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Munafa ebook

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Read Ebook: Les Contemporains 2ème Série Etudes et Portraits Littéraires by Lema Tre Jules

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Ebook has 506 lines and 78836 words, and 11 pages

Or la s?r?nit? de leur fatalisme, de leurs r?voltes et de leurs joies, et tout ce qu'il y a d'humain dans leurs mythes revit aux po?mes de M. Leconte de Lisle. Il a passionn?ment aim? ces amants de la vie et de la beaut?.--Nous sommes loin de H?ri formidable et inintelligible. Salut, dit le po?te ? V?nus de Milo,

Salut! ? ton aspect le coeur se pr?cipite; Un flot marmor?en inonde tes pieds blancs; Tu marches fi?re et nue, et le monde palpite, Et le monde est ? toi, d?esse aux larges flancs!

Mais la Gr?ce ?tait trop petite pour contenir toute la race humaine, et c'est vraiment dommage. Plus loin, vers l'Occident et vers le Nord, s'avan?ait le flot des tribus voyageuses. Les plus durs, les plus robustes et les plus inquiets, dans leur besoin de mouvement et leur soif d'inconnu, allaient toujours devant eux, jusqu'aux r?gions du brouillard et de l'hiver.

Les nouveaux convertis au Christ, Saxons, Germains, Gaulois, n'ont point d?pouill? leurs moeurs barbares ni leur facilit? ? tuer et ? mourir. Sans doute, ils ne sont point ferm?s ? la douceur de J?sus; on les fera pleurer en leur contant la Passion. Mais leur foi les rend impitoyables, et leur charit? est d'une esp?ce ?trange et s'exerce surtout en vue de l'autre monde. Attach?s ? la terre par leur corps robuste plein de d?sirs grossiers, ils n'en sont pas moins obs?d?s par la pens?e de l'invisible, par le d?sir de la cit? d'en haut; ils ne la con?oivent pas d'ailleurs d'une fa?on beaucoup plus raffin?e que leurs a?eux ne faisaient le paradis d'Odin.--Les Indous, ?mus par la souffrance universelle, pratiquaient une charit? purement terrestre, ?panchaient sur leurs fr?res une immense piti?; on ne peut dire qu'ils aient sacrifi? cette vie ? une vie future, puisque ce qu'ils attendaient de la mort ou de l'extase, c'?tait l'an?antissement de la personnalit?. Quant aux Grecs, ils s'occupaient m?diocrement de l'avenir de l'homme par del? la tombe et pensaient que cette vie peut ?tre ? elle-m?me son propre but. Mais l'homme du moyen ?ge, si fort qu'il mange et qu'il boive, qu'il bataille et qu'il pille, subordonne pourtant cette existence, o? sa lourde chair s'enfonce, ? l'id?e plus ou moins pr?sente, mais rarement effac?e, du ciel et de l'enfer. Aussi, m?me chez les meilleurs, si la charit? vient des entrailles, toujours il s'y m?le une arri?re-pens?e surnaturelle. S'ils aiment et secourent les hommes, ce n'est point parce qu'ils sont des hommes, tout simplement, c'est qu'ils voient en eux des ?mes appel?es au salut ?ternel et qu'en s'occupant de ces ?mes ils assureront leur propre salut. Au fond, ce n'est point de l'enveloppe charnelle de leurs fr?res qu'ils ont souci.--Terrible charit? que celle de la bonne dame de Meaux! Elle a nourri tant qu'elle a pu son arm?e de pauvres; quand elle n'a plus rien ? leur donner, elle leur donne le ciel.

Il fallait en finir. La dame r?solut De d?livrer les siens en faisant leur salut; Car en charit? vraie elle ?tait toujours riche.

Elle les enferme dans une grange et y met le feu .

J'ai fait ce que j'ai pu, je vous remets ? Dieu, Cria-t-elle, et J?sus vous ouvre son royaume!

Il est vrai, M. Leconte de Lisle ne voit point les ?ges avec l'oeil de Michelet ou de Hugo. Il les verrait plut?t du m?me regard que ce corbeau positiviste, soixante fois centenaire, qui raconte ses aventures ? l'abb? S?rapion:

Seigneur, dit le corbeau, vous parlez comme un homme S?r de se r?veiller apr?s le dernier somme; Mais j'ai vu force rois et des peuples entiers Qui n'allaient point de vie ? tr?pas volontiers. ? vrai dire, ils semblaient peu certains, ? cette heure, De sortir promptement de leur noire demeure. En outre, sachez-le, j'en ai mang? beaucoup, Et leur ?me avec eux, ma?tre, du m?me coup.

Ah! ah! les bl?mes chairs des races ?gorg?es, De corbeaux, de vautours et d'aigles assi?g?es, Exhalaient leurs parfums dans le ciel radieux Comme un grand holocauste offert aux nouveaux dieux.

H?las! je crois, seigneur, en y r?fl?chissant, Que l'homme a toujours eu soif de son propre sang, Comme moi le d?sir de sa chair vive ou morte. C'est un go?t naturel qui tous deux nous emporte Vers l'accomplissement de notre double voeu. Le diable n'y peut rien, ma?tre, non plus que Dieu, Et j'estime aussi peu, sans haine et sans envie, Les choses de la mort que celles de la vie.

Les Po?mes barbares, c'est, par bien des points, l'histoire parcourue ? vol de corbeau, la b?te ?tant philosophe et artiste. Ce n'est pas chose tr?s r?jouissante. Il y a beaucoup de sang. L'ironie froide qui est dans le r?cit du triste oiseau de proie, on la pressent, inexprim?e, dans presque tout le cours du livre. Ce corbeau pessimiste juge le monde ? peu pr?s comme Ka?n. Puni comme lui pour un crime dont il ne saurait ?tre responsable, il ?l?ve, sous une forme moins trafique, la protestation du premier R?volt?; mais il n'a point son esp?rance vivace, et je crains bien qu'il ne soit en cela un interpr?te plus fid?le de la pens?e du po?te.

Le m?me pessimisme et, comme cons?quence, le m?me parti pris de ne peindre que l'ext?rieur se retrouvent dans les paysages. Presque tous appartiennent ? l'Orient ou m?me ? la r?gion des tropiques et flambent cr?ment sous le soleil vertical. Le choix du po?te s'explique: de m?me qu'il n'a pas vu la justice dans l'histoire, il ne lui pla?t pas de voir la tendresse dans la nature, et il craint la charmante duperie des campagnes d'Occident. Il pense comme Vigny, son ma?tre le plus direct, qui avait fait dire ? la Nature dans un langage superbe:

Je roule avec d?dain, sans voir et sans entendre, ? c?t? des fourmis, les populations; Je ne distingue pas leur terrier de leur cendre; J'ignore en les portant les noms des nations. On me dit une m?re et je suis une tombe. Mon hiver prend vos morts comme son h?catombe, Mon printemps ne sent pas vos adorations.

Ainsi M. Leconte de Lisle:

Pour qui sait p?n?trer, Nature, dans tes voies, L'illusion t'enserre et ta surface ment: Au fond de tes fureurs comme au fond de tes joies Ta force est sans ivresse et sans emportement.

Ainsi se tiennent les ?l?ments de l'oeuvre de M. Leconte de Lisle le choix des sujets et la mani?re de l'artiste s'expliquant par un pessimisme originel. Ce qui est au fond, c'est un sentiment de r?volte contre le monde mauvais et contre l'inconnu inaccessible, sentiment douloureux que vient apaiser la curiosit? critique et esth?tique et qui se r?sout enfin dans une ?tude sereine de l'histoire et de la nature pittoresque. Qu'il y ait quelque affectation dans ce d?tachement du po?te, dans cette indiff?rence finale pour tout ce qui n'est pas un spectacle aux yeux, cela est possible, et je ne songe point ? lui en faire un reproche. Son d?dain de la passion est sans doute chose aussi humaine que la passion la plus emport?e. ?tre convaincu que toute ?motion est vaine ou malfaisante, sinon celle qui proc?de de l'id?e de la beaut? ext?rieure; regarder et traduire de pr?f?rence les formes de la Nature inconsciente ou l'aspect mat?riel des moeurs et des civilisations; faire parler les passions des hommes d'autrefois en leur pr?tant le langage qu'elles ont d? avoir et sans jamais y mettre, comme fait le po?te tragique, une part de son coeur, si bien que leurs discours gardent quelque chose de lointain et que le fond nous en reste ?tranger; consid?rer le monde comme un d?roulement de tableaux vivants; se d?sint?resser de ce qui peut ?tre dessous et en m?me temps, ironie singuli?re, s'attacher aux drames provoqu?s par les diverses explications de ce <> myst?rieux; n'extraire de la <> des ph?nom?nes que la beaut? qui r?sulte du jeu des forces et de la combinaison des lignes et des couleurs; planer au-dessus de tout cela comme un dieu ? qui cela est ?gal et qui conna?t le n?ant du monde: savez-vous bien que cela n'est point d?pourvu d'int?r?t, que l'effort en est sublime, que cet orgueil est bien d'un homme, qu'on le comprend et qu'on s'y associe? Savez-vous bien que cela suppose deux sentiments ?ternels et tr?s humains, port?s l'un et l'autre au plus haut degr?: le d?senchantement de la vie, et, seul rem?de durable, l'amour du beau, et du beau sans plus: j'entends le beau plastique, celui qui est dans la forme et qui peut se passer de la notion du bien, celui qu'on sent et qu'on reconna?t ind?pendamment de tout jugement moral, sans avoir de haine ou d'amour pour ce qui en fait la mati?re, que ce soit la Nature ou les actions des hommes?

C'est peut-?tre un blasph?me et je le dis tout bas;

JOS?-MARIA DE HEREDIA

Une premi?re originalit? de M. Jos?-Maria de Heredia, c'est d'?tre ? la fois presque in?dit et presque c?l?bre.

--Heredia, je t'aime parce que tu portes un nom exotique et sonore et parce que tu fais des vers qui se recourbent comme des lambrequins h?raldiques.

Mais le souci de perfection et le besoin de beaut? qui hantaient les Parnassiens devaient, au moins dans les commencements , les conduire ? pr?f?rer la po?sie impersonnelle, presque uniquement descriptive et plastique, celle qui demande ses tableaux ? l'histoire et ? la l?gende ou qui reproduit les symboles par lesquels l'humanit? pass?e s'est repr?sent? l'univers. Cette po?sie est, en effet, la seule o? la forme soit vraiment tout, o? l'on soit s?r, si on est s?duit, de ne pas c?der ? un autre attrait que celui des belles images ?voqu?es par des mots harmonieux. Les r?veries de Lamartine ou la passion de Musset beaucoup de gens en sont capables, et Musset et Lamartine ne sont po?tes que pour les avoir exprim?es de la fa?on que l'on sait. Mais justement il est difficile de distinguer ce qui, dans la beaut? totale de quelques-uns de leurs vers, revient au sentiment et ce qui revient ? la forme. La valeur morale de certaines ?motions, la noblesse de certaines pens?es peuvent faire illusion: or ni la tendresse ni l'?loquence ne sont proprement po?sie. Pour Dieu! que le po?te se garde d'?tre trop touchant ou de faire para?tre un trop bon coeur! car cela est ? la port?e de tout le monde et je me demanderai si c'est ? la beaut? de ses vers que je suis sensible, ou ? la beaut? de son ?me. C'est donc par un exc?s de loyaut? et de d?licatesse artistique que les Parnassiens se d?claraient impassibles, ne voulaient exprimer que la beaut? des contours et des couleurs ou les r?ves et les sentiments des hommes disparus. Et ? ce scrupule de po?tes irr?prochables se m?lait naturellement un orgueil aristocratique, la fiert? et peut-?tre aussi l'affectation de ne jamais traduire dans la langue des dieux aucune ?motion vulgaire, de se confiner dans des impressions exquises, rares, difficiles, inaccessibles ? la foule.

LE SAMOURA?.

D'un doigt distrait fr?lant la sonore b?va, ? travers les bambous tress?s en fine latte, Elle a vu, sur la plage ?blouissante et plate, S'avancer le vainqueur que son amour r?va.

C'est lui; sabres au flanc, l'?ventail haut, il va. La cordeli?re rouge et le gland ?carlate Coupent l'armure sombre, et sur l'?paule ?clate Le blason de Hizen et de Tokungawa.

Ce beau guerrier v?tu de lames et de plaques, Sous le bronze, la soie et les brillantes laques. Semble un crustac? noir, gigantesque et vermeil.

Il l'a vue. Il sourit dans la barbe du masque Et son pas plus h?tif fait reluire au soleil Les deux antennes d'or qui tremblent sur son casque.

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal, Fatigu?s de porter leurs mis?res hautaines, De Palas de Moguer, routiers et capitaines Partaient ivres d'un r?ve h?ro?que et brutal.

Ils allaient conqu?rir le fabuleux m?tal Que Cipango m?rit dans ses mines lointaines, Et les vents aliz?s inclinaient leurs antennes Aux bords myst?rieux du monde occidental.

Chaque soir esp?rant des lendemains ?piques, L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques Enchantait leur sommeil d'un mirage dor?;

Ou, pench?s ? l'avant des blanches caravelles, Ils regardaient monter dans un ciel ignor? Du fond de l'Oc?an des ?toiles nouvelles.

Mieux qu'aucun ma?tre inscrit au livre de ma?trise, Qu'il ait nom Ruyz, Arph?, Ximeniz, Becerril, J'ai serti le rubis, la perle et le b?ryl, Tordu l'anse d'un vase et martel? sa frise.

Dans l'argent, sur l'?mail o? le paillon s'irise, J'ai peint et j'ai sculpt?, mettant l'?me en p?ril, Au lieu du Christ en croix ou du Saint sur le gril, ? honte! Bacchus ivre ou Dana? surprise.

J'ai de plus d'un estoc damasquin? le fer Et, dans le vain orgueil de ces oeuvres d'Enfer, Aventur? ma part de l'?ternelle Vie.

Aussi, voyant mon ?ge incliner vers le soir, Je veux, ainsi que fit Fray Juan de S?govie, Mourir en ciselant dans l'or un ostensoir.

Le soleil, sous la mer, myst?rieuse aurore, ?claire la for?t des coraux abyssins Qui m?le, aux profondeurs de ses ti?des bassins, La b?te ?panouie et la vivante flore.

Et tout ce que le sel ou l'iode colore, Mousse, algue chevelue, an?mones, oursins, Couvre de pourpre sombre, en somptueux dessins, Le fond vermicul? du p?le madr?pore.

De sa splendide ?caille ?teignant les ?maux, Un grand poisson navigue ? travers les rameaux. Dans l'ombre transparente indolemment il r?de.

Et brusquement, d'un coup de sa nageoire en feu, Il fait dans le cristal morne, immobile et bleu, Courir un frisson d'or, de nacre et d'?meraude.

J'ai vu parfois, ayant le ciel bleu pour ?mail, Les nuages d'argent et de pourpre et de cuivre, ? l'Occident, o? l'oeil s'?blouit ? les suivre, Peindre d'un grand blason le c?leste vitrail.

Pour cimier, pour support, l'h?raldique b?tail, Licorne, l?opard, al?rion ou guivre, Monstres, g?ants captifs qu'un coup de vent d?livre, Exhaussent leur stature et cabrent leur poitrail.

Certe, aux champs de l'azur, dans ces combats ?tranges que les noirs S?raphins livr?rent aux Archanges, Cet ?cu fut gagn? par un baron du ciel.

Comme ceux qui jadis prirent Constantinople, Il porte en bon crois?, qu'il soit George ou Michel, Le soleil, besant d'or, sur la mer de sinople.

D'un vol silencieux, le grand cheval ail?, Soufflant de ses naseaux des jets d'ardente brume, Les emporte dans un fr?missement de plume ? travers la nuit bleue et l'?ther ?toil?.

Ils vont. L'Afrique plonge au gouffre flagell?; Puis le d?sert, l'Asie et le Liban qui fume; Et voici qu'appara?t, toute blanche d'?cume, La mer myst?rieuse o? vint sombrer Hell?.

Et le vent gonfle, ainsi que deux immenses voiles, Les ailes qui, volant d'?toiles en ?toiles, Aux amants enivr?s font un ti?de berceau;

Tandis que, l'oeil au ciel et s'?treignant dans l'ombre, Ils voient, ?tincelant du B?lier au Verseau, Leurs constellations poindre dans l'azur sombre.

La troisi?me s?rie est celle des sonnets et des po?mes inspir?s par la prodigieuse histoire des conqu?rants de l'Am?rique. Po?sie tout proche des sonnets mythologiques, car elle c?l?bre l'oeuvre la plus extraordinaire qu'aient accomplie les hommes ? travers les ?ges, une aventure o? ils se sont vraiment montr?s <>, puisqu'ils ont agrandi une plan?te et cr?? en quelque sorte un autre monde. Le grand ?lan h?ro?que, l'entr?e dans l'inconnu, l'?tranget?, l'?normit? du drame et l'?blouissement des d?cors, tout cela devait s?duire M. de Heredia. Ces conquistadores, nous les aimons surtout parce qu'ils diff?rent de nous, parce que leur fureur d'action amuse notre doute et notre mollesse; mais M. de Heredia les aime parce qu'il leur ressemble un peu, parce qu'il sent encore tressaillir en lui quelque chose de leur ?me. Il est de leur race, et ce qu'ils ont fait, il l'a r?v?.

Cependant les soldats restaient silencieux, ?blouis par la pompe imposante des cieux.

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