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Read Ebook: Le Tour du Monde; Cuba Journal des voyages et des voyageurs; 2. sem. 1860 by Various Charton Douard Editor
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next Page Prev PageEbook has 110 lines and 28624 words, and 3 pagesLes gorges d'Ombl?ze. -- Die. -- La vall?e de Roumeyer. -- La for?t de Saou. -- Le col de la Cochette. 385 EXCURSIONS DANS LE DAUPHIN?, par M. ?lis?e RECLUS . La Grave. -- L'Aiguille du midi. -- Le clapier de Saint-Christophe. -- Le pont du Diable. -- La B?rarde. -- Le col de la Tempe. -- La Vallouise. -- Le Pertuis-Rostan. -- Le village des Claux. -- Le mont Pelvoux. -- La Balme-Chapelu. -- Moeurs des habitants. 402 LISTE DES GRAVURES. 417 LISTE DES CARTES. 422 ERRATA. 427 VOYAGE ? L'?LE DE CUBA, PAR M. RICHARD DANA. D?part de New-York. -- Une nuit en mer. -- Premi?re vue de Cuba. -- Le Morro. Rien ne peut peindre la beaut? des nuits en mer dans ces latitudes m?ridionales, ces clairs de lune, la mer sereine, ces brillantes ?toiles, les l?gers nuages emport?s par les vents aliz?s, la douceur de l'air et ces sensations qui s'emparent sous les tropiques de celui qui vient de quitter la neige et les glaces de la Nouvelle-Angleterre. Il y a dans la clart? du ciel bleu et chaud des tropiques, quelque chose qui enl?ve l'?tranger au sentiment de la r?alit?. D'o? viennent ces navires, qui sortent de la mer ? l'horizon? o? vont-ils quand ils s'y enfoncent de nouveau, ? l'autre bout du ciel? Ces taches bleues qu'on aper?oit, sont-ce bien des ?les ? l'ancre au fond des mers, avec des hommes, des enfants, des chevaux, des machines, des ?coles, des journaux, ou flottent-elles et sont-elles seulement visit?es par les habitants de l'air? Voil? bien, en effet, le Morro, un majestueux rocher qui s'?l?ve perpendiculairement de la mer, avec ses murs, ses parapets et ses tours sur le sommet, ses banni?res et ses signaux flottants et le phare ?lev? qui le domine. La colline n'est pas tr?s-haute, mais domine enti?rement la mer. Tout pr?s est la cit?, ?tendue le long de la c?te, avec ses maisons qui descendent jusqu'aux r?cifs de l'Oc?an. O? est le port? o? sont les quais? les voil?. Nous arrivons devant l'entr?e, profonde et ?troite, qui s?pare le Morro de la Punta; et par l'entr?e nous voyons le port ?tendu devant nous avec ses innombrables m?ts. Mais la nuit descend, le canon qui donne le signal du coucher du soleil s'est fait entendre, nous entendons mourir les derni?res fanfares des trompettes dans les fortifications, et le phare commence ? jeter sa lueur sur la mer silencieuse, des lumi?res ?tincellent dans la cit?; il est trop tard pour p?n?trer dans le port. Lentement et comme ? regret, le vaisseau tourne sa proue vers la mer, la machine souffle lourdement, nous sommes balanc?s sur la mer. La Croix du Sud est au-dessus de l'horizon; et toute la nuit deux flots de lumi?re d?coupent leurs lignes sur la mer, l'une d'or, venant du phare; l'autre d'argent, de la lune. Quel enchantement! qui peut regretter le d?lai qui nous retient o? nous sommes, et le voisinage d'un quai vulgaire de d?barquement? Les rues sont si serr?es et les maisons b?ties si pr?s les unes des autres, qu'on croit ?tre plut?t entre deux murs que dans une rue. Il semble impossible que deux voitures puissent passer de front; elles le font pourtant, mais il y a constamment des embarras de voitures. Dans certains endroits, des voiles sont tendues sur la rue enti?re, de maison en maison, et l'on passe sous une longue tente. Quel ?trange v?hicule que la volante! une paire de longs et minces timons; ? un bout, une paire d'immenses roues, ? l'autre, un cheval avec sa queue tress?e, relev?e et attach?e ? la selle; une chaise ouverte appuy?e sur les timons, ? un tiers de la distance des roues au cheval; sur le cheval, un n?gre avec de grandes bottes de postillon, de longs ?perons et une brillante jaquette: voil? la volante. C'est un v?hicule commode pour celui qui s'y trouve, mais il doit ?tre sensiblement p?nible pour le cheval. Nous rencontrons en passant des volantes de ma?tre, distingu?es par de riches ornements d'argent et la livr?e des postillons; quelques-unes ont deux chevaux; l'argent, la livr?e, et les longs timons, qui se balancent, une ?tranget? g?n?rale, leur donnent quelque chose de plaisant. Dans la plupart, on voit un monsieur ? demi couch?, le cigare ? la bouche; dans d'autres, un flot gonfl?, de mousseline bleue ou rose, ?tendu des deux c?t?s jusqu'aux timons, et derri?re, quelque indice d'une t?te vivante. ? huit heures je m'arr?te sur la place d'Armes, un grand carr? qui s'?tend devant la maison du gouverneur, pour entendre la musique militaire de la retraite. La lune est claire et s'avance au milieu du champ ?toil? et ?tincelant du ciel; l'air est pur et embaum?; la musique lance ses accords sous les palmiers et les mangos; les promenades sont encombr?es de monde, et l'on se presse autour des voitures pour saluer les dames. Peu de dames se prom?nent ? pied sur la place; ce sont sans doute des ?trang?res. L'?tiquette ne permet pas aux dames de marcher en public ? la Havane. Je rentre lentement, pour voir la ville de nuit. Le soir est l'heure brillante des boutiques. On fait ses achats quand le gaz est allum?. Les volantes et les voitures vont en tous sens, s'arr?tent ? la porte des magasins. Les gardiens se tiennent au coin des rues, chacun tenant une longue pique et une lanterne. Les caf?s sont ouverts. C'est aussi l'heure des visites. Une ?trange habitude est observ?e dans toutes les maisons. Dans la chambre principale sont plac?es deux rang?es de chaises, face ? face, trois ou quatre de chaque c?t?, et toujours ? angle droit avec le mur qui fait face sur la rue. En passant, on aper?oit ces rang?es de chaises. La famille et les visiteurs y prennent place m?thodiquement. Comme les fen?tres sont ouvertes, profondes et tr?s-larges, sans glaces, avec des barreaux tr?s-espac?s, on peut inspecter tout cet arrangement int?rieur dans tous les salons havanais, ?tudier la toilette des dames, et savoir qui elles re?oivent. On se l?ve de bonne heure pour jouir des meilleures heures de la journ?e. On m'avait appris qu'il y a des bains creus?s dans le roc, pr?s de la Punta. Je pars pour m'y rendre ? six heures, et me prom?ne sous les arbres vers le Presidio; Quel est ce son retentissant? Est-ce la cavalerie qui marcherait ? pied, les sabres tra?nants? Non; c'est une foule de malheureux qui se forment en ligne devant le Presidio. Ce sont des for?ats! chacun a une bande de fer riv?e autour de la cheville, une autre autour de la ceinture, et une cha?ne s'attache par les deux bouts ? ces deux bandes. Ils ont ainsi le libre usage de leurs bras et m?me de tout le corps, la cha?ne est seulement un poids et une marque dont ils ne peuvent se d?barrasser. On la garde nuit et jour, en travaillant, en mangeant, en dormant. Dans certains cas, deux condamn?s sont encha?n?s ensemble. Coolies chinois. -- Quartier pauvre ? la Havane. -- La promenade de Tacon. Je ne fus pas longtemps ? la Havane sans remarquer dans les rues et les maisons des hommes de complexion indienne, avec de grossiers cheveux noirs. Je demandai si c'?taient des natifs indiens ou des hommes de sang m?l?. Non; ce sont des coolies. Leurs cheveux port?s longs et leur costume ne m'avaient point r?v?l? les Chinois; pourtant leurs formes et l'expression de leurs yeux auraient d? me l'indiquer. Ce sont les victimes de ce nouveau commerce dont nous entendons tant parler. On m'informe qu'il y en a deux cent mille ? Cuba, et qu'ils y ont ?t? import?s dans l'espace de sept ans. J'ai rencontr? les nouveaux et derniers venus en costume chinois, la t?te ras?e; mais la plupart portent ensuite des pantalons, des jaquettes et des chapeaux de paille, et laissent pousser leurs cheveux. Les surnoms ? la Havane. -- Matanzas. -- La Plaza. -- Limossar. -- L'int?rieur de l'?le. -- La v?g?tation. Comme il n'y a pas de plantations ? voir ? la Havane, je pris le parti d'aller ? Matanzas; tout autour de cette ville, les travaux sont en pleine activit? dans cette saison. Un bateau ? vapeur quitte la Havane tous les soirs ? dix heures, et arrive ? Matanzas avant le jour; la distance par mer est de cinquante ? soixante milles. Le steamer part ponctuellement ? dix heures et sort du port. Les eaux noires sont illumin?es par la lumi?re phosphorescente. Le c?ble qui retient les vaisseaux ? l'ancre se dessine comme un filet d'argent. Chaque bateau, qui glisse silencieusement de vaisseau ? vaisseau, de rivage ? rivage, laisse un sillon d'argent derri?re son gouvernail, et soul?ve ? l'avant un flot argent?, pendant que les rames soul?vent de l'argent liquide qui s'?coule et retombe dans la profondeur opaque de l'eau. Une fois sorti du port, je m'endors et ne me r?veille qu'? trois heures du matin dans la baie de Matanzas. Dans ma premi?re promenade, je rencontrai une troupe de coolies portant, sous un soleil ardent, des pierres pour b?tir une maison, sous les yeux d'un surveillant assis ? l'ombre. Ils sont nus jusqu'? la ceinture, avec des pantalons de coton courts qui s'arr?tent au genou. Quelques uns de ces hommes sont fortement, un ou deux m?me puissamment constitu?s; mais beaucoup paraissent tr?s-fr?les. On m'informe, ce que j'avais d?j? entendu dire ? la Havane, que l'importateur de coolies re?oit deux mille francs par t?te de l'acheteur, et que celui-ci doit donner aux coolies vingt francs de gages par mois, qu'ils peuvent r?clamer tous les mois, si cela leur convient; ils sont tenus au service pour huit ans, et, pendant cette p?riode, assujettis aux travaux ordinaires qu'on demande aux esclaves. Ils sont, dit-on, plus intelligents et peuvent faire un travail plus vari? que les noirs. Il ne serait pas bon de fouetter un coolie. Ils ont, sur la dignit? de leur personne, des opinions qui ne leur permettent pas de se soumettre ? la d?gradation d'un ch?timent corporel. Si un coolie est fouett?, il faut que quelqu'un meure, ou le coolie lui-m?me, car ils sont terriblement enclins au suicide, ou celui qui a ordonn? la punition, ou quelque autre personne, ce qui revient ? peu pr?s au m?me dans leurs ?tranges principes de ch?timent indirect. N?anmoins, la valeur de la main-d'oeuvre ? Cuba est telle, qu'un habitant est pr?t ? donner deux mille francs en argent comptant, pour la chance de pouvoir imposer huit ans de travail ? vingt francs par mois ? un homme qui parle une langue ?trang?re, qui adore d'autres dieux, qui consid?re le suicide comme une vertu, et qui est gouvern? par des lois morales tout autres que celles de son ma?tre, sans compter que sa valeur est encore diminu?e par les chances de mort naturelle, de maladie, d'accidents, de fuite, de punition, impos?e par les lois du pays, qu'il peut d'autant plus facilement violer qu'il ne les conna?t ni ne les comprend. Je pars en chemin de fer pour Limossar; en quittant Matanzas, nous nous ?levons sur un plan inclin?; la baie et la cit? s'?tendent au-dessous de nous. La baie est profonde sur le bord occidental, sous les hauteurs du Cumbre, et c'est l? que les vaisseaux se tiennent ? l'ancre; ailleurs, elle est peu profonde, et l'eau y est d'un vert clair. Des bateaux ? rames et ? voile font le trajet entre les navires et les quais. Je vais maintenant voir pour la premi?re fois l'int?rieur de Cuba. On ne saurait avoir un jour plus favorable. L'air est transparent et n'est pas excessivement chaud. Des nuages doux flottent ? demi-hauteur dans un ciel serein; le soleil est brillant, et la luxuriante flore d'un ?t? perp?tuel couvre tout le pays. Partout s'?l?vent ces ?tranges palmiers! je ne puis m'y habituer. Beaucoup d'autres arbres ressemblent aux n?tres, et l'on croirait qu'ils peuvent venir dans notre pays. Mais le palmier royal a l'air tropical par excellence: il ne peut cro?tre hors d'une ?troite ceinture qui court autour du globe. Son tronc, long, mince, si droit et si uni, emmaillott? depuis le pied dans le bandage serr? d'une toile grise, montre un cou d'un vert fonc?, et au-dessus une cr?te et un plumage de feuilles de la m?me couleur. Il ne donne pas d'ombre, et ne porte pas de fruits estim?s de l'homme. Il n'a aucune beaut? particuli?re pour faire pardonner son inutilit?. Pourtant il a quelque chose de plus que la beaut?, il exerce sur le regard une fascination ?trange, et on sent, quand on l'a vu, qu'on ne peut plus l'oublier. Quels sont ces bouquets qui semblent du ma?s tendant ? prendre les proportions d'un arbuste? La tige para?t devenue tronc, la d?licate pellicule externe une ?corce, et les grains de ma?s se transforment en melons? Ce sont les bananiers et les plantains, comme le montrent, quand on approche, leurs grappes de fruits verts et jaunes. Et l?-bas, cet arbre pench?, avec ses longues feuilles qui tombent ? terre, et des fruits verts comme des melons? J'interromps mon voisin qui fume son dixi?me cigarrito, pour lui en demander le nom. C'est le cocoa! Ce melon vert deviendra la dure noix que nous cassons avec un marteau. Les champs de canne ? sucre. -- Une plantation. -- Le caf?. --La vie dans une plantation de sucre. Nous arrivons bient?t ? des champs de canne ? sucre, qui de loin ressemblent ? des champs de bl? gigantesque. Ils s'?l?vent ? huit ou dix pieds de hauteur et sont tr?s-fourr?s. Une arm?e pourrait s'y cacher. Le sol porte toutes les traces d'une intense fertilit?. Les groupes de maisons blanches ? un ?tage deviennent plus fr?quents, quelquefois ils sont tr?s-rapproch?s les uns des autres; tous ont le m?me caract?re, ils ne diff?rent que par la v?g?tation qui les entoure. Les uns ont de larges avenues de palmiers, de mangos, ou d'orangers, et sont entour?s de jardins, abrit?s sous des bouquets d'arbres; d'autres brillent sous le soleil ardent, sur une plaine unie de cannes; ? peine une petite oasis de verdure s'?l?ve aux alentours. Je commence ? sentir que je suis bien dans Cuba; dans la riche, tropicale Cuba, qui fait du sucre et est cultiv?e par des esclaves: la vie cubaine doit ?tre ?tudi?e dans les plantations. J'arrive ? la station, o? je dois m'arr?ter pour aller ? la plantation de Se?or C.... On me montre ? une petite distance, sous de grands arbres, une maison o? l'on arrive entre des orangers. Tout autour de moi, je ne vois qu'une riche verdure, sur un sol doucement ondul?; ?a et l?, une haute colline ? l'horizon, et d'un c?t? une cha?ne lointaine de basses montagnes. On n'entend d'autre son que le chant des oiseaux; des fleurs sauvages, de toute forme et de toute odeur, couvrent le sol et les buissons. Voici la fameuse terre rouge si renomm?e pour sa fertilit?. Il semblerait que l'avenue a ?t? couverte de briques pulv?ris?es, et la poussi?re elle-m?me a une couleur rouge. Voici la haute maison ? un seul ?tage, avec ses longues, hautes piazzas. Ici la haute muraille, peinte de blanc, qui enceint un grand carr?, ne s'ouvre que par une porte, et donne ? l'habitation l'air d'un fort; l?-bas sont les cases des noirs; plus loin la fabrique de sucre, la chemin?e qui fume, et les chars avec leurs boeufs. Par la porte, je puis apercevoir deux messieurs ? table, et deux n?gresses, dont l'une sert, et l'autre est occup?e ? chasser les mouches. Le n?gre qui m'accompagne et porte mon bagage, met la main ? son chapeau, et attend qu'on lui donne la permission d'entrer sur la piazza; car dans les plantations les n?gres ne peuvent approcher la porte de la maison sans en avoir re?u la permission. Ma lettre d'introduction lue, on me re?oit avec la plus cordiale hospitalit?. Il a fallu vingt ans et plus pour d?montrer aux Cubains, que le Br?sil, les Antilles, qui sont ? une latitude plus m?ridionale que Cuba, et les ?tats de l'Am?rique centrale, peuvent produire le caf? avec plus d'avantage. Les ouragans successifs et terribles de 1843 et 1845, qui d?truisirent et ravag?rent tant de cafetals, joints au syst?me colonial de la m?tropole, qui n'accordait aucune protection efficace ? Cuba, ont mis fin ? l'?re des plantations ? caf?. Ces motifs n'ont sans doute fait que h?ter une r?solution n?cessaire. Les m?mes causes qui produisaient l'inf?riorit? de Cuba, au point de vue de la production du caf?, lui ont assur? une sup?riorit? marqu?e pour la production du sucre. Les plantations d?truites ont ?t? consacr?es ? la culture de la canne; et graduellement, d'abord dans les parties occidentales et septentrionales, puis chaque jour plus avant du c?t? de l'est et du sud sur l'?le enti?re, les ravissants cafetals ont ?t? abattus, les arbres coup?s, la charrue a pass? sur les avenues et les sentiers, et le pays d?nud? n'est plus qu'une mer de cannes. La vie dans une plantation de cannes ? sucre. La canne ? sucre ne s'accommode point de l'ombre. Pour en rendre la culture profitable, il faut la cultiver aussi en grand que possible. Avoir des arbres fruitiers, serait une mauvaise ?conomie pour le planteur. La plupart des fruits, surtout l'orange, qui s'exporte le plus, arrivent ? maturit? au milieu de la saison sucri?re, et tous les bras sont alors requis. La canne ne m?rit qu'une fois l'ann?e. Tout le travail doit ?tre accompli pendant la p?riode o? elle commence ? ?tre assez m?re pour ?tre port?e au moulin et le moment o? la chaleur et les pluies commencent ? la g?ter. Dans la Louisiane cette p?riode ne d?passe pas huit semaines. ? Cuba, elle est de quatre mois pleins. Cette diff?rence donne ? Cuba un grand avantage. Pourtant ces quatre mois sont encore trop courts; et pendant ce temps la chemin?e fume et les fourneaux sont allum?s jour et nuit. Une plantation de sucre n'est ni un jardin, ni un verger. Ce n'est plus le s?jour aim? dont s'enorgueillissait la famille du planteur. Aussi les plantations souffrent-elles des maux de l'absent?isme, et les propri?taires habitent aujourd'hui les environs de la Havane, de Matanzas, ou m?me New-York. L'esclavage a perdu par l? ce qu'il avait encore de patriarcal. Le ma?tre n'est plus le chef de la famille ? la fois juge, m?decin, pr?tre, p?re, comme nous le repr?sentent quelquefois les avocats de l'esclavage. Des surveillants, des administrateurs sont aujourd'hui plac?s entre lui et les esclaves. Les sentiments que fait na?tre une existence commune, les souvenirs de l'enfance, de longues et intimes relations, un amour partag? pour la maison, la terre, les animaux domestiques, les oiseaux;--les sympathies qui s'?veillent par les naissances, les maladies, par la mort m?me, les devoirs religieux accomplis en commun;--tout ce qui pouvait am?liorer les rapports sociaux, tout cela dispara?t de plus en plus. Je d?couvre que l'ing?nieur qui a le soin de la machine ? vapeur de la sucrerie est un Am?ricain: il appartient ? une classe de machinistes que la culture du sucre am?ne tous les ans ? Cuba. Ils quittent les ?tats-Unis en automne, s'engagent pour la saison, mettent les appareils en bon ?tat, restent quatre ou cinq mois occup?s, puis s'en reviennent au printemps dans leurs pays. Ce sont des gens fort habiles, et capables de faire toutes les r?parations n?cessaires: ils sont tr?s-bien pay?s, mais sont constamment occup?s pendant quatre mois, sans aucune distraction ni r?cr?ation. Celui avec qui je fais connaissance conna?t tr?s-bien Cuba, o? il est d?j? venu plusieurs fois: il m'apprend que dans toutes les plantations, pendant la saison sucri?re, les noirs n'ont que quatre heures de sommeil sur les vingt-quatre heures, une heure pour d?ner, une demi-heure pour d?jeuner. La nuit est divis?e en trois p?riodes de trois heures, les noirs ont, par tiers, leur tour de sommeil. Une fois je me r?veillai au milieu de la nuit, et de loin j'entendis le bruit des travailleurs occup?s dans les champs, sous la clart? des ?toiles. Le Cumbre. -- Le passage. -- Retour ? la Havane. Pour retourner ? la Havane, je ne pris pas la route de mer, mais le chemin de fer qui unit ces deux villes. Bien que la distance ? vol d'oiseau soit seulement de soixante milles, la ligne a environ cent milles ? cause des nombreux d?tours qu'elle fait pour atteindre les plus importantes plantations. Le voyage est plus long, mais il gagne aussi en int?r?t. Je ne puis me lasser de cette sc?ne ?trange, et je contemple avec un int?r?t qui ne se refroidit pas, les stations avec leurs groupes de noirs, de marchands de fruits, les amas de sucre et de m?lasse qui y sont accumul?s; les ingenios brillant sous les rayons du soleil, avec leurs chemin?es ?lev?es; les champs interminables de cannes; les boeufs lents qui tra?nent les chars; les intervalles de sol non d?frich?; les jungles orn?es de fleurs sauvages; les bouquets de cocos aux branches pendantes et pleureuses; les palmiers; les orangers roides, avec leurs pommes d'or, ?? et l? les restes d'un cafetal, avec des cafiers sauvages et non coup?s, sous des bosquets luxuriants de bananiers. L'oeil peut-il jamais se fatiguer de ce spectacle? Un peu plus tard, dans l'apr?s-midi, le caract?re de la vue commence ? changer. Les ingenios et les champs de cannes deviennent moins fr?quents, puis disparaissent enti?rement, et les maisons ont plut?t l'air de villas que de fabriques. Sur les routes on voit des files de mulets et de chevaux charg?s de paniers de fruits, ou balayant le sol avec le fourrage vert dont ils sont charg?s; tout cela se dirige vers la Havane. Bient?t on voit le ch?teau d'Alavar et le Principe, puis le port et la mer, la for?t de m?ts, la longue ligne des fortifications, les maisons bleues, blanches et jaunes; il me semble que je suis revenu chez moi apr?s une tr?s-longue absence; je n'ai pourtant ?t? que pendant quelques jours sur les plantations, mais les impressions que j'y ai re?ues ont ?t? si nouvelles et si ?tranges! La population de Cuba. -- Les noirs libres. -- Les myst?res de l'esclavage. -- Les productions naturelles. -- Le climat. Il faut pr?senter maintenant les r?sultats les plus importants de mes observations sur l'?tat actuel de l'?le de Cuba. Les renseignements que j'ai re?us ont ?t? quelquefois contradictoires, mais par cela m?me il est plus ais? de les contr?ler les uns par les autres. Il y a trois classes de personnes ? Cuba, sans compter les esclaves: ce sont les Cubains, les Espagnols et les ?trangers des autres nations. Par Cubains, j'entends les cr?oles ou les personnes n?es ? Cuba. Par Espagnols, les P?ninsulaires ou natifs de la vieille Espagne. La troisi?me classe comprend les Am?ricains, les Anglais, les Fran?ais, les Allemands. Cette derni?re classe est nombreuse, poss?de beaucoup de richesses, et se compose de marchands, de banquiers et de commer?ants. Les Espagnols composent l'arm?e et la marine, remplissent toutes les fonctions publiques: la justice, l'administration, l'?ducation, le fisc, les postes, la police, le haut clerg? leur appartiennent, et on y compte en outre une nombreuse et riche classe de marchands, de banquiers, de boutiquiers et d'ouvriers. Le nombre des esclaves n'est pas connu avec exactitude. Le recensement de 1857 le fixe ? trois cent soixante-quinze mille; mais on ne peut se fier ? ce chiffre. Comme les esclaves sont tax?s pour l'imp?t, le gouvernement a beaucoup de peine ? obtenir une statistique exacte. Presque tout le monde, ? Cuba, s'accorde ? dire qu'il y a au moins cinq cent mille esclaves; quelques-uns ?l?vent le chiffre jusqu'? sept cent mille. Je suis moi-m?me dispos? ? croire que celui de six cent mille se rapproche le plus de la v?rit?. Les noirs libres, d'apr?s le recensement de 1857, sont au nombre de cent vingt-cinq mille; mais ce chiffre est trop faible. La population blanche comprend sept cent mille ?mes. Il y a ? peu pr?s un noir libre pour trois esclaves; et leur nombre total est un peu sup?rieur ? celui des blancs. Le fait qu'il y a un noir libre sur quatre indique suffisamment que les lois qui sont faites en Espagne favorisent l'?mancipation. Elles favorisent aussi le noir ?mancip?. L'?tranger qui visite la Havane verra un r?giment de mille volontaires noirs, paradant avec les troupes de ligne et les volontaires blancs; quand on songe que le port des armes est consid?r? comme un honneur et un privil?ge, et n'est pas permis aux blancs cr?oles, except? ? un tr?s-petit nombre qui sont en faveur, la signification d'un tel fait ne peut ?chapper ? personne. Tout esclave a le droit de se pr?senter devant un magistrat, de se faire estimer, et, en payant la somme fix?e, de recevoir des papiers qui ?tablissent sa libert?. L'?valuation est faite par trois assesseurs; le ma?tre de l'esclave en nomme un, le magistrat les deux autres. L'esclave n'est pas oblig? de payer toute la somme ? la fois, mais il peut payer par petites sommes qui ne doivent pas ?tre au-dessous de vingt-cinq francs. Il y a une autre prescription qui, au premier abord, ne para?t pas tr?s-importante, mais qui est, je suis inclin? ? le croire, la protection pratiquement la plus efficace et la meilleure garantie donn?e aux noirs contre leurs possesseurs: c'est le droit de vente forc?e. Un esclave peut, apr?s s'?tre fait estimer, forcer son ma?tre ? le transf?rer ? quiconque voudra payer la somme d?termin?e. Pour exercer ce droit, il n'a pas besoin de rendre compte de ses griefs; il suffit qu'il exprime le d?sir du transfert et que quelqu'un soit dispos? ? l'acheter. Cette loi de transfert est appliqu?e tr?s-fr?quemment et est un frein perp?tuel impos? aux ma?tres d'esclaves. D'apr?s une autre loi, les noirs sont baptis?s et enterr?s suivant les rites chr?tiens. Mais on n'applique pas les articles qui commandent de leur donner une instruction religieuse, et de les conduire aux offices. Dans la plupart des districts ruraux, les n?gres ne voient jamais un pr?tre ni une ?glise. L'?glise c?l?bre rarement les mariages des noirs; comme dans le dogme catholique le mariage est un sacrement qui noue un lien indissoluble, le ma?tre l'?vite pour ne pas ?tre g?n? dans les ventes et les hypoth?ques; en cons?quence, les mariages sont ordinairement faits par le ma?tre lui-m?me, et naturellement ils n'ont aucune valeur l?gale; aussi ce lien n'est-il que bien peu respect?. Quant au climat, je n'ai aucun doute que dans l'int?rieur, surtout sur les terres rouges, il ne soit agr?able et sain, ?t? comme hiver; mais sur le bord des rivi?res, dans le pays bas en terres noires, dans les savanes, la fi?vre intermittente r?gne ainsi que la fi?vre aigu?. Les cit?s sont d?sol?es par la fi?vre jaune, et dans les derni?res ann?es le chol?ra les a aussi visit?es. Dans les villes, l'ann?e, au point de vue de la salubrit?, peut ?tre divis?e en trois parties: pendant les quatre mois d'hiver, les villes sont saines; pendant les quatre mois d'?t?, elles sont malsaines; les quatre autres mois d'automne et de printemps ont un caract?re interm?diaire. Il y a toujours quelques cas de fi?vre jaune pendant l'hiver, mais on y fait peu d'attention et ils ne r?sultent que d'une imprudence excessive. On estime que vingt-cinq soldats sur cent meurent de cette maladie pendant les premi?res ann?es de leur acclimatation; pendant l'ann?e du chol?ra, il en est mort soixante sur cent. La temp?rature moyenne de l'?le est de 70? Fahrenheit l'hiver, et 83? l'?t?. L'?le est visit?e quelquefois par de violentes temp?tes, mais elles n'y sont pas aussi fr?quentes que dans les Antilles. Il y a de forts orages l'?t?, et de grandes s?cheresses l'hiver, bien qu'ordinairement la ros?e suffise ? entretenir l'humidit? n?cessaire ? la v?g?tation dans l'intervalle des saisons de pluie. Tout le long du quai, o? sont rang?s les navires et o? se fait tout le travail des chargements et des d?chargements, est une longue et haute galerie, o? l'on est abrit? contre les rayons du soleil. Avant qu'elle f?t construite, on dit que l'on a vu des ouvriers tomber morts, sur le quai, sous les coups du soleil. Apr?s le th?, tout le monde est sur le pont. La nuit est claire, mais je n'ai jamais vu autre chose que des jours et des nuits claires sur mer et sur terre, depuis que j'ai pass? le Gulf-Stream, en allant ? Cuba. La Croix du Sud est visible ? l'horizon, et l'?toile du Nord se montre au-dessus de l'horizon, du c?t? du septentrion. L'air de Cuba, sur la montagne ou la plaine, l'air d'aucun pays ne peut ?tre compar? ? celui de l'Oc?an, ? cet air vigoureux et salin! Comme on le boit avec avidit?! Que j'aime aussi ce puissant mouvement qui me berce et ferme peu ? peu mes yeux! La n?cessit? seule du sommeil peut cependant me d?terminer ? go?ter quelque repos dans la splendeur de ces nuits ?quinoxiales. Aucun port n'a une aussi belle entr?e que celui de New-York: on a devant soi l'?le de Staten, les hauteurs de Brooklyn, la vue lointaine des ?les de la rivi?re Hudson, les faubourgs populeux qui s'?tendent dans toutes les directions, la large baie, les clochers ?lev?s et les hautes maisons de la ville, et la for?t entrelac?e des m?ts des navires. Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page |
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