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Munafa ebook

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Read Ebook: Discours par Maximilien Robespierre — 5 Fevrier 1791-11 Janvier 1792 by Robespierre Maximilien Vellay Charles Editor

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Ebook has 203 lines and 39756 words, and 5 pages

ra consacr? ? l'assembl?e du jury d'accusation.

Huitaine avant le jour, le directeur du jury fera tirer au sort, en pr?sence du public, huit citoyens, sur la liste de ceux qui auront ?t? choisis par tous les cantons, et ces huit formeront le jury d'accusation.

Quand le jury sera assembl?, il pr?tera devant le directeur du jury le serment suivant: Nous jurons d'examiner, avec une attention scrupuleuse, les t?moignages et les pi?ces qui nous seront pr?sent?es, et de nous expliquer sur l'accusation, selon notre conscience.

Ensuite l'acte d'accusation leur sera remis; ils examineront les pi?ces, entendront les t?moins, et d?lib?reront entre eux.

Ils feront ensuite leur d?claration, qui portera qu'il y a lieu, ou qu'il y a pas lieu ? l'accusation.

Le nombre de huit jur?s sera absolument indispensable pour rendre cette d?claration.

Il faudra l'unanimit? des voix pour d?clarer qu'il y a lieu ? accusation.

Formation du Jury de jugement.

Il sera fait une liste g?n?rale de tous les jur?s qui auront ?t? choisis dans tous les districts du d?partement.

Sur cette liste, le premier de chaque mois, le pr?sident du tribunal criminel, dont il sera parl? ci-apr?s, fera tirer au sort 16 jur?s qui formeront le jury de jugement.

Le 15 de chaque mois, s'il y a quelque affaire ? juger, ces 16 jur?s s'assembleront, d'apr?s la convocation qui en aura ?t? faite.

L'accus? pourra r?cuser 30 jur?s sans donner aucun motif.

Il pourra r?cuser, en outre, tous ceux qui auraient assist? au jury d'accusation.

Formation du Tribunal criminel.

Il sera ?tabli un tribunal criminel par chaque d?partement.

Ce tribunal sera compos? de six juges pris ? tour de r?le, tous les six mois, parmi les jug?s des tribunaux de district.

Il sera nomm? tous les deux ans, par les ?lecteurs du d?partement, un pr?sident du tribunal criminel, dont les fonctions vont ?tre fix?es.

Outre les fonctions de juge, qui lui sont communes avec les autres membres du tribunal, il sera charg? de faire tirer au sort les jur?s, de les convoquer, de leur exposer l'affaire qu'ils ont ? juger, et de pr?sider ? l'instruction.

Il pourra, sur la demande et pour l'int?r?t de l'accus?, permettre ou ordonner ce qui pourrait ?tre utile ? la manifestation de l'innocence, quand bien m?me cela serait hors des formes ordinaire de la proc?dure d?termin?e par la loi.

L'accusateur public sera nomm? tous les deux ans par les ?lecteurs du d?partement.

Ses fonctions se borneront ? poursuivre les d?lits sur les actes d'accusation admis par les premiers jur?s.

Le Roi ne pourra lui adresser aucun ordre pour la poursuite des crimes, attendu que cette pr?rogative serait incompatible avec les principes constitutionnels sur la s?paration des pouvoirs, et avec la libert?.

Le Corps L?gislatif lui-m?me ne pourra lui adresser de pareils ordres, la Constitution renfermant sa comp?tence dans la poursuite des crimes de l?se-nation, devant le tribunal ?tabli pour les punir.

L'accusateur public ?tant nomm? par le peuple, pour poursuivre, en son nom, les d?lits qui troublent la soci?t?, aucun commissaire du Roi ne pourra partager avec lui aucune de ses fonctions, ni se m?ler, en aucune mani?re, de l'instruction des affaires criminelles.

Mani?re de proc?der devant le Jury de jugement.

Les d?positions des t?moins seront r?dig?es par ?crit, si l'accus? le demande; mais, quel que soit leur contenu, les jur?s p?seront toutes les circonstances de l'affaire, et ne se d?termineront que par une intime conviction.

N?anmoins, si les d?positions ?crites sont ? la d?charge de l'accus?, ils ne pourront le condamner, quelle que soit d'ailleurs leur opinion particuli?re.

L'unanimit? sera absolument n?cessaire pour d?clarer l'accus? convaincu.

Il n'y aura pas d'appel du jugement des jur?s; mais, si deux membres du tribunal criminel pensaient que l'accus? a ?t? injustement condamn?, il pourra demander un nouveau jury pour examiner l'affaire une seconde fois.

Les jur?s seront, comme les juges, indemnis?s par l'Etat du temps qu'ils donneront au service public.

Tout homme pris en flagrant d?lit pourra ?tre arr?t? par tout agent de police et m?me par tout citoyen.

Hors ce cas, nul citoyen ne pourra ?tre arr?t? qu'en vertu d'une ordonnance de police ou de justice, selon que le fait, par sa nature, pourra donner lieu ? une proc?dure criminelle, ou qu'il sera simplement du ressort de la police.

Lorsqu'il ne s'agira pas d'un d?lit emportant peine afflictive, tout citoyen qui donnera caution de se repr?senter sera laiss? ? la garde de ceux qui l'auront cautionn?.

Je sens bien que les Comit?s ne manqueront pas d'attaquer les deux premi?res bases de ce syst?me: le pouvoir d'?lire que je veux donner au peuple, et le principe d'?galit? que je veux maintenir. Je terminerai cette discussion en pr?venant leurs objections.

Pour nommer les jur?s tous les ans, il faudra tous les ans une assembl?e nouvelle, me diront-ils; or, les assembl?es sont incommodes et fatigantes pour le peuple. Je sais bien que, d?s le commencement de la r?volution, on cherche ? propager ce principe; mais il ne peut ?tre accueilli que par ceux qui veulent sacrifier le peuple et la libert? ? des embarras et ? des difficult?s qu'ils se plaisent ? cr?er. Rassurez-vous, le peuple aimera mieux s'assembler quelquefois pour user de ses droits, que de retomber sous le joug de ses tyrans. Ne d?couragez pas son patriotisme, n'abattez pas son courage; ne le rendez pas ?tranger ? la patrie, par les distinctions funestes de citoyens ?ligibles, de citoyens actifs, et vous verrez que des hommes libres ne raisonnent pas comme les despotes.

J'avoue que mon syst?me a d'abord en apparence ce d?savantage vis-?-vis de celui du Comit?, que les jur?s seront connus un an d'avance, au lieu que, dans celui du Comit?, ils ne le seront que trois mois d'avance; mais il faut d'abord observer que ceux qui, dans chaque affaire, devront de fait en exercer les fonctions, ne le seront qu'? une ?poque voisine du jugement; et l'on sent assez d'ailleurs que cet avantage de cacher plus ou moins leurs noms n'est qu'accessoire et bien subordonn? ? la n?cessit? du choix du peuple et aux premiers principes de la libert?.

Ces principes seraient an?antis; l'?galit? des droits, qui assure ? tous les citoyens la facult? d'?tre ?lus par la confiance publique, serait illusoire, si la diff?rence des fortunes mettait le plus grand nombre d'entre eux dans l'impossibilit? physique de soutenir le poids des fonctions nationales. C'est pour cela que je regarde comme tenant essentiellement ? la libert? l'article par lequel je propose d'indemniser les jur?s. J'avoue qu'en g?n?ral ce n'est pas sans alarmes que j'ai vu introduire encore le syst?me de laisser sans salaire un grand nombre de fonctionnaires publics. Ce n'est pas surtout sans ?tonnement que j'ai entendu les membres du Comit? prononcer cette maxime nouvelle, que si les jur?s ?taient indemnis?s, cette institution serait d?shonor?e. Les juges, les administrateurs sont donc d?shonor?s, parce que la justice, la dignit?, l'int?r?t de la soci?t? exigent qu'ils soient salari?s? Les l?gislateurs sont d?shonor?s! Le Roi, surtout, doit ?tre bien humili? de sa liste civile! Je ne sais si cette esp?ce de d?licatesse-l? para?t ? quelqu'un bien sublime. Pour moi, je la trouve ou bien pu?rile, ou bien perfide. Oui, le plus dangereux de tous les pi?ges que l'on peut tendre au patriotisme, la plus funeste mani?re de trahir le peuple, en le livrant ? l'aristocratie des riches, c'est sans contredit d'accr?diter cette absurde doctrine, qu'il est honteux de n'?tre pas assez riche pour vivre en servant la patrie sans indemnit?; c'est d'oser mettre en parall?le, avec quelques d?penses n?cessaires, l'int?r?t sacr? de la libert? et de la patrie.

Messieurs,

Apr?s la facult? de penser, celle de communiquer ses pens?es ? ses semblables est l'attribut le plus frappant qui distingue l'homme de la brute. Elle est tout ? la fois le signe de la vocation immortelle de l'homme ? l'?tat social, le lien, l'?me, l'instrument de la soci?t?, le moyen unique de la perfectionner, d'atteindre le degr? de puissance, de lumi?res et de bonheur dont il est susceptible.

Qu'il les communique par la parole, par l'?criture ou par l'usage de cet art heureux qui a recul? si loin les bornes de son intelligence, et qui assure ? chaque homme les moyens de s'entretenir avec le genre humain tout entier, le droit qu'il exerce est toujours le m?me, et la libert? de la presse ne peut ?tre distingu?e de la libert? de la parole; l'une et l'autre est sacr?e comme la nature; elle est n?cessaire comme la soci?t? m?me.

Par quelle fatalit? les lois se sont-elles donc presque partout appliqu?es ? la violer? C'est que les lois ?taient l'ouvrage des despotes, et que la libert? de la presse est le plus redoutable fl?au du despotisme. Comment expliquer en effet le prodige de plusieurs millions d'hommes opprim?s par un seul, si ce n'est par la profonde ignorance et par la stupide l?thargie o? ils sont plong?s? Mais que tout homme qui a conserv? le sentiment de sa dignit? puisse d?voiler les vues perfides et la marche tortueuse de la tyrannie; qu'il puisse opposer sans cesse les droits de l'humanit? aux attentats qui les violent, la souverainet? des peuples ? leur avilissement et ? leur mis?re; que l'innocence opprim?e puisse faire entendre impun?ment sa voix redoutable et touchante, et la v?rit? rallier tous les esprits el tous les coeurs, aux noms sacr?s de libert? et de patrie; alors l'ambition trouve partout des obstacles, et le despotisme est contraint de reculer ? chaque pas ou de venir se briser contre la force invincible de l'opinion publique et de la volont? g?n?rale. Aussi voyez avec quelle artificieuse politique les despotes se sont ligu?s contre la libert? de parler et d'?crire; voyez le farouche inquisiteur la poursuivre au nom du ciel, et les princes au nom des lois qu'ils ont faites eux-m?mes pour prot?ger leurs crimes. Secouons le joug des pr?jug?s auxquels ils nous ont asservis, et apprenons d'eux ? conna?tre tout le prix de la libert? de la presse.

Quelle doit en ?tre la mesure? Un grand peuple, illustre par la conqu?te r?cente de la libert?, r?pond ? cette question par son exemple.

La libert? de la presse doit ?tre enti?re et ind?finie, ou elle n'existe pas. Je ne vois que deux moyens de la modifier: l'un d'en assujettir l'usage ? de certaines restrictions et ? de certaines formalit?s, l'autre d'en r?primer l'abus par des lois p?nales; l'un et l'autre de ces deux objets exige la plus s?rieuse attention.

D'abord il est ?vident que le premier est inadmissible, car chacun sait que les lois sont faites pour assurer ? l'homme le libre d?veloppement de ses facult?s, et non pour les encha?ner; que leur pouvoir se borne ? d?fendre ? chacun de nuire aux droits d'autrui, sans lui interdire l'exercice des siens. Il n'est plus n?cessaire aujourd'hui de r?pondre ? ceux qui voudraient donner des entraves ? la presse sous le pr?texte de pr?venir les abus qu'elle peut produire. Priver un homme des moyens que la nature et l'art ont mis en son pouvoir de communiquer ses sentiments et ses id?es, pour emp?cher qu'il n'en fasse un mauvais usage, ou bien encha?ner sa langue de peur qu'il ne calomnie, ou lier ses bras de peur qu'il ne les tourne contre ses semblables, tout le monde voit que ce sont l? des absurdit?s du m?me genre, que cette m?thode est tout simplement le secret du despotisme qui, pour rendre les hommes sages et paisibles, ne conna?t pas de meilleur moyen que d'en faire des instruments passifs et de vils automates. Eh! quelles seraient les formalit?s auxquelles vous soumettriez le droit de manifester ses pens?es? D?fendrez-vous aux citoyens de poss?der des presses, pour faire, d'un bienfait commun ? l'humanit? enti?re, le patrimoine de quelques mercenaires? Donnerez-vous ou vendrez-vous aux uns le privil?ge exclusif de disserter p?riodiquement sur des objets de litt?rature, aux autres celui de parler de politique et des ?v?nements publics? D?cr?terez-vous que les hommes ne pourront donner l'essor ? leurs opinions, si elles n'ont obtenu le passeport d'un officier do police, ou qu'ils ne penseront qu'avec l'approbation d'un censeur, et par permission du gouvernement? Tels sont en effet les chefs-d'oeuvre qu'enfanta l'absurde manie de donner des lois ? la presse: mais l'opinion publique et la volont? g?n?rale de la nation ont proscrit, depuis longtemps, ces inf?mes usages. Je ne vois en ce genre qu'une id?e qui semble avoir surnag?, c'est celle de proscrire toute esp?ce d'?crit qui ne porterait point le nom de l'auteur ou de l'imprimeur, et de rendre ceux-ci responsables; mais comme cette question est li?e ? la seconde partie de notre discussion, c'est-?-dire ? la th?orie des lois p?nales sur la presse, elle se trouvera r?solue par les principes que nous allons ?tablir sur ce point.

Peut-on ?tablir des peines contre ce qu'on appelle l'abus de la presse? Dans quels cas ces peines pourraient-elles avoir lieu? Voil? de grandes questions qu'il faut r?soudre, et peut-?tre la partie la plus importante de notre code constitutionnel.

La libert? d'?crire peut s'exercer sur deux objets, les choses et les personnes.

Le premier de ces objets renferme tout ce qui touche aux plus grands int?r?ts de l'homme et de la soci?t?, tels que la morale, la l?gislation, la politique, la religion. Or, les lois ne peuvent jamais punir aucun homme, pour avoir manifest? ses opinions sur toutes ces choses. C'est par la libre et mutuelle communication de ses pens?es que l'homme perfectionne ses facult?s, s'?claire sur ses droits, et s'?l?ve au degr? de vertu, de grandeur, de f?licit?, auquel la nature lui permet d'atteindre. Mais cette communication, comment peut-elle se faire, si ce n'est de la mani?re que la nature m?me l'a permise? Or, c'est la nature m?me qui veut que les pens?es de chaque homme soient le r?sultat de son caract?re et de son esprit, et c'est elle qui a cr?? cette prodigieuse diversit? des esprits et des caract?res. La libert? de publier son opinion ne peut donc ?tre autre chose que la libert? de publier toutes les opinions contraires. Il faut, ou que vous lui donniez cette ?tendue, ou que vous trouviez le moyen de faire que la v?rit? sorte d'abord toute pure et toute nue de chaque t?te humaine. Elle ne peut sortir que du combat de toutes les id?es vraies ou fausses, absurdes ou raisonnables. C'est dans ce m?lange que la raison commune, la facult? donn?e ? l'homme de discerner le bien et le mal, s'exerce ? choisir les unes, ? rejeter les autres. Voulez-vous ?ter ? vos semblables l'usage de cette facult?, pour y substituer votre autorit? particuli?re? Mais quelle main tracera la ligne de d?marcation qui s?pare l'erreur de la v?rit?? Si ceux qui font les lois ou ceux qui les appliquent ?taient des ?tres d'une intelligence sup?rieure ? l'intelligence humaine, ils pourraient exercer cet empire sur les pens?es; mais s'ils ne sont que des hommes, s'il est absurde que la raison d'un homme soit, pour ainsi dire, souveraine de la raison de tous les autres hommes, toute loi p?nale contre la manifestation des opinions n'est qu'une absurdit?.

Elle renverse les premiers principes de la libert? civile, et les plus simples notions de l'ordre social. En effet, c'est un principe incontestable que la loi ne peut infliger aucune peine l? o? il ne peut y avoir un d?lit susceptible d'?tre caract?ris? avec pr?cision, et reconnu avec certitude; sinon la destin?e des citoyens est soumise aux jugements arbitraires, et la libert? n'est plus. Les lois peuvent atteindre les actions criminelles, parce qu'elles consistent en faits sensibles, qui peuvent ?tre clairement d?finis et constat?s suivant des r?gles s?res et constantes: mais les opinions! leur caract?re bon ou mauvais ne peut ?tre d?termin? que par des rapports plus ou moins compliqu?s avec des principes de raison, de justice, souvent m?me avec une foule de circonstances particuli?res. Me d?nonce-t-on un vol, un meurtre; j'ai l'id?e d'un acte dont la d?finition est simple et fix?e, j'interroge des t?moins. Mais on me parle d'un ?crit incendiaire, dangereux, s?ditieux; qu'est-ce qu'un ?crit incendiaire, dangereux, s?ditieux? Ces qualifications peuvent-elles s'appliquer ? celui qu'on me pr?sente? Je vois na?tre ici une foule de questions qui seront abandonn?es ? toute l'incertitude des opinions; je ne trouve plus ni fait, ni t?moins, ni loi, ni juge; je n'aper?ois qu'une d?nonciation vague, des arguments, des d?cisions arbitraires. L'un trouvera le crime dans la chose, l'autre dans l'intention, un troisi?me dans le style. Celui-ci m?conna?tra la v?rit?; celui-l? la condamnera en connaissance de cause; un autre voudra punir la v?h?mence de son langage, le moment m?me qu'elle aura choisi pour faire entendre sa voix. Le m?me ?crit qui para?tra utile et sage ? l'homme ardent et courageux, sera proscrit comme incendiaire par l'homme froid et pusillanime; l'esclave ou le despote ne verra qu'un extravagant ou un factieux o? l'homme libre reconna?t un citoyen vertueux. Le m?me ?crivain trouvera, suivant la diff?rence des temps et des lieux, des ?loges ou des pers?cutions, des statues ou un ?chafaud. Les hommes illustres, dont le g?nie a pr?par? cette glorieuse r?volution, sont enfin plac?s, par nous, au rang des bienfaiteurs de l'humanit?: qu'?taient-ils durant leur vie aux yeux des gouvernements? des novateurs dangereux, j'ai presque dit des rebelles. Est-il bien loin de nous, le temps o? les principes m?mes que nous avons consacr?s auraient ?t? condamn?s comme des maximes criminelles par ces m?mes tribunaux que nous avons d?truits? Que dis-je! aujourd'hui m?me, chacun de nous ne para?t-il pas un homme diff?rent aux yeux des divers partis qui divisent l'Etat; et dans ces lieux m?mes, au moment o? je parle, l'opinion que je propose ne para?t-elle pas aux uns un paradoxe, aux autres une v?rit?? ne trouve-t-elle pas ici des applaudissements, et l? presque des murmures? Or, que deviendrait la libert? de la presse, si chacun ne pouvait l'exercer qu'? peine de voir son repos et ses droits les plus sacr?s livr?s ? tous les caprices, ? tous les pr?jug?s, ? toutes les passions, ? tous les int?r?ts?

Mais ce qu'il importe surtout de bien observer, c'est que toute peine d?cern?e contre les ?crits, sous le pr?texte de r?primer l'abus de la presse, tourne enti?rement au d?savantage de la v?rit? et de la vertu, et au profit du vice, de l'erreur et du despotisme.

L'homme de g?nie qui r?v?le de grandes v?rit?s ? ses semblables est celui qui a devanc? l'opinion de son si?cle: la nouveaut? hardie de ses conceptions effarouche toujours leur faiblesse et leur ignorance; toujours les pr?jug?s se ligueront avec l'envie, pour le peindre sous des traits odieux ou ridicules. C'est pour cela pr?cis?ment que le partage des grands hommes fut constamment l'ingratitude de leurs contemporains, et les hommages tardifs de la post?rit?; c'est pour cela que la superstition jeta Galil?e dans les fers et bannit Descartes de sa patrie. Quel sera donc le sort de ceux qui, inspir?s par le g?nie de la libert?, viendront parler des droits et de la dignit? de l'homme ? des peuples qui les ignorent? Ils alarment presque ?galement et les tyrans qu'ils d?masquent, et les esclaves qu'ils veulent ?clairer. Avec quelle facilit? les premiers n'abuseraient-ils pas de cette disposition des esprits, pour les pers?cuter au nom des lois! Rappelez-vous pour quoi, pour qui s'ouvraient, parmi vous, les cachots, du despotisme; contre qui ?tait dirig? le glaive m?me des tribunaux. La pers?cution ?pargna-t-elle l'?loquent et vertueux philosophe de Gen?ve? Il est mort; une grande r?volution laissait, pour quelques moments du moins, respirer la v?rit?, vous lui avez d?cern? une statue; vous avez honor? et secouru sa veuve au nom de la patrie; je ne conclurai pas m?me de ces hommages que, vivant et plac? sur le th??tre o? son g?nie devait l'appeler, il n'essuy?t pas au moins le reproche si banal d'homme morose et exag?r?.

S'il est vrai que le courage des ?crivains d?vou?s ? la cause de la justice et de l'humanit? soit la terreur de l'intrigue et de l'ambition des hommes en autorit?, il faut bien que les lois contre la presse deviennent entre les mains de ces derniers une arme terrible contre la libert?. Mais tandis qu'ils poursuivront ses d?fenseurs, comme des perturbateurs de l'ordre public, et comme des ennemis de l'autorit? l?gitime, vous les verrez caresser, encourager, soudoyer ces ?crivains dangereux, ces vils professeurs de mensonge et de servitude, dont la funeste doctrine, empoisonnant dans sa source la f?licit? des si?cles, perp?tue sur la terre les l?ches pr?jug?s des peuples et la puissance monstrueuse des tyrans, les seuls dignes du titre de rebelles, puisqu'ils osent lever l'?tendard contre la souverainet? des nations, et contre la puissance sacr?e de la nature. Vous les verrez encore favoriser, de tout leur pouvoir, toutes ces productions licencieuses qui all?rent les principes de la morale, corrompent les moeurs, ?nervent le courage et d?tournent les peuples du soin de la chose publique, par l'app?t des amusements frivoles, on par les charmes empoisonn?s de la volupt?. C'est ainsi que toute entrave mise ? la libert? de la presse est entre leurs mains un moyen de diriger l'opinion publique au gr? de leur int?r?t personnel, et de fonder leur empire sur l'ignorance et sur la d?pravation g?n?rale. La presse libre est la gardienne de la libert?; la presse g?n?e en est le fl?au. Ce sont les pr?cautions m?mes que vous prenez contre ses abus qui les produisent presque tous; ce sont ces pr?cautions qui vous en ?tent tous les heureux fruits, pour ne vous en laisser que les poisons. Ce sont ces entraves qui produisent ou une timidit? servile, ou une audace extr?me. Ce n'est que sous les auspices de la libert? que la raison s'exprime avec le courage et le calme qui la caract?risent. C'est ? elles encore que sont dus les succ?s des ?crits licencieux, parce que l'opinion y met un prix proportionn? aux obstacles qu'ils ont franchis, et ? la haine qu'inspire le despotisme qui veut ma?triser jusqu'? la pens?e. Otez-lui ce mobile, elle les jugera avec une s?v?re impartialit?, et les ?crivains dont elle est la souveraine ne brigueront ses faveurs que par des travaux utiles: ou plut?t soyez libres; avec la libert? viendront toutes les vertus, et les ?crits que la presse mettra au jour seront purs, graves et sains comme ses moeurs.

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