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Read Ebook: Tableau historique et pittoresque de Paris depuis les Gaulois jusqu'à nos jours (Volume 1/8) by Saint Victor J B De Jacques Benjamin
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next Page Prev PageEbook has 8346 lines and 507435 words, and 167 pagesAinsi s'explique ce qu'on appelle l'usurpation des maires du palais sous la premi?re race et celle des comtes de Paris sous la seconde: les deux races ?toient tomb?es dans le m?pris. Sous des princes foibles s'?toient ?lev?s des chefs guerriers devenus par leurs hautes qualit?s des objets d'estime, d'attachement et d'esp?rance pour une nation toute guerri?re: elle choisit pour la commander celui qui lui sembla le plus digne; et en rejetant de m?me qu'en rempla?ant des races d?g?n?r?es, ni la nation qui choisissoit le nouveau roi, ni les chefs qui avoient dirig? et confirm? son choix, ne pensoient avoir commis une action coupable devant Dieu et devant les hommes. Il n'est rien de plus d?raisonnable que cette disposition qui nous porte ? juger les si?cles pass?s avec les id?es et d'apr?s les lois, les coutumes et les pr?jug?s du si?cle o? nous vivons, rien qui indique davantage une profonde ignorance et les vues ?troites de l'esprit: c'est l? une des principales sources de tant d'erreurs et d'absurdit?s dont se compose la politique des sophistes de nos jours. < Toutefois gardons-nous d'attribuer uniquement au r?gime f?odal ce prodige sans exemple de dur?e et de prosp?rit?. Ce r?gime avoit en lui-m?me, comme tout ce qui est purement humain, son principe de destruction; et ce principe e?t sans doute pr?valu, si la puissance au-dessus de l'homme qui avoit form? cette soci?t? naissante ne l'e?t soutenue en perfectionnant et affermissant ce qu'elle avoit de bon et de naturel dans ses institutions. Nous ferons voir bient?t comment, sans la religion chr?tienne, ce m?me r?gime f?odal, qui devint un instrument de conservation, auroit, au contraire, tout divis? et tout d?truit. Un tel gouvernement, au moyen duquel la puissance et les honneurs ?toient d?volus ? celui qui poss?doit la terre et qui la faisoit cultiver, n'?toit point favorable sans doute ? l'accroissement des villes: la noblesse fran?aise d?daignoit d'y s?journer; elle habitoit constamment la campagne, < Cependant, en raison de l'avantage de sa position au milieu d'un grand fleuve qui ?toit pour elle une sorte de fortification naturelle, la ville de Paris fut toujours consid?r?e comme un des points les plus importants du royaume, et ce fut l'un de ceux o? se pass?rent, dans les moments les plus critiques, ses plus m?morables ?v?nements. Nous trouvons que les rois de la premi?re race y firent des s?jours assez fr?quents, entre autres Chilp?ric et la reine Fr?d?gonde; sous la seconde race, nous voyons Paris pill? par les Normands en 845; pill? une seconde fois et br?l? en 856 par ces m?mes barbares; en 862 ils p?n?trent sur son territoire par sa partie m?ridionale, d?vastent l'abbaye Saint-Germain-des-Pr?s, abordent ensuite dans la Cit? dont ils surprennent les habitants sans d?fense; pillent encore la ville et la r?duisent de nouveau en cendres. Ce fut alors que Charles-le-Chauve, sous le r?gne duquel arriv?rent tous ces d?sastres, ordonna que les fortifications de Paris fussent relev?es et augment?es, qu'on r?tabl?t et qu'on r?par?t les ch?teaux situ?s sur le bord de la Seine, et notamment celui de Saint-Denis. Avec ces nouveaux moyens de d?fense, et gr?ce aux dispositions pr?voyantes et au courage intr?pide de son ?v?que Goslin et du comte Eudes, cette ville put soutenir de la part des Normands un dernier si?ge plus long et plus acharn? que les pr?c?dents. Constamment repouss?s dans toutes leurs attaques, ils l'abandonn?rent enfin apr?s treize mois de tentatives inutiles, et apr?s lui avoir donn? huit assauts cons?cutifs. Personne n'ignore qu'Eudes monta sur le tr?ne apr?s la mort de Charles-le-Gros, et qu'en lui auroit commenc? la troisi?me race de nos rois, s'il n'?toit mort sans enfants. Cette circonstance rendit pour un moment la couronne aux princes de la famille carlovingienne. Ce fut probablement encore la d?fense de Paris qui valut la royaut? ? son petit neveu Hugues Capet, et qui fit remonter sur le tr?ne de France cette famille nouvelle qui ne devoit plus en descendre. L'empereur Othon II, en guerre contre Lothaire qui r?gnoit alors, s'?toit avanc? en 978 jusque sous les murs de Paris, ? la t?te d'une arm?e de soixante mille combattants; il avoit br?l? un de ses faubourgs et insult? l'une de ses portes, lorsqu'il se vit attaqu? sur les hauteurs de Montmartre par les forces r?unies du comte Hugues Capet et de Henri, duc de Bourgogne, qui remport?rent sur lui une victoire d?cisive, s'empar?rent de tous ses bagages et le poursuivirent jusqu'? Soissons. On peut donc comprendre maintenant pourquoi la ville de Paris, au commencement de la troisi?me dynastie, ?toit encore, comme du temps de C?sar, renferm?e dans la Cit? proprement dite. Elle avoit, sur les deux rives du fleuve, et d?s la fin de la premi?re race, quatre abbayes consid?rables aux quatre points cardinaux et presque ? une ?gale distance: Saint-Laurent ? l'orient, Sainte-Genevi?ve au midi, Saint-Germain-des-Pr?s au couchant, et Saint-Germain-l'Auxerrois vers le nord. Autour de ces monast?res, s'?levoient les habitations des serfs et autres personnes qui en d?pendoient, et ce fut l? l'origine de ces faubourgs qui depuis ont tant contribu? ? l'embellissement et ? l'agrandissement de cette capitale. Quant ? la Cit?, voici ? peu pr?s l'id?e qu'on doit s'en faire: la cath?drale au levant, le grand et le petit Ch?telet au nord et au midi, et le Palais des rois ou des comtes au couchant, en faisoient les quatre extr?mit?s. On y voyoit aussi un palais pour l'?v?que et une place publique ou march?. Des rues ?troites et sales, des maisons construites en bois, des ?glises d'une architecture lourde et gothique, remplissoient l'intervalle qui s?paroit les grands ?difices. Ces ?glises, dont plusieurs ?toient des monast?res, avoient des enclos assez consid?rables; et si l'on consid?re que l'?le enti?re, bien qu'elle ait ?t? agrandie par la r?union de deux autres petites ?les qui ?toient ? sa pointe occidentale, n'a aujourd'hui que cinq cents toises de long sur cent quarante dans sa plus grande largeur, on pourra juger qu'elle contenoit alors une bien foible population. En effet, quoiqu'on e?t d?j? abattu plusieurs vieilles ?glises avant la r?volution, cet ?troit espace renfermoit encore la cath?drale, le palais archi?piscopal, le palais de justice, dix paroisses, deux h?pitaux, deux communaut?s d'hommes, quatre chapelles, un march?, quatre places publiques, une biblioth?que et une prison. La plupart des ?glises ont ?t? d?truites; d'autres, ? moiti? ruin?es, ont chang? de destination; mais quelques-uns des principaux monuments, qui sont au nombre des plus remarquables de Paris, n'ont ?prouv? aucune d?gradation. LE PONT NEUF. Paris, renferm? dans l'enceinte ?troite d'une ?le, d?fendu par sa situation et par les fortifications qui l'environnoient, fut, pendant plusieurs si?cles, une des places les plus fortes du royaume. Abbon, d?j? cit?, nous apprend qu'en 886, lors de la derni?re attaque des Normands, cette ville ?toit encore entour?e de murailles et flanqu?e de tours grandes et petites. Toutes ces tours ?toient en bois. Ces deux derniers ponts ?toient encore, dans le quatorzi?me si?cle, les seuls points de communication entre la Cit? et les autres parties de la ville. Les divers ponts qui y aboutissent maintenant furent ?lev?s ? diff?rentes ?poques, jusque vers le milieu du dix-septi?me si?cle; et le pont Neuf est, sans contredit, le plus consid?rable de ces utiles monuments. Il ne fut achev? que sous le r?gne suivant. Henri IV, conqu?rant et pacificateur de son royaume, au milieu des grands et utiles projets qu'il formoit pour le bien de son peuple, n'oublia point l'embellissement de sa capitale, et mit au nombre des premi?res constructions qu'il y fit ex?cuter la continuation des travaux du pont Neuf: ils furent achev?s en 1604. Ce pont, qui diff?re des ponts modernes par la courbe de ses arcs et par sa construction en dos d'?ne, que les architectes d'alors jugeoient n?cessaire pour la dur?e, fut long-temps consid?r? comme un des plus beaux de l'Europe, et n'est en effet qu'une construction lourde, irr?guli?re, et qui n'a d'autre m?rite que celui de sa solidit?. Il avoit ?t? commenc? sur les dessins et sous la direction d'un architecte nomm? Androuet du Cerceau; ce fut Guillaume Marchand qui le termina. Il est port? sur douze arches de plein cintre, qui se partagent in?galement des deux c?t?s de la pointe de l'?le du Palais. On en compte sept sur le grand cours de l'eau, cinq sur le bras de la Seine du c?t? des Augustins, et la partie de l'?le ? laquelle ils aboutissent contient encore l'espace de deux arcades. Au-dessus des arches r?gne une double corniche d'un pied et demi de large, soutenue par des mascarons. Ce pont a plus de cent quarante-quatre toises de longueur: sa largeur est de douze, qu'on a partag?es en trois parties, dont les dimensions n'ont pas toujours ?t? les m?mes. Celle du milieu, qui sert au passage des voitures, n'avoit autrefois que cinq toises: des deux c?t?s s'?levoient pour les gens de pied des trottoirs qui s'?tendoient sur les demi-lunes que forment les piles du pont; et dans ces espaces, vides alors, on tendoit, les jours ouvriers, de mis?rables tentes qui interceptoient la belle vue qu'offre Paris de ce c?t?, et embarrassoient le passage. Lors des r?parations qui furent faites en 1776, les trottoirs furent baiss?s et r?tr?cis, et l'on construisit des boutiques en pierre de taille dans les demi-lunes. Toutefois ce ne fut qu'en 1635, vingt et un ans apr?s cette ?rection de la statue ?questre de Henri IV, que furent achev?s, sous le minist?re du cardinal de Richelieu, les ornemens et bas-reliefs qui achev?rent la d?coration du pi?destal. Ce fut ce ministre qui en ordonna lui-m?me les inscriptions et qui fit construire le carr? ou massif de ma?onnerie, au milieu duquel s'?levoit toute cette composition. Ces inscriptions expliquoient le sujet des bas-reliefs, qui ?toient au nombre de cinq et repr?sentoient plusieurs ?v?nements remarquables ou glorieux de la vie du grand roi. ? droite, la prise d'Amiens par les Espagnols, et celle de Montm?lian en Savoie; ? gauche, les batailles d'Arques et d'Ivry; sur la face de derri?re, l'entr?e triomphante de ce prince dans la ville de Paris. Il n'y a rien autre chose ? dire de toutes ces sculptures, sinon que les meilleures ?toient d'une grande m?diocrit?. On pouvoit en consid?rant cette statue et ce cheval, d'un style ? la fois roide, lourd et mesquin, s'?tonner de la r?putation dont avoient joui Jean de Bologne et son ?l?ve; les captifs de bronze ne valoient pas mieux que le monument qu'ils d?coroient, mais n'?toient peut-?tre pas plus mauvais, et l'on en peut dire autant des bas-reliefs. LA SAMARITAINE. Les deux figures, plus grandes que nature et d'une ex?cution assez m?diocre, ?toient de deux sculpteurs de l'acad?mie, Bertrand et Fr?min. On lisoit au-dessous l'inscription suivante, tir?e de l'?criture: Cette inscription tr?s-heureuse indiquoit ? la fois le sujet du groupe et la destination du monument. Au-dessus du cintre, s'?levoit un campanille en charpente, rev?tu de plomb ?galement dor?, dont la lanterne renfermoit les timbres de l'horloge et ceux qui composoient le carillon. Ce petit b?timent avoit un gouverneur, parce qu'il ?toit consid?r? comme maison royale; il a ?t? enti?rement d?moli, il y a quelques ann?es. PLACE DAUPHINE. Avant Henri IV, il existoit ? Paris de beaux monumens; mais aucun de nos rois n'avoit song? ? embellir la ville elle-m?me, en y faisant construire une suite d'?difices sur un plan r?gulier. L'enceinte des murs contenoit encore une grande quantit? de marais, de terres labourables, et il n'y avoit alors de places publiques que la Gr?ve, les Halles, le Parvis-Notre-Dame, la place Maubert, celles du Chevalier-du-Guet, de Sainte-Opportune et de la Croix-du-Tiroir. Lorsque ces ?difices commenc?rent ? se d?grader, on permit aux propri?taires de faire reconstruire leurs maisons suivant leur go?t et leurs id?es particuli?res, d'o? il est r?sult? que cette place a m?me perdu cette sym?trie qui en faisoit le seul m?rite. Cet ?v?nement pr?sente une petite circonstance qui montre ? quel point le droit de propri?t? ?toit alors respect?, nos rois donnant alors eux-m?mes le premier exemple de ce respect, fondement le plus solide de toute soci?t?. Philippe-le-Bel, aussit?t apr?s le supplice des Templiers, ?crivit aux religieux de Saint-Germain, pour leur d?clarer que, par cette ex?cution, il n'avoit point pr?tendu porter atteinte aux droits qu'ils avoient sur le terrain o? elle s'?toit faite. Cette d?claration se trouvoit dans les registres de la chambre des comptes et dans le tr?sor de chartes. LA SAINTE-CHAPELLE. Dans l'espace qui est born? au midi par le pont Saint-Michel, au nord par le pont au Change, se trouvent plusieurs ?difices, dont les plus remarquables sont le Palais et la Sainte-Chapelle. Pour bien faire entendre l'histoire des ?glises, il est n?cessaire que nous jetions un coup d'oeil g?n?ral sur l'?tablissement de la religion chr?tienne en France, que nous examinions l'influence qu'elle a exerc?e sur l'esprit de la nation, et quelle fut l'existence civile et politique de ses ministres aux diff?rentes ?poques de la monarchie. Ces observations nous conduiront ? une explication claire de l'origine et de l'accroissement de tant d'?tablissements religieux, de tant de pieuses fondations que Paris renfermoit dans son sein, et qui, pendant une si longue suite de si?cles, ont produit des effets si salutaires sur sa police et ses moeurs. Toutefois, avant d'offrir un semblable tableau, qui se place naturellement ? l'endroit o? nous traiterons des paroisses et des monast?res de la Cit?, nous croyons devoir faire la description de la Sainte-Chapelle, non seulement parce que, dans l'ordre itin?raire que nous suivons, elle est la premi?re ?glise que l'on rencontre en sortant de la place Dauphine, mais par la raison plus forte que cette ?glise s?culi?re n'avoit de rapport avec aucune autre ?glise de Paris, et fut b?tie par un saint roi pour une destination toute particuli?re. Les croisades avoient apport? de grands changements dans la situation de l'Europe et de l'Asie. Apr?s de longs combats, les crois?s, ma?tres des saints lieux et de toute la Palestine, s'?toient empar?s de Constantinople, par une suite des divisions qui, d?s le commencement, n'avoient cess? de r?gner entre eux et les Grecs; et ils y avoient fond? un nouvel empire. Il ne fut pas de longue dur?e. Apr?s plusieurs r?gnes, tous malheureux et continuellement agit?s, les affaires en vinrent ? une telle extr?mit?, que les Latins, manquant de vivres, assi?g?s par terre et par mer, abandonn?s par un grand nombre de leurs principaux chefs, n'ayant plus enfin aucune ressource, se virent dans la triste n?cessit? d'engager une partie des reliques du tr?sor imp?rial, pour subvenir ? leurs besoins les plus pressants; et les V?nitiens sembloient dispos?s ? recevoir un tel gage pour s?ret? d'une somme consid?rable qu'ils consentoient ? pr?ter. Baudouin, h?ritier de l'empire, que l'empereur Jean de Brienne avoit envoy? solliciter des secours aupr?s de saint Louis, le supplia, ainsi que la reine Blanche sa m?re, de ne pas permettre que la Couronne d'?pines, la plus v?n?r?e de ses reliques, f?t port?e ailleurs qu'en France; et lui proposa, s'il vouloit l'emp?cher de tomber entre les mains de ces insulaires, d'accepter le don qu'il lui en faisoit. Le monarque ?couta avec joie une proposition si flatteuse pour sa pi?t?, et envoya des ambassadeurs ? Constantinople, avec tout pouvoir pour acqu?rir la sainte Couronne, et la retirer des mains des V?nitiens, si elle ?toit d?j? engag?e. Ces envoy?s s'acquitt?rent avec succ?s de leur mission, trouv?rent aide et protection par tous les pays o? ils pass?rent, et revinrent heureusement en France. D?s que le roi fut inform? de leur retour, il alla jusqu'? Troyes au-devant de la pr?cieuse relique, avec la reine sa m?re, ses fr?res et un nombreux cort?ge de seigneurs, entra avec elle ? Sens, portant lui-m?me le brancard sur lequel elle ?toit d?pos?e, et l'accompagna jusqu'? Paris, o? l'on arriva, apr?s huit jours de marche, le 18 ao?t 1239. Une foule immense de peuple l'attendoit hors de la ville, pr?s l'?glise Saint-Antoine-des-Champs, impatiente de jouir d'un spectacle aussi auguste. L?, sur un ?chafaud qui avoit ?t? dress? ? l'avance pour cette c?r?monie, la sainte Couronne fut expos?e ? tous les yeux. Tout le clerg? vint processionnellement au-devant d'elle, et chaque ?glise apporta ses plus pr?cieux reliquaires. Alors le roi, d?posant ses habits royaux, les pieds nus, et rev?tu d'une simple tunique, se chargea de nouveau du brancard avec le comte d'Artois son fr?re. Un grand nombre d'?v?ques, d'abb?s, de seigneurs marchoient devant, t?te et pieds nus; dans ce touchant appareil, la sainte Couronne fut port?e ? la cath?drale, et de l? d?pos?e ? la chapelle du Palais, d?di?e alors sous le nom de Saint-Nicolas. Cette chapelle avoit ?t? b?tie par le roi Robert, deux cents ans avant saint Louis. Les historiens ne sont point d'accord sur l'endroit o? elle ?toit situ?e; cependant tout porte ? croire que c'?toit dans l'emplacement m?me o? s'?l?ve l'?difice que nous voyons aujourd'hui: et d?j? cette chapelle de Saint-Nicolas avoit remplac? une premi?re chapelle b?tie par les rois de la premi?re race, et d?di?e sous le nom de saint Barth?lemi. On croit que nos monarques avoient en outre des oratoires particuliers dans l'int?rieur de leur palais, un entre autres au titre de la Vierge, dans lequel saint Louis transporta les reliques qu'il avoit acquises, tandis qu'il faisoit b?tir un monument plus digne de les recevoir. Il en avoit con?u le projet aussit?t que la sainte Couronne avoit ?t? entre ses mains: un ?v?nement nouveau, qui le rendit ma?tre de presque toutes les reliques de la chapelle imp?riale de Constantinople, le confirma dans cette r?solution. Baudouin, parvenu ? l'empire, et non moins malheureux que son pr?d?cesseur, n'avoit pu faire autrement que d'engager encore ces restes sacr?s pour une somme consid?rable: il en fit l'abandon au roi dont il attendoit de nouveaux secours, aux m?mes conditions que la sainte Couronne. Ces saintes reliques dont nous allons donner le d?tail furent ?nonc?es dans un acte authentique, dat? du mois de juin 1247, sign? de ce prince, acte par lequel il confirmoit la donation qu'il en avoit faite. Cette pi?ce ?toit conserv?e, avant la r?volution, dans les archives de la Sainte-Chapelle. Un c?l?bre architecte de ce temps, nomm? Eudes de Montreuil, fut charg? de la construction de la nouvelle chapelle; et l'on croit que ce fut en 1240 qu'en furent jet?s les premiers fondements. Il y d?ploya une grande habilet?, et y employa tout le luxe d'ornement, toute la l?g?ret? de construction que l'architecture gothique avoit emprunt?e des Arabes, et qui en faisoit alors le principal caract?re. Ce monument est travaill? avec toute la d?licatesse d'une ch?sse en orf?vrerie; et apr?s six cents ans, c'est encore un des ?difices les plus curieux et les plus ?l?gants de Paris. Il fut achev? et d?di? en 1248. Cette ?glise est double, et form?e d'une seule nef: la chapelle sup?rieure, ? laquelle on monte par un escalier de quarante-quatre degr?s, est pr?c?d?e d'un vestibule en forme d'ogives, que couronne une plate-forme. Cette plate-forme, qui se trouve au niveau de la rose, est termin?e par une balustrade orn?e d'aiguilles; une seconde balustrade r?gne ? la base du fronton qu'accompagnent deux autres aiguilles, dont la hauteur surpasse son sommet. Le corps entier de l'?difice se compose de jambages tr?s-l?gers, qui se rapprochent les uns des autres dans la partie du rond-point, et que surmontent ?galement des aiguilles extr?mement d?licates. Les intervalles en sont remplis par de longues crois?es en ogives, au-dessus desquelles s'?l?ve encore un mur d'appui qui parcourt toute l'?tendue du monument. Le portail de la chapelle sup?rieure, dont l'arcade est aussi en forme d'ogive, est d?pouill? de tous les ornements de sculpture dont il ?toit d?cor?, et la place qu'ils occupoient se trouve maintenant recouverte d'un enduit de ma?onnerie. Ces sculptures, suivant l'usage des douzi?me et treizi?me si?cles, repr?sentoient le jugement dernier. Au pilier qui s?pare les deux battants de la porte ?toit une statue de J?sus-Christ b?nissant de la main droite, et tenant un globe de la gauche. Dans le support on avoit sculpt? les Proph?tes; des deux c?t?s on voyoit des hi?roglyphes , et quelques traits de l'?criture sainte, entre autres l'histoire de Jonas. Au-dessous un ?cusson offroit la fleur de lys m?l?e aux armes de Castille, par allusion ? Blanche, m?re du fondateur. Les vitraux, qui existent encore, sont un monument pr?cieux de ce qu'?toit la peinture sur verre ? l'?poque du treizi?me si?cle. L'?tat de barbarie o? languissoient alors tous les arts qui d?pendent du dessin, porte ? croire que, dans ces temps-l?, elle ne diff?roit gu?re de ce qu'elle avoit ?t? dans son origine, laquelle toutefois remonte en France ? une ?poque beaucoup plus recul?e; car, d?s le sixi?me si?cle, il est question de vitres peintes dans les vieilles chroniques. Celles de la Sainte-Chapelle sont remarquables par leur hauteur, la vari?t? et la vivacit? de leurs teintes. L'ordonnance des tableaux qu'elles repr?sentent est bizarre, leur fabrication plate et sans effet; le dessin des figures, trac? sur un fond uni, est accompagn? seulement de quelques hachures, afin de donner un peu de relief au sujet, et ce dessin est tout-?-fait barbare; mais cette vivacit? ?blouissante des couleurs, que tant de si?cles n'ont pu alt?rer, fait encore l'?tonnement et l'admiration des connoisseurs. Nous verrons, dans les ?ges suivants, l'art de la peinture sur verre se perfectionner sous le rapport du style et du dessin, mais sans jamais surpasser ni peut-?tre ?galer cet admirable coloris. Ces vitraux, qui repr?sentent divers traits de l'Ancien et du Nouveau Testament, sont tous du temps de la construction de l'?glise, ? l'exception de celui qui est au-dessus de la porte, et qui a pour sujet les visions de l'Apocalypse. On le croit de la fin du quatorzi?me si?cle. Cette ?glise basse ?toit desservie par un cur? vicaire perp?tuel, ? la nomination du tr?sorier ? qui appartenoit la place de cur? primitif. CURIOSIT?S DE LA SAINTE-CHAPELLE. Dans deux grandes armoires plac?es dans la sacristie, un grand nombre de reliquaires en or et en argent, enrichis de pierres pr?cieuses, et contenant les reliques d'un grand nombre de saints, ap?tres, martyrs, confesseurs, etc., entre autres, de St. Pierre, de St. Matthieu, de St. Jacques-le-Mineur, de St. Sim?on, de St. Philippe, de St. ?tienne, premier martyr, de St. J?r?me, de St. Martin, de St. Dominique, de St. Georges, de Ste. Barbe, de Ste. Ursule, etc. Le chef de saint Louis en or, de grandeur naturelle, soutenu par quatre anges, et garni de pierres pr?cieuses. Deux manuscrits contenant des textes d'?vangiles, orn?s de vignettes, recouverts de plaques d'or et d'argent cisel?es, d'?maux, de pierres pr?cieuses; l'un du 14e si?cle, l'autre d'une tr?s-haute antiquit?. Trois croix, d?sign?es sous les noms de croix de Bourbon, croix de Venise, croix de Bavi?re, enrichies de pierres du plus grand prix. Des calices, des soleils, des figures en ivoire, en or, en argent; d'anciens missels, d'anciens ornemens, etc., etc. Tous ces objets ?toient remarquables ? la fois par leur richesse et par leur haute antiquit?. La fameuse sardoine-onyx ? trois couleurs, repr?sentant l'apoth?ose d'Auguste: cette pierre grav?e, unique dans le monde par son volume, et dans laquelle la beaut? du travail r?pond au prix de la mati?re, avoit ?t? donn?e ? la Sainte-Chapelle en 1379, ainsi que l'attestoit une inscription grav?e sur le socle. On ignore comment et ? quelle ?poque cette agate a ?t? apport?e en France. Il paro?t, par les ornements dont elle ?toit entour?e, que, d?s le temps o? elle appartenoit aux empereurs grecs, l'ignorance en avoit fait un sujet de pi?t?. On croyoit qu'elle repr?sentoit le triomphe de Joseph. Le pi?destal en ?toit orn? de reliques; il ?toit d'usage de l'exposer aux bonnes f?tes, et il arrivoit quelquefois de la porter processionnellement. Ceci dura jusqu'en 1619, que le savant M. Peiresc reconnut le v?ritable sujet de ce bas-relief qui est l'apoth?ose d'Auguste. Sur deux petits autels s?par?s par la porte du choeur, deux petits tableaux en ?mail, formant diff?rents cartouches o? ?toient repr?sent?s des sujets de la passion de Notre-Seigneur. Dans celui de la droite, on voyoit Henri II et Catherine de M?dicis; dans celui de la gauche, Fran?ois Ier et la reine ?l?onore son ?pouse. Ces deux tableaux, ex?cut?s en 1553, ?toient de L?onard Limosin, ?mailleur, peintre de la chapelle du roi. Du c?t? de l'?p?tre, et dans une petite chapelle, appel?e oratoire de saint Louis, o? ce monarque se retiroit pour entendre l'office, un grand tableau repr?sentant l'int?rieur de la grande ch?sse, avec toutes les reliques dans l'ordre o? elles y ?toient rang?es, et saint Louis ? genoux devant ces reliques. Sur la crois?e, saint Louis ? genoux devant une croix entrelac?e d'une couronne d'?pines. SCULPTURES. Sur des trumeaux autour de l'?glise, les figures des douze ap?tres, d'un gothique meilleur que celui des figures du portail, ce qui a fait pr?sumer qu'elles ?toient d'un temps post?rieur ? la construction de l'?difice. TOMBEAUX ET S?PULTURES. Le c?l?bre Montreuil, architecte de la Sainte-Chapelle et mort en 1266, avoit ?t? enterr? dans le choeur de cette ?glise. On le voyoit repr?sent? sur sa tombe, tenant une r?gle et un compas ? la main. Dans un caveau sous l'arcade la plus proche du grand autel, ?toit la s?pulture des tr?soriers et chanoines de la Sainte-Chapelle. Le coll?ge de la Sainte-Chapelle a ?t? pendant long-temps une p?pini?re de pr?lats illustres, de magistrats et d'hommes de lettres distingu?s. Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page |
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