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Read Ebook: Les beaux messieurs de Bois-Doré by Sand George
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next PageEbook has 4267 lines and 168709 words, and 86 pagesGEORGE SAND LES BEAUX MESSIEURS DE BOIS-DOR? COLLECTION DES CHEFS-D'OEUVRE DE FRANCE PREMIER TOME Parmi les nombreux prot?g?s du favori Concini, don Antonio d'Alvimar, Espagnol d'origine italienne, qui signait Sciarra d'Alvimar, fut un des moins remarqu?s, et cependant un des plus remarquables par son esprit, son instruction et la distinction de ses mani?res. C'?tait un fort joli cavalier, dont la figure n'annon?ait pas plus de vingt ans, bien qu'? cette ?poque il en d?clar?t trente. Petit plut?t que grand, robuste sans le para?tre, adroit ? tous les exercices, il devait int?resser les femmes par l'?clat de ses yeux vifs et p?n?trants et par l'agr?ment de sa conversation, aussi l?g?re et aussi charmante avec les belles dames qu'elle ?tait nourrie et substantielle avec les hommes s?rieux. Il parlait presque sans accent les principales langues de l'Europe, et n'?tait pas moins vers? dans les langues anciennes. Malgr? toutes ces apparences de m?rite, Sciarra d'Alvimar ne noua, dans les nombreuses intrigues de la cour de la r?gente, aucune intrigue personnelle; du moins, celles qu'il put r?ver n'aboutirent pas. Il a avou? depuis, en intime confidence, qu'il e?t voulu plaire ? Marie de M?dicis ni plus ni moins, et remplacer, dans les bonnes gr?ces de cette reine, son propre ma?tre et protecteur, le mar?chal d'Ancre. Que, par son esprit et les agr?ments de sa personne, cet homme e?t ?t? capable de plaire si Concini n'e?t pas occup? les pens?es de la r?gente, c'est ce qu'il n'est pas impossible de supposer. Le Concini ?tait parti de plus bas et n'?tait pas moiti? si intelligent que lui. Mais d'Alvimar avait en lui-m?me un obstacle ? la haute fortune des courtisans, un obstacle que son ambition ne pouvait vaincre. On ne saurait dire si la France n'e?t pas subi quelque peu le r?gime de l'inquisition au cas o? M. d'Alvimar se f?t empar? du coeur et de l'esprit de la r?gente; mais il n'en fut pas ainsi, et Concini, dont tout le crime fut de n'?tre pas n? assez grand seigneur pour avoir le droit de voler et piller autant qu'un grand seigneur v?ritable de ce temps-l?, demeura, jusqu'? sa mort tragique, l'arbitre de la politique incertaine et v?nale de la r?gente. Il e?t bien voulu se faufiler peu ? peu dans le service du nouveau favori, le favori du roi, M. de Luynes; mais il ne sut pas s'y prendre; et, bien qu'il ne f?t pas plus scrupuleux < Quand la reine Marie fut en disgr?ce ouverte, Sciarra d'Alvimar crut de son int?r?t de se montrer fid?le ? sa cause. Il pensait que les partis ne sont jamais sans ressources et que tous ont leur jour. D'ailleurs, la reine, d?t-elle rester dans l'exil, pourrait encore faire la fortune de ses affid?s. Tout est relatif, et d'Alvimar ?tait si pauvre, que les dons d'une personne royale, quelque ruin?e qu'elle f?t, ?taient encore une belle chance pour lui. Ce M. d'Alvimar ?tait, en g?n?ral, suffisamment adroit pour le compte des autres, discret et apte au travail; mais on lui reprochait d'avoir la manie de donner son avis, < Il ne r?ussit donc pas, malgr? son z?le, ? attirer sur lui l'attention de la reine m?re, et, lors de la retraite de Marie ? Angers, il resta perdu dans les officiers subalternes, tol?r? plut?t qu'agr??. D'Alvimar s'affecta de ces nombreux ?checs. Rien ne lui servait, ni sa jolie figure, ni ses belles mani?res, ni sa naissance assez relev?e, ni son savoir, sa p?n?tration, sa bravoure, sa causerie agr?able ou instructive: < ? tous ses m?comptes se joignait un certain remords secret qu'il ne r?v?la qu'? sa derni?re heure, et que nous verrons les ?v?nements de ce r?cit arracher de vive force ? l'oubli o? il voulait l'ensevelir. Malgr? nos recherches, nous le perdons de vue plus d'une fois dans les ann?es qui s'?coul?rent entre la mort de Concini et la derni?re ann?e de la vie de Luynes; ? l'exception de quelques mots de notre manuscrit sur sa pr?sence ? Blois et ? Angers, nous ne trouvons, dans son histoire obscure et tourment?e, aucun fait digne de mention jusqu'? l'ann?e 1621, o?, pendant que le roi faisait si mal le si?ge de Montauban, le petit d'Alvimar ?tait ? Paris, toujours ? la suite de la reine m?re, r?concili?e avec son fils apr?s l'affaire des Ponts-de-C?. Il se prit de querelle avec un autre Sciarra, un Sciarra Martinengo que Marie de M?dicis employait plus volontiers, et qui refusait de le reconna?tre pour parent. Ils se battirent: le Sciarra Martinengo fut gri?vement bless?, et il vint aux oreilles de Marie que M. Sciarra d'Alvimar n'avait pas rigoureusement observ? les lois du duel en France. Elle le manda devant elle et le r?primanda avec beaucoup de brutalit?; ce ? quoi d'Alvimar r?pondit avec l'aigreur qui depuis longtemps s'amassait en lui. Il r?ussit ? quitter Paris avant que l'on f?t en mesure de l'y arr?ter, et arriva, dans les premiers jours de novembre, au ch?teau d'Ars, en Berry, dans le duch? de Ch?teauroux. Il nous faut dire les raisons qui lui faisaient choisir ce refuge, de pr?f?rence ? tout autre. Environ six semaines avant son malheureux duel, M. Sciarra d'Alvimar s'?tait trouv? en relation de bonne compagnie avec M. Guillaume d'Ars, un jeune homme aimable et riche, descendant en droite ligne du brave Louis d'Ars, qui avait fait la belle retraite de Venouze en 1504, et qui fut tu? ? la bataille de Pavie. Guillaume d'Ars avait ?t? s?duit par l'esprit de d'Alvimar et par la tr?s-grande amabilit? dont il ?tait capable < ses heures.>> Il n'avait pas eu le temps de le conna?tre assez pour partager l'esp?ce d'antipathie que ce personnage malheureux inspirait presque fatalement, au bout de quelques semaines, ? ceux qui le fr?quentaient. M. d'Ars ?tait, d'ailleurs, un gar?on sans grande exp?rience du monde, et, on peut croire, sans grand souci de p?n?tration. ?lev? en province, il ?tait, pour la premi?re fois, lanc? dans le monde de Paris quand il y rencontra d'Alvimar et s'engoua de lui pour la mani?re sup?rieure dont celui-ci entendait, ? l'occasion, l'?quitation, la v?nerie et le jeu de paume. G?n?reux et prodigue, Guillaume mit sa bourse et son bras au service de l'Espagnol, et l'engagea chaudement ? le venir visiter dans son ch?teau du Berry, o? quelques soins le rappelaient. D'Alvimar en usa discr?tement avec son nouvel ami. S'il avait beaucoup de d?fauts, on ne saurait lui reprocher d'avoir manqu? de fiert? en acceptant des offres d'argent, et Dieu sait, pourtant, qu'il n'?tait pas riche et que le soin de sa toilette et de ses chevaux r?clamait tout son mince revenu. Il ne se permettait point de folies, et, par < Mais, quand il se vit menac? d'un proc?s criminel, il se souvint des avances et invitations ? lui faites par le gentilhomme berruyer, et prit le sage parti d'aller lui demander asile. D'apr?s ce que Guillaume lui avait cont? de son pays, c'?tait, ? cette ?poque, la plus tranquille province de France. M. le prince de Cond? en ?tait gouverneur, et, tr?s-content du gros lot par lequel il venait de se faire acheter, < Cette tranquillit? du Berry serait consid?r?e, de nos jours, comme un ?tat de guerre civile, car il s'y passait encore bien des choses que nous dirons en temps et lieu; mais c'?tait un ?tat de paix et d'ordre, si on le compare avec ce qui se passait ailleurs, et surtout avec ce qui s'y ?tait pass? au si?cle pr?c?dent. D'Alvimar arriva au ch?teau d'Ars, un jour d'automne, vers huit heures du matin, accompagn? d'un seul valet, vieil Espagnol qui se disait noble aussi, mais que la mis?re avait r?duit ? la domesticit?, et qui ne paraissait gu?re d'humeur ? trahir les secrets de son ma?tre, car il ne disait quelquefois pas trois paroles par semaine. Tous deux ?taient bien mont?s, et, quoique leurs chevaux fussent charg?s de lourdes mallettes, ils ?taient venus de Paris en moins de six jours. La premi?re personne qu'ils virent < --Ah! vous arrivez bien! s'?cria-t-il en courant embrasser d'Alvimar; je pars pour voir les f?tes que M. le Prince donne ? Bourges, ? l'occasion de la naissance de M. le duc d'Enghien, son fils. Il y aura grandes journ?es de danse et de com?die, tir ? l'arquebuse, feux d'artifice et mille autres choses divertissantes. Donc, vous voici, et je retarderai mon d?part de quelques heures, afin que vous me puissiez accompagner. Venez en ma maison pour prendre repos et nourriture. Je m'occuperai de vous fournir un cheval frais, car celui que vous montez ne doit pas ?tre bien dispos?, malgr? sa bonne mine, ? faire aujourd'hui dix-huit lieues de plus. Quand d'Alvimar se vit seul avec son h?te, il lui confia qu'il ne pouvait ?tre question pour lui de f?tes publiques et qu'il s'agissait, non de le mener ? un divertissement, mais de le cacher dans son ch?teau pendant quelques semaines. Il n'en fallait pas davantage, en ce temps-l?, pour faire oublier une affaire aussi fr?quente et aussi simple que mort ou blessures donn?es ? un ennemi, soit en duel, soit autrement. Il ne s'agissait que de trouver un protecteur ? la cour, et d'Alvimar comptait sur l'arriv?e prochaine ? Paris du duc de Lerme, dont il se croyait ou se disait parent. C'?tait l? un personnage assez consid?rable pour obtenir sa gr?ce et m?me remettre sa fortune en meilleur chemin qu'auparavant. Comment notre Espagnol raconta son duel avec le Sciarra Martinengo; comment il s'excusa de ne l'avoir point attaqu? dans les r?gles, ou d'avoir ?t? calomni? sur ce fait aussi bien aupr?s de la reine Marie que de M. de Luynes, c'est ce que Guillaume d'Ars n'examina pas avec beaucoup de soin. En loyal gentilhomme qu'il ?tait, il avait ?t? fascin? par d'Alvimar et ne se m?fiait point. D'ailleurs, il se sentait plus d?sireux de partir que de rester, et jamais on n'e?t pu le surprendre dans une plus mauvaise disposition pour discuter une question quelconque. Il traita donc l?g?rement le fond de l'affaire et ne se fit souci que de la possibilit? d'?tre retenu un jour de plus loin des f?tes de la capitale du Berry. Sans doute, il y avait pour lui, sous jeu, quelque amourette. D'Alvimar, qui vit son embarras, le pressa de ne rien changer ? ses projets et de lui indiquer quelque village ou ferme de ses domaines o? il p?t se tenir en s?ret?. --C'est dans mon propre ch?teau, et non dans une ferme ou village, que je vous veux h?berger et cacher, r?pondit Guillaume. Pourtant, je crains pour vous l'ennui de cette r?clusion, et, en y r?fl?chissant, je trouve un meilleur exp?dient. Mangez et buvez; apr?s quoi, je vous conduirai moi-m?me chez un mien ami et parent qui ne demeure pas plus loin d'ici qu'une heure de chemin, et chez qui vous serez aussi s?rement et aussi agr?ablement qu'il est possible en notre pays du bas Berry. Dans quatre ou cinq jours, je viendrai vous y reprendre. D'Alvimar e?t pr?f?r? rester seul; mais, comme Guillaume insistait, la politesse le for?a d'accepter. Il refusa de boire ou manger, et, remontant ? cheval, il suivit Guillaume d'Ars, qui prit avec lui son monde tout ?quip? pour le voyage, cette course devant le d?tourner m?diocrement de la route de Bourges. Ils sortirent du ch?teau par la garenne, gagn?rent, par la traverse, le grand chemin de Bourges, qu'ils laiss?rent tout aussit?t sur leur gauche, pass?rent encore par les sentiers pour rejoindre le grand chemin de Ch?teau-Meillant, en laissant sur leur droite la ville baroniale de La Ch?tre, et enfin quitt?rent ce dernier chemin pour descendre, ? travers les champs, au ch?teau et village de Briantes, qui ?tait le but de leur voyage. Comme le pays ?tait bien r?ellement paisible, les deux gentilshommes avaient pris l'avance sur leur petite escorte, afin de pouvoir s'entretenir en libert?; et voici comment le jeune d'Ars informa d'Alvimar: >>Comme vous ?tes ?tranger et n'?tes venu en France que depuis une dizaine d'ann?es, vous ne l'avez pu rencontrer, parce qu'il habite ses terres depuis le m?me temps environ. Autrement, vous eussiez bien remarqu?, en quelque lieu que vous l'eussiez aper?u, le vieux, le bon, le brave, le fou, le noble marquis de Bois-Dor?, aujourd'hui seigneur de Briantes, de Guinard, de Valid? et autres lieux, voire abb? fiduciaire de Varennes, etc., etc. >>Je ne vous conterai point ici les campagnes de Bois-Dor?, ce serait trop long; sachez seulement son histoire domestique. Son p?re, M. de... --Attendez, dit M. d'Alvimar, ce M. de Bois-Dor? est donc un h?r?tique? --Ah! diable! r?pondit son guide en riant, j'oubliais que vous ?tes un z?l?, un v?ritable Espagnol! Nous ne tenons pas tant ? ces disputes de religion, nous autres gens de par ici. La province en a trop souffert, et il nous tarde que la France n'en souffre plus. Nous esp?rons que le roi va en finir ? Montauban avec tous ces enrag?s du Midi; nous leur souhaitons une belle frott?e, mais non plus, comme faisaient nos p?res, la hart et le b?cher. Tout s'en va en partis politiques, et, de nos jours, on ne se damne plus tant les uns les autres. Mais je vois que mon discours vous d?soblige, et je me h?te de vous faire savoir que M. de Bois-Dor? est aujourd'hui aussi bon catholique que bien d'autres qui n'ont point cess? de l'?tre. Le jour o? le B?arnais reconnut que Paris valait bien une messe, Bois-Dor? pensa que le roi ne pouvait pas se tromper, et il abjura sans ?clat, mais franchement, je pense, les doctrines de Gen?ve. --Revenez ? l'histoire de famille de M. Bois-Dor?, dit d'Alvimar, qui ne voulut pas laisser voir dans quelle d?daigneuse suspicion il tenait les nouveaux convertis. --C'est cela, reprit le jeune homme. Le p?re de notre marquis fut le plus rude ligueur de nos environs. Il fut l'?me damn?e de M. Claude de la Ch?tre et des Barban?ois, c'est tout dire. Il avait, en son ch?teau d'habitation, un beau petit appareil d'instruments de torture pour les huguenots qu'il pouvait happer, et ne se g?nait point de planter ses propres vassaux sur le chevalet quand ils ne lui pouvaient payer leurs redevances. >>Son fils, aujourd'hui marquis de Bois-dor?, et qui, de son bapt?me, avait nom Sylvain, eut tant ? souffrir de cette humeur perverse, qu'il prit de bonne heure la vie tout au rebours, et montra aux prisonniers et aux vassaux de son p?re une douceur et des condescendances peut-?tre trop grandes de la part d'un homme de guerre envers des rebelles et d'un noble envers des inf?rieurs; ? preuve que ces mani?res-l?, qui auraient d? le faire aimer, le firent prendre en m?pris par la plupart, et que les paysans, qui sont gent ingrate et m?fiante, disaient de lui et de son p?re: >>--L'un poise au-dessus de son droit, l'autre ne poise rien du tout. >>Ils tenaient le p?re pour un homme dur, mais entendu, hardi et capable, apr?s les avoir bien pressur?s et tourment?s, de les bien secourir contre les exactions de la malt?te et les pilleries des routiers de guerre; tandis que, selon eux, le jeune M. Sylvain les laisserait d?vorer et fouler, faute de coeur et de cervelle. >>Or, un beau jour, comme M. Sylvain s'ennuyait fort, je ne sais ce qui passa par la t?te du jeune homme; mais il s'enfuit du ch?teau de Briantes, o? monsieur son p?re rougissait de lui, et, le tenant pour imb?cile, ne lui e?t jamais permis de sortir de page, et il s'alla joindre aux catholiques mod?r?s, qu'on appelait alors le tiers parti. Vous savez que ce parti donna souventes fois la main aux calvinistes; si bien que, de faiblesse en faiblesse, M. Sylvain se trouva, un autre beau matin, huguenot et grand serviteur et am? du jeune roi de Navarre. Son p?re, l'ayant su, le maudit, et, pour lui faire pi?ce, imagina, en son ?ge m?r de se remarier et de lui donner un fr?re. Add to tbrJar First Page Next Page |
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