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Munafa ebook

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Read Ebook: Les Contemporains 2ème Série Etudes et Portraits Littéraires by Lema Tre Jules

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Ebook has 506 lines and 78836 words, and 11 pages

NOUVELLE BIBLIOTH?QUE LITT?RAIRE

JULES LEMAITRE

LES CONTEMPORAINS

?TUDES ET PORTRAITS LITT?RAIRES

Leconte de Lisle--Jos?-Maria de Heredia Armand Silvestre--Anatole France--Le P?re Monsabr? M. Deschanel et le romantisme de Racine La comtesse Diane Francisque Sarcet--J.-J. Weiss--Alphonse Daudet Ferdinand Fabre

PARIS

H. LEC?NE et H. OUDIN, ?DITEURS

LECONTE DE LISLE JOS?-MARIA DE HEREDIA ARMAND SILVESTRE ANATOLE FRANCE LE P?RE MONSABR? M. DESCHANEL ET LE ROMANTISME DE RACINE LA COMTESSE DIANE SARAH BERNHARDT FRANCISQUE SARCEY J.-J. WEISS ALPHONSE DAUDET FERDINAND FABRE

LECONTE DE LISLE

Des vers d'une splendeur pr?cise, une s?r?nit? imperturbable, voil? ce qui frappe tout d'abord chez M. Leconte de Lisle. Au fond, il y a autre chose que nous verrons; mais cela est cach? et ne se r?v?le qu'? ceux qui n'ont pas le coeur simple. C'est pourquoi il n'est peut-?tre pas de po?te qui soit moins connu du public, ni plus sacr? pour ses fid?les; qui ait moins de lecteurs, ni des lecteurs plus fanatiques. Ses vers intransigeants ne condescendent point aux faiblesses ni aux habitudes du troupeau, n'entrent point dans ses ?motions, ne le bercent ni le secouent. <

Excusez-moi, monsieur, je ne sais pas le grec.

Ni le sanscrit, ni le saxon.>>

D'autre part, interrogez les po?tes, pas tous, mais les meilleurs d'entre les jeunes, et quelques curieux ?? et l?. Assur?ment ils ne vous diront point de mal de Victor Hugo, pour la raison qu'Allah est Allah; mais on sait que dans tous les temples il y a des saints plus amoureusement ch?m?s que le titulaire du ma?tre-autel; et je crois bien que parmi ces saints de chapelle M. Leconte de Lisle est le premier. C'est qu'il offre ? ses d?vots des oeuvres parfaites, o? les gens du m?tier trouvent un plaisir sans m?lange: presque jamais un sentiment personnel au po?te n'y ?clate dont la sinc?rit?, l'originalit? ou l'expression puisse ?tre contest?e, qui semble, suivant les jours, insuffisant ou d?mesur?, ni qui d?tourne l'attention des myst?res savants de la forme.

Quand je parle du bouddhisme de M. Leconte de Lisle, il faut s'entendre. Je sais bien qu'il vit ? Paris, ? peu pr?s comme tout le monde, et je ne pr?tends pas qu'il adore pour de bon Baghavat ou Bouddha, qu'il laisse pousser ind?finiment les ongles de ses pieds et de ses mains, ni qu'il passe des heures ? regarder son nombril. Je le d?finis par ses livres, ne le connaissant pas autrement; je le prends dans les moments singuliers o? il vit sa vie de po?te, aussi vraie que l'autre. On peut croire qu'il tient de la nature un d?dain de l'?motion ext?rieure, un fonds de s?r?nit? contemplative que sont venus renforcer l'art et le parti pris; et il est sans doute int?ressant d'?tudier chez lui l'alliance surprenante de l'ataxie orientale avec la science et la conscience inqui?tes des hommes d'Occident.

Il ne faut pas oublier que Leconte de Lisle est n? ? l'?le Bourbon et qu'il y a pass? son enfance. L? mieux que chez nous, il put sentir l'?normit? indomptable des forces naturelles et les lourds midis endormeurs de la conscience et de la volont?. Il connut la r?verie sans tendresse, le sentiment de notre impuissance ? l'?gard des choses, la soif de rentrer au grand Tout, dont la vie un moment nous distingue, et, en attendant, la joie immobile de contempler de splendides tableaux sans y chercher autre chose que leur beaut?.

Il vint ? Paris. Apr?s la fatalit? inconsciente des choses, il rencontra la fatalit? furieuse de l'?go?sme humain. Il eut des jours difficiles et souffrit d'autant plus qu'il apportait dans la m?l?e des comp?titions f?roces une ?me d?j? touch?e de la grave songerie orientale. Les forces in?luctables qu'il avait reconnues, subies et parfois aim?es dans la nature aveugle et magnifique, il les retrouvait dans la soci?t? des hommes, mais franchement ha?ssables cette fois, visiblement hostiles et m?chantes. L'enfant s'insurgea contre l'?go?sme n?cessaire, mais hideux, contre le bourgeoisisme impitoyable et rapace, contre la vie plate et malfaisante, contre les violences hypocrites et sans grandeur.

En la trenti?me ann?e, au si?cle de l'?preuve, ?tant captif parmi les cavaliers d'Assur, Thogorma, le voyant, fils d'?lam, fils de Thur, Eut ce r?ve, couch? dans les roseaux du fleuve, ? l'heure o? le soleil blanchit l'herbe et le mur,

Il vit H?nokia, la cit? des G?ants. C'est le soir; ils rentrent dans la ville avec leurs femmes et leurs troupeaux,

Suants, ?chevel?s, soufflant leur rude haleine Avec leur bouche ?paisse et rouge, et pleins de faim.

Le tombeau de Ka?n est au sommet de la plus haute tour. Voil? qu'un ange, un cavalier, sort des t?n?bres, tra?nant apr?s lui et ameutant toutes les b?tes de la terre, et charge d'impr?cations, au nom du Seigneur, le rebelle et ses fils. Alors Ka?n se dresse dans son tombeau, impose silence au cavalier et aux b?tes; il se souvient, et raconte sa sombre histoire.

Celui qui m'engendra m'a reproch? de vivre; Celle qui m'a con?u ne m'a jamais souri.

Il revoit l'?den gard? par un Kh?roub <>. La nuit, il r?dait, voulant y rentrer et sourd aux insultes de l'archange.

T?n?bres, r?pondez! Qu'Iav?h me r?ponde! Je souffre, qu'ai-je fait?--Le Kh?roub dit: Ka?n, Iav?h l'a voulu. Tais-toi. Fais ton chemin Terrible.--Sombre esprit, le mal est dans le monde; Oh! pourquoi suis-je n??--Tu le sauras demain.

Pour le punir, Iav?h l'aveugle <>, lui fait, dans un acc?s de fureur, tuer son fr?re, qu'il aimait pourtant.

Dors au fond du Sch?ol! Tout le sang de tes veines, ? pr?f?r? d'H?va, faible enfant que j'aimais, Ce sang que je t'ai pris, je le saigne ? jamais! Dors, ne t'?veille plus! Moi, je crierai mes peines, J'?l?verai la voix vers Celui que je hais.

Ka?n se vengera et il vengera les hommes. Quand <>, Dieu voudra d?truire la race humaine par le d?luge, Ka?n la sauvera. Le po?te veut que l'arche ait ?t? construite malgr? J?hovah et que Ka?n, son Ka?n immortel et symbolique, l'ait emp?ch?e de sombrer.--L'homme, continue le vengeur, couvrira de nouveau la terre, non plus indompt?, mais l?che et servile.

Dans les si?cles obscurs l'homme multipli? Se pr?cipitera sans halte ni refuge, ? ton spectre implacable horriblement li?.

Mais un jour mon souffle redressera ta victime:

Tu lui diras: Adore! Elle r?pondra: Non!...

Afin d'exterminer le monde qui te nie, Tu feras ruisseler le sang comme une mer, Tu feras s'acharner les tenailles de fer, Tu feras flamboyer, dans l'horreur infinie, Pr?s des b?chers hurlants le gouffre de l'Enfer;

Mais quand tes pr?tres, loups aux m?choires robustes, Repus de graisse humaine et de rage amaigris, De l'holocauste offert demanderont le prix, Surgissant devant eux de la cendre des justes, Je les flagellerai d'un immortel m?pris.

Je ressusciterai les cit?s submerg?es, Et celles dont le sable a couvert les monceaux; Dans leur lit ?cumeux j'enfermerai les eaux; Et les petits enfants des nations veng?es, Ne sachant plus ton nom, riront dans leurs berceaux!

J'effondrerai des cieux la vo?te d?risoire. Par del? l'?paisseur de ce s?pulcre bas Sur qui gronde le bruit sinistre de ton pas, Je ferai bouillonner les mondes dans leur gloire; Et qui t'y cherchera ne t'y trouvera pas!

Et ce sera mon jour! Et, d'?toile en ?toile, Le bienheureux ?den longuement regrett?, Verra rena?tre Abel sur mon coeur abrit?; Et toi, mort et cousu sous la fun?bre toile, Tu t'an?antiras dans ta st?rilit?.

Ka?n se tait. Alors le d?luge ?clate, et...

Quand le plus haut des pics eut bav? son ?cume, Thogorma, fils d'?lam, d'?pouvante bl?mi, Vit Ka?n le vengeur, l'immortel ennemi D'Iav?h, qui marchait, sinistre, dans la brume, Vers l'arche monstrueuse apparue ? demi.

Humana ante oculos foede cum vita jaceret In terris, oppressa gravi sub Religione, Quae caput a coeli regionibus ostendebat, Horribili super aspectu mortalibus instans, Primum Graius homo mortales tollere contra Est oculos ausus, primusque obsistere contra...

Et dans ton ciel mystique Tu rentreras, v?tu du suaire asc?tique, Laissant l'homme futur, indiff?rent et vieux, Se coucher et dormir en blasph?mant les dieux.

L'?ternel cri: <> est une plainte d'enfant, st?rile et vaine. Satan lui-m?me se demande ? quoi bon.

Force, orgueil, d?sespoir, tout n'est que vanit?, Et la fureur me p?se et le combat m'ennuie.

Tais-toi. Le ciel est sourd, la terre te d?daigne. ? quoi bon tant de pleurs si tu ne peux gu?rir?

Sois comme un loup bless? qui se tait pour mourir Et qui mord le couteau, de sa gueule qui saigne.

Et toi, divine Mort o? tout rentre et s'efface, Accueille tes enfants dans ton sein ?toil?; Affranchis-nous du temps, du nombre et de l'espace. Et rends-nous le repos que la vie a troubl?!

<> Mais est-on bien s?r que ce ne soit l? qu'un amusement po?tique? Je vous assure qu'? de certaines heures cet amusement vous prend aux entrailles. Parmi nos <>, comme dit M. Taine , il y a des minutes de d?go?t complet, de sinc?re renonciation ? la vie, de pessimisme absolu et sans r?serve. Il est certain qu'en d?pit de ces minutes on continue de vivre; et cependant ceux pour qui elles reviennent souvent devraient, s'ils ?taient aussi sinc?res qu'ils le paraissent, se r?fugier volontairement dans la mort. Mais point; et Schopenhauer s'est laiss? mourir dans son lit. C'est qu'il y a une sorte de plaisir dans cette morne d?sesp?rance dont on ne peut nier la r?alit? paradoxale. On dit que la vie est mauvaise, on le croit et on l'?prouve; on sait la vanit? de tout espoir et de toute r?volte, sauf de la r?volte radicale qui secoue le fardeau de la vie; et pourtant on vit, justement parce qu'on sait tout cela, parce que c'est une esp?ce de volupt? pour le roseau pensant de se savoir ?cras? par l'univers fatal et que cette connaissance est encore une insurrection et, par suite, une raison de vivre. On peut succomber aux souffrances physiques qui jettent l'homme hors de soi, l'affolent et le font crier; on peut succomber aux m?comptes qui ont pour objet des personnes; mais les douleurs purement intellectuelles ne tuent pas, parce que, dans la plupart des cas, ? mesure qu'elles croissent, cro?t aussi notre orgueil. Le pire malheur n'est pas de savoir ou de croire le monde inutile ou mauvais: c'est de p?tir dans son corps et d'?tre d??u brutalement dans ses passions. Les tortures du pessimisme ou du doute peuvent ?tre cruelles, mais moins qu'un membre coup?, un cancer qui vous ronge, ou la trahison d'une personne aim?e. Contre les tortures de la pens?e on a le sentiment vivace de la puissance d?ploy?e ? penser et aussi, le plus souvent, la protestation tranquille du corps bien nourri. Le songeur qui condamne l'?tre universel lui oppose son ?tre particulier et prend davantage conscience de lui-m?me. <> C'est par l? qu'on se console, du moins dans notre Occident. On a encore d'autres raisons d'accepter la vie. <> dit L'Angely. La curiosit? de M. Leconte de Lisle sera celle d'un artiste attach? surtout aux manifestations ext?rieures de l'histoire et de la nature. Il reproduira l'absurde et magnifique spectacle des choses avec un relief qui est ? lui. N'ayez crainte: son imagination, apr?s sa superbe, l'a sauv? du suicide; et le voici qui commence, ? travers le temps et l'espace, la revue des apparences, oeuvre de M?ya.

Une plainte est au fond de la rumeur des nuits, Lamentation large et souffrance inconnue Qui monte de la terre et roule dans la nue; Soupir du globe errant dans l'?ternel chemin, Mais effac? toujours par le soupir humain. Sombre douleur de l'homme, ? voix triste et profonde, Plus forte que les bruits innombrables du monde, Cri de l'?me, sanglot du coeur supplici?, Qui t'entend sans fr?mir d'amour et de piti?? Qui ne pleure sur toi, magnanime faiblesse, Esprit qu'un aiguillon divin excite et blesse, Qui t'ignores toi-m?me et ne peux te saisir, Et, sans borner jamais l'impossible d?sir, Durant l'humaine nuit qui jamais ne s'ach?ve, N'embrasse l'infini qu'en un sublime r?ve!... ? conqu?rant vaincu, qui ne pleure sur toi?

Maitreya se souvient d'une jeune fille, Narada pleure sa m?re morte, Angira cherche et doute. Tous trois souffrent et voudraient oublier. La d?esse Ganga les entend et leur dit d'aller ? Baghavat. Ils se l?vent, gravissent la divine montagne o? si?ge Baghavat et, sortant de l'Illusion qui enveloppe le dieu, entrent en lui et s'unissent ? l'Essence premi?re.

Ils ne s'en plaignaient point, ces nobles Grecs pour qui M. Leconte de Lisle finit par d?laisser les mornes buveurs de l'eau sacr?e du Gange. Le go?t de l'action se r?veille sous un ciel moins accablant qui permet la lutte, et le sens de la beaut? vit et se d?veloppe dans une nature aux contours harmonieux et mod?r?s, dans une lumi?re qui r?jouit et n'aveugle point. Toutefois l'obsession du Destin et le sentiment de la vanit? de toutes choses ont suivi l'humanit? dans ses immigrations vers l'Occident. Longtemps, sous la s?r?nit? de la forme, la po?sie grecque a cach? de profondes tristesses. Sophocle pense que le meilleur est de n'?tre pas n? ou de vivre peu. Les larmes orientales de Xerx?s, H?rodote les a pleur?es. <>--Prom?th?e, l'Orestie, OEdipe roi nous montrent l'homme instrument et jouet du destin. Ou bien il subit ses passions qu'il dit lui ?tre envoy?es par les dieux: Sua cuique deus fit dira cupido.--<> Voyez aussi la Ph?dre d'Euripide.--Qu'importe! chez cette merveilleuse race, l'homme aime l'action, m?me quand il la sait inutile et d?cevante. <> Les durs commencements dans une terre toute neuve et qui n'?tait pas toujours cl?mente, les longues luttes entre P?lasges, Hell?nes, Doriens, Ioniens, et aussi les grands cataclysmes naturels dont plusieurs de leurs mythes ont conserv? le souvenir, avaient fait aux Grecs une ?me ? la fois active et r?sign?e, o? le plaisir de vivre et d'agir se temp?rait par instants de m?lancolie fataliste. Apr?s Marathon et Salamine, une sorte de joie h?ro?que les transporte, et leur g?nie s'?panouit en oeuvres confiantes et superbes. Non qu'ils aient cess? de croire ? la Mo?ra invincible; mais peut-?tre est-elle intelligente: elle leur a laiss? faire de si grandes choses! Surtout ils adorent la beaut? et savent l'exprimer sans y faire effort. Par la parole ou par les contours ils ont traduit les ?nergies de la Nature et celles du corps et de l'?me sous une forme qui les glorifie sans les alt?rer, o? la pl?nitude et la spontan?it? de l'impression produisent la gr?ce, qui est la marque de ces divins artistes. Leur vie m?me, qui les exer?ait tout entiers, ?tait comme une oeuvre d'art dont ils s'enchantaient. Vraiment ils ont d? ?tre heureux. Leur existence n'avait point de vide o? se p?t introduire le d?sespoir. Ils vivaient sous le destin et ils le savaient, mais ils ne s'occupaient que de vivre, et de vivre ici-bas. Ils s'accommodaient admirablement d'?tre hommes; ils connaissaient ce que cela vaut depuis que trente mille Grecs avaient vaincu un million de Barbares. L'horreur en face de l'inconnu et la r?volte contre ce qui est n'?taient chez eux que des sentiments passagers; leur activit? les sauvait de tout. Si la passion est fatale, elle ne va pas sans volupt?. Si l'homme est opprim? par quelque chose de plus fort que lui, la r?sistance est bonne, f?t-elle sans succ?s. La palestre, l'Agora, les Dionysiaques et les Panath?n?es leur ?taient de suffisantes raisons de consentir ? voir la lumi?re et emp?chaient la maladie m?taphysique de devenir jamais mortelle ? ce peuple subtil. Plus tard, quand ils eurent perdu la libert?, ? Alexandrie, en Sicile, ils se consolaient encore par leur belle mythologie, par les symboles sensuels de leur religion naturaliste et par des r?ves de vie pastorale dans la campagne divinis?e.

Or la s?r?nit? de leur fatalisme, de leurs r?voltes et de leurs joies, et tout ce qu'il y a d'humain dans leurs mythes revit aux po?mes de M. Leconte de Lisle. Il a passionn?ment aim? ces amants de la vie et de la beaut?.--Nous sommes loin de H?ri formidable et inintelligible. Salut, dit le po?te ? V?nus de Milo,

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