons. Seulement, c'est plus fort qu'eux, ils ne peuvent la peindre sans m?ler ? leurs peintures, trop menues, trop s?chement d?taill?es, de l'esprit et des pointes, et une trop piquante mythologie.

L?, l'hirondelle voltigeante, Rasant les flots clairs et polis, Y vient avec cent petits cris Baiser son image naissante. L?, mille autres petits oiseaux Peignent encore dans les eaux Leur ?clatant plumage: L'oeil ne peut juger au dehors Qui vole ou bien qui nage De leurs ombres et de leurs corps.

Puis, il nous parle des poissons <>:

? cause, vous entendez bien, des feuillages qui se refl?tent dans l'eau. Cela est beaucoup plus imagin? et concert? que vu: c'est tout ? fait du Th?ophile.

Je suis s?r que ces petits vers, si l'enfant les lui montra, ne d?plurent point au bon M. Hamon, qui, comme j'ai dit, avait l'imagination riante, et qui mettait dans ses m?ditations spirituelles, pour en tirer de subtiles comparaisons ? la mani?re de saint Fran?ois de Sales, beaucoup de fleurs, d'arbres et d'animaux. Mais surtout M. Hamon dut go?ter ces strophes de l'ode deuxi?me:

Je vois ce clo?tre v?n?rable, Ces beaux lieux du ciel bien aim?s, Qui de cent temples anim?s Cachent la richesse adorable.

C'est dans ce chaste paradis Que r?gne, en un tr?ne de lis, La virginit? sainte; C'est l? que mille anges mortels

D'une ?ternelle plainte G?missent au pied des autels.

Sacr?s palais de l'innocence, Astres vivants, choeurs glorieux Qui faites voir de nouveaux cieux Dans ces demeures du silence, Non, ma plume n'entreprend pas De tracer ici vos combats, Vos je?nes et vos veilles; Il faut, pour en bien r?v?rer Les augustes merveilles, Et les taire, et les adorer.

Lorsqu'il sort de Port-Royal au mois d'octobre 1658, Jean Racine est ? la fois un adolescent tr?s pieux,--et un adolescent fou de litt?rature.

Fou de litt?rature, il le serait peut-?tre devenu de lui-m?me. Mais il est certain qu'il l'?tait aussi par la faute de ses v?n?rables ma?tres.

Ainsi, sans le savoir, Port-Royal poussait l'?colier vers la litt?rature et la po?sie,--et vers le th??tre, qui en ?tait alors la forme la plus ?clatante. Port-Royal poussait Jean Racine ? la damnation, jusqu'? l'heure o? il devait le ressaisir pour le salut; et il en r?sultera une vie des plus tourment?es, des plus passionn?es, des plus humaines par ses contradictions int?rieures. Sa vie m?me fut certainement, aux yeux de Dieu, la plus belle de ses trag?dies.

SES D?BUTS.--SON S?JOUR ? UZ?S.--LES DEUX TRADITIONS.

En octobre 1658, Racine, ?g? de dix-huit ans et neuf mois, est mis au coll?ge d'Harcourt, ? Paris, pour y faire une ann?e de philosophie. Le proviseur du coll?ge, Pierre Baudet, et le principal, Fortin, ?taient amis des <> Toutefois, d?s cette ann?e-l?, le jeune homme commence d'?chapper ? Port-Royal, et s'?mancipe assez vivement.

Nous savons, par une de ses lettres, que, dans les premiers mois de 1660, il habite <> et qu'il est d?j? li? avec le futile abb? Le Vasseur, et avec son compatriote et un peu son parent , le doux boh?me Jean de La Fontaine.

Puis, une lettre de septembre 1660 nous le montre ?tabli ? l'h?tel de Luynes, quai des Grands-Augustins, chez son oncle ? la mode de Bretagne, Nicolas Vitart, intendant du duc de Luynes.

Ce Vitart, de quinze ans plus ?g? que Racine, ?tait, lui aussi, un ancien ?l?ve de Port-Royal et, en particulier, du bon Lancelot. Mais il ne semble pas avoir grandement profit? d'une si sainte ?ducation. C'?tait un galant homme, et assez mondain, un <>, au sens de ce temps-l?, nullement un chr?tien aust?re. Il ?tait sur un bon pied et trait? avec distinction chez les Luynes. D'ailleurs assez riche. Cet intendant d'un grand seigneur ?tait lui-m?me un petit seigneur, ayant achet? de ses deniers divers fiefs et seigneuries.

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