Use Dark Theme
bell notificationshomepageloginedit profile

Munafa ebook

Munafa ebook

Read Ebook: Les beaux messieurs de Bois-Doré by Sand George

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

Ebook has 4267 lines and 168709 words, and 86 pages

>>Or, un beau jour, comme M. Sylvain s'ennuyait fort, je ne sais ce qui passa par la t?te du jeune homme; mais il s'enfuit du ch?teau de Briantes, o? monsieur son p?re rougissait de lui, et, le tenant pour imb?cile, ne lui e?t jamais permis de sortir de page, et il s'alla joindre aux catholiques mod?r?s, qu'on appelait alors le tiers parti. Vous savez que ce parti donna souventes fois la main aux calvinistes; si bien que, de faiblesse en faiblesse, M. Sylvain se trouva, un autre beau matin, huguenot et grand serviteur et am? du jeune roi de Navarre. Son p?re, l'ayant su, le maudit, et, pour lui faire pi?ce, imagina, en son ?ge m?r de se remarier et de lui donner un fr?re.

>>Mais voyez le bon naturel du jeune homme! Loin de se f?cher ou seulement se plaindre du mariage de son p?re et de la naissance de l'enfant qui lui rognait en deux ses futurs ?cus, il se redressa fi?rement en apprenant la nouvelle.

>>--Voyez-vous, d?! fit-il parlant ? ses compagnons. M. mon p?re a pass? la soixantaine, et le voil? qui engendre un beau gar?on! Eh d?! c'est bonne race, dont j'esp?re tenir!

>>Il poussa plus loin la d?bonnairet?; car, sept ans apr?s, son p?re s'?tant absent? du Berry pour aller avec le Balafr? contre M. d'Alen?on, et notre gentil Sylvain ayant ou? que sa belle-m?re ?tait morte, ce qui laissait l'enfant sans grande protection au ch?teau de Briantes, revint secr?tement au pays pour le d?fendre au besoin, et aussi, disait-il, pour le plaisir de le voir et de l'embrasser.

>>Il passa tout un hiver aupr?s du marmot, jouant avec lui et le portant sur ses bras, comme e?t fait nourrice ou gouvernante; ce qui fit bien rire les gens d'alentour et penser qu'il ?tait par trop simple et quasi innocent, comme ils disent pour parler d'un homme priv? de raison.

>>C'?tait une grande noirceur de la part de ce vieux corsaire, car jamais l'enfant n'avait ?t? mieux portant ni mieux soign?, et le pauvre Sylvain ?tait aussi incapable d'un mauvais dessein que celui qui vient de na?tre...>>

Guillaume d'Ars en ?tait l? de son r?cit, qui l'avait conduit jusqu'en vue de Briantes, lorsqu'une esp?ce de demoiselle bourgeoise, v?tue de noir, de rouge et de gris, portant la robe trouss?e et le collet mont?, se trouva venir ? sa rencontre et approcha de sa botte pour lui faire force r?v?rences.

--H?las! monsieur, dit-elle, vous alliez peut-?tre demander ? d?ner ? mon honor? ma?tre, le marquis de Bois-Dor?? Mais vous ne le trouverez point: il est ? la Motte-Seuilly pour la journ?e, nous ayant donn? cong? jusqu'? la nuit.

Cette nouvelle contraria beaucoup le jeune d'Ars; mais il ?tait trop bien ?lev? pour en laisser rien para?tre et, prenant son parti tout de suite:

--C'est bien, demoiselle Bellinde, dit-il en se d?couvrant courtoisement; nous irons jusqu'? la Motte-Seuilly. Bonne promenade et bonjour!

Puis, pour ravaler sa contrari?t?, il dit ? d'Alvimar, en l'invitant ? tourner bride avec lui:

--N'est-ce pas que voil? une gouvernante tr?s-rago?tante et dont la bonne mine donne une savoureuse id?e du logis de ce cher Bois-Dor??

Bellinde, qui entendit cette r?flexion faite ? voix haute et d'un ton jovial, se rengorgea, sourit, et, appelant un petit valet d'?curie dont elle se faisait escorter comme d'un page, elle tira de ses larges manches deux petits chiens blancs qu'elle lui fit poser doucement sur le gazon comme pour les faire promener, mais, en r?alit?, pour se tenir tourn?e vers les cavaliers et faire appr?cier plus longtemps son habillement de belle sergette neuve et sa taille rondelette.

C'?tait une fille de trente-cinq ans, haute en couleur, et dont les cheveux tiraient sur le rouge, ce qui n'?tait pas d?sagr?able ? voir; car elle en avait une quantit? et les portait cr?p?s sous son toquet, au grand d?plaisir des dames du pays, qui lui reprochaient de vouloir outre-passer sa condition. Mais elle avait l'air m?chant, m?me en faisant l'agr?able.

--Pourquoi l'appelez-vous Bellinde? demanda d'Alvimar ? Guillaume. Est-ce un nom de ce pays?

--Oh! nullement; son nom est Guillette Carcat; mais M. de Bois-Dor? l'a baptis?e, suivant sa coutume: c'est une manie que je vous expliquerai tant?t. J'ai ? vous raconter d'abord la suite de son histoire.

--C'est inutile, reprit d'Alvimar en arr?tant son cheval; malgr? votre bonne gr?ce et votre courtoisie, je vois bien que je vous suis un embarras consid?rable. Poussons jusqu'? ce ch?teau de Briantes, et vous m'y laisserez avec une lettre que vous ?crirez ? M. de Bois-Dor? pour me recommander ? lui. Puisqu'il doit revenir ? la nuit, je l'attendrai en me reposant.

--Non pas, non pas! s'?cria Guillaume; j'aimerais mieux renoncer aux r?jouissances de Bourges, et je l'eusse d?j? fait, n'?tait la parole que j'ai donn?e ? quelques amis de m'y trouver ce soir. Mais, certes, je ne vous quitterai pas sans vous avoir recommand? moi-m?me ? un ami agr?able et fid?le. La Motte-Seuilly n'est pas ? une lieue d'ici, et il n'est pas besoin de fatiguer nos chevaux. Prenons le temps, j'arriverai ? Bourges une heure ou deux plus tard, et, en ce moment de f?tes, je trouverai encore les portes ouvertes.

Et il reprit l'histoire de Bois-Dor?, que d'Alvimar ?couta fort peu.

Celui-ci ?tait pr?occup? de sa s?ret? et ne trouvait pas le pays qu'il parcourait bien propre a son dessein de se tenir cach?.

C'?tait un pays plat et ouvert, o?, en cas de f?cheuse rencontre, il n'?tait gu?re possible de se mettre ? l'abri d'un bois ou seulement d'un bouquet d'arbres. La terre fromentale est trop bonne par l? pour qu'on y ait jamais souffert d'ombrage. Fine et rouge, elle s'?tend au soleil sur les larges ondulations d'une plaine immense, triste ? la vue, quoique born?e de belles collines et sem?e d'?l?gants castels.

Pourtant Briantes, dont nos voyageurs s'?taient fort approch?s, avait pr?sent? ? d'Alvimar un aspect plus rassurant.

? dix minutes de chemin du ch?teau, la plaine s'abaisse tout d'un coup et vous conduit, en pentes adoucies, vers un ?troit vallon bien ombrag?.

Le castel lui-m?me ne se voit que quand on est dessus, comme on dit dans le pays, et le mot est juste, car le clocheton ardois? de sa plus haute tour s'?l?ve fort peu au-dessus du plateau, et, quand, de la plaine, on le voit briller au soleil couchant, on dirait d'une mince lanterne dor?e pos?e sur le bord du ravin.

Il en est ? peu pr?s de m?me du ch?teau de la Motte-Seuilly, situ? plus bas que la plaine du Chaumois, mais non pas aussi agr?ablement que Briantes, car, au lieu d'un joli vallon, il est tristement plant? dans une r?gion plate et sans ?tendue.

--Et de son jeune fr?re, qu'est-il advenu? dit d'Alvimar, qui faisait effort pour s'int?resser ? ce r?cit.

--Ce jeune fr?re n'est plus, r?pondit d'Ars. Bois-Dor? l'a peu connu, car son p?re l'avait engag? de bonne heure au service du duc de Savoie, o? il est mort d'une fa?on...

Ici, Guillaume fut encore interrompu par un incident qui parut contrarier beaucoup d'Alvimar, soit qu'il commen??t ? prendre int?r?t aux renseignements de son compagnon, soit qu'il e?t, en qualit? d'Espagnol, une r?pugnance marqu?e pour les interrupteurs.

C'?tait une bande de boh?miens, qui, couch?e tout ? plat dans un foss?, se releva comme une vol?e de moineaux ? l'approche des cavaliers et fit faire un ?cart au cheval de M. d'Alvimar. Mais c'?taient des moineaux trop bien apprivois?s; car, au lieu de s'envoler au loin, ils se jet?rent presque dans les jambes des chevaux, sautant, criant et tendant la main d'une fa?on piteuse et grimaci?re.

Guillaume ne songea qu'? rire de leurs mani?res ?tranges, et, tr?s-g?n?reusement, leur fit l'aum?ne; mais d'Alvimar se montra singuli?rement bourru et ne fit que leur dire en les mena?ant de son fouet:

--Loin, loin! loin de moi, canaille!

Mais l'incident ne finit pas l?: une petite femme assez belle, quoique bien fl?trie et mal accoutr?e, prit l'enfant et, lui parlant comme si elle e?t ?t? sa m?re, le poussa du c?t? de Guillaume, puis se mit ? courir aussi apr?s d'Alvimar, en lui tendant la main, mais en le regardant, comme si elle e?t voulu ne jamais oublier sa figure.

D'Alvimar, irrit? de plus en plus, poussa son cheval du c?t? de cette femme, et l'e?t renvers?e si elle ne se f?t gar?e vivement; et m?me il porta la main sur la crosse d'un de ses pistolets de selle, comme s'il ne lui e?t rien co?t? de tirer sur ces mauvaises b?tes d'idol?tres.

Les boh?miens se regard?rent alors entre eux et se serr?rent comme pour se consulter.

--Parce que vous avez f?ch? ces oiseaux noirs. Voyez! ils se rassemblent comme des grues en d?tresse, et, ma foi! ils sont une vingtaine et nous ne sommes que sept.

--Comment donc, mon cher Guillaume, vous craignez quelque chose de la part de ces animaux faibles et poltrons?

--Je n'ai pas grand'coutume de craindre, r?pondit le jeune homme un peu piqu?; mais je trouverais bien d?plaisant d'avoir ? faire feu sur ces pauvres loqueteux, et je suis ?tonn? de l'humeur qu'ils vous ont caus?e, quand il ?tait si facile de vous en d?barrasser avec quelque menue monnaie.

--Je ne donne jamais ? ces gens-l?, dit Sciarra d'Alvimar d'un ton sec et bref qui surprit le bienveillant Guillaume.

Celui-ci sentit que son compagnon avait ce qu'on appellerait aujourd'hui mal aux nerfs, et il s'abstint de le bl?mer. Seulement, il insista pour doubler le pas; car la bande de boh?miens, marchant plus vite que les chevaux ne trottaient, les suivait et les devan?ait, distribu?s en deux bandes qui bordaient les deux c?t?s du chemin.

Ces gens n'avaient pourtant pas l'air hostile, et il ?tait difficile de deviner quelle ?tait leur intention en escortant ainsi nos cavaliers.

Ils se parlaient entre eux dans une langue inintelligible, et ne paraissaient occup?s que de la femme qui marchait ? leur t?te.

L'enfant que M. d'Alvimar avait voulu frapper de son fouet se tenait ? c?t? de M. d'Ars, comme s'il e?t compt? sur sa protection, et paraissait prendre grand int?r?t ? cette course extraordinaire. Guillaume remarqua que ce petit gar?on ?tait moins sale et moins noir que les autres et que ses traits agr?ables et d?licats n'avaient aucun rapport de type avec celui des boh?miens.

S'il e?t fait la m?me attention ? la femme que d'Alvimar avait offens?e et menac?e, il e?t remarqu? aussi que, sans ressembler le moins du monde ? cet enfant, elle ne ressemblait pas davantage ? ses autres compagnons de mis?re. Elle avait un air plus noble et plus doux. Elle n'?tait pas non plus de race europ?enne, bien qu'elle port?t le costume montagnard des Pyr?n?es.

Ce qu'il y avait de surprenant, c'est que, tout en ayant tr?s-bien compris le geste que Sciarra avait fait pour prendre son pistolet, malgr? le naturel craintif des mendiants et bateleurs de cette esp?ce, elle marchait hardiment pr?s de lui, n'essayant plus de l'importuner, n'ayant point l'air de le menacer, mais le regardant toujours avec une tr?s-grande attention.

La chose parut v?ritablement insolente ? d'Alvimar, et, pour bien peu, il e?t ?cout? les suggestions de son humeur fantasque et violente.

Guillaume y prit garde, et, craignant quelque f?cheuse affaire et d'?tre forc? de prendre parti pour le gentilhomme hautain contre la canaille inoffensive, il poussa son cheval entre Sciarra et la petite femme, fit signe ? celle-ci de s'arr?ter, et lui parla ainsi, moiti? riant, moiti? s?rieux:

--Vous plairait-il nous dire, reine des gen?ts et des bruy?res, si c'est pour nous faire honte ou honneur que vous nous suivez de la sorte, et si nous devons prendre en gr? ou en d?plaisir la c?r?monie que vous nous faites?

L'?gyptienne secoua la t?te et fit un signe au jeune gars qui avait ?t? la pierre des mains de l'enfant.

Il s'approcha, et, d'un ton patelin, avec une mine insolente, parlant fran?ais sans aucun accent:

--Merc?d?s, dit-il en d?signant la femme silencieuse, n'entend pas la langue de Vos Seigneuries. C'est moi qui parle pour ceux des n?tres qui ne savent pas s'expliquer.

--Bien, dit Guillaume, tu es l'orateur de la troupe; comment t'appelles-tu, toi, monsieur l'effront??

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

Back to top Use Dark Theme