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Read Ebook: André le Savoyard by Kock Paul De
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next PageEbook has 2702 lines and 142711 words, and 55 pagesANDR? LE SAVOYARD TOUS DROITS R?SERV?S PARIS.--IMPRIMERIE P.-A. BOURDIER, CAPIOMONT FILS ET CIE PAUL DE KOCK ANDR? LE SAVOYARD PARIS COLLECTION GEORGES BARBA ANDR? LE SAVOYARD CHAPITRE PREMIER TABLEAU DE NEIGE.--LA FAMILLE SAVOYARDE. La neige tombait par gros flocons; elle couvrait les routes, elle rendait encore plus difficiles les sentiers pratiqu?s dans les montagnes et les chemins, souvent bord?s de pr?cipices, qui entourent la petite ville de l'H?pital situ?e pr?s du Mont-Blanc. Notre chaumi?re s'?levait pr?s d'une route que le mauvais temps rendait d?serte depuis quelques jours. D?j? plus d'un pied de neige couvrait la terre; et cependant ni moi ni mes fr?res ne songions ? rentrer pour nous mettre ? l'abri. J'?tais couch? pr?s d'un bloc de rocher; et l? je me trouvais aussi bien que sur un ?pais gazon: mes petites mains formaient des boules avec de la neige, et les lan?aient ? mes fr?res, qui, de leur c?t?, m'assaillaient ?galement de boules glac?es. Pierre accroupi dans un enfoncement que formait la route, ne se montrait que rarement, t?chant de viser adroitement, et se cachant aussit?t; Jacques courait de c?t? et d'autre, sans se fixer ? aucune place, se baissant pour ramasser de quoi faire des boules, et s'esquivant lestement apr?s nous les avoir lanc?es. Quel plaisir nous ?prouvions lorsque nous parvenions ? nous attraper!... Quels cris de joie quand Jacques recevait, en fuyant, de la neige sur son dos; lorsque Pierre, au moment o? sa petite t?te blonde sortait de sa cachette, ?tait atteint ? la figure par la boule qui s'?parpillait sur son visage! Le vaincu m?lait ses ris ? ceux du vainqueur; la victoire ne co?tait jamais une larme. Pouvions-nous sentir le froid? nous ?tions si heureux!... et dans un ?ge o? le bonheur est pur, parce qu'il ne s'y m?le ni souvenirs du pass? ni craintes pour l'avenir. D?j?, plusieurs fois, la voix de notre m?re s'?tait fait entendre pour nous engager ? rentrer.--Nous voil?, r?pondions-nous tous trois. Mais au moment de regagner notre demeure, une nouvelle boule de neige, lanc?e par l'un de nous, faisait recommencer la guerre; chacun s'attaquait de nouveau; les cris de joie, les ?clats de la gaiet? faisaient encore retentir les ?chos de nos montagnes. Nos pieds ?taient ? demi morts de froid; nos petites mains rouges et engourdies pouvaient ? peine saisir et presser cette neige, qui nous procurait de si doux passe-temps; et cependant nous ne pouvions nous r?soudre ? retourner pr?s du foyer de notre chaumi?re. Mais l'approche de la nuit nous force enfin ? quitter notre jeu. Nous rentrons tous les trois, essouffl?s, haletants, et encore rayonnants de plaisir; nous courons nous blottir contre l'immense foyer devant lequel notre p?re est assis sur une grande chaise, tandis que notre m?re va et vient dans cette vaste pi?ce, l'unique du logis, et pr?pare la soupe pour notre repas du soir, tout en nous grondant d'avoir tant tard? ? rentrer. --Voyez comme ils sont couverts de neige!... Rester ainsi sur la route par le temps qu'il fait!... Hum! les mauvais sujets! quand ils sont en train de jouer, ils ne m'?coutent plus. --Ne les gronde pas, Marie, dit notre p?re en nous attirant pr?s de lui; ne les gronde pas; ils s'amusent, ils sont heureux!... Pourquoi d?j? chercher ? troubler leurs plaisirs? Chers enfants!... ce temps passera si vite!... Bient?t la raison am?nera les soucis, les inqui?tudes! Le travail du jour sera-t-il suffisant pour le lendemain? les esp?rances d'aujourd'hui feront-elles oublier les peines de la veille?... Toujours des tourments! rarement du plaisir!... et jamais de moments aussi doux que ceux qu'ils viennent de go?ter! Moi aussi j'ai fait des boules de neige!... Il y a quarante ans que je jouais comme eux... Ce temps est loin, il a trop peu dur?; je ne me rappelle pas depuis avoir ?prouv? un plaisir aussi vrai. --Quoi, m?me lorsque tu m'as ?pous?e, Georget? dit notre m?re d'un ton de reproche. Mon p?re la regarde en souriant, et se contente de murmurer:--Oh! ce n'est plus la m?me chose... Je n'avais qu'une chaumi?re ? t'offrir!--En avais-je davantage? Cela nous a-t-il emp?ch?s d'?tre heureux?...--Non, sans doute...--Notre maisonnette, notre travail nous suffisent; nous sommes pauvres, mais nous n'avons pas encore manqu?, et nos enfants s'?l?vent bien; ils grandiront, ils travailleront ? leur tour...--Oui... Mais d'ici l?!... Ah! Marie! depuis cette maudite chute que j'ai faite en guidant au glacier ce gros ?tranger... qui ne m'a pas m?me aid? ? me ramasser, tiens, je sens que mes forces diminuent... je ne puis recouvrer la sant?... Et s'il fallait te laisser ainsi avec ces enfants, dont l'a?n? n'a que sept ans... h?las! que deviendriez-vous? En disant ces mots, mon p?re nous entourait de ses deux bras, et nous pressait plus fortement contre lui. J'?tais grimp? sur ses genoux; Jacques ?tait assis ? ses pieds, et Pierre, debout pr?s de lui, appuyait sa t?te sur son ?paule. Notre m?re s'?tait arr?t?e au milieu de la chambre; les derniers mots de son mari venaient de lui serrer le coeur. Elle se d?tourna pour cacher une larme qui coulait le long de ses joues; et nous, sans trop comprendre ce dont il s'agissait, nous redoublions de caresses, pour dissiper la tristesse que nous lisions dans les yeux de notre p?re. --Bon Dieu!... peut-on avoir de pareilles id?es! dit enfin la bonne Marie en poussant un gros soupir qu'elle ne pouvait plus contenir. Ah! Georget! ne travaille plus, ne te fatigue plus... Reste aupr?s de notre foyer. Nos r?coltes sont rentr?es, nous avons du pain pour plus de six semaines encore; je ne veux pas que tu t'exposes pour gagner quelques pi?ces d'argent. --Mon p?re, dis-je alors en levant la t?te d'un air d?cid?, quand il passera des voyageurs, c'est moi qui les conduirai, c'est moi qui monterai avec eux sur les glaciers, qui leur ferai regarder dans ces beaux pr?cipices si effrayants! Ils me donneront quelques pi?ces de monnaie, je vous les rapporterai, et vous n'aurez plus besoin de vous fatiguer. Vous le voulez bien, n'est-ce pas, mon p?re? --Tu es encore trop jeune, mon petit Andr?, dit mon p?re en me passant la main sur les joues et en me faisant sauter sur ses genoux.--Trop jeune!... Je suis l'a?n? de mes fr?res... J'ai sept ans pass?s... Le fils de Michel, notre voisin, ne les avait pas quand il est parti pour la grande ville...--Mes chers enfants, puissiez-vous n'?tre point forc?s d'y aller aussi!... Je voudrais vous garder toujours pr?s de moi... --?a doit ?tre bien joli, la grande ville! dit Pierre en ouvrant ses petits yeux de toute sa force. On dit qu'on y voit tous les jours la lanterne magique qui a pass? une fois chez nous.--Voudrais-tu y aller, Pierre?--Dam', je n'oserais pas y aller tout seul, comme le fils de Michel...--Et toi, mon petit Jacques? dit mon p?re ? celui de mes fr?res qui n'avait encore que cinq ans, et se roulait ? ses pieds en s'?tendant pour se r?chauffer devant la flamme du foyer. --Dis donc, Jacques, que ferais-tu par l?, mon gar?on?...--Je mangerais tous les jours du fromage avec mon pain, r?pond Jacques en souriant, et en regardant du c?t? de notre m?re pour voir si la soupe se faisait. --Moi, dis-je ? mon tour, je travaillerais, je gagnerais beaucoup d'argent... de quoi acheter un grand jardin... je reviendrais vous apporter tout cela... ?a fait que nous serions bien heureux. Vous, mon p?re, et vous, ma m?re, vous pourriez vous chauffer toute la journ?e en hiver... Puis, mes fr?res et moi nous aurions le temps de faire encore des boules de neige... --Tu es un bon gar?on, Andr?: tu songes ? tes parents... Mais la grande ville... ah! mes enfants, on n'y fait pas toujours fortune; j'y suis all?, moi, ?tant jeune; je n'ai pu amasser que peu de chose!... et puis, en route, des coquins m'ont pris tout ce que j'avais!... le fruit de dix ans de travail que je rapportais ? ma m?re!... il a fallu rentrer sans rien... --Qu'est-ce que c'est donc que des coquins? dit Pierre.--Mon ami, ce sont des m?chants, des paresseux, des voleurs, qui n'ont pas voulu travailler, et ne vivent qu'en d?pouillant les autres.--On peut les battre, n'est-ce pas, mon p?re? dis-je avec vivacit?.--Pas toujours, mon cher Andr?; quand on parvient ? les prendre, la justice les punit; mais il est d?fendu de les battre soi-m?me!... --Est-ce qu'on donne ? manger ? ceux qui sont m?chants? dit le petit Jacques, en regardant alternativement le feu et la soupe qui cuisait. --Il faut que tout le monde vive, mes enfants...--Mais les m?chants n'ont pas de bonne soupe comme celle-l?!... n'est-ce pas, mon p?re?... Notre p?re sourit, et releva le petit Jacques qu'il embrassa tendrement... Nous nous pench?mes, Pierre et moi, vers le sein de notre p?re pour obtenir les m?mes caresses, qu'il s'empressa de nous prodiguer, car il nous aimait ?galement tous trois: son coeur ne connaissait point ces injustes pr?f?rences qui font souvent na?tre entre fr?res et soeurs l'envie, la jalousie, les chagrins; il ne cherchait point sur nos traits quel ?tait celui qui promettait d'?tre le plus avantag? par la nature; aux yeux d'un bon p?re, tous ses enfants sont aussi beaux. Par les soins de ma m?re, la soupe pr?par?e est plac?e sur une table de bois; la fum?e qui sortait d'une grande ?cuelle r?jouissait notre vue, et faisait sourire le petit Jacques, qui respirait d?j? avec d?lices le parfum du souper. --A table! ? table! dit notre m?re. Jacques se laisse aussit?t couler des genoux de mon p?re, et va se placer sur un petit escabeau; Pierre approche de la table la chaise que mon p?re vient de quitter, et moi, je reste pr?s de celui dont je voudrais d?j? soutenir la marche mal assur?e: car, dans sa derni?re chute, mon p?re s'?tait bless? assez gri?vement au genou, et il n'?tait pas encore bien gu?ri. Mon p?re faisait semblant de s'appuyer sur moi, parce qu'il voyait que j'?tais fier d'?tre d?j? son soutien; mais sa main se reposait l?g?rement sur mon ?paule. Nous f?mes bient?t assis autour de la table. La neige tombait avec une nouvelle violence; le vent soufflait avec force, il ?branlait souvent la porte de notre ch?tive demeure, et son bruit lugubre et monotone intimidait Pierre, qui se serrait contre moi toutes les fois que notre porte remuait avec plus de fracas. Mais la flamme brillante qui sortait du foyer ?gayait notre chaumi?re, qu'une seule lampe ?clairait; et l'odeur de la soupe faisait rire le petit Jacques, qui chantait toujours lorsqu'il ?tait ? table. --Quel temps affreux! dit la bonne Marie en nous servant ? souper. Je suis s?re que l'on ne peut plus marcher sans enfoncer de deux pieds dans la neige...--Je plains ceux qui sont en route dans nos montagnes, dit mon p?re.--Nous sommes heureux d'avoir un abri, un bon feu, et de quoi souper... Va, Georget, il y a bien des gens qui voudraient maintenant ?tre dans notre chaumi?re. Comme ma m?re achevait ces mots, nous entend?mes des cris ?loign?s, puis le claquement d'un fouet et les jurements d'un postillon. Nous pr?t?mes tous l'oreille, except? Jacques, qui s'emplissait la bouche d'une grande cuiller?e de soupe.--Qu'est-ce que cela! dit Pierre en tremblant. J'?coutais toujours ainsi que mes parents: les voix devinrent plus distinctes. On appelait au secours; on r?clamait l'assistance de quelque habitant du village, mais le village le plus voisin ?tait ?loign? de la route, que notre chaumi?re seule touchait. --Plus de doute, dit mon p?re en se levant de table, ce sont des voyageurs en peine; il faut aller ? leur aide. Rassemblant ses forces, il prend ? la h?te son chapeau, son b?ton, et sort de notre chaumi?re sans ?couter les pri?res de sa femme, qui le supplie de ne point s'exposer et se fatiguer de nouveau. Mais mon p?re est d?j? loin; il se dirige du c?t? d'o? partaient les cris. Je m'?tais lev?, et j'aurais voulu le suivre; ma m?re me retient en me disant:--Eh bien! Andr?, veux-tu donc aller aussi t'exposer dans ces mauvais chemins!... Tu es trop jeune, mon ami; reste avec nous, et prions le ciel pour qu'il n'arrive rien ? ton p?re. Je me mets ? genoux ? c?t? de ma m?re; Pierre en fait autant, ayant d?j? les yeux pleins de larmes; Jacques reste seul ? table continuant ? manger. CHAPITRE II LES VOYAGEURS.--LA PETITE DORMEUSE. Au bout d'un quart d'heure qui nous sembla tr?s-long, nous entend?mes la voix de mon p?re qui nous criait d'ouvrir. Sur-le-champ je cours ? la porte; ma m?re s'avance avec la lumi?re, qui ne nous laisse apercevoir que des masses blanches form?es par la neige. Mon p?re para?t enfin, mais il n'est pas seul: un monsieur, dont on ne peut distinguer les traits, parce qu'il est envelopp? dans un manteau qu'il tient sur ses yeux, s'appuie sur le bras de mon p?re en murmurant ? chaque pas d'une voix aigre et criarde: --O? me menez-vous donc?... o? suis-je?... J'enfonce toujours!... j'en ai jusqu'aux hanches!... quel affreux pays!... prenez garde, bonhomme... nous allons tomber dans quelque trou!... A tout cela mon p?re se contentait de r?pondre:--Ne craignez rien, monsieur, je connais les chemins; je r?pond de vous maintenant... ce n'est que de la neige!... mais il n'y a plus de danger par ici. Add to tbrJar First Page Next Page |
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