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Munafa ebook

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Read Ebook: La femme du diable by Lafon Labatut Joseph Claretie Jules Author Of Introduction Etc Lafon Gabriel Contributor

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Ebook has 275 lines and 21864 words, and 6 pages

Apr?s une longue et p?rilleuse travers?e, nos int?ressants voyageurs d?barquent ? Calais.

L'hiver s?vissait alors dans toute sa rigueur, et la neige couvrait la campagne. Quel contraste entre ce ciel sombre et froid et celui de la Sicile! Mais la patrie n'est-elle pas toujours belle? La seule pens?e de se retrouver sur le sol fran?ais faisait tressaillir d'aise l'ex-prisonnier et lui donnait le courage n?cessaire pour arriver au but de son voyage.

Il se met donc en route avec son jeune enfant, le portant sur ses ?paules quand, vaincu par la fatigue, ses pieds meurtris se refusent ? la marche, r?chauffant ses petites mains rouges de froid, s?chant ses larmes par la promesse d'une prochaine arriv?e.

Enfin, ? neuf-heures du soir, par un temps pluvieux du mois de janvier, nos voyageurs, ruin?s et ext?nu?s de fatigue, arrivent ? Passy et viennent frapper ? une maison de belle apparence. C'est la demeure de M. Raynouard, secr?taire perp?tuel de l'Acad?mie fran?aise, et de M. P?lissier, l'ami de Labatut.

Nos p?lerins sont accueillis. On pourvoit aux soins qu'exige leur ?tat avec cet empressement et cette joie que mettent les ?mes compatissantes ? soulager le malheur.

Quelques jours apr?s, ils reprennent la route du Bugue, o? Labatut, min? par les chagrins, ne tarde pas ? mourir, laissant son fils, parvenu ? sa neuvi?me ann?e, sans secours et ? la charge d'une famille pauvre, qui devait bient?t se disperser.

Joseph voulut aussi ?crire, et comme le savoir de la bonne veuve n'allait pas jusque-l?, il dut se passer de guide, se former lui-m?me une ?criture en prenant pour mod?le le titre des fables.

Un vieux cur? du village, ?mu de piti?, recueillit l'enfant ? son tour, lui enseigna ce qu'il savait lui-m?me, et, au bout de quelque temps, en fit un parfait enfant de choeur.

Joseph resta quatre ans dans le modeste presbyt?re du v?n?rable pasteur, et pendant ces quelques ann?es pleines de calme, de douces r?veries, il go?ta ce bonheur sans m?lange que procure aux ?mes contemplatives le spectacle toujours nouveau de la nature. Le soleil empourprant l'horizon comme un vaste incendie, le papillon tournoyant dans les airs, l'oiseau chantant dans le bocage, la source murmurant sous la verdure, ?taient pour lui autant de sujets de m?ditation.

La mort du vieux pr?tre vint bient?t le rappeler aux mis?res de la vie r?elle. La fatalit? qui le poursuivait le laissa de nouveau sans ressources et dans un affreux isolement. L'ami qui l'avait accueilli, jadis, avec son p?re, ayant fait un voyage en P?rigord, tendit encore une main secourable au jeune enfant et l'emmena avec lui ? Paris. Un jour, conduit au mus?e du Louvre, il fut ?bloui, enivr?, ? la vue des chefs-d'oeuvre de Rubens, et, comme le Corr?ge apr?s avoir admir? un tableau de Rapha?l, il s'?cria exalt?: <> Sans perdre de temps, stimul? par l'amour de l'art, il se met ? l'oeuvre avec une ardeur opini?tre, et ses progr?s furent tels qu'il p?t entrer bient?t dans les ateliers de G?rard, un des meilleurs peintres de l'?poque, et se cr?er en m?me temps un moyen d'existence dans l'art des ?critures lithographiques. A l'abri du besoin et sur le chemin de la gloire, l'avenir s'offrait brillant au jeune artiste. Mais il n'?tait pas, h?las! au terme de ses infortunes. Ses forces s'?puis?rent sous l'action de sa double t?che. Un soir, il rentra de l'atelier les yeux sanglants; sa vue ?tait attaqu?e, et les secours de la science furent impuissants pour arr?ter le mal. L'influence du climat m?ridional pouvait peut-?tre encore le sauver. Joseph revint au Bugue. Vain espoir; quelques jours apr?s son arriv?e, le soleil ne brillait plus pour lui, la c?cit? ?tait compl?te.

Il n'avait alors que quatorze ans et se sentait, d?s le d?but de la vie, vieilli par les malheurs. Condamn? ? tra?ner ses jours dans d'?paisses t?n?bres, il h?sita; ? c?t? des souffrances inou?es du pr?sent, la mort lui paraissait un refuge. Frapp? dans ses plus ch?res affections, d?chu de toutes esp?rances, presque sans pain, tenterait-il cette derni?re ?preuve de vivre dans ce tombeau des vivants, la c?cit?? Au milieu de ces luttes terribles livr?es au d?sespoir, le ciel eut piti? du pauvre aveugle et lui envoya l'ange qui consolait jadis Hom?re et Milton: la po?sie, lumi?re divine qui calma ses douleurs. Elle vint l'?clairer dans sa nuit, et, derri?re ce voile ?pais qui le s?parait ? jamais du monde r?el, il se cr?a d?s lors un monde intellectuel o? il revoyait les magnifiques tableaux de la nature, les bois, les vallons, les ruisseaux qu'il avait tant aim? ? contempler sous les feux du jour. Ne pouvant plus ?tre peintre, Joseph Labatut devint po?te:

H?las! de tous ces biens, qui font seuls la jeunesse, Que me reste-t-il? Rien, gloire, esp?rance, amours, J'ai tout perdu! mon luth seul berce ma tristesse Dans la nuit monotone o? s'?teignent mes jours!

Aussi bien que des pleurs vous calmez ma souffrance, O vers! source brillante o? j'aime ? m'abreuver; Aussi bien que ces voix qui parlent d'esp?rance, Vous descendez d'en haut pour me faire r?ver.

Vous ?tes la beaut?, l'amour et la nature, Le langage confus de tant d'?tres divers, Les plus vagues parfums que r?pand la verdure, Tout, tout, ? po?sie, ange ?loquent des vers!

Environnez-moi donc, consolez-moi, g?nies, Pendant mes jours obscurs, mes longues insomnies. De vos magiques dons devrais-je ?tre d??u, Moi qui, couvant des arts l'ardente fr?n?sie, Dans les tableaux fameux lisais la po?sie, Moi que sous son beau ciel la peinture a con?u?

C'est ainsi qu'il chantait, et ses accents m?lodieux surent atteindre souvent, gr?ce ? une puissante inspiration, les plus hautes r?gions de l'art.

Mais si la po?sie ?tait venue att?nuer ses souffrances morales, il n'en ?tait pas moins plong? dans le plus grand d?n?ment. De trop nombreux exemples, h?las! nous ont assez prouv? que si la po?sie ne conduit pas ? la mis?re, il est bien rare qu'elle en tire. Aussi, combien de jeunes litt?rateurs voyons-nous descendre de P?gase pour ne pas y mourir d'inanition! Et n'est-ce pas l? une des causes qui ont fait dire ? notre ?minent critique Sainte-Beuve: <> Souvent donc sacrifier le po?te sera une n?cessit? pour sauver l'homme. Mais pareil sacrifice pourra-t-il toujours ais?ment s'accomplir? Contrairement ? la lampe qui, priv?e subitement de l'huile qui lui donnait la clart? et la vie, p?lit et s'?teint, l'homme vraiment po?te survivra-t-il ? la privation de cette force chaleureuse, la po?sie, qui ?tait sa vie ? lui? Habitant des domaines enchant?s de l'imagination, pourra-t-il s'acclimater aux champs de la r?alit?, passer ses jours ? s'occuper d'un lendemain, vivre pour vivre?

En pr?sence d'un tel probl?me, Chatterton, en Angleterre, n'avait vu qu'une solution, celle de s'empoisonner. Malfil?tre et plus tard Gilbert, en France, s'?taient laiss?s: le premier, mourir de faim et de mis?re; le second, entra?ner par la folie du d?sespoir sur un lit d'h?pital, o? la mort devait bient?t l'aller chercher. La liste serait longue de ces pauvres martyrs moissonn?s d?s leur printemps, par la faim et le suicide, pour n'avoir pu accomplir ce divorce avec la po?sie!

En cette circonstance encore, le courage de Joseph Labatut ne se laissa pas abattre par le malheur, et, plus r?sign? que ses fr?res en po?sie, il quitta les sph?res sereines habit?es par le po?te pour chercher ailleurs une occupation qui lui procur?t le pain de chaque jour.

Il importe de dire qu'il restait encore de la famille appauvrie et dispers?e de Labatut une pieuse femme, soeur de la bonne veuve dont nous avons d?j? parl?, et qui, dans la mesure de ses forces, vint ? son secours. Un jeune chirurgien l'entourait aussi, dans ce cruel moment, d'une touchante sollicitude. Ce jeune ami avait une petite fille qui devint l'Antigone de l'aveugle, et celui-ci, touch? de sa bont?, s'occupa de d?velopper cette tendre imagination en apprenant ? l'enfant les plus belles fables de Lafontaine, en lui racontant les ?pisodes d'Hom?re, l'Histoire sainte, et tout ce qui ?tait capable d'orner son intelligence en excitant sa curiosit?.

Les progr?s de la petite fille ?tonn?rent bient?t ses parents, la ville enti?re en parla, et plusieurs p?res de famille, frapp?s d'un tel r?sultat, confi?rent ? Labatut le soin d'instruire leurs enfants.

C'est ainsi qu'il trouva les ressources qui lui manquaient.

Et maintenant, comment put-il accomplir un pareil professorat, oblig? d'enseigner non-seulement ce qu'il ne pouvait pratiquer lui-m?me, mais encore ce qu'il n'avait pas appris? C'est ? une m?moire prodigieuse, ? une ?nergie indomptable au service d'une intelligence d'?lite, qu'il faut demander le secret d'un pareil prodige.

Cependant, une telle d?pense de forces affaiblit bient?t la sant? du jeune pr?cepteur. Les ?l?ves devinrent plus rares, et le po?te ne tarda pas ? reprendre sa lyre un moment abandonn?e. Il apportait alors ? ses nouvelles compositions une science plus approfondie de la prosodie et des connaissances nouvelles des r?gles du langage; son imagination s'?tait ?largie, gr?ce aux nombreuses lectures orales qui lui avaient ?t? faites, et c'est alors qu'il produisit de nombreuses pi?ces, d'un rhythme vari?, aussi ?lev?es que touchantes, admirables de sentiment, et que venaient rehausser la puret? et la simplicit? du style. Il travaillait dans le silence, se r?citait ses vers ? lui-m?me, les corrigeait, les polissait, et, enfin, les dictait lorsqu'ils avaient atteint le degr? de perfection voulu.

M. P?lissier, qui, de loin, veillait toujours sur le malheureux aveugle, ayant eu connaissance de ses po?sies, eut la pens?e d'en publier le recueil. Ce ne fut pas sans r?sistance de la part de l'auteur, qui, modeste ? l'exc?s, s'opposa longtemps ? cette publication. Il fallut bien y consentir pourtant, car le peu de ressources qu'il avait pu recueillir de ses le?ons diminuait de jour en jour, et de nouveau la pauvret? se dressait devant lui avec son hideux visage de spectre.

<<.... Vous le savez, ?crivait-il ? son bienfaiteur, ce n'est pas un vain d?sir de c?l?brit? qui m'a fait c?der ? vos instances, et consentir ? livrer au public des vers que j'aurais voulu garder pour moi et pour quelques rares amis qui sont bien oblig?s de supporter quelque chose.

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Les journaux de l'?poque t?moignent hautement de l'accueil sympathique fait ? ce livre de po?sies inspir? par le malheur; on comprit que ce n'?tait pas l? une de ces douleurs fictives que r?clame l'?l?gie, mais une terrible r?alit?, et que le pauvre aveugle ne faisait pas de m?taphores quand il s'?criait:

La douleur est ma muse, elle a tous mes secrets.

Il faudrait un volume pour citer tous les articles que la presse consacra ? l'int?ressant auteur. Je me bornerai donc ? donner ici quelques extraits, qui suffiront au lecteur qui n'aurait pu se procurer l'ouvrage dont l'?dition fut ?puis?e en quelques jours, pour se faire une id?e du m?rite de l'oeuvre et des difficult?s qui, lors de son apparition, semblaient devoir en compromettre le succ?s:

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Le sujet ?tait bien fait pour soulever les attaques de quelques bourgeois ?go?stes et ? l'esprit ?troit; aussi ne furent-elles pas m?nag?es ? l'auteur, que l'on accusait stupidement de s'?tre constitu? l'apologiste du suicide.

L'opinion publique fit bon compte de ces basses accusations, dict?es le plus souvent par la jalousie impuissante. Le succ?s de la pi?ce fut ?clatant et l'enseignement salutaire; les ?mes compatissantes s'?murent ? ce terrible tableau de l'orgueil brutal et de l'?go?sme se coalisant pour terrasser le g?nie, et, au sortir d'une repr?sentation, M. de Maill? de Latour-Landry ?crivait ? l'un de ses amis:

Telles furent les circonstances qui pr?sid?rent ? la fondation de ce prix, et que j'ai cru devoir rappeler.

Dans sa s?ance publique annuelle du 10 septembre 1846, l'Acad?mie fran?aise, sur le rapport de M. Lebrun, accorda par acclamation ? Joseph Lafon-Labatut le prix fond? par M. le comte de Maill? de Latour-Landry, et qui ?tait ainsi libell?: <>.

En outre, pour reconna?tre les premiers efforts du po?te qui promettait un si bel avenir, et en m?me temps pour l'aider surtout ? r?aliser cette promesse, M. de Salvandy, ministre de l'instruction publique, d?cida qu'il serait attribu? ? Lafon-Labatut une indemnit? annuelle de 800 francs.

M. Villemain, secr?taire perp?tuel de l'Acad?mie fran?aise, fut charg? d'annoncer au laur?at la d?cision bienveillante dont il venait d'?tre l'objet.

C'est ainsi qu'? force de r?signation, d'?nergie et de patience, le jeune po?te venait de conqu?rir un titre ? la c?l?brit?, en m?me temps que des secours inesp?r?s le mettaient d?sormais ? l'abri de la mis?re.

Stimul? par le succ?s, Labatut ajouta ? son oeuvre de nouvelles pi?ces de po?sie, qui bient?t confirm?rent les esp?rances fond?es sur son talent et qui ajout?rent encore ? l'int?r?t qu'il avait d?j? inspir?.

Il habitait, ? l'extr?mit? de la petite ville du Bugue, une maison solitaire, modeste ermitage riant aux rayons du soleil levant, ?gay? par le chant des oiseaux et le perp?tuel murmure de la V?z?re. C'est l? que vint le voir M. le comte Horace de Viel-Castel, qui, ?merveill? des r?cits du po?te, s'exprimait en ces termes dans une narration de son voyage:

<<... Le souvenir de la journ?e que j'ai pass?e dans la modeste demeure de Lafon-Labatut est un de ceux que je garde pr?cieusement en ma m?moire; jamais je n'oublierai cette infortune si grande et si noble du po?te aveugle, ses chants si m?lancoliques et si suaves, sa conversation si pleine d'int?r?t, sa figure si belle d'expression et de tristesse r?sign?e. Je reviendrai de nouveau dans sa demeure, je l'?couterai me r?citant de nouveaux chants et s'interrompant pour me dire: <>

C'est ? peu pr?s ? cette ?poque qu'il re?ut de Bergerac une adresse de f?licitations sign?e de toute la ville, et qui rendait un public et pr?cieux hommage au po?te que quelque temps auparavant, ? l'occasion du couronnement de Jasmin, l'intelligente cit? avait f?t? et applaudi.

Je transcris ici la r?ponse de Lafon-Labatut:

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