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Munafa ebook

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Read Ebook: Histoire de France 1661-1690 (Volume 15/19) by Michelet Jules

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Ebook has 559 lines and 76122 words, and 12 pages

Elle y trouva deux choses, non-seulement Monsieur exasp?r?, envenim?, mais, ce qu'elle n'e?t pas attendu, le roi tr?s-froid. Il avait d'elle ce qu'il voulait avoir. Il n'alla pas au-devant d'elle, comme on l'avait pens?. La cabale en fut enhardie.

Elle pleura beaucoup, se voyant si peu appuy?e. Monsieur l'emmena de la cour, de son autorit? d'?poux, ne la laissa pas aller ? Versailles. Le roi aurait pu insister, mais il ne le fit point. Elle pleura encore plus, se laissa conduire ? Saint-Cloud. Elle ?tait seule, et tout contre elle, sa fille m?me, enfant de neuf ans; on avait r?ussi ? lui faire d?tester sa m?re.

Il faisait chaud. Elle prit un bain qui lui fit mal, mais elle s'en remit tr?s-bien, et fut passablement pendant deux jours, mangea, dormit. Le 28 juin, elle demanda une tasse de chicor?e, la but, et, au moment m?me, rougit, p?lit, cria. Elle, toujours si patiente, elle c?da ? l'exc?s de la douleur; ses yeux se remplirent de larmes, elle dit qu'elle allait mourir.

?taient-ils du complot? Non; mais, outre l'orgueil qui les emp?cha de se d?mentir, ils eurent peur d'en voir plus qu'ils n'auraient voulu, de faire tr?s-mal leur cour, de trouver des preuves trop claires de l'empoisonnement. L'alliance e?t ?t? bris?e peut-?tre, les projets du roi, du clerg?, pour la croisade hollandaise et anglaise, eussent ?t? ? vau-l'eau. On ne l'aurait jamais pardonn? aux m?decins. Ils furent prudents et politiques.

On vit l? une chose cruelle, c'est que cette femme aim?e de tous n'?tait pas fortement aim?e. Chacun s'int?ressait, allait, venait; mais personne ne se hasarda, personne n'ob?it ? sa derni?re pri?re. Elle voulait vomir, rejeter le poison, demandait l'?m?tique. Personne n'osa lui en donner.

Mademoiselle, qui arriva avec toute la cour, ne trouva personne afflig?, Monsieur un peu ?tonn? seulement. Elle la vit sur un petit lit, ?chevel?e, la chemise d?nou?e, avec la figure d'une morte. Elle sentait, voyait, jugeait tout, le progr?s surtout de la mort. <> On vit qu'en effet il ?tait d?j? comme celui d'un corps mort de huit jours. Avec tout cela, on se tenait au mot des m?decins: <> On ?tait tranquille, et quelques-uns rirent m?me. Mademoiselle en fut indign?e, et seule eut le courage de dire qu'au moins il fallait sauver l'?me et lui chercher un confesseur.

Les gens de la maison tenaient ? point l'homme du lieu, le cur? de Saint-Cloud, s?rs qu'? cet inconnu Madame ne dirait pas grand'chose; une minute, en effet, suffit. Mademoiselle insista. <>

Cependant, peu ? peu, elle resta presque seule. Le roi ?tait parti, fort ?mu, et Monsieur aussi en pleurant. Toute la cour s'?tait ?coul?e. Mademoiselle, trop touch?e, n'osait lui dire adieu. Elle baissait tr?s-vite, sentit une envie de dormir, s'?veilla brusquement, appela Bossuet, qui lui donna le crucifix, qu'elle embrassa en expirant. Il ?tait trois heures du matin, et la premi?re lueur de l'aube .

Le roi, fort afflig?, mais craignant que cette affliction n'alt?r?t sa sant?, le jour m?me prit m?decine. Il dit ? Mademoiselle, qui vint le voir: <> Plaisanterie fort d?plac?e; Mademoiselle e?t pu ?tre la m?re de Monsieur. Elle ne comprit pas, et dit: <> Il avait bien d'autres pens?es. Le soir m?me, il parla ? son fr?re de la princesse de Bavi?re.

Saint-Simon nous assure que le roi, avant de remarier son fr?re, voulut savoir au vrai s'il ?tait un empoisonneur, qu'il fit venir Furnon, le ma?tre d'h?tel de Madame, et sut de lui que le poison avait ?t? envoy? d'Italie par le chevalier de Lorraine ? Beauveau, ?cuyer de Madame, et ? d'Effiat, son capitaine des gardes, mais que Monsieur n'en savait rien. <>

R?cit trop vraisemblable. Mais ce qui ne l'est pas, ce qu'on ne voudrait pas croire, et qui cependant est certain, c'est que les empoisonneurs eurent un succ?s complet, que, peu apr?s le crime, le roi permit au chevalier de Lorraine de servir ? l'arm?e, le nomma mar?chal de camp, le fit revenir ? la cour. Comment expliquer cette chose ?norme et outrageuse ? la nature?

PR?LUDES DE LA GUERRE DE HOLLANDE

Quatre ans avant que la guerre ?clat?t , le col?rique Louvois s'?tait emport? jusqu'? dire: <> Il parlait devant les envoy?s des protestants d'Allemagne.

En partant pour la guerre , le roi dit froidement ? peu pr?s la m?me chose: <>

Mot grave qu'adoptera l'histoire.

Les longs circuits diplomatiques qui pr?c?dent cette guerre ne peuvent faire illusion. Que cette guerre ait ?t? politique et commerciale, cela est secondaire; c'est l'affaire des ministres. Elle fut, dans la pens?e supr?me qui les menait, une guerre de vengeance et de religion.

Les J?suites eurent toujours pr?s du roi un homme bien choisi, sans ?clat, souple et fort, infiniment tenace, des races montagnardes du Midi de la France. Annat, Ferrier, ?taient deux hommes de Rodez, de ce rude pays de l'Aveyron. Leur successeur, le P. la Chaise, si doux de forme, et plus tenace encore, fut un montagnard du Forez. Dans cette place, il fallait un homme qui c?d?t, mais non pas trop vite, qui respectueusement exige?t et obt?nt.

Vive indignation des ?v?ques ? l'Assembl?e de 1670. Mais les J?suites savaient bien que penser.

Un ministre accord? ? un protestant qui mourait, ce fut le dernier m?nagement du roi pour le parti. L'assembl?e du clerg? qui ouvre s'obstine ? ne pas comprendre l'avantage qu'il y a d'amuser des protestants en France, pour les accabler en Europe. Le roi mollit. La pers?cution recommence. Les parlements y poussent; Rouen absout les enl?vements, et ? Paris Lamoignon m?me cache les enfants vol?s dans son h?tel. ? Pau, c'est pis, le parlement frappe de grosses amendes les parents qui se plaignent.

Pour les rendre dociles ? ces douces paroles, on avait pris un moyen rude; c'?tait de les enfermer en France, de d?fendre l'?migration. Les portes du royaume ?taient closes sur eux; quoi qu'on fit d?sormais, ils devaient rester et mourir. Leur soumission fut ?tonnante. Dans la destruction de leurs temples , tout ce qu'ils faisaient, c'?tait de s'assembler sur les ruines et de prier pour le roi. Si l'on corrompait leurs ministres, ils prenaient seulement parmi eux des lecteurs pour lire l'?criture sainte. Cette guerre de Hollande, qu'on disait hautement religieuse et contre le protestantisme, les protestants ne se crurent pas dispens?s d'y servir.

Pour l'Empereur, on l'avait d?j? gagn? contre sa famille, contre l'Espagne. On le gagna contre l'Allemagne, en achetant sa neutralit?; on lui maria sa soeur, on gorgea son ministre. Puis, contre l'Empereur, on acheta le Bavarois, qui dut avoir un morceau d'Autriche; le Dauphin ?pousait sa fille, et, lui, devait voter pour le roi ? la premi?re ?lection d'un Empereur.

Les princes du Bas-Rhin, jaloux de la Hollande, toujours en proc?s pour leur fleuve, furent contre elle . Ils arm?rent sottement pour se donner ce terrible voisin qui les e?t d?vor?s. L'?v?que de Munster, brigand de son m?tier, loua sa bande au roi. L'?lecteur de Cologne le mit sur le Rhin m?me, recevant garnison fran?aise dans cette petite Neuss qui jadis arr?ta Charles le T?m?raire et d?concerta sa fortune.

GUERRE DE HOLLANDE

Ce fut plus qu'une guerre ?trang?re. La Hollande ?tait France. Nos rois l'avaient soutenue. Notre meilleur sang y avait pass?. Nous y ?tions plus que chez nous. On vivait ici, on pensait l?-bas. Les Hollandais parlaient fran?ais. Dans les rues, les jardins d'Harlem, le long des canaux de Rotterdam, nous n'entendions que notre langue, et vous vous seriez cru dans votre pays, dans une France,--une France libre, celle-ci, une France de sagesse et de raison.

Qui f?condait cette France de Hollande? L'admirable s?curit? de ce pays, la protection g?n?reuse qu'il offrait ? toute la terre. Pourquoi Descartes aima-t-il ses brouillards plus que le soleil de Touraine? Demandez ? Rembrandt. C'est lui qui fait sentir encore la chaleur du foyer b?ni, o? la libre pens?e, jouissant d'elle-m?me, se mirant aux lueurs de la r?flexion concentr?e, vit cent choses profondes que ne voit pas le jour du ciel.

Il semble qu'? ce foyer de Hollande, ? sa lumi?re touchante, la nature, attendrie, se soit livr?e plus volontiers. Elle r?v?le ? Swammerdam le secret des petites vies et de leurs m?tamorphoses. Elle ouvre ? Graaf un bien autre infini, le myst?re de douleur qui fait la femme, son charme et son soupir. Quelle po?sie se dira po?tique en face de celle-ci? Quelle fiction se soutiendra devant ces enchantements de la v?rit??

Rembrandt sait bien qu'il n'a pas besoin d'imaginer de vaines merveilles. Il tourne le dos ? la fantaisie. Il n'a que faire des diables de Milton, des Titania de Shakespeare. Une famille, un rayon de lumi?re, et pas m?me un rayon, une derni?re lueur de l'?tre ?teint, avec cela il prend le coeur. Dans un de ces tableaux, la vieille dame ?coute ou s'endort, la jeune lit la Bible; entre elles l'enfant dans le berceau. Mais o? donc est le p?re? Absent. Peut-?tre aux Indes? Et, s'il ?tait noy?, qu'adviendrait-il de ce doux nid, si bien arrang? par deux femmes? Vraiment, je ne suis pas tranquille. Les vents de la mer grondent autour, ou peut-?tre, ce que j'entends, c'est un oc?an plus sauvage, l'horreur de l'invasion.

Quand on se prom?ne ? Sardam et aux c?tes voisines, qu'on entre dans ces barques, qu'on voit l'attitude si simple de ces hommes si hardis, on sent bien que c'est l? le marin naturel, sans orgueil, sans emphase, l'amphibie v?ritable. Plusieurs n'ont jamais d?barqu?. Race bien sup?rieure ? toutes celles des ?migrants qu'ils ont re?us de partout, dans leur bonhomie confiante qui leur devint si funeste au moment de l'invasion.

Les grands fleuves, qui aboutissent ? cette derni?re langue du continent europ?en, l'encombrent sans piti? d'un r?sidu ?norme: sable, boues, d?bris enlev?s. Le Rhin, qui se tord sur la Suisse, non content d'emporter les terres que les torrents arrachent, recueille sur sa route tout ce que l'Allemagne y tra?ne de fange, et il pousse tout cela, par ses bouches bourbeuses, sur la Hollande, qui en serait enterr?e sans un travail ?norme de curage. Eh bien, elle ne recevait pas un moindre encombrement d'alluvions humaines. Ce torrent trouble qui, aujourd'hui, noie la vaste Am?rique, comment n'aurait-il pas submerg? le petit pays?

La Hollande, si bien gard?e par mer, ne voulut jamais vers la terre faire des digues contre ce d?luge d'hommes, la plupart affam?s, malheureux et pers?cut?s. Tout n'?tait pas propre, pourtant, dans une telle inondation. Si nos r?fugi?s y apport?rent des moeurs, un esprit sobre et sage, du Nord et de partout beaucoup de lie venait, des tourbes aventuri?res, soldats ? vendre, compagnons paresseux qui, apr?s avoir tra?n? partout leur mis?re, venaient manger ? la grande marmite qui n'excluait personne.

Ce gouvernement ?conome, dont le chef, M. de Witt, avait une liste civile de trois mille livres par an, payait fort cher ses moindres serviteurs. Il m?nageait les hommes. Il s'informait, voulait qu'on f?t heureux.

Ce n'est pas tout. Depuis la trag?die de Barneveldt, que le fanatisme vrai ou faux tua, la Hollande, qui en eut horreur, prit un mal tout contraire, l'exc?s de la tol?rance.

L'?migrant, ? la seconde g?n?ration, se croyait Hollandais; ? la troisi?me, il en revendiquait les droits contre ses h?tes et bienfaiteurs, contre la race h?ro?que qui avait bris? Philippe II, conquis les mers, le commerce du monde. De l? deux ?l?ments funestes: 1? la bourgeoisie nouvelle des enrichis; 2? la masse encore pauvre des arrivants, dont ces enrichis se servaient contre la vraie Hollande, contre les Barneveldt, contre les Grotius, les de Witt, les Ruyter. Ce gouvernement glorieux, l'honneur de la nature humaine, e?t subsist?, pourtant, si tous ces mauvais ?l?ments n'avaient trouv? leur centre d'action dans le prince d'Orange, chef militaire des nobles de terre ferme et des soldats aventuriers.

La seconde chose qui le fit, ce fut la lourde faute de nos gentilshommes r?fugi?s, qui, trouvant en lui un demi-Fran?ais, ne s'entendirent pas avec la vraie Hollande. Ils quittaient un prince, ils voulurent un prince, servirent, entour?rent celui-ci, et lui firent ses succ?s, lui donn?rent un reflet d'eux-m?mes, parfois un faux air de h?ros.

Un mot triste ? dire, c'est que M. de Witt d?sirait, demandait le licenciement des troupes fran?aises. Il ne pouvait s'y fier; elles ?taient au prince d'Orange . Il voyait s'?lever, de minute en minute, ce dangereux enfant. Il prit un grand parti, digne de son coeur. Ce fut, ne pouvant l'arr?ter dans ce progr?s, de l'adopter, de le faire l'enfant de l'?tat, et d'essayer de le grandir au-dessus de sa mis?rable ambition princi?re, en lui faisant comprendre qu'il ?tait bien plus haut d'?tre le premier citoyen de la premi?re cit? du monde que de si?ger maudit dans un tr?ne usurp?. Guillaume ?couta, profita, fit le disciple, et trahit d'autant mieux. De Witt n'en fut pas dupe. Mais sa situation ?tait telle: il pouvait pr?voir, non pr?venir. C'est tout ? fait ? tort qu'on lui reproche de s'?tre laiss? endormir. Il fut tr?s-?veill?. Il vit et fit tout ce qu'on peut attendre de la prudence humaine.

M. de Witt n'oublia pas l'arm?e, comme on le dit. Il se tourmenta fort pour en faire une. La difficult? ?tait grande. Le Hollandais ?tait marin, rien autre chose. Tout au plus, les fils des bourgeois entraient dans la cavalerie. La racaille des ports, le paysan de Gueldres, etc., ?taient les instruments grossiers des orangistes. Donc, la masse du pays ?tant suspecte, le grand patriote, pour la sauver, ?tait forc? de chercher au dehors. Nos r?fugi?s se ralliaient au prince. De Witt voulut louer des Suisses, et trouva l? l'argent du roi, la goinfrerie de leurs meneurs, pensionn?s de Versailles. Il leva des Allemands, bons soldats quoi qu'on ait dit. Ils auraient d?fendu les places, si le peuple ne les e?t forc?s de les rendre. Ces Allemands, qu'on fit prisonniers et qu'on renvoya sottement pour argent, se battirent plus tard ? merveille, et justifi?rent parfaitement de Witt qui les avait choisis.

Le petit peuple de Hollande se montrait partout fort guerrier. On pouvait esp?rer que ces places, qui, dans l'autre si?cle, avaient soutenu des si?ges, arr?t? les Farn?se, les Spinola, se d?fendraient encore. Orange conseillait de d?truire les petites pour mieux garder les grandes; mais il ?tait trop tard; on avait vu, en 1667, dans quelle panique se trouva la Belgique pour ?tre surprise ainsi en pleine d?molition. Les habitants ne l'auraient pas souffert; ils auraient cri? ? la trahison; ils rugissaient, comme des lions, contre les amis de la paix. Aux premiers coups, ces lions ne furent plus que des chiens qui hurlaient pour qu'on se rend?t, et mena?aient, livraient leurs d?fenseurs.

L'?lecteur de Cologne, ?v?que de Li?ge, nous donnant les passages sur la Meuse et le Rhin, les premi?res op?rations furent un voyage d'agr?ment. Mais ensuite, ce long circuit fait, pour commencer l'invasion on tournait le dos ? l'Allemagne, qui pouvait s'?veiller, nous prendre en queue. Cond? e?t mieux aim? qu'on s'assur?t d'abord solidement de la Meuse, de sa grande place Ma?stricht, clef commune des Pays-Bas et de la Hollande. Si l'on voulait pourtant absolument s'enfoncer en pays ennemi, Cond? disait tr?s-bien qu'il fallait une brusque attaque, lancer vers Amsterdam une forte cavalerie qui enl?verait les ?tats g?n?raux, saisirait les ?cluses, emp?cherait la Hollande de se r?fugier sous l'Oc?an.

On ne fit ni l'un ni l'autre. Cond? ayant ?t? bless? d?s la premi?re affaire, le seul g?n?ral fut Turenne, le nouveau converti, bien entendu sous le commis Louvois, qui menait le roi avec lui, administrait, r?glementait tout le long du chemin. Le roi ?crivait de sa main les r?glements et les ordres du jour, et croyait diriger la guerre. Quatre places prises ou livr?es en quatre jours, puis le passage facile du Rhin , ouvraient tout le pays. Chaque jour nous mettait en main des places, des garnisons nombreuses. Louvois fit d?cider, contre l'avis de Turenne, qu'on garderait ces places, qu'on s'y fortifierait, qu'on ne garderait pas les soldats, qu'on les rendrait ? tant par t?te. Judicieux conseil qui divisait, dispersait notre arm?e, rendait la sienne ? l'ennemi!

Il y avait cinquante ans que la Hollande ne voyait plus la guerre. C'?tait un grand jardin, un tr?sor de richesse et d'art; c'?tait l'asile universel des esprits pacifiques, qui ne demandaient rien que la possession tranquille d'une libre conscience. L'apparition subite de ce monstre de guerre, d'une arm?e de cent vingt mille hommes qui couvrit, engloutit tout le petit pays, ce fut une extr?me terreur et comme le dernier jour du monde. La fausse Hollande tout d'abord se s?para de la vraie. Les catholiques d'Utrecht avaient h?te de se soumettre ? leur prince naturel. Les Juifs d'Amsterdam traitaient d?j?, et offraient des millions.

La Hollande n'avait gu?re gagn? ? se faire orangiste. Le prince de vingt ans, dans cet embarras effroyable, perdit de vue l'affaire essentielle, et le salut fut l'oeuvre d'un hasard. Guillaume, reculant jusqu'au fond de la Hollande, ne couvrait plus ni la Haye, si?ge des ?tats, ni Amsterdam, le coeur du pays, ni le point fatal des ?cluses auquel tenait la ressource derni?re. Il avait peu de force; le principal usage qu'il aurait d? en faire, c'?tait de garder les ?cluses; sinon, la guerre ?tait finie. Si elle ne le fut pas, c'est ? Louvois, non au prince d'Orange, que l'Europe le dut. Remercions ce grand ministre, qui, cette fois encore, sauva les libert?s du monde.

Le roi Louvois, comme le roi Louis, ?tait galant. Sa Montespan ?tait la femme du marquis de Rochefort, qu'il fit bient?t mar?chal. Turenne, qui, tout en grondant contre Louvois, savait bien cependant que sans lui il ne serait pas conn?table, ni chef de la croisade anglaise, Turenne lui fit ce plaisir de donner ? son Rochefort la brillante mission de pr?c?der l'arm?e et frapper le grand coup.

Lancer sur Amsterdam un corps de six mille cavaliers qui s'emparerait au passage de Muyden o? sont les ?cluses, c'?tait le conseil de Cond? et de notre ex-ambassadeur; mais Turenne ne voulut pas se trop d?garnir de cavalerie, ne donna que quatre mille chevaux ? Rochefort. Celui-ci, ? son tour, non moins prudent, ne voulut pas partir sans rations de pain ; il emmena dix-huit cents cavaliers. C'?tait trop peu pour faire peur ? la grande ville. Aussi il n'y alla pas; il resta pr?s d'Utrecht. Cent cinquante dragons seulement furent d?tach?s sur la route d'Amsterdam. Mais la prudence est si contagieuse que ces dragons n'all?rent pas loin; d?j? ? Na?rden, ils ?taient fatigu?s; quatre seulement eurent la curiosit? d'aller voir la ville aux ?cluses, Muyden. Ils la trouvent ouverte, en sont ma?tres un moment; mais les habitants se rassurent, les mettent ? la porte, et re?oivent secours d'Amsterdam. Les cent cinquante dragons avertis, accouraient. Trop tard. Ils n'entrent point. La Hollande est sauv?e .

D?s le 7 juin, Ruyter, ayant surpris les flottes combin?es d'Angleterre et de France et leur ayant livr? une terrible bataille, l'une des plus furieuses du si?cle, leur fit ?prouver de telles pertes que, d?s lors, il n'y eut plus ? songer ? une descente. Pendant toute l'action, Corn?lius, le fr?re de Jean de Witt, repr?sentant des ?tats g?n?raux, quoique malade, avait brav? le feu; on le voyait, dans son fauteuil, ce ferme magistrat, impassible sous la pluie de fer, respect? des boulets, donnant ce grand augure que la Patrie ne mourrait point.

D'abord on refuse de le recevoir. Puis, on d?clare que la paix n'est faisable qu'? trois conditions: 1? Que la Hollande rentre dans ses marais, sacrifiant la ceinture des provinces et places fortes qu'elle s'est donn?e au midi et ? l'est, et qui, devenue fran?aise, la mettra en ?tat de si?ge ?ternel; 2? que la Hollande tue sa propre industrie, en recevant les marchandises fran?aises; 3? qu'elle se mette au coeur son ennemi religieux, qu'elle subisse partout le cur? catholique, et m?me le clerg? militaire, l'ordre de Malte, l'?p?e du moine arm?.

Les ?tats g?n?raux acceptaient le premier article, livraient tout autour d'eux les places qui les couvraient. Le roi aurait d? se contenter de cela. Il les e?t tenus si serr?s, que t?t ou tard, il aurait eu le reste. Le clerg? catholique, assi?geant le pays, l'aurait min?, p?n?tr? en dessous comme d'une vaste infiltration, ruin? ses digues morales. Par la complicit? des tol?rants, des philosophes, des Grotius et des de Witt, il e?t ?nerv? la Hollande, comme il l'a fait depuis avec succ?s. Mais alors, il avait de bien autres ambitions; il voulait un triomphe ?clatant et imm?diat, qui aurait exalt? les catholiques anglais, ouvert le second acte de la guerre contre l'h?r?sie.

Si le roi avait eu un peu de coeur, une chose l'e?t rendu mod?r?. Le parti fran?ais de Hollande qui l'implorait le 22 juin, ?tait en grand p?ril, sous le coup d'un massacre. La veille, le 21 juin, Jean de Witt avait ?t? assassin?; bless? du moins; on crut l'avoir tu?. Les de Witt ?taient s?rs d'avoir le sort de Barneveldt. C'?tait au roi de voir s'il avait tant ? d?sirer de donner le pouvoir au neveu du roi d'Angleterre, s'il devait perdre, envoyer ? la mort les anciens amis de la France.

Or, pour faire croire cela, on ne manque pas de raconter que ces magistrats h?ro?ques, qui s'?taient montr?s des hommes d'action, que ces fr?res qui, aux jours du danger, entr?rent dans la Tamise avec Ruyter et Tromp, se trouv?rent tout ? coup abattus au moment de l'invasion. Tout p?rissait. Mais Orange ?tait l?. Le contraire est exact. Ce sont pr?cis?ment les m?mes historiens qui donnent de quoi les r?futer. Il faut bien dater seulement. Cela ?claircit tout.

L'exemple fut donn? par la grande Amsterdam. Elle l?cha les ?cluses d'eau douce, per?a les digues, livra ? l'Oc?an l'admirable campagne qui l'entoure. ?norme sacrifice. Ce n'?tait pas l?, comme ailleurs, des prairies qu'on mettait sous l'eau. C'?taient les villas, les palais, les plus riches maisons de la terre, les serres, les jardins exotiques, ces tr?sors qui d?j? faisaient de ce pays l'universel mus?e du monde. Cela fut grand. Car la ville est sans terre; c'est un comptoir, un magasin; chacun a sa ch?re petite terre et son foyer aim? dans la campagne voisine. On entasse l? tout ce qu'on a. Ce peuple qui vit d'int?rieur, quand il a couru au Japon, ? Surinam, partout, y rapporte tout ce qu'il peut et enterre l? son ?me. Voil? ce qu'on donna ? la mer.

Au prix de cette am?re douleur, la Hollande affranchie se connut, et sentit que cette ?me libre n'?tait pas enterr?e, mais sur l'Oc?an m?me et sur cette invincible flotte qui vint majestueusement entourer Amsterdam. Celle-ci se tint pr?te ? combattre, ? partir, ? laisser tout, s'il le fallait, se sentant en ?tat de tout refaire, de tout cr?er encore; elle e?t fait une autre Hollande, et plus grande, ? Batavia.

GUILLAUME.--MORT DES DE WITT.--L'ALLEMAGNE ET L'ANGLETERRE CONTRE LA FRANCE

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