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Munafa ebook

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Read Ebook: André le Savoyard by Kock Paul De

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Ebook has 2702 lines and 142711 words, and 55 pages

A tout cela mon p?re se contentait de r?pondre:--Ne craignez rien, monsieur, je connais les chemins; je r?pond de vous maintenant... ce n'est que de la neige!... mais il n'y a plus de danger par ici.

--Ce n'est que de la neige!... peste!... c'est bien assez, j'esp?re!... mes jambes sont gel?es! mes mollets se resserrent tellement que je ne les sens plus!... Ah! l'horrible pays!... Champagne, prends garde ? l'enfant, et suis-nous de pr?s.

M. Champagne ?tait probablement l'autre monsieur qui suivait mon p?re, envelopp? ?galement dans un large manteau, mais sous lequel il paraissait tenir quelque chose avec beaucoup de soin.

--Nous voici arriv?s, monsieur, dit mon p?re au moment o? ils ?taient devant la porte.--C'est bien heureux! dit le voyageur. Pendant qu'il se d?barrasse de son manteau, nous courons nous jeter dans les bras de celui dont l'absence nous a tant inqui?t?s, sans faire attention aux personnes qui l'accompagnent. Peut-il y avoir, pour de simples Savoyards, quelqu'un qui m?rite plus de soin qu'un p?re?

Le n?tre est le premier ? nous faire songer aux ?trangers.--Allons, mes enfants, nous dit-il, mettez du bois au feu; toi, Marie, vois ce que tu pourras offrir de mieux ? ces messieurs... et cet enfant... tenez, vous pouvez le mettre sur notre lit... il y sera bien...

L'homme que l'on appelait Champagne, et qui portait un chapeau orn? d'un large galon, ouvrit alors son manteau, et nous aper??mes dans ses bras un enfant endormi. C'?tait une petite fille; elle paraissait avoir quatre ans tout au plus. Mais combien elle ?tait jolie!... Jamais rien de si charmant n'avait frapp? notre vue... Nous f?mes tous un cri d'admiration en l'apercevant; et nous entour?mes le monsieur dont l'habit ?tait galonn? comme le chapeau afin de voir la petite de plus pr?s.

Une pelisse garnie de fourrure enveloppait son petit corps; un bonnet de velours noir, ?galement fourr?, couvrait sa t?te charmante, et s'attachait sous son cou avec de beaux glands d'or. Des boucles de cheveux blond-cendr? s'?chappaient de dessous le bonnet et ombrageaient le front de la jolie fille. Sa petite bouche ?tait entr'ouverte; une l?g?re teinte ros?e colorait ses joues; ses yeux ?taient bord?s de longs cils noirs comme le velours qui couvrait sa t?te; elle dormait aussi paisiblement que si elle e?t ?t? berc?e sur les genoux de sa m?re.

La beaut?, l'?l?gance de ses habits, son sommeil paisible apr?s les dangers qu'elle venait de courir, tout se r?unissait pour augmenter notre ?tonnement; chacun de nous s'?tait approch? de M. Champagne; le petit Jacques lui-m?me avait quitt? le souper, et, sa cuiller ? la main, s'?tait gliss? sous le manteau qui enveloppait l'enfant endormi.

--Oh! mon Dieu, la jolie petite fille! dit ma m?re, c'est un ange!...--C'est-i une petite soeur? dit Jacques tandis que Pierre touchait l?g?rement avec sa main le large galon d'or qui bordait l'habit du monsieur. Pour moi, je ne pouvais rien dire, j'?tais tellement frapp? d'admiration, qu'il m'?tait impossible de d?tourner mes yeux de dessus la petite.

Mais, pendant que nous consid?rions l'enfant, l'autre monsieur s'?tait d?barrass? de son manteau et approch? de la chemin?e. Impatient? sans doute par nos exclamations, il y mit un terme en s'?criant d'un ton imp?rieux:

--Allons donc, Champagne, allez-vous tenir cette enfant une heure comme cela!... posez-la sur un lit... si toutefois il y a un lit ici... Ensuite vous irez retrouver le postillon:

M. Champagne s'empresse d'ex?cuter les ordres de son ma?tre: il suit ma m?re qui le conduit vers son lit, plac? dans le fond de la chambre. L'endroit o? nous couchions mes fr?res et moi ?tait situ? ? l'autre bout de la salle, et cach? par un grand rideau de toile grise fix? sur une longue tringle de fer. L'enfoncement dans lequel ?tait plac?e notre couchette formait un espace de quatre pieds carr?s lorsque le rideau ?tait tir?; cela composait tout notre appartement; mais nous y reposions paisiblement; et quoique le vent p?n?tr?t quelquefois dans notre chambre ? coucher mal close, les soucis et les insomnies ne s'y glissaient jamais: il faut bien que le pauvre ait quelques d?dommagements.

Mes regards n'?tant plus attach?s sur la petite que l'on pla?ait sur le lit de ma m?re, je me retournai et j'examinai l'autre monsieur.

Il pouvait avoir cinquante-cinq ans; sa taille ?tait petite, son corps maigre et fluet; quoique en voyage, il ne portait point de bottes, et le froid avait en effet tellement fait rentrer ses mollets, qu'on n'en apercevait aucun vestige. Sa figure ?tait longue comme son nez, qui, de profil, ?tait capable de garantir du vent la personne ? laquelle il aurait donn? le bras. Son teint ?tait jaune; un de ses yeux ?tait couvert d'un morceau de taffetas noir fix? l? par un ruban qui entourait la t?te du monsieur, sans cependant lui donner aucune ressemblance avec l'Amour. L'oeil qui lui restait ?tait noir et assez vif; forc? de faire l'office de deux, son ma?tre ne le laissait pas un moment en repos et le roulait continuellement de gauche ? droite. Enfin, une expression de d?dain et d'ironie semblait habituelle ? la physionomie de ce monsieur, qui ?tait coiff? en poudre avec une petite queue, qui, par-derri?re, suivait tous les mouvements de son oeil. En apercevant la figure de ce voyageur, il ne nous ?chappa aucun cri d'admiration.

L'?tranger regardait d'un air m?content l'int?rieur de notre chambre.--Est-ce que vous n'avez pas une autre pi?ce que celle-ci o? je puisse me reposer loin de tous ces marmots? dit-il ? mon p?re en jetant sur moi et mes fr?res un regard d'impatience.--Non, monsieur; je n'avons que cette grande chambre, qui fait tout notre logis...--Une chambre; ils appellent cela une chambre! murmure le monsieur en regardant son valet, qui venait de lui prendre son manteau et souriait d'un air respectueux ? tout ce que disait son ma?tre.

--Voyons... o? vais-je me mettre? car il faut pourtant que je me mette quelque part... n'est-ce pas, Champagne?--Il est certain, monsieur le comte, que l'endroit est peu digne de vous!... mais enfin ce n'est pas la faute de ces pauvres gens...--Tu as raison, Champagne; l'endroit n'est pas digne de moi!... mais, puisqu'il n'y en a pas d'autre...

--Ah! si monsieur voulait ?tre seul, dit ma m?re, nous avons encore l?-haut un grenier o? sont les provisions d'hiver... il y a de la paille fra?che...

--Un grenier!... de la paille! ? moi?... Dis donc, Champagne, as-tu entendu cette Savoyarde? c'est vraiment trop fort!...

Et le monsieur roulait ? droite et ? gauche son petit oeil qu'il voulait rendre per?ant. Quoique plac? derri?re lui, je m'en apercevais par le mouvement qu'il faisait faire ? sa queue.

--Ces paysans ne savent pas ? qui ils ont l'honneur de parler, monsieur le comte.--Certainement ils ne le savent pas... Voyons, approchez-moi un fauteuil que je puisse m'asseoir.

--Je n'ai que cette grande chaise-l?, monsieur, dit mon p?re en avan?ant le si?ge sur lequel il se reposait ordinairement, tandis que ma m?re, le retenant par la veste, lui disait ? demi-voix:

--Mais c'est ta chaise, Georget! o? donc te reposeras-tu?...

Mon p?re se retourna et lui fit signe de se taire; elle n'ob?it qu'? regret, car le ton et les mani?res du voyageur ne la disposaient pas ? se g?ner pour lui.

--Point de fauteuil! dit celui-ci en s'?talant sur la chaise, ?tendant devant le feu ses petites jambes gr?les et ses mains dont les doigts ?taient charg?s de bagues. Comme les routes sont mal tenues!... Il faudra que j'?crive au pr?fet de ce d?partement. Ah ?a! dites-moi, bonhomme, quand vous ?tes venu pr?s de ma voiture qui s'enfon?ait dans ces maudites neiges, vous avez cri? ? mon postillon d'arr?ter; pourquoi cela?...--Parce qu'il se dirigeait vers un pr?cipice que la neige lui masquait; encore quelques tours de roue et vous p?rissiez tous!...--En v?rit??... Comment, moi, le comte de Francornard, je serais mort comme cela en roulant dans un trou!... C'est une chose extraordinaire!... Dis donc, Champagne, con?ois-tu cela?... Sens-tu ? quoi j'?tais expos??... Et je dormais tranquillement dans ma voiture tandis que les p?rils les plus grands m'environnaient!... Par Dieu! si ce n'est pas l? du courage je veux ?tre un grand sot!...--Monsieur le comte n'en fait jamais d'autres!--Tu as raison, Champagne, je n'en fais pas d'autres; mais ce dernier trait sera, je l'esp?re, cit? dans l'histoire de ma vie!... C'est que voil? au moins la dixi?me fois qu'il m'arrive de dormir au moment du danger... Te souviens-tu quand le feu prit ? mon h?tel, il y a un an? c'?tait pendant la nuit... j'ai, ma foi, fait un somme pendant qu'une chemin?e enti?re br?lait; et si l'on ne m'avait pas r?veill?, j'?tais capable de dormir comme cela jusqu'au matin pendant que chacun se sauvait. Dis donc, Champagne, c'est l? du sang-froid!...--C'est ce que tout le monde admire en vous, monsieur le comte.

Pendant la conversation du ma?tre et du valet, ma m?re s'?tait approch?e du lit sur lequel la petite fille continuait ? sommeiller paisiblement.--Pauvre enfant! dit-elle, sans mon mari tu allais p?rir!... Ah! Georget, quel bonheur que tu aies sauv? cette charmante cr?ature!... je suis s?re que ses yeux sont aussi doux que le reste de son visage!... Oh! quelle diff?rence aupr?s de ce vilain...

Mon p?re ne la laissa pas achever, et se h?ta de lui imposer silence.

--A propos, dit alors le monsieur borgne en se tournant un peu vers ma m?re, ma fille dort-elle toujours?

--Votre fille! dit la bonne Marie en jetant sur l'?tranger des regards ?tonn?s, comment, monsieur!... c'te jolie enfant, c'est votre fille?

--Et qu'y a-t-il l? de surprenant? dit le petit monsieur en relevant la t?te. Si vous aviez plus de lumi?re dans cette chambre enfum?e, vous verriez, bonne femme, que cette petite est en tout mon portrait.

M. Champagne, s'approchant du lit, dit ? son ma?tre:--Mademoiselle dort toujours!...

--Cette petite tiendra de moi en tout: le m?me sang-froid, le m?me calme dans le danger!... c'est dans le sang!... La famille des Francornard est connue pour cela depuis trois si?cles!... Nous avons un de nos anc?tres qui s'est endormi sur un b?lier au si?ge de Solyme...--La veille de l'assaut, monsieur le comte?--Non... le lendemain. Mon a?eul a eu deux fois un cheval abattu sous lui!...--A l'arm?e, monsieur le comte?--Non, au man?ge. Et mon p?re avait, quand il est mort, plus de deux cents cicatrices sur le corps... Dis donc, Champagne, deux cents cicatrices!... il n'y a pas beaucoup de gens qui pourraient en montrer autant!...--Peste! je le crois bien... c'?taient des coups d'?p?e, sans doute.--Non, c'?taient des piq?res de sangsue; il ?tait extr?mement sanguin. Quant ? moi, je porte sur mon visage des preuves de ma valeur!...--Il y a bien des personnes qui voudraient ressembler ? monsieur le comte.--Oui, certes, Champagne; l'oeil que je n'ai plus m'a fait faire bien des conqu?tes...--Je crois que monsieur m'a dit que c'?tait en se disputant avec un Anglais qu'il l'avait perdu?--Oui, Champagne: pardieu! cette affaire-l? fit assez de bruit!... nous nous disputions... ? qui mangerait le plus vite... Je fus vainqueur, Champagne, et dans sa col?re l'Anglais me lan?a ? la t?te un oeuf dur qui fit sauter mon oeil ? dix pas!...--Ah! mon Dieu!...--Juge de ma fureur! si l'on ne m'avait retenu... je serais tomb? sous la table!... Mais je suis bien veng?!...--Vous avez tu? votre homme?--Oui, Champagne; un mois apr?s nous avons recommenc? le pari, et mon Anglais est mort d'indigestion.

La conversation du ma?tre et du valet ne nous avait pas emp?ch?s, mes fr?res et moi, de terminer notre souper. Ma m?re allait ? chaque instant consid?rer la petite fille; puis elle revenait pr?s de mon p?re qui, debout au milieu de la chambre, son chapeau et son b?ton ? la main, attendait qu'il pl?t au voyageur de donner des ordres pour sa voiture et son postillon, qui devait geler sur la route pendant que M. le comte ?tendait ses jambes devant la flamme ardente de notre foyer.

--Sa fille! r?p?tait ma m?re ? l'oreille de son mari toutes les fois qu'elle venait de regarder la petite dormeuse: comprends-tu cela, toi, Georget?--Oui, Marie, dans le grand monde on dit que l'on voit souvent de ces choses-l?.

--Monsieur, dit enfin mon p?re en s'approchant de l'?tranger, votre postillon est toujours sur la route... et...--Eh bien! c'est son ?tat d'?tre sur les routes!... Ce dr?le-l? qui allait me jeter dans un pr?cipice!... il m?riterait que je le fisse s?v?rement punir!...--Je crois bien qu'il se serait fait autant de mal que monsieur!--Ah! vous croyez cela, mon cher? Dis donc, Champagne, ce Savoyard qui se permet de comparer mon existence ? celle d'un postillon!...--Monsieur le comte, ces gens-l? ne sont pas en ?tat de vous comprendre.--Tu as raison, cela vit et cela meurt comme des marmottes... sans avoir eu une pens?e distingu?e. Cependant, il faut que je reparte le plus t?t possible... je ne saurais rester longtemps en ces lieux... cela y sent la nature d'une force ? vous asphyxier? Champagne, va avec ce Savoyard rejoindre la voiture; qu'on examine bien s'il n'y a rien de cass?... qu'on la mette dans le bon chemin; et, d?s qu'il fera jour, nous partirons, je ne veux pas m'aventurer encore la nuit sur ces routes couvertes de neige.--Comptez sur ma prudence, monsieur.

M. Champagne sort avec mon p?re. M. le comte se rapproche du feu et ne para?t plus s'occuper de sa fille ni de nous. Au bout de quelques minutes un son prolong? nous apprit que notre h?te ronflait comme son a?eul apr?s la prise de Solyme.

--Il faut vous coucher, enfants, nous dit ma m?re. Votre vue ne para?t pas fort agr?able ? ce monsieur, qui sans doute n'aime pas les enfants; car, depuis son arriv?e ici, il ne s'est pas approch? une seule fois de sa fille. Avoir un bijou comme cela, et ne point l'adorer!... Ah! je n'y comprends rien!... Il faut que ces gens du grand monde aient la t?te bien occup?e pour oublier ainsi leurs enfants.

--Ah! ma m?re, laisse-nous encore voir la petite fille, dis-je en courant pr?s du lit. Pierre en fit autant, et notre m?re prit le petit Jacques dans ses bras afin qu'il p?t la bien voir aussi.

--Le beau bonnet! dit Pierre; les beaux habits!...--Comme elle dort!... dis-je ? mon tour, ah! si elle pouvait ouvrir les yeux!... Je voudrais bien l'entendre parler, maman.--Elle a donc soup?? dit Jacques.--Probablement, mon gar?on... ces gens riches ont de tout dans leur voiture.--Restera-t-elle avec nous? dit Pierre.--Non, mes enfants; elle repartira avec son p?re au point du jour. Que ferait dans notre pauvre chaumi?re cette enfant habitu?e ? l'aisance, aux douceurs de la vie?... Et cependant, on l'aimerait bien, et peut-?tre plus que ce petit vilain monsieur, qui se dit son p?re!...

Dans ce moment, Jacques, en passant sa main sur la fourrure qui garnissait le bonnet de la petite fille, lui fit faire un l?ger mouvement; elle se retourna; sa pelisse s'entr'ouvrit et nous aper??mes un m?daillon pendu ? son cou avec une cha?ne d'or.

--Oh! le beau joujou! dit Jacques, et nous avan?ons tous la t?te vers la dormeuse afin de voir de plus pr?s le bijou.

--C'est un portrait de femme! dit ma m?re. Les jolis traits! les beaux yeux!... ce doit ?tre la maman de cette petite fille; oui, je le gagerais... elle lui ressemble d?j?... Mais comment ce monsieur, qui n'a qu'un oeil, a-t-il fait pour devenir l'?poux d'une si jolie femme?... Georget a bien raison: dans le grand monde on voit des choses ?tonnantes, et qui sont toutes simples pour les gens riches. Allons, mes enfants, il faut aller vous coucher; vous pourriez r?veiller cette petite... et ce monsieur vous gronderait... car il n'a pas l'air de se souvenir que mon mari lui a sauv? la vie ainsi qu'? sa fille; il ne l'a seulement pas remerci?!... Ah! si Georget en e?t fait autant pour un pauvre Savoyard!... Mais, si on n'obligeait que les gens reconnaissants, on ne ferait pas souvent le bien!...

Nous nous ?loignons ? regret du lit sur lequel repose la petite fille, que je ne puis me lasser de regarder. Mais il faut ob?ir ? notre m?re, et nous nous dirigeons vers notre petit coin. En courant ? notre couchette, Jacques se jette ?tourdiment dans les jambes du monsieur qui dormait; il se r?veille en sursaut et fait un bond sur sa chaise en criant ? tue-t?te:--A moi! Champagne!... ? moi! on attaque ton ma?tre...

La figure du voyageur ?tait alors si comique, que nous ?clat?mes de rire, mes fr?res et moi.--Ce n'est rien, monsieur, ce n'est rien, lui dit ma m?re, c'est mon petit Jacques qui en courant a attrap? vos jambes, v'l? tout?...

--Comment, ce n'est rien! dit l'?tranger, qui se frotte l'oeil et revient ? lui... Je vous trouve plaisante, ma mie, avec votre voil? tout!... Me r?veiller ainsi quand je dors!... Donnez le fouet ? tous ces polissons, et envoyez-les coucher; que je ne les entende plus... Ce n'est rien!... Je r?vais que j'?tais ? la chasse; et j'allais forcer le cerf quand ce petit dr?le m'a fait perdre sa piste.

Ma m?re se h?te de nous faire rentrer dans notre petit appartement; elle tire le rideau sur nous et nous recommande le silence. Mes fr?res se d?shabillent et ne tardent pas ? s'endormir. Pour moi, je n'ai aucune envie de me livrer au sommeil; je ne sais quelle curiosit? m'agite, mais je pense ? la jolie petite fille; je voudrais la revoir encore, je voudrais surtout la voir ?veill?e. Je garde donc mes habits; le rideau qui cache notre couchette ne ferme pas assez bien pour qu'on ne puisse apercevoir dans la chambre; m'?tendant sur notre lit, et pla?ant ma t?te contre le rideau, je m'arrange de mani?re ? entendre et ? voir tout ce qui se passera dans notre chaumi?re.

A peine ?tions-nous retir?s, que mon p?re revient avec le domestique du voyageur.

--Eh bien! Champagne, ma voiture?... demande le petit monsieur sans regarder mon p?re.--Oh! il n'y a que peu de chose ? r?parer... un ?crou de d?fait... le postillon dit que ce n'est presque rien...--Je ne remonterai certainement pas dans une voiture o? il manque un ?crou, pour que la roue se d?tache et que nous versions sur la route!... Le postillon se moque de cela, il est ? cheval. Il faut faire sur-le-champ raccommoder ce qui est bris?... Est-ce qu'il n'y a pas de charron dans ce maudit pays?...

--Monsieur, dit mon p?re, il y a bien un homme qui ferre les chevaux et travaille aux voitures, mais il demeure de l'autre c?t? du village...--Qu'il demeure au diable si vous voulez, mais il me le faut...--C'est fort loin... et les chemins sont si mauvais cette nuit...--Vous devez ?tre habitu? ? courir sur la neige comme moi ? porter une ?p?e. Avec un gros b?ton comme celui que vous tenez, vous pouvez vous soutenir partout... Est-ce que vous auriez peur, par hasard?...--Non, monsieur, non... et j'en ai donn? la preuve lorsqu'au p?ril de ma vie j'ai arr?t? vos chevaux qui vous entra?naient vers un pr?cipice...--C'est juste!... et certainement, mon cher, je vous en r?compenserai... mais il me faut absolument un charron.

Mon p?re se dispose ? partir; ma m?re court ? lui et se jette dans ses bras:--Mon cher Georget! ne sors pas cette nuit, lui dit-elle; tu es d?j? malade, le chemin est dangereux... demain, au point du jour, il sera temps d'aller chercher du monde.

--Demain! dit l'?tranger, vous n'y pensez pas, bonne femme! demain!... Et il faudrait que j'attendisse encore une partie de la journ?e ici! Non pas, il faut que je parte d?s le point du jour... Ne retenez pas votre mari, ne craignez rien!... je vous r?ponds de lui... Et, pardieu! j'en ai fait bien d'autres, moi, quand je patinais pendant des heures enti?res sur des bassins qui avaient jusqu'? trois pieds d'eau!...

--Laisse-moi, ma ch?re Marie, dit mon p?re en se d?gageant des bras de sa femme. C'est pour nos enfants, c'est pour toi que je cherche ? gagner quelque chose... La Providence me guidera sur la route; confions-nous ? elle... elle doit veiller sur un p?re de famille.

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