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Munafa ebook

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Read Ebook: Le féminisme français I: L'émancipation individuelle et sociale de la femme by Turgeon Charles Marie Joseph

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Ebook has 1029 lines and 136442 words, and 21 pages

Quant ? la jeune fille de la riche bourgeoisie, sans vouloir en parler trop malignement, il serait pu?ril de cacher qu'elle est en train de perdre, en certains milieux, la fra?cheur d'?me, la r?serve ing?nue, le parfait ?quilibre de ses devanci?res. Aura-t-elle l'esprit aussi droit, la sant? aussi ferme, le coeur aussi vaillant? L'an?mie l'a d?j? touch?e, et la n?vrose la guette. Non que la jeune fille d'autrefois n'existe plus en province: on en trouverait des milliers m?me ? Paris. Beaucoup sont aussi s?v?rement ?lev?es que le furent leurs grand'm?res. On ne les voit point au th??tre; elles ne sortent jamais sans ?tre accompagn?es; elles savent qu'il est de mauvais ton de danser plus de trois fois avec le m?me jeune homme. Toutes ces <>, d'ailleurs, leur semblent parfaitement ennuyeuses. Mais les moeurs sont trop routini?res en France pour que ces recluses se puissent transformer rapidement en ?vapor?es.

Et pourtant, ne vous est-il jamais arriv? de rencontrer dans un salon, de ces charmantes petites personnes, pr?cocement d?velopp?es, instruites et malicieuses, ne doutant de rien et parlant de tout avec une hardiesse tranquille qui d?concerte les vieilles gens et amuse les jeunes, joignant la coquetterie ? l'assurance et l'impertinence ? la s?duction, sortes de roses de salon, pr?matur?ment ?closes, dont le charme attirant ne cache point assez les ?pines? Tr?s positives et tr?s renseign?es, ces demoiselles <> ont d?j?, semble-t-il, l'exp?rience de la vie.

N'en marquons point de surprise: nous traitons nos enfants en camarades. Sous pr?texte de franchise et de sinc?rit?, nous n'?pargnons pas ? leurs oreilles les libres propos et les conversations hardies; nous laissons tra?ner sur la table de famille les livres les moins propres ? entretenir la retenue et la modestie; bref, nous perdons peu ? peu le respect de l'enfance. Si bien que nos imprudences m?mes, jointes ? une instruction plus avanc?e, ouvrent leur imagination ? mille choses qu'on s'appliquait jadis ? leur cacher soigneusement. De l?, ce type nouveau de jeune fille ind?pendante, moqueuse, ? l'intelligence vive et inqui?tante, qui commence ? nous appara?tre, m?me en province. Et comme, suivant la tr?s sage remarque de Mme Arv?de Barine, <>, je me demande, en v?rit?, si cette jeune fille, ?lev?e ? jouir de la vie pour son propre compte,--sans faire une <> dans le sens d?favorable du mot,--sera plus tard aussi docile que ses a?n?es aux conseils et aux directions de son mari, aussi fid?le ? son int?rieur et, chose plus grave, aussi d?vou?e aux t?ches sacr?es de la maternit?.

Apr?s avoir constat? que les r?alit?s du pr?sent et les pr?visions de l'avenir nous r?v?lent, chez la bourgeoise d'aujourd'hui et surtout chez la bourgeoise de demain, une tendance ? secouer la supr?matie masculine, il est temps d'observer, ? leur d?charge, que les hommes n'ont point le droit de s'en laver les mains. Est-ce donc ? la femme qu'incombe la responsabilit? de l'effondrement des vieilles traditions et des vieilles croyances? Quel sexe a ?branl? les assises de la famille? Tout ce qui faisait jadis la femme respectueuse de l'autorit? maritale, tout ce qui justifiait le droit de commander pour l'?poux et le devoir d'ob?ir pour l'?pouse, c'est-?-dire les antiques notions d'ordre, de hi?rarchie, de suj?tion, les sentiments de modestie, de patience et de r?signation, nos moralistes, dramaturges, romanciers ou politiciens l'ont d?nonc? comme un tissu de pr?jug?s surann?s et accablants dont il importait d'all?ger les ?paules de la femme moderne. Ils ont si bien revendiqu? l'?galit? civile et politique, que le go?t du nivellement s'est insinu? dans tous les esprits et jusque dans les m?nages. Et nous nous ?tonnons que la plus belle moiti? du genre humain traite la subordination de son sexe de non-sens et d'iniquit?! Prenez donc garde, mes amis, que nous l'avons convaincue de l'humiliation qu'entra?ne toute ob?issance! Quoi de plus naturel qu'elle se rebiffe contre son seigneur et ma?tre? Nous en avons fait nous-m?mes une insoumise. Si donc le respect de l'ordre ancien en impose de moins en moins ? la femme contemporaine, la faute en revient ? ceux d'entre nous qui l'ont imprudemment d?cri?.

Et comme il est d'opinion courante que, faites seulement par les hommes, les lois n'ont en vue que l'int?r?t particulier des hommes, nous voyons des audacieuses,--encourag?es d'ailleurs dans leurs vell?it?s de r?volte par nos meilleurs ?crivains,--qui se l?vent de toutes parts et, sous pr?texte qu'elles souffrent de la place subordonn?e que nos codes leur ont faite imp?rieusement, somment le l?gislateur de reviser la constitution ?conomique et sociale de la famille fran?aise. Libert?, ?galit?, fraternit?, voil? leur devise. Elles nous l'ont prise. Elles entendent ?tre libres, c'est-?-dire ma?tresses de leurs biens, de leurs actes, de leur vie. Elles veulent ?tre les ?gales de l'homme, en fait et en droit, de par les moeurs et les lois. Gr?ce ? quoi, la fraternit? fera du mariage une aimable camaraderie. Pourvu que le mari ne traite pas sa femme en subalterne, celle-ci lui fera la gr?ce de l'aimer comme un fr?re!

Aux hommes d?bonnaires qui ne s'offusqueraient point de cette r?volution, je me contenterai de rappeler le mot de Caton: <>

CHAPITRE IV

Tendances d'?mancipation de la femme mondaine

SOMMAIRE

M?me dans les milieux les plus fastueux, la passion n'a point coutume de se d?cha?ner aussi g?n?ralement, aussi scandaleusement. En fait, les n?cessit?s de la famille et les tracas de la profession, l'obsession de l'avenir ? pr?parer, de la fortune ? maintenir, les soucis d'argent, d'ambition, d'avancement, dominent la fougue des entra?nements et contrarient le go?t du plaisir et l'expansion des jouissances. Il n'est pas dans les conditions ordinaires de l'existence de faire si facilement la f?te. Ne jugeons donc point de la vie par le roman. Gardons-nous surtout d'?tendre ? toutes nos classes ?lev?es la r?probation que m?rite seulement la corruption d'une minorit? tapageuse.

Mais, si exceptionnel que soit le monde o? l'on s'amuse, quels d?testables exemples il donne au monde o? l'on travaille! Car il faut bien reconna?tre que, dans ce milieu ?l?gant, l?ger, subtil, agit?, qui, voulant jouir de la vie, retentit d'un perp?tuel ?clat de rire, l'?mancipation est de bon ton. C'est l? que r?gne et s'?panouit ce que j'appelle le <>, un f?minisme ?vapor? qui semble prendre ? t?che d'oublier que la femme est, par fonction, la gardienne des moeurs et le bon g?nie du foyer. C'est l? qu'on rencontre ces jeunes femmes et ces jeunes filles, impatientes de toutes les contraintes, ?prises de vie ind?pendante et d'expansion aventureuse, qui se flattent d'incarner ? nos yeux la <>. Leur plus grand plaisir est de jouer avec le feu. Par un m?pris hautain du danger, et peut-?tre aussi par l'attrait piquant du fruit d?fendu, elles se font un amusement de c?toyer les ab?mes. Gare aux chutes! Un accident est si vite arriv?! Mais elles s'en moquent, en attendant qu'elles en pleurent.

Ce type tr?s moderne qui, par bonheur, n'existe pas encore ? de nombreux exemplaires, est facilement reconnaissable, gr?ce aux malicieuses esquisses qu'en ont trac?es avec complaisance nos chroniqueurs, nos dramaturges et nos romanciers. C'est un joli bijou parisien, une cr?ature tr?s fine et tr?s par?e, qui met un masque d'hypocrite honn?tet? ? sa frivolit? d'?me comme ? ses audaces de pens?e et ? ses ?carts de conduite. Sous le vernis de politesse mondaine qu'ont d?pos? sur son visage et dans ses mani?res toutes les fr?quentations de salon, se cache une petite nature tr?s primitive, f?line et rus?e, d?cid?e ? s'amuser, co?te que co?te, aux d?pens d'autrui. A l'entendre causer, elle se d?partit rarement, sauf dans les r?unions tout ? fait intimes, du ton de la bonne compagnie; elle a le respect ext?rieur des convenances et des r?gles sociales. C'est une femme bien ?lev?e,--quand elle le veut,--qui r?p?te avec exactitude les gestes qu'on lui a minutieusement appris. Son langage ne blesse aucun pr?jug?. Elle a des usages; elle sait vivre. Ses gr?ces sont infiniment s?duisantes. C'est une chatte distingu?e.

Mais s'il nous ?tait donn? de descendre dans son ?me, quel contraste! Disciplin?e pour la forme et par le dehors, cette cr?ature n'est, en dedans, qu'une <> qui s'ignore et cache au monde et ? elle-m?me, sous des mani?res polies et raffin?es, toutes sortes d'?normit?s morales. Tandis que son ?clat et son charme nous la font prendre pour une exquise merveille de la civilisation, elle n'a que les apparences d'un ?tre civilis?. Sa t?te est vide de toute pens?e grave. Si elle va encore ? la messe, c'est par d?soeuvrement, comme elle va au bal par distraction; car sa foi est aussi frivole que sa raison. Elle ne songe gu?re qu'? ses toilettes, ? ses visites, ? ses intrigues. Son coeur lui-m?me ne s'?chauffe qu'aux hasards d'une aventure amoureuse. C'est un ?tre artificiel, dupe de ses app?tits de plaisir, ?go?ste et inconscient, qui ne tient plus ? la vie que par les rites et les grimaces du monde. Au fond, elle se rit de tout, de la vertu et du code, de son mari et de son confesseur; et il faudrait peu de chose, une tentation, une occasion, pour faire ?clater son ?me de r?volt?e.

Telle m?re, telle fille. Ce n'est pas assez dire, car il est ? craindre que les filles ne d?passent les m?res. Dans ces sph?res oisives et dissip?es du beau monde, o? l'on cherche ? tromper l'ennui des heures inoccup?es par un marivaudage des moins innocents, une singuli?re g?n?ration grandit qui a la pr?tention de s'affranchir de toutes les conventions sociales ? force d'impertinence et d'audace. L?, dans une atmosph?re luxueuse et tr?pidante, au milieu de f?tes ininterrompues, s'?panouissent les <>, fleurs de salon trop t?t respir?es, qui mettent leur honneur ? s'?manciper franchement de tout ce qui les g?ne. D?j? moins retenues que leurs m?res, elles affectionnent les allures viriles et raffolent de tous les sports, de toutes les hardiesses, de toutes les excentricit?s. Incons?quentes autant que jolies, port?es aux coups de t?te et aux fantaisies d'enfant g?t?, elles ne reculent devant aucune imprudence. Il semble que leur ?l?gance doive tout excuser, que leur gr?ce puisse tout absoudre; car elles ont l'admiration d'elles-m?mes. Elles entendent mettre en valeur et en vue leur jeunesse et leur beaut?, et elles les affichent complaisamment dans les salons cosmopolites de la capitale ou les prom?nent, en des toilettes savantes, ? travers les casinos des plages ? la mode. Que deviendront ces jolis monstres, si jamais ils se marient?

Cette jeunesse troublante est le produit d'une culture mondaine tr?s affin?e et d'une culture morale trop n?glig?e. Elle fait profession de ne rien ignorer, et elle le prouve sans le moindre embarras. On assure m?me que les demoiselles les plus lanc?es de cette belle soci?t? n'ont point de secret pour les petits jeunes gens de leur entourage, et que ceux-ci en rougissent quelquefois. Elles ne s'effarouchent d'aucun langage, d'aucune lecture, d'aucun spectacle. Toutes les extravagances nouvelles les attirent; seul, l'effort m?ritoire les ?pouvante. Passe encore de cultiver le symbolisme vaporeux ou le monologue in?dit, de fabriquer des vers d?cadents ou de la peinture impressionniste, et avec quel talent! vous le savez. Mais si les petits arts d'agr?ment trouvent gr?ce devant leur fatuit? d?daigneuse, en revanche, le travail s?rieux les ennuie autant que l'aust?re v?rit? les assomme. Il est ?vident qu'elles ont r?solu de se soustraire, du mieux qu'elles pourront, aux devoirs naturels qui p?sent sur le vulgaire.

J'ai h?te de dire que cette corruption n'est pas tout ? fait d'origine fran?aise. Il faut y voir, suivant le mot de M. Andr? Theuriet, un curieux exemple de <>. Depuis plusieurs ann?es, les jeunes filles anglo-am?ricaines pullulent dans nos villes d'eaux et dans les salons parisiens, et nos demoiselles du monde se sont empress?es de copier les allures hardies et le sans-g?ne ?mancip? de leurs soeurs ?trang?res. Seulement, d?barrass?es de la retenue qu'impose au bon moment la froideur protestante des pays d'Outre-Mer, ces libert?s ont vite d?g?n?r?, dans nos milieux fran?ais o? le sang est plus vif et la t?te plus chaude, en excentricit?s provocantes. Et la logique du mal veut, h?las! que <>

Il reste qu'? Paris comme en province, chez les riches comme chez les pauvres, il n'est qu'une ?ducation chastement familiale pour soutenir et perp?tuer la pure tradition des bons m?nages et le renom de la vieille honn?tet? fran?aise. Mais les p?res et les m?res auront-ils la sagesse et le courage de d?fendre leurs enfants, par des habitudes de vie plus simples et plus s?v?res, contre la contagion des mauvais exemples?

CHAPITRE V

Tendances d'?mancipation de la femme <>

SOMMAIRE

On trouvera peut-?tre que je n'ai point su parler toujours sans irr?v?rence des tendances diverses du f?minisme ouvrier, bourgeois et mondain. Que va-t-on dire de la franchise avec laquelle je me propose de juger les aspirations du f?minisme <> Mais j'ai trop le respect de la femme pour h?siter ? lui dire toute la v?rit?.

Les professionnelles du f?minisme sont, d'esprit et de coeur, de franches r?volt?es. Par cette appellation, j'entends cette fraction avanc?e qui, sans distinguer entre les revendications f?minines, va droit au libre amour par la suppression du mariage et le renversement de la famille; ce groupe d'audacieuses, sorte d'avant-garde tumultueuse et indisciplin?e, qui fait heureusement plus de bruit que de mal; ce petit bataillon de femmes exalt?es qui proclament l'?galit? absolue des sexes et, victimes assourdissantes, font tout le tapage qu'elles peuvent pour nous convaincre des infortunes de l'<> et de l'<> de la femme moderne. A cet effet, elles professent le f?minisme <>.

Ce qui perce ? travers la propagande qu'elles m?nent, c'est, avec le mauvais go?t de la d?clamation, une avidit? impatiente de r?clame, un go?t effr?n? de notori?t? bruyante. Il semble qu'entra?n?es par le bel exemple que nous leur avons donn?, ces fortes t?tes soient en joie de succomber aux tentations de publicit? ? outrance qui compromettent si gravement, de nos jours, la vie de famille et la tranquillit? des honn?tes gens. La poule meurt d'envie de chanter comme le coq; et c'est ? qui s'?poumonera pour mettre sa petite personne en ?vidence sur le plus haut perchoir du poulailler. Apr?s le politicien, voici qu'appara?t la politicienne. Il faut aux femmes <> une sc?ne pour s'y affirmer et s'y afficher ? tous les regards. Et dans le nombre, il pourrait bien se r?v?ler t?t ou tard d'admirables com?diennes.

Que le nombre des ?mancip?es excentriques ait chance de se grossir ? l'avenir d'importantes recrues, il y a vraisemblance. Jusque-l?, nos couvents de femmes avaient recueilli la plupart des d?sh?rit?es et des vaincues de la vie. Mais l'extension rapide d'une instruction plus libre et plus large ne manquera point de susciter, parmi les g?n?rations qui montent, un nombre croissant de jeunes filles dipl?m?es, d'intelligence ardente et ?veill?e, curieuses de vivre et ambitieuses de r?ussir, auxquelles j'ai peur que l'existence n'offre point les d?bouch?s qu'elles attendent. Bien qu'on ne puisse raisonnablement s'opposer au d?veloppement intellectuel de la femme, comment ne pas voir que les carri?res p?dagogiques sont d?j? surabondamment encombr?es, et que nombreuses sont les jeunes filles instruites, munies de tous leurs brevets, qui se morfondent dans une inaction mis?rable? Trop savantes et trop fi?res pour se plier aux besognes manuelles, on les voit d?j? tra?ner dans les grandes villes une vie d?senchant?e et se disputer avec ?pret? quelques maigres le?ons, tandis qu'elles couvent en leur coeur d'am?res rancunes contre l'impr?voyante soci?t? qui leur a ouvert une voie sans issue. N'est-il pas ? craindre que certaines de ces malheureuses, que leur demi-science exalte sans les nourrir, pr?tent l'oreille aux suggestions de l'esprit de r?volte et s'enr?gimentent dans cette annexe de l'arm?e r?volutionnaire qu'on appelle d?j? <>

Sorties des classes moyennes, incomprises, isol?es, d?class?es, avec des go?ts, des aspirations, des besoins qu'elles ne pourront satisfaire, quoi de plus naturel que leur ?me, aigrie ou d?sabus?e, s'ouvre aux id?es d'ind?pendance qui flottent dans l'air, et qu'entra?n?es par ces pr?dications excessives qui exag?rent les droits et att?nuent les devoirs de leur sexe, elles se persuadent ais?ment qu'elles sont des victimes et des sacrifi?es? D?tourn?es de leurs traditionnelles professions par une instruction inconsid?r?e, elles assi?geront en foule grossissante les carri?res masculines et, devant les difficult?s de s'y faire une place et un nom, elles crieront ? l'oppression, r?clamant l'?galit? absolue et l'ind?pendance totale.

Entre ces m?contentes, qui peuvent devenir l?gion, une sorte de franc-ma?onnerie de sexe est en voie de s'organiser qui, sous pr?texte d'?manciper les femmes de la tutelle n?faste des hommes, aborde sans scrupule les sujets les plus d?plaisants et les questions les plus scabreuses. Il semble que les hardiesses inqui?tantes de langage fleurissent tout naturellement sous la plume ou sur les l?vres de certains f?ministes. A les entendre parler des choses du mariage avec une impudence sereine, on croirait que ces z?lateurs et ces z?latrices de la croisade des <> n'ont pas eu de parents ? aimer et ? b?nir, puisque c'est au foyer seulement que s'?veille et s'entretient la douce religion de la famille. Aussi bien le f?minisme est-il, pour quelques demoiselles, comme une revanche de vieilles filles. Celles qui jettent si bruyamment leur bonnet par-dessus les moulins, risquent m?me de faire croire aux esprits malveillants qu'elles nourrissent la secr?te esp?rance de le voir ramasser par un passant. Lorsqu'une t?te f?minine mal ?quilibr?e entre en ?bullition, on peut s'attendre aux pires extravagances.

Dans la pens?e de ces intransigeantes, l'<> doit ?vincer le vieil homme, comme une r?serve fra?che remplace un corps de troupes affaiblies et fourbues. Leur pr?tention est de parler et de penser par elles-m?mes, de s'exprimer et de se vouloir elles-m?mes. Elles ne souffrent plus que l'homme leur serve de conscience et d'interpr?te. Voici la confession d'une jeune ?mancip?e que M. Jules Bois a re?ue avec complaisance: <>

Que si nous voulons ? ce texte un commentaire, il nous sera r?pondu que le temps est pass? o? l'on condamnait la jeune fille au huis clos familial,--comme on ?l?ve un merle blanc dans une cage dor?e,--pour mieux la livrer sans d?fense, inerte et passive, aux mains d'un mari g?teux ou brutal; qu'il ne faut plus de ces ing?nues ab?ties dont le roman et le th??tre ont fait nagu?re un si attendrissant usage et qui, cousues aux jupes de leurs m?res ou emprisonn?es dans les minuties soup?onneuses et maussades du couvent, vou?es au piano ? perp?tuit? ou ? des lectures d'une sottise ineffable, jouent avec r?signation, jusqu'? la veille de leurs fian?ailles, ? la poup?e, symbole mortifiant de leur prochaine domestication destin?, sans doute, ? faire comprendre ? ces pauvres ?mes que leur naturelle fonction est d'?tre m?res au lieu d'?tre libres. Est-il possible d'imaginer, je vous le demande, une ?ducation plus d?gradante?

Dor?navant, l'adolescent et l'adolescente seront admis aux m?mes ?tudes, astreints aux m?mes exercices, soumis aux m?mes disciplines. Instruite de bonne heure de tous les secrets de la vie, la jeune fille se mariera en pleine connaissance de cause. Et si les conseils de sa famille lui d?plaisent, apr?s avoir proclam? fi?rement son ind?pendance, elle ?pousera l'?lu de son choix ? la face du ciel et de la terre, les prenant ? t?moins des droits du libre amour. Une femme qui se respecte ne doit subir d'autre loi que celle de son coeur et de sa volont?.

Au vrai, et si gros que le mot puisse para?tre, ce f?minisme outr? implique s?rement un ?tat d'?me anarchique, que des gens alarm?s consid?rent comme le germe d'un mouvement r?volutionnaire o? la famille fran?aise risque de se dissoudre et de p?rir. Mais n'exag?rons rien: cette fermentation malsaine est trop nettement insurrectionnelle pour ?tre facilement contagieuse. Pas plus que la nature, d'ailleurs, la soci?t? ne proc?de par sursauts. Dans ses profondeurs, tout n'est que modifications lentes et gradations insensibles. La vie n'admet point de m?tamorphoses instantan?es, de changements brusques, de renouvellement int?gral, de rupture compl?te avec le pass?. Il est plus difficile qu'on ne croit de faire acte d'ind?pendance, de briser le r?seau des habitudes et des pr?jug?s qui nous enserre, de se soustraire ? la lourde pes?e des moeurs et des opinions. Si profondes que puissent ?tre les transformations de l'avenir, elles ne seront certainement ni totales ni soudaines.

C'est ce qui faisait dire ? Alexandre Dumas, non sans quelque outrance: <> Conclusion excessive: la femme moderne ne ressemble point ? la femme primitive, et les changements pass?s nous sont un s?r garant des changements ? venir. Mais il ne suffit point de proclamer la <> pour que l'<> soit ? la veille de d?tr?ner le <>

CHAPITRE VI

Modes et nouveaut?s f?ministes

SOMMAIRE

Plus adroite et plus efficace est la tactique de certaines femmes sup?rieures qui, bien que nourrissant peut-?tre au fond du coeur des esp?rances aussi r?volutionnaires, se gardent prudemment de les avouer et, mod?r?es de ton, correctes d'allure, diplomates consomm?es, opportunistes insinuantes, montrent patte de velours ? l'?ternel ennemi qu'elles se flattent de d?sarmer et d'affaiblir, d'autant plus facilement qu'elles l'auront moins effarouch?.

Pour l'instant, ce brillant ?tat-major, convaincu de l'impossibilit? de r?volutionner effectivement les croyances et les lois, se contente de r?volutionner les moeurs et les coutumes, ce qui est plus habile. Par application de ce plan, la consigne est donn?e aux femmes ?prises des grandes destin?es que l'avenir r?serve ? leur sexe, de ceindre leurs reins, d'exercer leurs muscles et d'endurcir leurs membres. Le conseil a du bon: il n'est gu?re d'?me valeureuse en un corps d?bile. A qui brigue l'honneur de nous disputer les emplois dont nous d?tenons le monopole, il faut bien, pour ?galiser la lutte, ?galiser pr?alablement les forces. ?mule de l'homme par l'?nergie morale, aspirant ? l'atteindre et ? le contre-balancer par la puissance intellectuelle, la femme est oblig?e, sous peine de faillir ? ses esp?rances, de s'appliquer d'urgence ? d?velopper sa vigueur physique pour accro?tre sa r?sistance et ses moyens d'action offensive. Rien de plus logique. Les travaux de t?te, qui surm?nent d?j? trop souvent les gar?ons, auraient vite fait d'?puiser les filles, si celles-ci ne fortifiaient leur temp?rament et ne trempaient virilement leur organisme.

Ces dames ont donc la pr?tention de nous arracher m?me le privil?ge de la force musculaire. Et leur sexe conspire avec elles: jeunes femmes et jeunes filles s'adonnent avec passion aux exercices violents. Elles excellent dans tous les sports ? la mode. Elles nagent comme des sir?nes et ferraillent comme des amazones; elles chassent, comme Diane, le petit et le gros gibier; elles font de l'?quitation, de la gymnastique, de la bicyclette surtout.

La bicyclette! Parlons-en,--bien qu'on abuse peut-?tre du cyclisme dans les conversations. Cette nouveaut? a ses d?vots qui en disent tout le bien imaginable, et ses d?tracteurs qui l'accusent de tout le mal possible. Quoique j'aie peine ? voir dans la bicyclette tant de choses consid?rables, il faut pourtant reconna?tre, sans verser dans l'hyperbole, que le f?minisme fonde de grandes esp?rances sur cette petite m?canique. Au th??tre et dans le roman, la bicyclette nous est pr?sent?e comme le symbole et le v?hicule de l'?mancipation f?minine. Et ce qui est plus d?cisif, nous avons entendu l'honorable pr?sidente d'un congr?s f?ministe, qui ne passe point pour une ?vapor?e, recommander chaudement, dans son discours de cl?ture, l'usage fr?quent de la bicyclette, ajoutant qu'elle est un <> En termes plus clairs, on esp?re que la p?dale lib?ratrice contribuera efficacement ? l'abolition de la domestication des femmes.

Et de fait, l'habitude de courir par les grands chemins et de vagabonder sur les plages affranchira vraisemblablement ces dames d'un grand nombre d'entraves que leur impose encore notre ?tat social surann?. Il n'y a pas ? dire: la bicyclette est un admirable instrument d'ind?pendance. Avec elle, pour peu qu'on ait le coeur sensible, il y a mille chances de tomber, un jour ou l'autre, du c?t? o? l'on penche, dans les bras d'un ami complaisant ou d'une amie charitable. Je conseillerai donc, en passant, ? tous les m?nages de p?daler de compagnie. C'est au mari qu'il appartient de relever sa femme. Hors de sa pr?sence, les chutes pourraient ?tre plus graves. Point de doute, en tout cas, que la bicyclette ne permette ? l'?ve future de se d?charger sur des mercenaires des soins du m?nage, de la surveillance des enfants et de la garde du foyer. Et comme un nourrisson ? ?lever est un bagage assez g?nant pour une m?re nomade, on s'appliquera de son mieux ? pr?venir la surabondance des mioches importuns. Le cyclisme n'est pas pr?cis?ment un rem?de ? la d?population.

Mais il autorise et n?cessite de si libres mouvements et de si viriles toilettes! Et le f?minisme s'en r?jouit. Car la femme a quelque chance de se rapprocher de l'homme, en prenant ses allures et en copiant ses costumes. S'il ?tait permis d'user de n?ologismes barbares, je dirais m?me qu'il n'est que de <> la mode pour <> la femme. Un honn?te homme du grand si?cle e?t ?crit, en meilleur style, que les habits ont une action sur les biens?ances et que les dehors peuvent corrompre les moeurs.

On voudra bien m'excuser d'aborder, ? ce propos, une question dont il est facile de saisir l'int?r?t consid?rable: je veux parler de la culotte et du corset. Les professionnelles du f?minisme nous font une obligation de traiter ces graves probl?mes. Pour peu qu'on y r?fl?chisse, d'ailleurs, personne n'aura de peine ? reconna?tre que ces deux notables ?chantillons de l'habillement moderne sont ?minemment symboliques. Tout le mouvement f?ministe s'y r?v?le par son aversion pour le costume f?minin et par son go?t pour le costume masculin.

Il n'est pas impossible m?me que les femmes vraiment libres fassent un jour de la culotte un embl?me et un drapeau. Avez-vous remarqu? l'allure d?cid?e et les airs triomphants de la cycliste vraiment ?mancip?e? A la voir porter si cr?nement la culotte bouffante, on la prendrait de loin pour un zouave ?chapp? d'un r?giment d'Afrique. En Angleterre, les f?ministes militantes ont adopt? un <>. Il est pratique, mais peu gracieux. Les cheveux sont coup?s courts; une jaquette correcte ouvre sur une chemisette au col masculin orn? d'une petite cravate noire. La jupe est taill?e en vue de la marche. C'est un peu le costume de nos charmantes cyclistes. La franchise, toutefois, me fait un devoir de reconna?tre que, dans ma pens?e, ce compliment ne s'adresse qu'? une minorit?: pour dix jolies femmes que ce costume avantage, ou mieux, qui avantagent ce costume, il en est vingt parfaitement ridicules.

En 1896, ? une s?ance de la <> de Berlin, l'assembl?e condamnait ? l'unanimit? l'usage du corset et proclamait le prochain av?nement de la culotte. Pour ce qui est de la France, je ne crois pas du tout que nous soyons ? la veille d'une si grave r?volution. Non que le corset ne soit un tyran relativement moderne: les Grecques n'en connaissaient point l'?troit assujettissement. En soi, il est immoral, puisque l'allaitement et la maternit? peuvent en souffrir. Qu'il s'assouplisse et se perfectionne, il est biens?ant de le souhaiter; mais je doute qu'il disparaisse. Si de la th?orie les Allemandes passent ? la pratique, celles que la nature a trop richement pourvues pourront se vanter de donner aux rues de Berlin un aspect tout ? fait r?jouissant.

Quant aux Fran?aises qui, tr?s g?n?ralement, ont le sens du beau et l'horreur du ridicule, elles s'affranchiront difficilement de la servitude du corset. Cet appareil n'est pas commode; on le dit m?me meurtrier; mais c'est un si pr?cieux artifice d'?l?gance! A quel mari n'est-il pas arriv? d'entendre sa femme affirmer avec cr?nerie qu'il faut souffrir pour ?tre belle? Ce corset ne dispara?tra que le jour o? les gr?ces de la femme n'auront plus besoin d'?tre soutenues ou corrig?es. Prenons patience.

J'imagine, de m?me, que la culotte aura peine ? d?tr?ner la jupe. Il y a quelques ann?es, pourtant, le congr?s f?ministe de Chicago a recommand? aux femmes soucieuses de leur dignit? sociale l'emploi du <>. Ce v?tement dualiste est ce que nous appelons grossi?rement un pantalon. Mais cette r?solution m?morable ne semble pas avoir produit jusqu'ici grand effet.

A Paris, la Gauche f?ministe s'est content?e d'?mettre le voeu que les ouvri?res soient autoris?es ? porter la jupe courte, dans un int?r?t d'hygi?ne et de s?curit?: ce qui n'est pas si d?raisonnable, le port de la robe longue offrant de r?els dangers dans la fabrication m?canique. Et sous pr?texte que les ouvri?res n'osent pas se singulariser, certaines dames autoritaires voulaient m?me inviter les syndicats f?minins ? <> Par bonheur, Mme S?verine veillait, et gr?ce ? son intervention, la question de toilette est rest?e sous la loi de libert?.

Soyez donc assur?s que la jupe courte ne sera go?t?e que de celles qui ont un joli pied. Emprunter au v?tement masculin ce qu'il a de pratique, sans lui prendre sa laideur, s'habiller plus librement sans renoncer ? l'?l?gance: telle est la constante recherche des modes nouvelles. La coquetterie des femmes saura bien rejeter ce qui les g?ne et retenir ce qui leur sied. N'en d?plaise aux gros bonnets du f?minisme, , je ne puis croire qu'au prochain si?cle il n'y ait plus ? porter la robe que les avocats, les professeurs et les juges. Les femmes de go?t ne se r?soudront point ? ce retranchement; leur gr?ce en souffrirait trop. Et pourtant le r?gne exclusif de la culotte serait d'une grande ?conomie pour le m?nage: les robes co?tent si cher! Seulement, cette ?conomie ne manquerait point de tourner souvent ? la mortification du mari: tandis que les hommes accepteraient d'user les pantalons de leurs dames, il est ? craindre que celles-ci ne consentissent jamais ? porter les culottes de leurs hommes. En tout cas, M. Marcel Pr?vost a pu ?crire que le temps est pass? o? les maris ramenaient leurs femmes ? l'ob?issance par ces mots d'amicale sup?riorit?: <> Il para?t que cela ne prend plus.

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