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Munafa ebook

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Read Ebook: Mémoires du duc de Rovigo pour servir à l'histoire de l'empereur Napoléon Tome 2 by Savary Anne Jean Marie Ren Duc De Rovigo

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Ebook has 1200 lines and 99610 words, and 24 pages

M?MOIRES DU DUC DE ROVIGO, POUR SERVIR ? L'HISTOIRE DE L'EMPEREUR NAPOL?ON.

PARIS,

A. BOSSANGE, RUE CASSETTE, N? 22.

MAME ET DELAUNAY-VALL?E, RUE GU?N?GAUD, N? 25.

CHAPITRE PREMIER.

Camp de Boulogne.--Disciplin?.--Travaux des troupes.--M. de la Bouillerie.

Pendant que la marine d?ployait cette activit?, l'arm?e achevait, de se compl?ter. Les r?gimens, compos?s aux deux tiers de conscrits, quitt?rent leurs garnisons et all?rent former des camps d'instruction qui s'?tendaient d'Utrecht ? l'embouchure de la Somme. Celui d'Utrecht ?tait command? par le g?n?ral Marmont, qui avait ?t? remplac? ? l'inspection g?n?rale de l'artillerie par le g?n?ral Songis. Il s'?tendait jusqu'? Flessingue, et avait le n? 2, parce que le corps du Hanovre, qui ?tait alors command? par le g?n?ral Bernadotte, avait pris le n? 1.

Le 3e aux ordres du g?n?ral Davout, avait son centre ? Ostende, et s'?tendait jusqu'? Dunkerque inclusivement.

Le g?n?ral Soult commandait le 4e qui ?tait ?tabli ? Boulogne, et s'?tendait depuis Gravelines jusqu'? la gauche de Boulogne.

Le 5e, command? par le g?n?ral Ney, comprenait Montreuil et ?taples. Il prit plus tard le n? 6, parce qu'on forma un nouveau corps ? Boulogne, auquel on donna le n? 5. Il fut plac? sous le commandement du g?n?ral Lannes, qui revenait du Portugal, o? il ?tait ambassadeur.

Une r?serve compos?e de douze bataillons de grenadiers r?unis se rassembla ? Arras, sous les ordres du g?n?ral Junot, qui quitta le gouvernement de Paris pour prendre le commandement de cette division.

Tous les r?gimens de dragons qui ?taient en France furent r?unis en divisions de quatre r?gimens chacune. Elles furent cantonn?es depuis l'embouchure de l'Escaut jusque sur les bords de l'Oise et ceux de l'Aisne.

Les chasseurs et hussards furent r?unis ? Saint-Omer et Ardres.

Les troupes ainsi r?parties, on les occupa, on les disciplina ? la mani?re des Romains. Chaque heure avait son emploi; le soldat ne quittait le fusil que pour prendre la pioche, et la pioche que pour reprendre le fusil.

Les ponts et chauss?es avaient d'immenses travaux ? faire. Les troupes les ex?cut?rent tous. Elles creus?rent le port de Boulogne, elles construisirent une jet?e, jet?rent un pont de hallage, ?tablirent une ?cluse de chasse; enfin elles ouvrirent un bassin pour recevoir les b?timens de la flottille. Elles firent plus: le port de Vimereux ?tait tout entier ? cr?er; le sol o? il devait s'ouvrir ?tait ?lev? de quinze pieds au-dessus des plus hautes eaux. Elles mirent la main ? l'oeuvre, et en moins d'un an, elles avaient creus?, rev?tu en ma?onnerie un bassin capable de contenir deux cents b?timens de la flottille. Il avait son ?cluse de chasse pour le nettoyer, son canal et ses jet?es pour sortir.

On leur rendit d'abord l'?coulement qu'elles avaient perdu; on reprit, on acheva les travaux qui avaient d?j? ?t? ?bauch?s; on construisit une ?cluse de chasse. La rivi?re, en rentrant dans son lit, restitua ? la culture les terres qu'elle avait submerg?es, et au pays la salubrit? qu'elle en avait bannie.

Cela fait, on passa au port d'Ambleteuse. On le creusa, on construisit sa jet?e, on ?leva son chenal. Tout fut promptement achev?. Les soldats qui ex?cutaient ces diverses constructions s'y portaient avec ardeur. Ils ?taient pay?s: le travail avait r?pandu de l'aisance parmi eux, ils ne le quittaient que lorsqu'ils y ?taient contraints par la mar?e; ils prenaient alors les armes, et se rendaient ? la manoeuvre.

Il en ?tait de m?me ? Boulogne; la troupe passait du travail ? l'exercice, de l'exercice au travail. La pioche, le fusil ne sortaient pas de ses mains. Aussi vit-on s'?lever comme par enchantement tous les ?tablissemens maritimes d'un grand port. On forma des magasins, on assembla des munitions, on r?unit des mat?riaux de toutes esp?ces. Jamais t?te humaine n'embrassa conception aussi vaste, et surtout n'en fit marcher simultan?ment les diff?rentes parties avec autant d'activit?, d'ensemble et de pr?cision.

On creusait les ports, on construisait les b?timens, on fondait l'artillerie, on filait les cordages, on taillait les voiles, on confectionnait le biscuit et on instruisait l'arm?e tout ? la fois. Ces divers soins, semblaient d?passer les forces humaines, et cependant le premier consul trouvait encore le temps de s'occuper des affaires de France et d'Italie. Ce qu'il d?ploya d'activit? ne peut se comprendre quand on n'en a pas ?t? t?moin. Il avait fait louer pr?s de Boulogne le petit ch?teau appel? le Pont-de-Brique, qui se trouve sur la route de Paris. Il y arrivait d'ordinaire au moment o? les corps s'y attendaient le moins, montait aussit?t ? cheval, parcourait les camps, et ?tait d?j? rentr? ? Saint-Cloud, qu'on le croyait encore au milieu des troupes.

J'ai fait plusieurs de ces voyages dans ses voitures. Il partait ordinairement le soir, d?jeunait ? la maison de poste de Chantilly, soupait ? Abbeville, et arrivait le lendemain de tr?s bonne heure au Pont-de-Brique. Un instant apr?s, il ?tait ? cheval, et n'en descendait le plus souvent qu'? la nuit. Il ne rentrait pas qu'il n'e?t vu le dernier soldat, le dernier atelier. Il descendait dans les bassins, et s'assurait lui-m?me de la profondeur ? laquelle on ?tait parvenu depuis son dernier voyage.

Il ramenait ordinairement pour d?ner avec lui, ? sept ou huit heures du soir, l'amiral Bruix, le g?n?ral Soult, l'ing?nieur Sganzin, qui dirigeait les travaux des ponts et chauss?es, le g?n?ral Faultrier, qui commandait le mat?riel de l'artillerie, enfin l'ordonnateur charg? des vivres; de sorte qu'avant de se coucher, il savait l'?tat de ses affaires mieux que s'il avait lu des volumes de rapports.

Les constructions n'?taient pas moins actives dans l'int?rieur que sur la c?te. Les chaloupes ?taient confectionn?es, abandonn?es au courant des rivi?res, et affluaient ? Bayonne, ? Bordeaux, ? Rochefort, ? Nantes, dans tous les ports de Bretagne. Elles ?taient gr??es, arm?es, mont?es m?me par des d?tachemens avec lesquels elles gagnaient l'embouchure des rivi?res qui coulent de Honfleur ? Flessingue. Quand elles y ?taient parvenues, on les mettait en ?tat de prendre la mer, on les formait en escadrilles, et on les faisait successivement sortir de leurs abris, d?s qu'on jugeait pouvoir le faire avec s?curit?. On choisissait pour cela les petits temps, qui leur permettaient de longer, de raser la c?te, et pour mieux assurer leur marche, on pla?ait l'artillerie l?g?re de l'arm?e sur les caps ou promontoires au pied desquels il se trouvait assez d'eau pour permettre aux croisi?res anglaises de les intercepter. Cette pr?caution ne fut pas inutile sur divers points de la Bretagne.

Le bonheur, l'habilet? men?rent ? bien cette grande entreprise; nos escadrilles parvinrent ? leur destination sans avoir ?prouv? d'autres pertes que celles qu'entra?nent les accidens ordinaires de la navigation. Tout avait r?ussi au gr? du premier consul. Chacun alors rivalisait de z?le et de d?vouement.

L'arm?e commen?ait ? ?tre bonne manoeuvri?re, et jouissait d'un ?tat de sant? parfait. Elle ?tait divis?e en douze corps, y compris les troupes qui ?taient sur la c?te, et celles qu'on avait r?parties sur d'autres points de la fronti?re. C'?tait la premi?re fois qu'on essayait de cette organisation. Le premier consul l'avait adopt?e, parce qu'il aimait la c?l?rit?, et qu'outre les avantages militaires qu'elle lui pr?sentait, elle avait celui de simplifier la comptabilit?. En cons?quence, il avait ordonn? au ministre du tr?sor, qui ?tait alors M. de Barb?-Marbois, de lui organiser un service de tr?sorerie pour chaque corps.

Le ministre lui pr?senta ses id?es; mais le premier consul e?t ?t? oblig? de travailler avec le payeur de chaque corps d'arm?e, il rejeta le projet; il chargea l'intendant-g?n?ral de l'arm?e, M. P?tiet, de faire conna?tre ? M. Marbois qu'il ne voulait avoir ? faire qu'? une seule personne, qui aurait sous ses ordres tous les payeurs. Il demanda en cons?quence que le ministre lui donn?t celui des employ?s de la tr?sorerie qui ?tait le plus capable.

M. P?tiet lui proposa M. de la Bouillerie, qui avait ?t? payeur-g?n?ral de l'arm?e du Rhin sous le g?n?ral Moreau, avec lequel il ?tait ?troitement li?. Le premier consul ne le connaissait point, mais il se rappela qu'un administrateur de ce nom avait ?t? autrefois ? la t?te des finances de la Corse, o? il avait laiss? une excellente r?putation. Il accepta sur ce souvenir, et chargea l'intendant-g?n?ral de pr?venir le ministre du choix qu'il avait fait.

M. de la Bouillerie, qui jouissait d?j? d'une fortune ind?pendante et qui de plus ?tait li? avec le g?n?ral Moreau, dont il connaissait mieux que personne les sentimens secrets, s'excusa sous diff?rens pr?textes. P?tiet eut recours ? l'intervention du g?n?ral, et M. de la Bouillerie accepta.

Le ministre du tr?sor, qui voyait cette nomination de mauvais oeil, s'excusa de ne l'avoir pas propos?e. Il ne l'avait pas fait, parce que d'apr?s sa reddition de comptes, M. de la Bouillerie ?tait redevable au tr?sor d'une somme de quatre cent mille francs qu'il repr?sentait par un bon du g?n?ral Moreau. <>

M. de la Bouillerie, en acceptant la charge de payeur-g?n?ral, avait mis pour condition qu'on ne lui demanderait pas de cautionnement. Il ne s'informa pas, du reste, quel serait son traitement, et fut m?me trois ann?es sans en toucher. Le premier consul, devenu empereur, l'apprit et r?para cet oubli d'une mani?re assez large pour que M. de la Bouillerie f?t plus que satisfait.

Le premier consul avait en lui une pleine confiance et le lui t?moignait. Plus tard, il le chargea de l'administration de toutes ses finances personnelles, ainsi que de celles du domaine extraordinaire, et je l'ai vu d?plorer am?rement, en 1815, d'avoir ? lui reprocher des torts.

Sensation que produit en Angleterre le projet de descente.--Le g?n?ral Moreau.--Son opposition au gouvernement du premier consul.--Bruits sinistres.--Avis important d'un chef vend?en.--Le premier consul m'envoie en mission secr?te dans la Vend?e.

Pendant que les dispositions pr?liminaires de la grande op?ration du premier consul s'ex?cutaient avec un succ?s qu'il n'avait lui-m?me os? esp?rer, la critique commen?ait ? s'attacher ? son entreprise, et elle faisait m?me des progr?s dans une ville comme Paris, o? rien n'est perdu; aussi y regardait-on le plus g?n?ralement la descente projet?e en Angleterre comme impossible ? effectuer. On l'envisageait comme une extravagance, en comparant les chaloupes canonni?res qui ?taient sur le chantier, depuis le Gros-Caillou jusqu'au Corps-L?gislatif, ? des vaisseaux de guerre; on brodait l?-dessus ? qui mieux mieux, et l'on d?raisonnait de m?me, ainsi que cela arrive toujours, quand on veut juger de ce que l'on ne conna?t pas: il ?tait plus ais? de critiquer le premier consul que de le comprendre. N?anmoins lorsqu'on vit qu'en d?pit de toutes les contrari?t?s imaginables, il poursuivait l'ex?cution de son projet, et que la r?union de toutes ses diff?rentes flottilles, depuis Bayonne jusqu'? Flessingue, s'?tait op?r?e malgr? ce qu'avaient pu faire les croiseurs anglais pour s'y opposer, on commen?a ? r?fl?chir et ? convenir assez g?n?ralement que le dernier succ?s ne d?pendait plus que d'un coup de la fortune; et on ne peut trop pr?juger de ce qui serait r?sult?, si des ?v?nemens qui survinrent n'avaient d?tourn? l'arm?e de cette op?ration, apr?s qu'ils eurent amen? un changement dans la forme du gouvernement.

Pendant qu'en France on censurait le projet du premier consul, en Angleterre, o? l'on est plus froid, on prit la menace au s?rieux, parce que l'on y avait mesur? toute l'?tendue du danger, au lieu de s'amuser ? faire des quolibets.

Le minist?re anglais ne pouvait plus m?conna?tre que, depuis la paix d'Amiens, les d?sordres qu'il avait annonc?s devoir arriver en France, non seulement n'avaient point eu lieu, bien plus, les choses avaient tourn? en sens tellement oppos?, que celui dont il avait regard? la ruine comme certaine ?tait parvenu ? former un faisceau qui d?j? mena?ait l'existence de l'Angleterre. Le minist?re abandonna habilement les illusions auxquelles on l'avait d'abord entra?n?, en lui faisant faire la paix, puis en la lui faisant rompre. Il avait sans doute observ? que la merveilleuse restauration de toutes choses en France, et en si peu de temps, n'?tait que l'oeuvre d'un puissant g?nie qui concevait, ordonnait et ex?cutait avec la rapidit? de la pens?e; que le premier consul ?tait le l?gislateur, le magistrat et le ma?tre absolu d'un pays, et d'une arm?e dont il ?tait ? la fois le g?n?ral et le premier soldat; que c'?tait cons?quemment vers cet homme qu'il fallait diriger le coup qui devait pr?server l'Angleterre de sa ruine, et qu'il suffisait de la r?ussite de ce seul coup, pour rejeter la France dans l'ab?me de maux dont il l'avait tir?e, et achever de la mettre au point o? n'avaient pu la conduire les puissances du continent qui lui avaient fait la guerre.

La r?ussite d'un pareil projet amenait des cons?quences trop positives pour faire h?siter sur le choix des moyens propres ? l'assurer: aussi ce fut dans les passions humaines que l'on vint les chercher.

C'est de la conspiration de Georges Cadoudal que je veux parler, et de la singuli?re part que les amis du g?n?ral Moreau auraient d?sir? qu'il y pr?t; car, pour lui personnellement, loin de vouloir la servir, il s'y est tellement oppos?, qu'il l'a en quelque sorte fait manquer.

Depuis la paix de Lun?ville, le g?n?ral Moreau vivait presque ignor?, et loin du gouvernement; un go?t pour la retraite, une indiff?rence peut-?tre affect?e pour des honneurs qui ne pouvaient pas le faire sortir du second rang, et une aversion r?elle pour toute esp?ce d'occupations lui avaient fait adopter ce genre de vie.

Les personnes qui l'ont connu peuvent convenir, sans alt?rer en rien ses bonnes qualit?s, que le g?n?ral Moreau ?tait l'homme le moins propre ? un travail assidu; qu'il avait une instruction fort n?glig?e, qui le rendait incapable de gouverner, et que cependant ce m?pris qu'il affectait pour les honneurs n'?tait chez lui qu'un genre de distinction qu'il avait pris, et auquel il n'aurait pas fallu qu'un courtisan se tromp?t. On pouvait dire ? Moreau comme ? Diog?ne: Je vois ton orgueil ? travers les trous de ton manteau. ? une grande fermet? dans le danger il joignait dans la vie priv?e une faiblesse de caract?re qui le rendait l'homme le plus accessible et le plus facile ? persuader.

Comme il travaillait peu, il avait le jugement lent, la pr?voyance courte, et avait besoin d'?tre aid? dans ses d?terminations; de l? ses complaisances pour des gens qui avaient fini par prendre de l'empire sur lui, et qui, sous le voile de l'amiti?, l'ont perdu en voulant le faire servir ? leur propre ambition. Dans les commencemens de son retour de l'arm?e ? Paris, le g?n?ral Moreau, excit? par ses pr?tendus amis, avait essay? d'entretenir le premier consul de politique, d'organisation et d'administration; l'essai qu'il fit de son influence ne lui r?ussit pas, et ayant vu ? qui il avait affaire, il n'y revint plus: aussi, hormis quelques fous, tous les g?n?raux et officiers de son arm?e suivirent la ligne droite de l'ob?issance respectueuse due au chef du gouvernement.

Moreau avait fini par aller jouir dans ses terres d'une aisance qu'il avait acquise en servant son pays. D'autres g?n?raux de cette arm?e, qui avaient rassembl? des capitaux, vivaient de m?me dans des ch?teaux qu'ils avaient achet?s, et essayaient de s'accoutumer ? la vie agronomique.

Quelques-uns en furent d?go?t?s de bonne heure, et n'ayant pu obtenir d'?tre employ?s lors de la premi?re formation de l'arm?e des c?tes, ils s'?taient faits frondeurs; d'autres vivaient dans le repos, parce qu'ils avaient t?moign? le d?sir d'y rester: mais les uns et les autres prenaient l'air d'hommes maltrait?s; cela leur donnait une position peu co?teuse et favorable ? leur projet de rester ?loign?s. De loin l'oeil de l'observateur confondait tout ce monde-l? avec le g?n?ral Moreau, et en faisait un parti d'opposition qui avait m?me re?u une sorte de lustre par tous les verbiages qui se d?bitaient sur l'impossibilit? du succ?s de l'entreprise de Boulogne.

Depuis la rupture du trait? d'Amiens, c'est-?-dire depuis plus d'un an, nous avions remarqu? qu'il n'avait pas paru aux Tuileries, pas m?me dans les occasions o? il ?tait non seulement de la d?cence, mais du devoir d'un citoyen comme d'un guerrier de s'y montrer et de venir offrir ses services.

Le g?n?ral Moreau ne pouvait pas ?tre consid?r? comme un simple particulier, ainsi qu'il affectait de le para?tre, et quand des villes et des provinces enti?res s'?taient impos? dans une noble indignation les sacrifices qu'exigeait l'agression la plus inou?e qu'on e?t encore vue, et que ces provinces envoyaient de tous les points des d?put?s porter leurs offrandes et leurs voeux au chef du gouvernement, le devoir du g?n?ral Moreau ?tait-il de rester spectateur indiff?rent des nouveaux dangers de sa patrie? ?tait-il un nouvel Achille qu'Agamemnon devait faire solliciter de reprendre les armes? et si enfin il avait ?t? dispos? ? obtemp?rer aux ordres qu'on aurait pu ?tre dans le cas de lui donner, ne devait-il pas, d'apr?s la conduite qu'il avait tenue, en faire parvenir l'assurance, si toutefois il n'avait pas cru devoir l'offrir lui-m?me? C'est l? le conseil que ses amis auraient d? lui donner.

Mais il se renferma dans le silence, et nous ne tarderons pas ? savoir pourquoi il ne pouvait plus le rompre.

Il avait pr?t? l'oreille ? des conseils qui flattaient sa paresse, et ce fut sans doute le travers d'esprit dans lequel il n'?tait que trop connu que ce g?n?ral ?tait tomb?, qui donna aux agens de l'Angleterre, d?sign?s vulgairement par le nom de Vend?ens, l'id?e de tenter un rapprochement que des ant?c?dens f?cheux paraissaient avoir rendu impossible entre le g?n?ral Moreau et le g?n?ral Pichegru.

Fouch?, qui n'?tait plus ministre, faisait fr?quenter Moreau par des hommes de sa province et en m?me temps de son parti; il ?piait ses sentimens pour les influencer et s'en servir au besoin: mais je crois qu'il ?tait ?tranger au projet d'un rapprochement entre les Vend?ens et Moreau, parce que le caract?re de celui-ci ne lui offrait pas assez de garantie pour lui, en cas de succ?s de la part de ce parti: mais je crois aussi qu'il aurait pouss? lui-m?me, s'il avait entrevu la possibilit? de ranimer la r?publique tout en abattant le premier consul; ce qui ? cette ?poque n'?tait pas impossible. Peut-?tre aussi M. Fouch? n'avait-il pour but que de faire na?tre des circonstances graves, afin de provoquer la n?cessit? de r?tablir un minist?re que l'on avait supprim?, et qu'il regardait comme son apanage.

L'?loignement de Moreau pour les Vend?ens ?tait la cons?quence de ses opinions; peut-?tre aussi, dans cette circonstance, la crainte de la r?vision de sa conduite envers son camarade Pichegru en 1797 l'a-t-elle emp?ch? de se rendre aux instances de celui-ci. R?publicain de bonne foi, il ferma l'oreille ? toute proposition incompatible avec l'existence et la restauration de la r?publique; l'ayant particuli?rement connu, je suis convaincu qu'il n'a pas donn? connaissance au gouvernement des propositions qui lui furent faites, parce qu'il s'?tait persuad? que le projet de Pichegru ?tait tellement insens?, qu'il n'aurait rien eu ? faire pour le combattre le lendemain du jour o? ce g?n?ral aurait abattu le premier consul. Il ne lui paraissait pas possible qu'un autre que lui, Moreau, f?t rev?tu de la puissance consulaire. Il laissa donc agir Pichegru, persuad? que c'?tait pour lui, Moreau, qu'il travaillait, et c'est ce qui a fait dire ? Pichegru en parlant de Moreau: <>

Depuis que j'ai ?t? rev?tu de l'autorit? minist?rielle, j'ai eu les moyens de m'assurer que le premier consul n'avait d? la vie, ? cette ?poque, qu'? la diversit? de projets de deux intrigues qui voulaient ?galement le frapper, mais avec un but diff?rent: ce fut pendant leur d?sunion que l'on en eut connaissance, et que l'on parvint ? d?couvrir tout ce qui se tramait; il y avait d?j? quelque temps que l'on ?tait entour? de men?es sourdes, qui, sans offrir la certitude de l'existence d'un complot tout organis?, avertissaient cependant qu'il se passait quelque chose qu'il devenait chaque jour plus important d'approfondir.

Mille bruits sinistres se croisaient comme si l'on e?t voulu pr?parer les esprits ? un ?v?nement; on parlait de la possibilit? d'arr?ter la marche politique du premier consul; on ?crivait m?me de Londres qu'il serait assassin?, et qu'on le savait de bonne part. La certitude de ces avis, sans ?tre incontestable, ?tait cependant propre ? donner de l'inqui?tude, et par cons?quent ? m?riter l'attention du gouvernement.

Il n'y avait plus, comme je l'ai dit, de ministre de la police; c'?tait un conseiller d'?tat qui dirigeait les recherches de tout ce qui ?tait relatif ? la surveillance g?n?rale, et qui travaillait avec le grand-juge.

Je remis cette lettre au premier consul, qui, au cachet de v?rit? qu'elle portait, jugea que j'obtiendrais peut-?tre des d?tails sur ce qui commen?ait ? l'occuper, et que, dans tous les cas, il ?tait bon de conna?tre les dispositions politiques de la Vend?e, dans des circonstances qui pouvaient s'aggraver par suite des ?v?nemens qui se pr?paraient.

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