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Read Ebook: Les Tourelles: Histoire des châteaux de France volume II by Gozlan L On
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next Page Prev PageEbook has 1149 lines and 71831 words, and 23 pagesDe nouveau en route, le mar?chal, trop homme du monde, ou plut?t de cour, pour profiter brutalement de la victoire, proposa la revanche ? Gourville. Gourville accepte. Les cartes sont ?tal?es. Il est inutile de constater l'imperturbable lenteur des chevaux, bien qu'ils fussent tout frais sortis des ?curies, et que la route de Villejuif ? la Cour-de-France soit unie comme l'eau. Gourville n'est pas en veine: il perd cinq cents autres pistoles, puis mille, puis deux mille, enfin tout ce que Gourville a sur lui en or et en billets. La perte passe cinq mille. --Vous ?tes un galant homme, Gourville, et qui valez mieux que le sort. Je vous joue sur parole ce qu'il vous plaira. Parlez. --Non pas sur parole, mar?chal; le surintendant a toujours vent des enjeux, et il a la magnifique g?n?rosit? de les tenir quand nous sommes d?cav?s; ce qui est d'une grande ame, je l'avoue. Mais je serais d?sol?, cette fois, d'avoir recours ? lui pour garantir ma dette. Va, si vous le voulez, pour ma ferme de Ris, situ?e pr?s du village de ce nom, et o? j'ai d?j? eu l'honneur de vous inviter ? rafra?chir notre second relais. Je vous joue, mar?chal, ma ferme de Ris. --Gourville, ce sera contre vingt mille pistoles, qu'elle vaille plus ou moins. Mais en trois coups. --Soit, mar?chal. A vous les cartes. Apr?s quelques avantages insignifians, Gourville vit sa jolie terre de Ris, moulins, eaux, p?turages, fours, m?tairies, passer ? Clairembault. Ce revers de fortune ?crasait Gourville au moment m?me o? la cal?che s'arr?tait ? la grille de sa propri?t? perdue. Jamais elle ne lui avait paru si belle. Il fit pourtant bonne mine. Sans mauvaise humeur, sans col?re, il sonna son intendant, ses gardes-chasse et ses m?tayers, et leur dit ? tous: < --Foin de ces cartes qui vous ont trahi, mon bon Gourville! Imitez-moi, plongeons-les dans cet ab?me. Et tous deux, d'un commun enthousiasme, lanc?rent les cartes du haut de la montagne dans les cavit?s b?antes ? leur c?t?; h?ro?sme de joueur! Il est probable qu'ils en avaient chacun un jeu de rechange dans la poche. -Par Dieu! et votre femme, o? est-elle en ce moment, Gourville? --En Beauce, mar?chal, et avant l'hiver, si le surintendant me l'accorde, j'irai lui rendre mes hommages d'?poux. --Ah! elle est en Beauce! et chez qui, Gourville? --Mais chez moi, dans l'une de mes terres; superbe propri?t?, mar?chal! Et que n'est-elle sur cette route, je vous aurais montr? que le malheur peut me terrasser, mais non me faire crier merci! Oui, que cette propri?t? n'est-elle ici, je serais encore votre homme, Clairembault! Adieu les pr?cautions du mar?chal, sa prudence ? donner un autre cours aux id?es; et ces maudits chevaux qui n'arrivaient pas, qui auraient donn? le temps de jouer toute la chr?tient? sur le tapis ou sur le coussin! --M'auriez-vous mal compris? r?pliqua le mar?chal. J'en serais d?sol?, mon ami. J'ai jet? les cartes dans les ravins, non parce que je n'avais pas l'intention de vous offrir la revanche, et que vous n'aviez plus d'argent sur vous ni de propri?t? sur la route; seulement, Gourville, croyez-moi, parce que l'ingrate fortune vous assassinait sans piti?, et me faisait honte de mon bonheur! Un rayon de joie ?claira le visage de Gourville. Joueur d?licat, il savait bien que toute revanche a une fin; mais, joueur acharn?, il d?sirait l'?loigner le plus possible. --??, Gourville! marquez-moi votre d?sir: voulez-vous que, d'ici ? mon ch?teau de Beauvoir, je vous tienne encore t?te? C'est une lieue de bon. Voyons, les cinq mille pistoles, la ferme de Ris que je vous ai gagn?e, et, en plus, mon ch?teau de Beauvoir, contre votre propri?t? en Beauce! Gourville embrassa le mar?chal. --Et! oui, Clairembault! s'?cria-t-il, et nargue du malheur! Mais des cartes? --Mais des cartes! r?p?ta le mar?chal. L?-dessus ils renouvel?rent le geste qui avait si heureusement, la premi?re fois, amen? des cartes, et leurs poignets, se rencontrant encore, heurt?rent deux cornets o? sonnaient trois d?s. --Au passe-dix! --Au passe-dix! mar?chal. Et tandis que les chevaux arrivaient ? peine devant les marroniers de Petit-Bourg, nos deux joueurs, s'?chauffant, lan?aient les d?s et leur ame ? qui mieux mieux. Apr?s quelques minutes: --Mille excuses, Gourville! --Mais comment donc, mar?chal? --Cocher! cocher! --Monseigneur! --On vous a recommand?, La Brie, d'aller le plus lentement possible. --Monseigneur, depuis dix minutes nous sommes arr?t?s. --C'est tr?s-bien ainsi. On ?tait ? Beauvoir. Gourville fut vainqueur: la chance avait tourn?; on e?t dit les d?s pip?s, tant ils ramenaient invariablement les plus beaux points contre Clairembault, qui perdit et les cinq mille pistoles, et la ferme de Ris, et son ch?teau de Beauvoir, tout enfin, except? son sang-froid. Je vous invite, Gourville, s'?cria-t-il, ? vous arr?ter ? mon ch?teau de Beauvoir. A vous, mon ma?tre, d'en faire les honneurs! Il vous appartient, comme au roi la couronne, et vous allez voir si je le r?signe avec dignit?. Ils mirent pied ? terre. A Beauvoir se reproduisit la sc?ne de donation de Ris; mais Clairembault mit une gaiet?, un faste, une solennit? singuli?re ? faire reconna?tre par ses gens, qui cessaient d'?tre ? lui, Gourville devenu acqu?reur de son ch?teau depuis une heure. Apr?s le d?jeuner, qui fut excellent, les vassaux et les vavassaux le proclam?rent, sur le perron, selon la coutume de l'Ile-de-France, seigneur de Beauvoir et terres y adjacentes. Il fut tr?s-digne, quoique un peu chancelant du dessert. C'?tait excusable; sa position l'entra?nait: il avait, pour les reconna?tre, go?t? tous les vins. Quand lui et Clairembault remont?rent en cal?che, les paysans et vassaux cri?rent jusqu'? mi-c?te: Vive monseigneur de Gourville, notre seigneur de Beauvoir! --Coup du sort! dit Gourville; vous ?tiez, il y a une heure, seigneur de Beauvoir, je le suis ? pr?sent; ? deux fois vous m'avez gagn? et fourni la revanche; je ne vous en ai gagn? qu'une: c'est une revanche qui vous revient, mar?chal. Sur mon ?p?e de gentilhomme et ma seigneurie nouvelle de Beauvoir, elle vous sera octroy?e selon votre bon plaisir. --Laissons cela, Gourville. --Mar?chal, je deviendrais plut?t votre vassal, si vous n'acceptiez. --Bien!--mais plus que celle-ci. --Oui! mar?chal, mais d?cisive. Que jouons-nous? Parlez. --Beauvoir contre Mennecy, contre ma p?cherie de ce nom, dont Villeroi est suzerain. Vous avez le ch?teau de Beauvoir, ayez la p?cherie de Mennecy: c'est le m?daillon au collier. Encore au passe-dix; vous pla?t-il? Malheureusement la route commen?ait ? se couvrir d'?quipages qui se rendaient ? la f?te de Vaux; et lorsqu'ils s'approchaient de la porti?re de la voiture ? Clairembault, le coussin ?tait furtivement pouss? sur la banquette, les d?s tombaient dans les cornets, les cornets dans les poches;--interruptions qui prolong?rent la partie jusqu'? Melun. Clairembault la gagna; Beauvoir lui revint, il ne perdit pas la p?cherie de Mennecy: il n'y eut rien de fait; les seigneuries retourn?rent ? leurs seigneurs. On avait jou? sur le velours pendant douze ou treize heures. Sur le pont de Melun; la sc?ne de la Cour-de-France eut son pendant: les deux amis, en s'embrassant, pr?cipit?rent les cornets dans la rivi?re. Gourville, en les voyant flotter, leur adressa une allocution touchante. Sublime expiation! Ils avaient jet? les cartes dans un foss?, les cornets dans la Seine! Le soir, au ch?teau de Fouquet, ils firent la roulette ? mille pistoles par tour. Dans la premi?re cour, appel?e la cour des Bornes, vaste carr? ench?ss? entre la grille du ch?teau, les foss?s et deux rang?es de bornes, avaient ?t? dress?es des tentes de coutil, portant entrelac?s les chiffres et les armes des gentilshommes invit?s ? la f?te. Elles longeaient sur un rang les corps-de-logis ext?rieurs parall?les ? l'all?e des Bornes; aux quatre extr?mit?s s'?levaient la tente du roi et celles de la reine-m?re, de Monsieur et de Madame Henriette d'Angleterre. Ces tentes ?taient des boutiques pleines d'objets de luxe. Il va sans dire qu'on n'achetait pas dans ces boutiques! Une vente e?t ?t? un spectacle peu digne; les objets qu'elles ?talaient n'?taient pas non plus livr?s sans autre forme aux passans: c'e?t ?t? une magnificence sans esprit. Fouquet ?tait incapable de ces deux inconvenances. Ces boutiques ?taient des loteries o? l'on gagnait toujours, o? la mise ?tait la bonne gr?ce. Chaque coup du sort amenait un cadeau de go?t diff?rent; la fortune des joueurs n'avait ? vaincre que le hasard des lots. Tel qui d?sirait un beau fusil n'emportait parfois qu'un peigne d'?caille ou une mule de douairi?re. On riait alors d'un bout de la cour des Bornes ? l'autre: c'?tait le plus clair b?n?fice du marchand. Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page |
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