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Read Ebook: L'Illustration No. 0042 16 Décembre 1843 by Various
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next PageEbook has 134 lines and 25949 words, and 3 pagesHistoire de la Semaine. L'histoire de la semaine ne d?couvre ? l'int?rieur aucun fait de quelque importance. Dans les d?partements, les nouvellistes vivent sur les ?v?nements locaux; ? Rouen, on va visiter les ruines qu'a faites un incendie consid?rable, qui, comme tous ceux qui ?clatent dans cette ville aux rues ?troites et aux maisons vermoulues, a menac? de r?duire tout un quartier en cendres; ? Saint-Etienne, on suit avec sollicitude l'enqu?te commenc?e sur un accident arriv? sur le chemin de fer et caus? par une malveillance qui pouvait faire de nombreuses victimes. A Paris, on regarde le t?l?graphe se mouvoir et on lit avec curiosit? les comptes-rendus des s?ances l?gislatives de Madrid, d'Ath?nes et de Bruxelles, en attendant qu'on puisse assister ? celles du palais Bourbon. A Bruxelles donc, dans la Chambre des D?put?s, la question des rapports commerciaux entre la France et la Belgique a ?t? soulev?e par M. Castiau, un des nouveaux d?put?s du Hainaut. Il a fait ressortir ce qu'il y avait eu d'impolitique et d'injuste de gratifier l'Allemagne d'avantages dont la France avait pay? assez ch?rement la jouissance par les concessions qu'elle avait faites, pour qu'on ne les transport?t pas ? une autre nation sans compensation aucune, sans espoir m?me d'en obtenir, ? titre purement gratuit et uniquement, en quelque sorte, pour donner ? la France le droit d'accuser la diplomatie belge de d?loyaut? et de duplicit?. Nous n'aggravons ni n'affaiblissons le reproche: nous reproduisons les termes m?mes dans lesquels il a ?t? formul?. Le ministre de l'int?rieur, M. Nothomb, a cherch? ? y r?pondre; mais ce ministre, dont nous ne contestons pas l'habilet?, cet orateur dont nous reconnaissons le talent, n'est pas arriv? ? justifier la mesure incrimin?e. Le dialogue qui s'est engag? entre M. Castiau et lui ? la tribune a m?me prouv? que ce n'?tait pas la justesse du reproche que M. Nothomb esp?rait combattre avec succ?s, mais plut?t son opportunit?. < --A Ath?nes l'assembl?e nationale se livre ? la v?rification des pouvoirs. Apr?s cette op?ration, elle s'occupera de la Constitution. On entrevoit un germe de division. Une fraction extr?me, mais en faible minorit?, demande le syst?me d'une Chambre unique. La majorit?, ? la v?rit?, est bien prononc?e pour le syst?me de deux Chambres; mais elle se subdivise elle-m?me en une fraction qui vont abandonner au roi la nomination des s?nateurs et c'est la plus faible; une autre qui voudrait la r?server ? la nation ou ? la Chambre des D?put?s, et une troisi?me qui veut y faire participer tout ? la fois, et pour moiti?, le roi et la nation. Les ambassadeurs ?trangers ont d?clar? ne vouloir se m?ler en rien des affaires int?rieures. O'Connell a obtenu, ce qui ?tait si important pour lui, de n'?tre jug? que par le jury de 1844, dont la liste est dress?e sous l'active surveillance des repealers. En attendant le jour de sa comparution, il est all? pr?sider ? Limerick un grand banquet en l'honneur de M. O'Brien, qui s'est ralli? ? la cause du rappel. Le lib?rateur a d?clar? qu'on lui avait offert de renoncer aux poursuites ou de ne pas faire ex?cuter la condamnation qui pourrait ?tre prononc?e, s'il voulait abandonner le rappel. < M. Feuillet, membre libre de l'Acad?mie des Sciences morales et publiques, et conservateur de la Biblioth?que de l'Institut, vient de mourir ? l'?ge de soixante-quinze ans. C'?tait un homme d'une instruction ?tendue, qui s'?tait concili? l'affection et l'estime de tous les savants, avec lesquels il ?tait depuis si longtemps en rapports quotidiens.--Nous avons lu dans plusieurs feuilles qu'un neveu de Lavoisier, une des gloires de la France, venait de mourir ? Bic?tre. On ne nous a pas dit s'il fallait le reprocher au pays, et si c'?tait un injuste abandon qui avait fait franchir ? ce malheureux la porte de ce triste s?jour. Nous repr?sentons, page 211, des demoiselles qui ne se contenteraient certainement pas d'une romance de B?rat pour leurs ?paves du jour de l'an: ce sont ces demoiselles de l'Op?ra, surtout ces demoiselles de la danse, esp?ce m?diocrement bucolique de sa nature, et fort peu dispos?e ? regretter le lait pur, le simple galoubet et les p?turages de sa Normandie. Le cachemire, entre nous, le divan aux moelleux coussins, et le Champagne glac?, leur semblent d'une qualit? pr?f?rable. Amaryllis et Tityre n'ont pas ?lu domicile dans les coulisses de l'Acad?mie royale de Musique, et ne font pas encore partie du corps des ballets. Que viendraient-ils chercher, je vous le demande, l'un avec sa blanche brebis, l'autre avec sa fl?te champ?tre, au milieu de ces jambes l?g?res et de ces coeurs fragiles? Figurez-vous M?lib?e entrant au foyer de la danse, dans ce foyer tout plein de sourires faciles, de regards indulgents, de pieds mutins et de mains ?tourdies, dans ce damn? foyer que vous avez l? sous les yeux. En ce moment le lion, ainsi que vous le pouvez voir, est dans son quart d'heure de repos et d'humanit?; il ne mord pas, il roucoule comme s'il ?tait une modeste colombe.--Sur le premier plan, vous voyez un lion d'un ?ge m?r, dans l'altitude m?lancolique du bip?de qui se sent devenir vieux; plus loin, trois lionceaux debout, se confondant en douceurs et en politesses pour une des gazelles de l'endroit; ce sont des lions ? peine ?mancip?s, des lions ? leur premier coup de dent, si j'en crois leur mine respectueuse et guind?e; la gazelle s'en aper?oit et les ?coute d'un air l?g?rement maussade; la gazelle n'aime pas les lions conscrits. Parlez-moi du lion qui est l?-bas, assis n?gligemment sur un canap?, les pattes crois?es; celui-l? est un beau jeune lion rompu aux armes; j'en atteste cet air pench?, ce sourire satisfait et victorieux. Cependant, au fond de l'autre, lion et gazelles se cherchent et se confondent; c'est un bruit m?l? de rugissements et de soupirs. Les propos y sont lestes comme cette p?ri, cette sylphide ou cette wili au jupon court qui s'?lance, bondit, et provoque le parquet de son pied aga?ant... mais, h?las! le foyer des danseuses a beaucoup d?g?n?r? depuis que le prince russe y est devenu rare, et que l'ambassadeur a fait place au commis banquier et au ma?tre clerc! Passons de l'entrechat au poignard, de Terpsychore ? Melpom?ne . Or, Melpom?ne est un peu consol?e; apr?s six semaines d'abandon, elle a retrouv? sa ch?re Rachel, son tr?sor, son orgueil. Qu'?tiez-vous devenue, ? Roxane? Pourquoi nous d?laisser, Hermione? Sans vous, Camille, que faire? Chim?ne, si vous nous quittez ainsi, que dira Rodrigue? N'accusez ni Roxane, ni Hermione, ni Camille, ni Chim?ne de d?sertion et d'infid?lit?; le mal les avait vaincues. Au lieu du diad?me d'or et du manteau de pourpre, ces belles reines, ces princesses passionn?es avaient pris la camisole et le bonnet de malade; Curiace et Bajazet, Rodrigue et Pyrrhus ne les visitaient plus que sous un habit de m?decin. Adieu, jalousies et tendres fureurs! adieu, rimes br?lantes! Ph?dre, voyons votre pouls! Eryphile, suivez cette ordonnance! qu'on appr?te cette tisane pour Esther! Mais enfin voici mademoiselle Rachel debout, gr?ce au ciel! Apr?s cette longue maladie, il ?tait prudent de ne pas se jeter, pour premier essai, dans l'emportement des ardeurs tragiques; ainsi mademoiselle Rachel a commenc? par la douce et simple Monime: Ph?dre, Roxane, Hermione, exigent toute la vigueur d'un talent plein de sant?; Monime convient ? une convalescente: c'est la continuation d'un r?gime adoucissant. Les p?lerins de Belgrave-square sont d?finitivement revenus au bercail; les derni?res nouvelles d'Angleterre annoncent que M. le duc de Bordeaux lui-m?me ne tardera pas ? quitter Londres; M. Berner a donn? le signal de la rentr?e en France, puis, apr?s M. Berryer, M. de Chateaubriand; les autres devaient naturellement suivre ces deux noms fameux, pour le retour comme au d?part. Parmi les revenants, on cite M. le marquis de P....., qui passe pour un des fid?les de la petite cour de Belgrave-square; cependant il ne faudrait pas trop s'y fier. M. le marquis, si l'on en croit les langues indiscr?tes, ressemble ? la chauve-souris de la fable, oiseau ou souris, suivant les circonstances, tenant pour le roi ou la ligue. Voici un trait ? l'appui de cette ressemblance. On raconte qu'en effet M. le marquis s'est rendu ? Londres il y a quelque temps; ? peine arriv?, il sollicita la faveur d'?tre pr?sent? ? M. le duc de Bordeaux; son d?sir fut bient?t satisfait: d?s le lendemain, M. le marquis eut l'honneur de saluer le prince et de lui offrir son d?vouement et sa fid?lit?. Jusque-l?, rien de mieux; mais nous n'avons vu que la souris; voici l'oiseau qui d?ploie ses ailes. En sortant de Belgrave-square M. le marquis s'inscrivit ? l'h?tel de M. le comte de Saint-Aulaire, ambassadeur de S. M. Louis-Philippe. Le lendemain, il rendit visite ? Son Excellence, et la pria de vouloir bien le pr?senter ? M. le duc de Nemours, alors en Angleterre. M. de Saint-Aulaire, assure-t-on, exprima au marquis son ?tonnement de le voir aller ainsi le m?me jour de la branche a?n?e ? la branche cadette. Le marquis r?pondit ing?nument qu'il croyait prudent de se pr?parer ? tout ?v?nement; M. le marquis de P.... est de l'esp?ce de ces oiseaux sauteurs qui voltigent de branche en branche. Madame de B... est revenue de son voyage d'Italie; elle a pass? six mois ? Florence; la fashion parisienne est ravie du retour de madame de B..., et la fashion a raison: madame de B... est une des plus jolies et des plus spirituelles femmes de Paris. Aussi son salon est-il des plus recherch?s; on se dispute le plaisir d'y ?tre admis; c'est ? qui pourra y entrer; et une fois entr?, on a de la peine ? sortir: madame de B... est si aimable! Elle aime tout le monde, y compris elle-m?me; il est si naturel de commencer par soi! Un jour, madame de B... se mirait dans sa psych? avec une complaisance toute affectueuse; quelqu'un qui s'?tait gliss? l?, sans en ?tre vu, l'entendit s'?crier; < Il y a eu, l'autre jour, un magnifique d?ner chez M. Salvi, t?nor du Th??tre-Italien; la litt?rature et les arts s'y sont mesur?s la fourchette ? la main; le d?ner a eu la dur?e d'un op?ra en cinq actes; les duos de champagne, les quatuors de truffes, les choeurs de romance et de johannisberg se sont succ?d? dans un accord partait; Meyer-Beer et Donizetti, plac?s face ? face, conduisaient l'orchestre. Ouverture des Cours de l'?cole Polytechnique. L'illustre Fourcroy fut charg? du rapport: son travail est digne de sa science et de sa r?putation. On vota la fondation de l'?cole, et Lamblardie en fut le premier directeur. On confia le soin de former le cabinet de physique ? Barruel; celui de recueillir les mod?les pour le dessin d'imitation ? Neveu; celui de rassembler les dessins et mod?les d'architecture ? Lesage, assist? de Lomet et Ballard; celui de fonder le laboratoire de chimie ? Carny, etc. La commission des travaux publics d?signa, pour y ?tablir l'?cole, quelques d?pendances du palais Bourbon, telles que les ?curies, les remises, la salle de spectacle et l'orangerie. Lamblardie et Gasser eurent la direction des travaux jug?s indispensables pour approprier ces localit?s ? leur nouvelle destination. Chacun s'acquitta avec z?le, promptitude et succ?s des travaux qu'on lui avait confi?s. Il est ? regretter que le d?sir d'arriver vite au but ait rendu le gouvernement d'alors peu scrupuleux sur les moyens de se procurer les objets n?cessaires. On mit bien ? contribution les propri?t?s de l'?tat, mais on ne respecta pas toujours les propri?t?s des particuliers. < On ne tarda pas ? r?gler par des lois les conditions d'entr?e et de sortie, les cours, l'administration, les examens, les avantages r?serv?s aux ?l?ves, etc. Des am?liorations partielles ont ?t? successivement introduites, mais le plan g?n?ral est rest? le m?me. La premi?re ouverture des cours ordinaires eut lieu le 21 mai 1795, et Lagrange ajouta beaucoup ? cette solennit? en y faisant sa premi?re le?on en pr?sence de la totalit? des ?l?ves et des instituteurs eux-m?mes, qui s'empress?rent de se ranger parmi ses auditeurs. La translation de l'?cole Polytechnique dans les b?timents du coll?ge de Navarre, o? elle est encore, s'effectua le 11 novembre 1805. Il a fallu d'assez grands frais pour approprier ces anciens b?timents de leur nouvelle destination. L'h?tel du g?n?ral-gouverneur de l'?cole, o? sont aussi les appartements du colonel-sous-gouverneur, ceux du directeur des ?tudes, les bureaux de l'administration, etc., est d'une construction r?cente; la porte d'entr?e des ?l?ves, dont nous donnons le dessin, a ?t? b?tie, il y a seulement quelques ann?es, par M. Ballard, architecte de l'?cole. De nombreuses critiques, ? notre avis fort justes, ont ?t? faites de ce travail. La statue de Minerve, appliqu?e ? la clef de vo?te, est du plus mauvais effet; les m?daillons de Bertholet, de Lagrange, de Monge, de Laplace, de Fourcroy, ont ?t? confi?s ? des mains inhabiles. La rentr?e a eu lieu, cette ann?e, le mercredi 15 novembre; et la nouvelle promotion, compos?e de 166 ?l?ves, est l'une des plus nombreuses qu'on ait vues depuis longtemps. C'est un grand jour pour tous ces jeunes gens studieux, qui ont eu besoin de tant de courage et de tant de pers?v?rance pour arriver ? ce point qui doit leur procurer une position honorable dans le monde, et qui leur donne le titre d'?l?ve de l'?cole Polytechnique dont ils s'honoreront toute leur vie. Il n'est pas besoin de dire que la direction des ?tudes et les cours de l'?cole Polytechnique ont toujours ?t? confi?s ? l'?lite des savants. Il suffira de nommer, parmi ceux qui ne sont plus, les Monge, les Lagrange, les Fourcroy, les Laplace, les Malus, les Prony, les Poisson, les Amp?re, les Bertholet, les Petit, les Dulong, les Regnaud, les Andrieux, etc. Les professeurs actuels sont dignes de leurs devanciers, dont ils ont ?t? les plus brillants ?l?ves. De vastes amphith??tres, de beaux laboratoires, des cabinets curieux, une riche biblioth?que, fournissent aux jeunes gens tous les moyens de s'instruire, et d'habiles r?p?titeurs servent d'utiles interm?diaires entre les laborieux ?l?ves et leurs savants professeurs. On ne dessine ? l'?cole que le soir. La salle, qui faisait partie d'une ancienne chapelle, et dont nous donnons un croquis, est parfaitement dispos?e pour dessiner ? la lumi?re. Une des pr?occupations des ?l?ves qui entrent est celle du triple uniforme, si ?l?gant et si populaire. On ne se sent v?ritablement ?l?ve que quand on a ceint l'?p?e et port? le petit chapeau historique. C est comme la cons?cration ext?rieure, et il semble bien naturel que la brillante jeunesse de l'?cole s'y montre sensible et soit fi?re d'un costume qu'ont rev?tu tant d'hommes illustres, et qui s'est fait honorablement remarquer dans plusieurs circonstances glorieuses, notamment en 1814, ? l'affaire de la barri?re du Tr?ne, et en 1830, aux journ?es de Juillet. Aussit?t que l'uniforme est pr?t, et cela n'arrive jamais assez vite au gr? des nouveaux, une revue solennelle dans la grande cour de l'?cole est pass?e par le g?n?ral, accompagn? de son ?tat-major. La m?me revue se renouvelle de temps en temps dans le cours de l'ann?e. C'est, avec l'uniforme, et, en quelques cas fort rares, les honneurs de l'Abbaye, ? peu pr?s tout ce qui reste de militaire dans cette ?cole, qui a eu longtemps des exercices, des fusils et m?me des pi?ces de canon. Il existe n?anmoins encore des grades parmi les ?l?ves. Ces grades s'obtiennent selon le rang de chacun: les deux premiers de chaque promotion sont sergents-majors, les douze qui suivent, sergents. Il peut y en avoir un nombre plus consid?rable quand les salles sont plus nombreuses. Les sergents-majors et sergents portent des signes distinctifs analogues ? ceux du m?me grade dans l'arm?e. Ces sous-officiers sont les interm?diaires naturels entre l'autorit? et les ?l?ves. Ils perdent leur grade s'ils perdent leur rang dans la promotion. Cette m?thode entretient l'?mulation, et tourne au profit des ?tudes. Il en est de m?me de ce qui se passe ? la sortie: les premiers choisissent dans toutes les places mises ? la disposition de l'?cole. Les carri?res pr?f?r?es changent et varient selon les temps. Sous l'Empire, les ?l?ves choisissaient les carri?res militaires pr?f?rablement aux carri?res civiles; aujourd'hui c'est le contraire. Voici, en g?n?ral, l'ordre des choix qu'on remarque actuellement: mines, Ponts et Chauss?es, constructions maritimes, ?tat-major, g?nie militaire, artillerie, marine, artillerie de marine, tabacs. Cet ordre est parfois interverti; mais c'est une exception ? la r?gle, qu'il faut attribuer ? des convenances personnelles ou a des go?ts particuliers. R?volutions du Mexique. D. LUCAS ALAMAN. Alaman entra au minist?re des relations ext?rieures avec l'id?e fortement arr?t?e de faire marcher de pair la r?forme politique et financi?re; l'ex?cution de la seconde devait lui fournir les moyens d'op?rer la premi?re, et, pour y parvenir, il ne s'agissait que d'appeler aux emplois les hommes les plus probes. Telle ?tait la corruption apparente, qu'il semblait impossible de pouvoir les trouver. S'il n'en trouva pas en effet un nombre suffisant en qui la capacit? se joignit ? la probit?, il sut du moins, en utilisant ceux qu'il rencontra, r?primer les concessions des employ?s qu'il maintint, par ce moyen, la contrebande fut comprim?e, le tr?sor vit ses coffres se remplir du produit des droits qui, avant lui, ne servaient qu'? enrichir les administrateurs des douanes; et les troupes, bien pay?es, bien habill?es, purent devenir un appui pour le gouvernement. Les d?penses ne d?passant plus les recettes, l'?conomie pr?sida aux d?penses du tr?sor, confi? au ministre Maugino; en un mot, sous l'administration d'Alaman, le Mexique se vit organis? en v?ritable gouvernement, et ce fut lu premi?re fois depuis l'Ind?pendance. De ce moment commen?a pour le pays une ?re nouvelle. Jusqu'alors il n'?tait arriv? qu'au second degr? de civilisation, c'est-?-dire que ses ressources ne consistaient que dans l'agriculture et la vente des bestiaux. Alaman voulut mettre le peuple qu'il gouvernait au niveau des peuples d'Europe, en le faisant manufacturier, industriel. L'industrie ne fleurit qu'au sein de la paix, et la paix ?tait faite. Cette grande question si n?cessaire ? la prosp?rit? nationale avait ?t? appr?ci?e et m?rement pes?e par Alaman. La nature, qui s'est complu ? doter le Mexique de trois climats diff?rents, br?lant, ti?de et froid , qui adonn? aux terres de ces trois latitudes une fertilit? in?puisable, un ciel toujours pur, des cha?nes de montagnes du haut desquelles les eaux pluviales font rouler l'or dans les plaines, o? l'argent est plus commun que la houille; la nature, qui a circonscrit entre deux oc?ans son immense territoire, qui l'a rendu propre ? toutes les cultures, a oubli? de lui donner des fleuves navigables. Elle a aussi tellement accident? le sol qu'on ne peut pr?voir comment les chemins de fer pourront le traverser; en un mot, le Mexique est priv? des voies de communications naturelles qui ont ?t? donn?es comme compensations aux pays moins favoris?s. La question industrielle est donc pour lui plus vitale encore que pour tout autre, puisqu'il ne peut exporter ses mati?res premi?res jusqu'au littoral de ses deux mers. Dans la lutte qui s'engagea entre le g?n?ral Santa-Anna et le gouvernement, et dont on a vu le r?sultat, en janvier 1832, ce fut en vain qu'Alaman donna aux g?n?raux qu'il employa les instructions les plus pr?cises, de l'argent, des troupes aguerries, leur imp?ritie fit ?chouer tous les plans qu'il avait trac?s dans la m?ditation du cabinet. Le ministre de la guerre, le g?n?ral Facio, ne fut pas plus heureux; Alaman ne put monter ? cheval pour r?parer leurs fautes, et apr?s la capitulation faite par Bustamante, il disparut subitement de la sc?ne politique, sans que personne p?t savoir o? il s'?tait r?fugi?, ni quel myst?rieux asile le mettait ? l'abri de l'animadversion du parti victorieux..................... Quinze mois apr?s, pendant la pr?sidence de Santa-Anna, qui n'ignorait cependant pas les projets avort?s d'Alaman ? son ?gard, celui-ci reparut dans Mexico aussi inopin?ment qu'il l'avait quitt?. Tout ce qu'on put savoir, c'est que, craignant pour sa vie, ? tort ou ? raison, il avait ?t? s'enfermer dans un couvent qui lui avait pr?t? l'ombre et le silence de son clo?tre. Ce fut dans cette retraite inaccessible qu'il laissa s'amortir le ressentiment des passions politiques, et le secret fut si bien gard? qu'un ignore encore aujourd'hui le couvent qui lui servit d'asile. Isol? compl?tement des affaires publiques jusqu'en 1837, il recommen?a ? y prendre part quand Bustamante devint pr?sident pour la seconde fois. Nous devons dire ici que Alaman obtint dans cette ?lection le plus de voix apr?s Bustamante, et qu'il ne s'en fallut que de peu qu'il ne f?t nomm? pr?sident lui-m?me. Son habilet? ordinaire sut du reste, dans le partage de l'autorit?, lui r?server la plus large part, et, l'on peut citer comme mod?le du genre la position supr?me qu'il eut le talent de se cr?er. Le r?sultat de cette tol?rance coupable fut de placer, tant ? Mexico qu'? Orizava et partout, les industriels d?courag?s dans une situation d?sastreuse; la filature d'Orizava fut la premi?re ? ressentir les cruels effets de celle concurrence des ?tats-Unis, et cette soci?t?, dont Alaman ?tait le chef, fut oblig?e de suspendre le paiement de nombreux effets mis en circulation pour effectuer les capitaux n?cessaires ? son exploitation. Cette somme s'?levait ? 1,200,000 piastres, soit 7,000,000 de francs. La faillite d'Alaman jeta la consternation dans le commerce mexicain, et les journaux d'Europe s'en pr?occup?rent en lui donnant le nom du Cockenil am?ricain. Il supporta cette position f?cheuse avec un sang-froid et une indiff?rence qui furent loin de lui faire honneur dans l'esprit public. Les arrangements furent d?sastreux pour les cr?anciers, et la cession de ses biens une fois faite, Alaman ne s'occupa plus de cette affaire. Il n'est plus aujourd'hui que simple administrateur des biens du duc de Monteleone. Santa-Anna, qui, comme nous l'avons dit, n'ignore pas qu'Alaman l'e?t fait fusiller sans piti? s'il avait pu mettre la main sur lui aux jours de sa puissance, n'a gard?, avec sa b?nignit? accoutum?e, aucun ressentiment de ses terribles intentions; il le consulte m?me souvent, et il n'y aurait rien de bien ?tonnant ? ce que, par ses conseils, il ait proc?d? aux incroyables mesures fiscales qu'il vient de prendre, et qui sont le pr?lude d'une expulsion g?n?rale des ?trangers, des Fran?ais surtout. En terminant, disons qu'on ne peut s'emp?cher de reconna?tre dans l'homme dont nous avons esquiss? la vie ? grands traits, des talents politiques de premier ordre, une capacit? d'homme d'?tat peu ordinaire, une incroyable activit? au travail. Ou doit regretter pour lui que la nature ne l'ait pas jet? dans un moule plus h?ro?que, ou qu'elle ne l'ait pas fait na?tre au moins dans une soci?t? plus civilis?e, o? la force du corps ne fasse pas pour ainsi dire tout le m?rite; il aurait pu, au besoin, ex?cuter, les armes ? la main, ses savantes combinaisons de cabinet, et le Mexique n'en serait pas aujourd'hui r?duit ? l'?tat de caducit? pr?coce o? il est tomb?. Au reste, le principal d?faut du parti qu'Alaman repr?sentait a ?t? de n'avoir pu trouver un g?n?ral capable de commander avec fruit les forces militaires mises ? sa disposition, et cette p?nurie d'hommes de guerre a ?t? bien fatale au pays. La politique d'Alaman ne s'est jamais distingu?e par sa droiture, et l'on ne peut manquer, en comparant avec sa conduite dans les affaires commerciales, de faire la r?flexion que l'improbit? publique marche plus souvent qu'on ne pense de front avec l'improbit? priv?e. L'Horloge qui chante. NOUVELLE AM?RICAINE. Le pauvre Daniel s'en revenait d'un pied leste et le coeur content; un mois auparavant on l'avait vu partir du logis tout habill? de ses horloges en bois, qu'il portait, par-devant et par-derri?re, sur la poitrine et sur les ?paules. Ainsi charg? Daniel avait parcouru l'?tat de l'Ohio tout entier, et il n'?tait si mince bourgade qui n'e?t entendu sa petite chanson accoutum?e, qu'il chantait d'une voix claire et joyeuse: < La tourn?e de Daniel avait ?t? heureuse: il s'?tait d?fait ? bon compte de toutes ses horloges, et un riche presbyt?rien lui avait achet? le grand cadran ? rayons d'or que, depuis trois ans, il portait tout resplendissant au milieu de sa poitrine, sans avoir pu trouver encore ? qui le vendre. Ma?tre Saunders ?tait vastement assis dans son grand fauteuil de cuir noir, les mains crois?es sur son large abdomen; doucement absorb? dans la tranquille affaire de sa digestion, il tenait ses regards fix?s, tout droit devant lui, sur une grande pendule de bois, qui ornait le fond de sa boutique, et servait de r?gulatrice ? toutes les montres de Cleveland. Saunders v?n?rait sa vieille pendule comme la plus belle pi?ce d'horlogerie qui fut sortie de ses savantes mains; c'?tait pour lui une occupation toute paternelle que de suivre de l'oeil l'admirable marche des deux aiguilles dor?es, et vous l'auriez vu alors imprimer machinalement ? sa t?te grise un petit battement r?gulier, correspondant ? celui du balancier de la pendule.--Assise ? c?t? de l'horloger, sa fille Louise filait au rouet; elle courbait la t?te d'un air pensif, et les boucles de ses cheveux blonds couvraient presque enti?rement ses joues vermeilles. Quand les comptes eurent ?t? r?gl?s, ma?tre Saunders renferma son argent d'un air satisfait; et, t?moignant ? Daniel un int?r?t inaccoutum?, il l'engagea ? aller prendre le repos dont il devait avoir grand besoin, et lui souhaita le bonsoir d'une fa?on presque affectueuse. Daniel ?prouva un vif sentiment de bonheur en revoyant sa petite chambre ? rideaux blancs. Pendant son absence, une main amie avait arros? soir et matin les rosiers qui fleurissaient sur sa fen?tre, et soigneusement garni de mouron frais et de massepain la cage du petit chardonneret rouge et noir. Daniel courut ouvrir la crois?e, qui donnait sur le beau lac Eri?, et, comme d?j? la lune s'?levait, il entendit, sur un des peupliers de la rive, chanter le rossignol. Son ?motion fut si vive qu'il chancela et fut oblig? de s'asseoir. Daniel et Louise s'aimaient depuis longtemps: mais Daniel ne poss?dait rien au monde, et il n'osait d?couvrir au ma?tre l'amour qu'il avait pour sa fille. Tout le jour, les deux amants pouvaient ? peine se voir et se parler; mais d?s que le soir ?tait venu, Daniel ouvrait sa crois?e, et toujours, ? la m?me heure, Louise ouvrait aussi la sienne, pour respirer la fra?cheur du lac. Les deux fen?tres se touchaient presque. Longtemps Daniel n'avait os? adresser la parole ? sa voisine; mais enfin un rossignol vint, l'?t?, s'?tablir sur l'un des peupliers de la rive, et comme il chantait le soir, ? l'heure m?me o? les deux amants se mettaient ? leurs fen?tres, la conversation s'engagea en ?coutant et en louant le merveilleux chanteur. Peu ? peu ?taient ensuite venues les confidences, les demi-aveux, puis les projets d'avenir, et Louise avait en cachette brod? pour Daniel une jolie bourse verte o? tous deux ils mettaient leurs petites ?conomies, destin?es, dans leur pens?e, aux premiers frais de leur m?nage futur. Cependant les jours et les mois s'?taient ?coul?s sans que Daniel os?t faire ? son ma?tre la solennelle demande. La haine que Samuel lui portait, et plus encore l'abord dur et s?v?re du ma?tre, intimidaient ses meilleures r?solutions. Louise devenait triste et pensive, et souvent ses yeux ?taient pleins de larmes qu'elle essuyait ? la d?rob?e, mais que Daniel voyait bien. Par bonheur vint ? passer dans la ville un horloger ambulant, qui portait sur son dos des horloges ? musique. Des horloges ? musique! Avait-on ou? jamais parler ? Cleveland d'un pareil prodige? Quel soufflet sur la joue des pauvres coucous de bois, qui n'avaient dans le gosier que deux tristes notes, toujours les m?mes! M. Saunders se piquait d'avoir plus qu'aucun homme vivant recul? les limites de l'horlogerie; aussi refusa-t-il d'abord de croire ? ces nouvelles merveilles de l'art; mais il entendit de ses oreilles chanter les heures de l'?tranger; et alors, anim? d'un beau z?le, il prit ses outils, s'enferma dans sa chambre, tailla, coupa, fabriqua rouages et m?caniques; mais il eut beau faire, ses horloges ? musique chantaient tout au plus comme un tournebroche. Il en fut malade de d?pit, et d?clara ? qui voulut l'entendre que l'?tranger qu'on avait vu ?tait tout au moins un sorcier. Add to tbrJar First Page Next Page |
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