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Read Ebook: Au soleil de juillet (1829-1830) Le temps et la vie by Adam Paul
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next PageEbook has 2627 lines and 150669 words, and 53 pagesNote sur la transcription: L'orthographe d'origine a ?t? conserv?e et n'a pas ?t? harmonis?e. Quelques erreurs clairement introduites par le typographe ont cependant ?t? corrig?es. LE TEMPS ET LA VIE SOLEIL DE JUILLET PAR PAUL ADAM PARIS SOCI?T? D'?DITIONS LITT?RAIRES ET ARTISTIQUES Tous droits r?serv?s. IL A ?T? TIR? A PART Cinq exemplaires sur papier du Japon, Deux exemplaires sur papier de Chine, Cinquante exemplaires sur papier de Hollande, AU SOLEIL DE JUILLET Apr?s les embrassades, les pleurs, les pardons, Mme H?ricourt s'adossa contre la haute armoire de ch?ne sculpt?, dans le vestibule des Moulins. Hochant la t?te, elle r?p?ta: --Hein, Caroline! Est-il bien mon fils...? Le sacripant! Ah Lucifer... va! Rome ne t'a point chang?. Elle replia son mouchoir humide. Dans les arbres du jardin, ? travers les carreaux de la cloison vitr?e, elle regarda sa douleur de le savoir sans d?votion. --Eh bien, mon bel avocat, trouves-tu du changement par ici?... demandait, toute fi?re, la tante Caroline Cavrois. Avec son trousseau de clef, elle d?signa le cr?pi neuf de la pi?ce octogone, un cr?pi jaune quadrill? de marron. Deux poissons fr?tillaient dans un bocal soutenu par un pied de bronze, au milieu du gu?ridon. La tante, du geste, admira le paravent recouvert d'une tapisserie fra?che dont le paysage tyrolien, reproduit cinq fois par feuille, ?tait ceint d'une arabesque bleue. Il cachait la provision de b?ches et de fagots entass?s contre le mur. Les fouets de chasse, les colliers de chien, les baguettes de fusil, ?taient suspendus contre un petit panneau, pr?s de l'horloge battant la mesure dans sa haute gaine de bois. Les perspectives de la cuisine s'ouvraient l?, sur leur carreau rouge, avec leurs chaises et leurs tables gratt?es au verre, leurs batteries de cuivre ?panouies sous l'alignement des chandeliers, les figures rutilantes des bassinoires. Des grosses filles tiraient du four les plats br?lants. La graisse criait autour des perdreaux. Une odeur de d?ner somptueux rassasia d'abord les narines. Omer vanta la nettet? du vestibule clair, qu'agr?mentait un gradin pourvu de cyclamens en pots, de r?s?das discrets et de sains hortensias. La tante Caroline releva d?licatement leurs t?tes, essuya leurs feuilles. D'une fleur, elle dit: --?a embaume... --Comment n'as-tu pas essay? d'obtenir audience du Saint-P?re? demandait encore ? son fils Mme H?ricourt. De ses doigts, mouill?s au pr?alable par la bouche, la veuve lissa ses bandeaux fins et gris contre les rides migraineuses du front. Omer s'excusa de son mieux, en descendant les trois marches qui menaient ? la salle basse, ? sa vaste chemin?e rustique, o? la cr?maill?re d'appar?t, creus?e d'armoiries ? devises, accrochait un chaudron tr?s ancien, martel?, poin?onn?, offrant l'image roide de saint Omer, qui, la truelle au poing, b?tissait le monast?re et la ville de son nom. Le jeune homme s'attendrit au souvenir des vacances pass?es jadis ? conter l?, pour Elvire, des histoires de loups-garous. Du r?telier aux vieux fusils, il avait maintes fois d?croch? les armes, pour manier les canons, pour examiner les meutes coiffant le cerf sur la gravure des platines. Un saint Hubert sculpt? en relief dans une crosse de 1720 l'avait ravi longtemps, telle une marionnette au nez camard et ? la bouche grotesque. Tout cela d?corait encore les panneaux, non moins que les coqs, les faisceaux de licteurs et les bonnets de Mithra sur les assiettes de la R?volution. Une servante ouvrit un bahut. Il s'en ?chappa le m?me parfum de sel et de pain bis qui pr?c?dait la confection du go?ter, autrefois. --Ma tante, donnez-moi je vous prie, une tartine. --Fi donc!... grand sot!... Il l'eut. Avec d?lices, il la mangea. --Mets ton mouchoir sur ton habit, pour les miettes... Le beurre tache... tu sais!... Mais regarde-le donc, Virginie, ton fils... On dirait, par ma foi, qu'il vient de faire le fou, avec ses cousins, dans le Pr? aux Vaches!... Une chope de bi?re, hein? La cruche mousseuse fut apport?e par les bras nus et trop roses de la cuisini?re. Dans un haut cristal ? facettes, Omer but lentement l'aigre fra?cheur du liquide. Simulant une satisfaction sans bornes, il savait r?jouir l'?ge des parentes. Elles le contempl?rent. Elles se rappelaient maint bonheur d?funt. Et il jugea bon de leur plaire ainsi. Les gros yeux navr?s de Maman Virginie lui reprochaient doucement d'avoir omis leurs voeux. Accoud?e sur le bras de son petit fauteuil roide, elle appuyait contre deux doigts secs, son visage de brune virile aux bandeaux minces que des peignes d'argent ?tiraient jusqu'en sa coiffe de veuve, soie blanche, cr?pe noir. L'autre main ?grenait le rosaire d'agathe et d'ambre que son fils avait, pour elle, acquis chez Gennarello l'antiquaire romain. Elle avait maigri beaucoup durant le s?jour de son fils en Italie. L'embonpoint de la maturit?, ? la suite d'une fi?vre c?r?brale, s'?tait progressivement amoindri. A quarante-sept ans, elle ?tait une personne plate, us?e, aux longues jambes impatientes sous le taffetas de la sombre robe. Omer l'aimait mieux ainsi. Elle diff?rait moins de l'image qu'il conservait d'elle, lorsque, dans sa prime enfance, il l'avait ador?e, ?l?gante et imp?riale, entra?nant, apr?s soi, le bruit des ?toffes aux couleurs vives, et faisant tinter les pierres de ses bracelets, les mailles de ses cha?nes d'or. Il se f?licitait de la voir perdre cette lourdeur o?, elle s'?tait emp?t?e, inerte, et se lamentant sur la mort de son mari, sur l'impossibilit? d'atteindre la perfection chr?tienne qui vaut les b?atitudes s?raphiques des saints, unique bonheur certain, croyait-elle: ceux du monde ?taient trop fragiles. La transformation physique, sans doute d?terminait le changement moral. La renonciation d'Omer ? la pr?trise, le mariage avec Elvire Gresloup, elle les accueillit par moins de pleurs et de douleurs qu'au temps o? elle les pressentait. Une fois dites les six paroles essentielles, il se trouvait vis-?-vis d'elle comme vis-?-vis d'une ?trang?re maniaque. Leurs ?mes ne communiaient point. Vainement ils cherchaient des mots allant au coeur, des consolations, des excuses et des pardons. Ils n'avaient de recours que dans les paroles inutiles et vagues, relatives aux insignifiances de la vie. Elle ?voqua seulement, ? l'exemple de la tante Caroline, le temps jadis, les espi?gleries des jeunes Praxi-Blassans, celles de Dieudonn?, celles de son fils. Faiblement elle riait, les dents mauvaises. Bient?t une id?e triste effa?ait la joie timide. --Au reste, remarquait-elle, tu as toujours ?t? trop adroit. --Trop adroit? --Oh! Elle leva vers les solives du plafond sa main au chapelet et, hochant la t?te, elle s'approuva de juger ainsi le fianc? de la riche Elvire. --Et moi qui pensais... Quelle sotte je fais, grand Dieu... Oui, oui, tu as su mettre dans tes int?r?ts l'?glise, Rome et la Sainte Congr?gation... Faut-il, Seigneur, que ce soient vos pr?tres m?mes qui me persuadent de lui laisser suivre une voie profane...? --Profane!... La vie que je souhaite couler aupr?s d'Elvire, de < --Je pr?vois que, par cette porte ouverte sur le monde, tu t'en iras loin du ciel... --Allons, Virginie... Tr?ve de reproches, aujourd'hui, du moins. Je veux qu'il voie mon salon et qu'il me donne son avis, ce fashionnable du boulevard de Gand... --Ah! tu l'emportes. Il est ce que tu veux: l'avocat des Moulins... la parole de notre argent, de son argent, de ton argent! Il n'est point l'avocat du Christ. Tu l'emportes, Caroline! Tu l'emportes! Il est plus ton fils que mon fils... Tu l'avais bien dit en 1812, quand tu es venue au ch?teau de Lorraine pour acheter la moisson sur pied, et la revendre en grains aux arm?es de Leipzig, puis aux alli?s. Tu l'avais bien dit qu'il te fallait un avocat dans la famille... Et moi je ne suis rien qu'un pauvre chien sans pouvoir! Mon Dieu... --Comment, m?re, comment? Ne suis-je pas l'avocat des humbles selon que le recommanda le Christ? Et qui donc a d?fendu les malheureux, ce major Ulbach? L?-dessus, il d?clama. Les traditions du carbonarisme italien, qui faisaient para?tre le r?cipiendaire sous la figure du Christ, l'inspir?rent. Il assuma de continuer la t?che messianique. L'avocat des pauvres n'est-il pas l'avocat de Dieu? Il s'?tendit sur ce th?me, en achevant sa bi?re. Maman Virginie haussait les ?paules, et poussait de gros soupirs. --Non, non... tu n'es pas noble et g?n?reux comme ton p?re, comme moi. Je le sens bien, et tu ne m'en feras pas accroire, ni toi, ni l'abb? de Praxi-Blassans... --Ma m?re! --Oh! tu es si adroit, reprit am?rement Mme H?ricourt. ?douard lui-m?me, qui te conna?t bien, lui, qui est ? la fois un savant et un saint: il n'a pas refus? la tonsure, lui! Eh bien, ?douard aussi t'excuse... Comment t'y prends-tu pour les tourner tous en ta faveur! --Mais, ma m?re, je suis, je vous assure, un pi?tre Machiavel. Demandez au P?re Ronsin. Bien qu'il ait quitt? la Congr?gation, il vous renseignera sur elle et sur moi. --Ah! celui-l? te juge, comme je te juge. Il me plaint, lui! Non qu'il se prive d'indulgence ? ton ?gard; mais enfin il voit clair... --Et que voit-il? --Il voit que tu deviens le disciple de mon fr?re Edme, du major Gresloup, et de tous ces demi-soldes, supp?ts des Jacobins!... Il ne veut pas que dans la Sainte Congr?gation, tu apportes le mauvais esprit des anges r?volt?s. Et il a pri? son successeur de t'exclure. Omer se permit de sourire, fier d'?tre redout? par le P. Ronsin. --Oh! tu ris, mon pauvre enfant! Tu ris! Et pourtant, quelle douleur m'accable aujourd'hui, quand je ne devrais ?tre anim?e que de joie. Ce n'est donc pas mon fils, c'est ?douard de Praxi-Blassans qui plantera la croix de la Mission sur la place, sur la Terre de Cit?. Pour rendre gr?ces ? ce bon serviteur de Dieu, le pr?fet re?oit ? l'H?tel de Ville, l'?v?que, en personne dit la messe, ton oncle de Praxi-Blassans et Augustin sont venus de Paris, toutes les jeunes filles s'habillent de blanc, la ville en f?te se pr?pare. Et tu aurais pu ?tre celui-l?, celui qui fait rendre ? J?sus tant d'honneurs! Add to tbrJar First Page Next Page |
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