Use Dark Theme
bell notificationshomepageloginedit profile

Munafa ebook

Munafa ebook

Read Ebook: Histoire de la Monarchie de Juillet (Volume 3 / 7) by Thureau Dangin Paul

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

Ebook has 463 lines and 179120 words, and 10 pages

La France de Juillet, sans trop se demander si, dans l'agitation unitaire, il n'y avait pas plus de passion de secte que d'esprit de libert?, se crut d'abord tenue ? prot?ger ce mouvement n? de sa propre r?volution. Il lui semblait que les m?mes raisons qui lui faisaient soutenir les patriotes de Bruxelles ne lui permettaient pas d'abandonner les radicaux de Berne. N'?tait-ce pas d'ailleurs une fa?on d'augmenter sa client?le en Europe, de faire une recrue pour la ligue lib?rale qu'elle r?vait d'opposer ? la coalition des puissances absolutistes? Et puis, ne fallait-il pas avant tout faire ?chec ? l'influence autrichienne qui pr?tendait s'exercer en ma?tresse jusque sur nos fronti?res? Ces consid?rations parurent d?cisives ? Casimir P?rier et au duc de Broglie. Ils ne se content?rent pas de proclamer que la Suisse ?tait, avec la Belgique et le Pi?mont, l'un des pays o? ils ne tol?reraient jamais l'intervention d'une puissance ?trang?re; notre ambassadeur, le marquis de Rumigny, pensa suivre ses instructions en soutenant, ouvertement et souvent m?me avec un z?le un peu intemp?rant, le mouvement de r?forme f?d?rale. Sentant la France derri?re lui, le gouvernement helv?tique r?pondit d'assez haut aux puissances, revendiqua le droit de r?gler ? sa guise sa constitution int?rieure, et fit m?me mine de mettre la main sur la garde de son ?p?e, en appelant sous les drapeaux une partie de son arm?e. Notre attitude avait peut-?tre pr?serv? la Suisse d'une intervention europ?enne; mais elle ne parvint pas ? triompher de l'attachement des cantons pour leur ind?pendance; malgr? l'appui de notre ambassadeur, la r?vision, discut?e dans deux di?tes successives, ne put aboutir .

L'Autriche, dont la police avait suivi de pr?s cette agitation, entreprit, en 1834, pour obtenir l'expulsion des r?fugi?s, une croisade diplomatique, o? elle fut second?e par la Russie, la Prusse, les ?tats de l'Allemagne du Sud, le Pi?mont et le royaume de Naples. Seules la France et l'Angleterre refus?rent de s'y associer. Ce ne pouvait ?tre, de notre part, sympathie pour des hommes qui, au m?me moment, fomentaient chez nous la r?volte et m?me l'assassinat. Mais l'int?r?t de ne pas laisser s'exercer ? nos portes l'ing?rence autrichienne l'emporta sur toute autre consid?ration. Le duc de Broglie, alors ministre, ?crivait, le 19 f?vrier 1834, ? M. de Sainte-Aulaire, qui e?t d?sir? voir le gouvernement fran?ais se rapprocher, sur cette question, du cabinet de Vienne: <> Peu apr?s, M. de Rigny d?clarait aussi aux autorit?s f?d?rales que <>. En m?me temps, notre ambassadeur, M. de Rumigny, appuyait ouvertement, en Suisse, les d?fenseurs des r?fugi?s, et incitait la di?te ? repousser les demandes des puissances.

L'Autriche n'avait ?t? qu'? moiti? f?ch?e de notre refus: elle se flattait de r?ussir sans nous et par suite contre nous. Sa campagne fut vivement conduite; des notes tr?s-roides menac?rent la Suisse, si elle ne c?dait, du blocus de toutes ses fronti?res, sauf du c?t? de la France. Sous cette pression, et malgr? notre ambassadeur, la di?te finit par adopter une d?claration contre les r?fugi?s . M. de Metternich triompha, pendant que M. de Rumigny ne dissimulait pas son d?sappointement. ? Vienne, cependant, on ne tarda pas ? s'apercevoir que le succ?s remport? ?tait plus apparent que r?el. En effet, la di?te n'avait vot? qu'une invitation aux autorit?s locales de prendre des mesures contre les r?fugi?s, invitation qui n'emportait pas contrainte et ? laquelle r?sist?rent quelques-uns des cantons, entre autres celui de Berne, o? ?tait le principal centre r?volutionnaire. Force fut donc ? l'Autriche de reprendre son action diplomatique contre les autorit?s bernoises, qui finirent par c?der .

C'est vers la fin de cette ann?e 1835 qu'on commence ? entrevoir une modification dans les tendances de la politique fran?aise en Suisse. Louis-Philippe aimait ce pays o? lui aussi avait trouv? autrefois asile; mais il se faisait moins illusion que quelques-uns de ses ministres sur les p?rils du radicalisme. <> En outre, le Roi, bien loin de chercher les occasions de faire ?chec aux puissances continentales, d?sirait au contraire s'en rapprocher. Fallait-il d'ailleurs s'?tonner qu'il se sent?t peu encourag? ? continuer sa protection aux complices de ses assassins? Chaque jour donc, il avait plus de doute sur la politique jusqu'alors suivie en Suisse par son gouvernement, et t?chait de la faire modifier. Il ne s'en cachait pas aux ambassadeurs ?trangers. Il finit m?me par obtenir de M. de Broglie qu'il rempla??t, ? l'ambassade de Berne, M. de Rumigny, trop compromis avec les radicaux, par M. de Montebello, dont les sympathies ?taient tout oppos?es.

Tel ?tait l'?tat des choses, quand M. Thiers arriva au pouvoir. Aussit?t, il s'engagea r?sol?ment dans la direction nouvelle que le Roi avait indiqu?e. Il ne voulut pas sans doute agir de concert avec les puissances, comme le lui demandait M. de Metternich; seulement, pour ne pas avoir l'air de suivre l'Autriche, il la d?passa. Il demanda, plus haut et plus rudement qu'elle, l'expulsion des r?fugi?s, sans s'inqui?ter de n'?tre plus suivi par le gouvernement anglais qui d?clarait, ? la Chambre des communes, <>. M. Thiers ?crivait, le 26 avril 1836, ? M. de Montebello: <> Et quelques semaines plus tard, le 7 juin 1836, M. Thiers d?clarait ne pas vouloir souffrir que, <>.

La question des r?fugi?s n'?tait pas la seule qui e?t occup? M. Thiers. Le territoire de Porrentruy avait ?t?, en 1815, d?tach? de la France et r?uni au canton de Berne, sous la condition expresse que les habitants ne seraient point troubl?s dans l'exercice du culte catholique. M. Thiers, continuant du reste sur ce point ce qu'avait commenc? avant lui le duc de Broglie, estima que cette clause lui donnait le droit de r?clamer contre l'esp?ce de constitution civile que les autorit?s bernoises avaient pr?tendu imposer au clerg? de cette r?gion. D?s mars 1836, il leur rappela que, <>, et d?clara que l'honneur de la France ?tait int?ress? ? ne pas souffrir qu'il f?t port? atteinte ? des droits garantis par elle. Le gouvernement bernois fut oblig? de reconna?tre la justesse de cette th?se et de renoncer, au moins pour le moment, aux mesures qu'il avait prises: succ?s qui nous valut <> de l'Autriche et de la Prusse.

Ces diverses contestations ne furent pas sans laisser entre les deux pays des relations singuli?rement aigries et tendues. Les Suisses se pr?tendaient atteints dans leur ind?pendance et juraient de d?fendre, comme autrefois ? Sempach et ? Morgarten, leur libert? menac?e. Le gouvernement fran?ais, nagu?re si populaire parmi eux, ?tait maudit. Nos journaux de gauche faisaient ?cho aux menaces et aux injures des radicaux de Berne et de Zurich. ? les entendre, le minist?re avait m?connu les traditions de la politique de Juillet, trahi ses devoirs de gouvernement lib?ral, pour se mettre ? la remorque de la Sainte-Alliance et se faire la <>. Pol?miques singuli?rement violentes auxquelles l'affaire de l'espion Conseil, d?sagr?able ?pilogue de ce conflit, vint fournir un nouvel aliment.

Les men?es des r?fugi?s en Suisse, les complots qui s'y tramaient si librement contre la vie m?me de Louis-Philippe, avaient oblig? le gouvernement fran?ais ? y entretenir une police secr?te: c'?tait une mesure de l?gitime d?fense sur l'emploi de laquelle il e?t ?t? niais d'?prouver quelque scrupule; seulement, en semblable mati?re, les gouvernements ont toujours tort quand ils sont maladroits. Peu apr?s l'attentat d'Alibaud, un agent, nomm? Conseil, avait ?t? envoy? ? Berne, avec mission de gagner la confiance des r?fugi?s les plus dangereux et de d?couvrir ainsi s'il se pr?parait quelque nouveau crime. Il devait en outre se conduire de fa?on ? justifier une demande d'expulsion qui serait adress?e au gouvernement f?d?ral en temps opportun; il pourrait ainsi suivre les r?fugi?s dans leur nouvel asile, en Angleterre probablement, et continuer sa surveillance. En effet, le 19 juillet 1836, sur l'invitation de M. de Montalivet, M. Thiers, qu'on n'avait pas mis dans la confidence de cette manoeuvre de police, faisait demander au directoire f?d?ral l'expulsion du <>. Tandis que cette demande ?tait examin?e, Conseil agissait avec tant de sottise et de l?chet?, qu'il se laissait arracher par des r?fugi?s le secret de son v?ritable r?le; non content de leur livrer ses papiers, il les compl?tait par un r?cit d?taill? de ses rapports avec le gouvernement fran?ais, et il affirmait m?me que l'ambassade de France ? Berne venait de lui remettre tout r?cemment un passe-port avec un faux nom et une fausse date. Les r?fugi?s, fort empress?s ? se porter ? leur tour accusateurs contre le gouvernement qui les accusait nagu?re, livr?rent Conseil avec ses papiers et ses r?v?lations au directoire f?d?ral. Celui-ci, bien loin d'?touffer le scandale, sembla s'attacher ? lui donner plus de retentissement: acceptant la d?nonciation des r?fugi?s, il la soumit ? la di?te, qui chargea une commission de faire une enqu?te et un rapport; croyait-il trouver l? une revanche de la mortification diplomatique que le gouvernement fran?ais venait de lui faire subir? Si M. Thiers avait ?t? au courant du vrai caract?re de Conseil, peut-?tre e?t-il su, au premier bruit, prendre des mesures pour arr?ter l'affaire; mais, dans l'ignorance ?trange o? on le laissait, il d?clara aussit?t au charg? d'affaires de Suisse que Conseil n'appartenait pas ? la police fran?aise, et qu'il ne voyait aucune raison de m?nager ce vulgaire imposteur. La v?rit? lui fut enfin connue quand il n'?tait plus temps de rien emp?cher: les faits avaient ?t? livr?s au public, et ils provoquaient, chez les radicaux suisses, une explosion inou?e de col?re, d'injures et de menaces contre la France; ? les entendre, on se f?t cru ? la veille d'une d?claration de guerre; l'ambassadeur de France en ?tait r?duit ? prendre des pr?cautions pour sa s?curit? personnelle. Cette affaire, que M. Thiers n'eut pas le temps de terminer, devait ?tre l?gu?e, dans ce f?cheux ?tat, ? ses successeurs.

En Espagne, depuis que M. Mendizabal avait pris le pouvoir, le 14 septembre 1835, les choses allaient de mal en pis. Toute l'influence ?tait pass?e ? l'Angleterre, qui, avec son esprit pratique habituel, cherchait ? se faire conc?der des avantages commerciaux. En m?me temps, champ libre ?tait laiss? ? la r?volution que le ministre espagnol suivait avec docilit?, quand il ne la devan?ait pas ?tourdiment, s'employant ? d?sorganiser toutes les forces monarchiques et sociales, d?pouillant et pers?cutant le clerg?, provoquant la r?vision du statut royal dans un sens d?mocratique. Les d?magogues, enhardis plut?t que satisfaits, excitaient de sanglantes ?meutes dans les villes de l'est et du sud, aux cris de: <> Quant aux carlistes, soutenus par les puissances continentales, ils se maintenaient dans les provinces basques, lan?aient leurs exp?ditions jusqu'aux portes de Madrid, et luttaient avec les <> de sauvage cruaut?. Partout l'anarchie, la d?composition, et les signes d'une ruine qui semblait prochaine et fatale.

Les gouvernements du continent ne se contentaient pas de ces ?loges ? huis clos. Le 1er mai 1836, jour de la f?te de Louis-Philippe, le comte Apponyi, apportant solennellement au prince les voeux du corps diplomatique, s'exprimait en ces termes qui sortaient de la banalit? ordinaire de ces sortes d'allocutions: <> Quel changement pour qui se rappelait l'attitude et le langage des cours d'Europe, au lendemain de la r?volution de Juillet!

Cette politique ext?rieure, un peu en r?action contre ce qu'on e?t pu appeler la politique de 1830, n'?tonne pas de la part de Louis-Philippe; depuis longtemps, ce prince voyait, dans le rapprochement avec les puissances continentales, le compl?ment au dehors de l'oeuvre entreprise au dedans pour d?gager la nouvelle monarchie de son origine r?volutionnaire. Elle ?tonne davantage de la part de M. Thiers, si soigneux, alors m?me qu'il r?sistait au parti du d?sordre et de la guerre, de se poser en homme de Juillet et de flatter le sentiment <>. Le pr?sident du conseil allait ?videmment au rebours de ses tendances naturelles et risquait quelque chose de sa popularit?. Ce devait ?tre en vue d'un avantage notable. Lequel?

M. Thiers poursuivait en effet un dessein dont il attendait beaucoup pour la France, pour la monarchie et pour lui-m?me: il pr?tendait rompre avec ?clat le blocus matrimonial ?tabli autour de la dynastie nouvelle par les influences l?gitimistes, et aller chercher la femme du jeune duc d'Orl?ans au coeur m?me de la vieille Europe, dans la famille imp?riale d'Autriche. C'e?t ?t? du coup remettre la royaut? de Juillet, encore contest?e et d?daign?e, au rang des autres royaut?s, et lui donner ainsi plus de prestige ? l'int?rieur, plus de cr?dit et de libert? diplomatiques ? l'ext?rieur. N'y avait-il pas l?, d'ailleurs, de quoi s?duire l'imagination mobile du jeune ministre, imagination si curieuse d'?tonner les autres et de s'amuser elle-m?me, en jouant des r?les nouveaux et impr?vus? Apr?s avoir ?t? le premier ? proposer, et ? faire accepter au peuple des barricades, le roi des Fran?ais, M. Thiers ne devait-il pas trouver piquant d'?tre le premier ? le faire rentrer en gr?ce aupr?s des dynasties d'ancien r?gime? Ne se mettrait-il pas ainsi hors de pair parmi les ministres de Louis-Philippe? Ne se cr?erait-il pas des titres exceptionnels, et en quelque sorte perp?tuels, ? la faveur, ? la reconnaissance du Roi et de son h?ritier?... Quoi qu'il en soit de ces divers motifs, le pr?sident du conseil s'?tait lanc? dans cette entreprise matrimoniale avec sa vivacit? accoutum?e; elle ?tait devenue sa pr?occupation principale, et il y avait subordonn? toute sa politique ?trang?re. Malgr? l'?chec auquel elle devait aboutir, on pourrait m?me dire ? cause de cet ?chec, cette tentative a mis dans un jour curieux les sentiments que conservaient encore les cours du continent ? l'?gard du gouvernement de Juillet. Il n'est donc pas sans int?r?t de s'y arr?ter un moment.

On s'imaginerait difficilement un prince plus s?duisant et plus brillant que ne l'?tait alors le jeune duc d'Orl?ans. Grand, ?lanc?, d'une figure charmante, d'une ?l?gance supr?me, excellant ? tous les exercices du corps en m?me temps que distingu? dans les travaux de l'esprit, brave au feu et galant aupr?s des dames, c'?tait, comme on a dit de lui, <>. Fran?ais, il l'?tait surtout par un patriotisme ardent, imp?tueux m?me, qui poss?dait toute son ?me, jamais plus heureux que quand on lui permettait de s'exposer et de se battre pour son pays. <> Tout jeune, ? l'?ge des plus vives impressions, il avait vu ?clater la r?volution de Juillet et en sortir la fortune de sa maison. Doit-on s'?tonner qu'il ait d'abord ?pous? les id?es de cette r?volution avec plus d'ardeur que de sagesse, d?viation passag?re que l'?ge et surtout l'exercice du pouvoir eussent vite corrig?e? D'ailleurs, ? cette recherche parfois excessive de la popularit? lib?rale, le jeune prince joignait le sens de l'autorit? personnelle, l'art de se faire respecter et ob?ir, dons vraiment royaux que son p?re lui-m?me ne poss?dait pas ? un si haut degr?. N'ayant pas encore vingt ans et en pleine r?volution, il en avait donn? des preuves remarqu?es. Depuis lors, ce je ne sais quoi d'imposant s'?tait encore d?velopp?. <> Les qualit?s du jeune prince ?taient telles que les plus hostiles se voyaient oblig?s d'y rendre hommage. En 1833, il avait fait un voyage ? Londres; lord Palmerston ?crivait, apr?s avoir d?n? avec lui, chez M. de Talleyrand: <> M?me impression chez des diplomates ?trangers dont les sympathies ?taient cependant toutes l?gitimistes. ? ne voir donc que le m?rite personnel du prince et aussi l'?clat de la couronne ? laquelle il semblait appel?, son mariage e?t d? ?tre facile. Mais il fallait compter avec le sentiment qu'?veillait, dans les vieilles maisons royales, le souvenir encore si pr?sent de la r?volution de 1830.

Depuis longtemps, aux Tuileries, on avait une pr?f?rence secr?te pour une alliance avec la maison d'Autriche. C'?tait particuli?rement le d?sir tr?s-vif de la reine Marie-Am?lie, qui se souvenait d'?tre petite-fille de Marie-Th?r?se. Cette arri?re-pens?e n'avait pas ?t? ?trang?re au choix fait, en 1833, du comte de Sainte-Aulaire pour l'ambassade de Vienne. Gentilhomme de race, esprit aimable et distingu?, dou? de ce tact sup?rieur que donne l'habitude du grand monde, bien vu personnellement de la haute soci?t? europ?enne, m?me de celle qui avait le plus de pr?ventions contre les hommes et les choses de 1830, M. de Sainte-Aulaire ?tait un parfait diplomate, si, comme il l'a ?crit un jour, <>. En tout cas, plus que tout autre, il avait les qualit?s propres ? la d?licate mission dont il se trouvait charg? par la confiance de la famille royale. D?s 1833, au moment o? il allait prendre possession de son poste, la Reine lui avait recommand? de bien ?tudier les quinze archiduchesses ou archiducs qui, par leur ?ge, pouvaient convenir ? l'un de ses fils ou ? l'une de ses filles. L'attention de l'ambassadeur s'?tait port?e tout de suite sur l'archiduchesse Th?r?se. Son p?re, l'archiduc Charles, fr?re de l'empereur Fran?ois, homme de guerre estim?, passait pour lib?ral et ami de la France; elle-m?me, un peu ch?tive d'ext?rieur, avait, ? d?faut de qualit?s h?ro?ques, une aimable douceur, une ?ducation excellente, partageait les sympathies fran?aises de son p?re, et t?moignait, au sujet du duc d'Orl?ans, d'une curiosit? bienveillante qui paraissait de bon augure. L'id?e, soumise aux Tuileries, y avait plu. Un peu plus tard, M. de Sainte-Aulaire ?tant venu passer quelques mois ? Paris, ce fut pour Louis-Philippe et Marie-Am?lie l'occasion de longs entretiens avec l'ambassadeur, sur un projet qui leur devenait chaque jour plus cher. <> Le duc d'Orl?ans se montra, au d?but, plus froid que ses parents. Il ?tait trop imbu des id?es de 1830 pour qu'une alliance autrichienne ne lui inspir?t pas quelque r?pugnance. En tout cas, il voulait avant tout ?tudier par lui-m?me la jeune princesse. <>

En 1833 et au commencement de 1834, le duc de Broglie, qui dirigeait alors le minist?re des affaires ?trang?res, s'?tait montr? peu dispos? ? s'occuper de cette affaire. Tr?s-m?fiant ? l'?gard de l'Autriche, il pressentait un refus et ne voulait pas s'y exposer. La famille royale lui savait mauvais gr? de sa r?serve. ? peine eut-il donn?, pour la premi?re fois, sa d?mission, en avril 1834, que son successeur, M. de Rigny, plus docile au d?sir du Roi, chargea M. de Sainte-Aulaire de sonder M. de Metternich sur l'id?e d'un voyage du duc d'Orl?ans et du duc de Nemours ? Vienne. La r?ponse, bien que t?moignant d'un peu de surprise et d'embarras, sembla d'abord assez favorable. Mais bient?t, ? mesure surtout que l'arri?re-pens?e matrimoniale fut plus apparente, le gouvernement autrichien laissa voir ses r?pugnances et finit m?me par n'avoir qu'une pens?e, faire ?carter ce que M. de Metternich appelait ce <>. voyage. La mort de Fran?ois II, en mars 1835, et le deuil qui s'ensuivit, vinrent tout suspendre.

Louis-Philippe n'avait pas renonc? ? son projet; vers la fin de la m?me ann?e, il tenta d'y revenir. Il exposait ainsi ? M. de Sainte-Aulaire les consid?rations par lesquelles il pensait qu'on pouvait agir sur le gouvernement autrichien: <> Parlant sp?cialement de l'Autriche, le Roi ajoutait: <>

Le gouvernement fran?ais ?tait tenu exactement au courant de ces difficult?s par son ambassadeur. Celui-ci ?crivait ? la Reine <>. Il d?conseillait m?me le voyage du prince ? Vienne. Un autre jour, causant avec le Roi, il lui disait moiti? s?rieusement, moiti? en riant, que cette n?gociation ne pourrait r?ussir que si l'on faisait du mariage une question de paix ou de guerre. <>--<> Le duc de Broglie, en effet, rentr? au minist?re depuis le mois de mars 1835, avait toujours aussi peu de confiance dans le projet de mariage. Il voulait bien du voyage des princes, se pr?tait volontiers ? faire faire sur ce sujet des ouvertures officieuses aux puissances, et non sans succ?s, au moins ? Berlin, mais il n'entendait pas qu'on y m?l?t aucune n?gociation matrimoniale.

Avec M. Thiers, tout changea. La pr?somption du nouveau pr?sident du conseil s'imaginait volontiers que les sots rencontraient seuls des obstacles insurmontables. Il se flattait qu'en substituant partout, et notamment ? Cracovie, en Suisse, m?me en Espagne, ? la roideur <> avec laquelle le duc de Broglie avait trait? les puissances absolutistes, une politique plus conservatrice, plus aimable, plus prompte aux concessions, il r?ussirait dans l'entreprise que son pr?d?cesseur avait jug?e impossible. Encore ne consentait-il pas ? attendre patiemment l'effet de ce changement de politique. Vainement, de Vienne, M. de Sainte-Aulaire lui conseillait-il de laisser le temps agir, de remettre sa demande ? plus tard, il d?cidait d'engager l'affaire tout de suite et de l'emporter de haute lutte. Le Roi s'?tait laiss? facilement convaincre. Il n'?tait pas jusqu'au duc d'Orl?ans qui n'entr?t dans les vues du ministre. Ses premi?res pr?ventions contre le mariage autrichien s'?taient ?vanouies; et puis, ? voir les obstacles que lui opposait la cabale l?gitimiste, il se sentait piqu? au jeu: c'?tait comme un d?fi que sa jeune vaillance avait h?te de relever, une bataille qu'il ?tait d'autant plus impatient de livrer, qu'il savait avoir ? y payer beaucoup de sa personne; justement confiant en soi, il br?lait d'aller confondre sur place, rien qu'en se montrant, les railleurs et les calomniateurs qui colportaient de lui, dans les cours d'Europe, un portrait ridicule ou odieux.

M. Thiers fit donc reprendre sans retard, ? Vienne et ? Berlin, les n?gociations d?j? engag?es au sujet du voyage que les ducs d'Orl?ans et de Nemours avaient le d?sir de faire dans ces deux villes. Aucune allusion n'?tait faite, pour le moment, ? un projet de mariage. M. de Metternich apprit, sans doute avec d?plaisir, une d?marche qui lui paraissait d?passer cette <> ? laquelle il estimait que la France et l'Autriche devaient se tenir; mais impossible de refuser une telle visite: il r?pondit donc que les voyageurs seraient re?us comme il convenait aux bons rapports des deux gouvernements et ? la parent? des deux familles royales. ? Berlin, l'acceptation de la visite fut beaucoup plus cordiale; seulement on n'osa la faire conna?tre qu'apr?s Vienne, et encore demanda-t-on le secret, par crainte des tracasseries de Saint-P?tersbourg; les fils de Louis-Philippe furent invit?s ? assister aux manoeuvres de l'arm?e prussienne; le ministre dirigeant, M. Ancillon, d?clara que son ma?tre <> Fr?d?ric-Guillaume se montrait m?me dispos?, quoique timidement, ? aider au succ?s du mariage projet?. Tout le monde, il est vrai, ne pensait pas de m?me, ? la cour de Prusse: le prince royal ?crivait ? son confident Bunzen que la seule perspective de l'arriv?e du duc d'Orl?ans et du duc de Nemours ? Berlin le rendait <>; il ajoutait que l'accueil qui leur ?tait pr?par? ? Vienne <>. De Russie, le Czar faisait ?cho ? cette mauvaise humeur; la r?ception que ses deux alli?s s'appr?taient ? faire aux fils du Roi de 1830 lui paraissait un triste signe des temps.

Le 2 mai 1836, les princes se mirent en route. Le duc d'Orl?ans se rendait compte de la gravit? de sa d?marche: il ?crivait, en partant, au mar?chal Soult: <>

Les jeunes voyageurs commenc?rent par Berlin, o? ils conquirent tout de suite la sympathie du souverain et de la foule. Ce fut un <>, dit un historien prussien. En recevant les fils de Louis-Philippe, le vieux Fr?d?ric-Guillaume <>. M. Ancillon disait ? l'ambassadeur de France: <> Le prince Wittgenstein disait de son c?t?: <> Apr?s avoir rapport? ces propos, M. Bresson ajoutait: <> Pour confirmer son bon t?moignage, M. Ancillon avait d?clar? que <>. En effet, le prince Guillaume, bien que du parti moscovite ? la cour de Berlin, ?crivait ? sa soeur, l'imp?ratrice de Russie: <>

Les princes arriv?rent ? Vienne le 29 mai. Charmants aupr?s des femmes, s?rieux avec les hommes d'?tat, ? leur aise dans les d?fil?s de l'?tiquette, adroits et hardis aux exercices du corps, pleins de bonne gr?ce avec la foule, ils plurent ? tous. Avec un d?sint?ressement touchant, le jeune duc de Nemours s'effa?ait derri?re son fr?re a?n? pour laisser celui-ci seul en pleine lumi?re. Les plus hostiles, comme la princesse de Metternich et m?me l'archiduchesse Sophie, se voyaient oblig?s de reconna?tre le m?rite des fils de Louis-Philippe et de constater leur succ?s. L'ambassadeur de Russie ?crivait ? son gouvernement que ce succ?s, aupr?s de la haute et surtout de la f?minine aristocratie, avait ?t? au del? de ce qu'il avait pr?vu.

La maison de l'archiduc Charles n'?tait pas celle o? l'on montrait le moins de sympathie pour les princes fran?ais. Quand ceux-ci vinrent y faire visite, l'archiduchesse Th?r?se, bien qu'un peu embarrass?e, laissa voir, non sans une gr?ce na?ve, son d?sir de plaire. Le duc d'Orl?ans, fid?le ? sa r?solution de mener les choses vivement, prit le parti de faire tout de suite sa demande au p?re de la princesse. La r?ponse de l'archiduc fut ?mue et affectueuse; il ne pr?voyait pas d'obstacle du c?t? de sa fille, mais en pr?voyait de grands de la part de M. de Metternich, qui voulait marier l'archiduchesse au roi de Naples. <> L'archiduc ne niait pas l'imb?cillit? du souverain, mais il r?p?tait toujours: <> Il fut convenu que l'ambassadeur de France ferait une d?marche officielle aupr?s du chancelier d'?tat; l'archiduc promit de l'appuyer, tout en demandant au duc d'Orl?ans de tenir secret ce qui s'?tait pass? entre eux: ? la seule pens?e que M. de Metternich pourrait le savoir, ce prince, qui s'?tait illustr? dans les grandes guerres du commencement du si?cle, s'?criait tout tremblant: <> M. de Sainte-Aulaire se rendit donc chez M. de Metternich. Celui-ci essaya d'abord de gagner du temps; mais, serr? de pr?s par l'ambassadeur, qui demandait un oui ou un non, il d?clara que la r?ponse d?pendait de la <>, sans pr?ciser du reste ce que couvrait ce mot: quant ? lui, moins que jamais il avait envie de se compromettre dans cette affaire domestique; il ne promettait m?me pas de plaider la cause du duc d'Orl?ans; tout au plus ?tait-il dispos? ? exprimer l'avis <>.

Pendant ce temps, l'archiduc Charles informait les siens de la demande du duc d'Orl?ans: l'archiduchesse Th?r?se s'en montra tr?s-satisfaite; ses fr?res ?clat?rent en transports de joie. L'archiduc s'enhardit alors ? parler de l'affaire au seul prince qui e?t part au gouvernement, ? l'archiduc Louis. Celui-ci d?clara aussit?t que la volont? irr?vocable de l'Empereur ?tait oppos?e ? ce mariage, et que la jeune princesse devait ?pouser le roi de Naples. Le pauvre archiduc Charles ne trouva ? peu pr?s rien ? r?pondre et revint tristement raconter aux siens son insucc?s. ? cette nouvelle, l'archiduchesse Th?r?se se trouve mal; revenue de son ?vanouissement, elle d?clare avec larmes <>. Son fr?re, l'archiduc Albert, l'encourage dans ses sentiments et supplie son p?re de tenter un effort aupr?s de l'Empereur. Ces sc?nes de famille se r?p?tent pendant la nuit et la journ?e suivante. Enfin l'archiduc Charles, ne se sentant le coeur, ni de r?sister ? ses enfants, ni d'affronter la <>, aboutit, comme font souvent les gens faibles, ? prendre le parti le plus compromettant. <>

Cet incident connu, il e?t ?t? difficile au gouvernement autrichien de persister dans son refus. Mais, bien que l'archiduc n'e?t pas demand? le secret sur sa nouvelle d?marche, et que celle-ci e?t ?t? presque publique, le duc d'Orl?ans, par un scrupule de d?licatesse, s'opposa ? ce que, dans les n?gociations, il f?t fait aucun usage des confidences ?chapp?es au p?re de l'archiduchesse Th?r?se. Ce jour m?me, M. de Sainte-Aulaire se trouvait avoir rendez-vous avec M. de Metternich, pour un entretien d?cisif: les princes fran?ais avaient annonc? leur d?part pour le lendemain. Tout en confirmant ce qu'il avait d?j? fait pressentir des dispositions peu favorables de la <>, le chancelier s'?tendit sur ce qui pouvait expliquer ce refus et en att?nuer la mortification. <> M. de Sainte-Aulaire r?pliqua que, si le mariage manquait par impossibilit? de s'entendre sur les conditions politiques, ou par un refus fond? soit sur la tendresse d'un p?re, soit sur la timidit? d'une jeune fille, on pourrait se s?parer bons amis. <>, par les autres <>, ?tait hostile ? la France, que nous aurions, un jour ou l'autre, ? la combattre, et que, pour la s?curit? de notre avenir, nous n'avions ? compter que sur l'?nergie et l'esprit militaire du pays.>> Visiblement embarrass? de la tournure que prenait l'entretien, M. de Metternich s'empressa d'affirmer que l'on devait imputer la r?ponse n?gative de l'Empereur uniquement ? la tendresse de l'archiduc et ? la timidit? de sa fille. Notre ambassadeur e?t eu beau jeu ? r?pondre, si le duc d'Orl?ans ne lui avait ferm? la bouche sur ce qui s'?tait pass? le matin m?me. Il se contenta de d?clarer qu'il ne croyait pas aux sentiments pr?t?s ? l'archiduc, et que, dans l'?tat de l'Empereur, il ne regarderait comme une r?ponse s?rieuse que celle qui lui serait donn?e, sans ?quivoque, par le p?re de la princesse. <> demanda le chancelier. <> Et, prenant une feuille de papier sur le bureau du prince, il ?crivit: <> M. de Sainte-Aulaire ajouta: <> M. de Metternich ?tait fort anxieux. Cependant, se croyant assur? de dominer toujours l'archiduc Charles, il ne vit, dans ce qui lui ?tait demand?, qu'une fa?on de m?nager au duc d'Orl?ans une retraite honorable. Aussi, quelques heures plus tard, apr?s avoir consult? la <>, il envoya ? M. de Sainte-Aulaire la r?ponse dont celui-ci avait dict? les termes.

L'ambassadeur avait bien manoeuvr?: si l'on voulait aller de l'avant et tenter d'enlever le mariage, il avait en main une arme ? laquelle les r?centes confidences de l'archiduc donnaient une r?elle valeur; si l'on pr?f?rait ne pas insister, la dignit? ?tait sauve. Ce fut ? ce dernier parti que s'arr?ta le duc d'Orl?ans. Au fond, son coeur n'?tait pas pris; sans contester les qualit?s de la douce Th?r?se, il la trouvait un peu faible et craintive pour le r?le qui l'attendait en France. Archiduchesse pour archiduchesse, il se demandait s'il ne ferait pas mieux de demander l'une des filles de l'archiduc Renier, vice-roi de Lombardie et de V?n?tie, chez lequel il devait s'arr?tera son retour; dans cette autre branche de la famille imp?riale, il avait chance de trouver autant de sympathie pour la France et plus de fermet? de caract?re. Il se borna donc, sans retarder son d?part de Vienne, ? envoyer ? l'archiduc Charles copie de la lettre du prince de Metternich, <>, et ajoutant <>; il terminait en assurant l'archiduc que <>. En tout cela, l'attitude du duc d'Orl?ans avait ?t? excellente. Dans une situation tr?s-difficile, au milieu de gens qui eussent ?t? ravis de le trouver en faute, pas une de ses d?marches n'avait pr?t? ? la critique. M. de Metternich lui-m?me, revenant un peu plus tard sur ces faits, ?crivait au comte Apponyi: <>

Sur la route d'Italie, le hasard du voyage amena, ? Trente, une rencontre entre les fils de Louis-Philippe et Marie-Louise: ? la vue de ces jeunes hommes, brillants de jeunesse et de sant?, auxquels la vie semblait tant promettre, la m?re du duc de Reichstadt ne put s'emp?cher de fondre en larmes. Tr?s-bien accueilli, ? Milan, par l'archiduc Renier, le duc d'Orl?ans fut charm? de sa fille a?n?e. <>, quand tomba sur lui la nouvelle de l'attentat d'Alibaud. D?sol?s ? la pens?e que leur p?re avait couru un danger en leur absence, les jeunes princes n'eurent plus qu'une pr?occupation: brusquer leur d?part et revenir en toute h?te ? Paris.

Cet attentat, dont l'impression fut ?norme ? Vienne, faisait la partie belle aux adversaires du mariage. Il ne leur en fallait pas tant pour dominer la faiblesse de l'archiduc Charles et effrayer la timidit? de sa fille. <> lui demandait l'archiduchesse Sophie. Quant ? M. de Metternich, il s'emparait avidement de l'argument qui lui ?tait ainsi fourni: <> ? Paris, on ne se fit pas d'illusion. <> Notre gouvernement ?tait d'ailleurs averti par l'ambassadeur de France, toujours clairvoyant et sinc?re, qu'? demander une r?ponse imm?diate, on courrait ? un refus, et que, si l'on voulait conserver quelque chance, il fallait se tenir coi et laisser le temps effacer cette impression f?cheuse. N?anmoins, apr?s conf?rence entre la famille royale et M. Thiers, il fut d?cid? d'en finir et de provoquer une r?ponse, m?me au risque presque certain de la recevoir n?gative. L'attente, disait-on, serait <>; elle nous <> et nous <>. Le duc d'Orl?ans ajoutait <>. <> Voulant tenter un dernier effort, il insista, dans une lettre destin?e ? ?tre mise sous les yeux de M. de Metternich, sur les dangers politiques qu'aurait la rupture des n?gociations matrimoniales. <> Au contraire, <> Et M. Thiers d?roulait une perspective de paix ind?finie, ? faire pleurer de tendresse M. de Metternich. Mais le ministre fran?ais exprimait aussit?t la crainte que le chancelier autrichien ne s?t pas jouer ce grand r?le jusqu'au bout: <> M. Thiers invitait en outre l'ambassadeur de France ? laisser voir qu'un refus <>.--<> Les consid?rations g?n?rales d?velopp?es par M. Thiers ?taient faites pour plaire ? M. de Metternich, et il le laissa voir; mais il comptait trop sur la sagesse de Louis-Philippe et avait re?u trop souvent confidence de ses r?solutions pacifiques, pour ?tre beaucoup troubl? des menaces de son ministre.

En m?me temps que M. Thiers envoyait ces instructions ? M. de Sainte-Aulaire, le duc d'Orl?ans, dans une lettre digne et noble, demandait ? l'archiduc Charles sa r?ponse d?finitive: il la d?sirait avant tout nette et franche. <>

Les r?ponses furent telles qu'on s'y attendait. L'archiduc Charles fort embarrass?, fort malheureux, s'excusant sur ce qu'il avait rencontr? <>, d?clara, avec force protestations, que sa fille, <>. M. de Metternich s'attacha ? rejeter toute la responsabilit? du refus sur la jeune princesse: <> Toutefois, dans des lettres plus intimes, il ne cherchait pas ? cacher que la vraie cause du refus ?tait <>. <> En outre, il tenait ? bien marquer que, si l'on avait ?t? r?duit ? faire ce refus d?sobligeant, la faute en ?tait ? la maladroite pr?cipitation de M. Thiers. <>

Le duc d'Orl?ans se f?t volontiers rabattu sur la fille de l'archiduc Renier, qui lui plaisait; <> En effet, l'h?ritier de Louis-Philippe ne pouvait rester sous le coup de cet ?chec matrimonial. ? d?faut de ce qu'on appelait un <>, on r?solut d'en faire un <>. <>

D?s le 28 juin, M. Thiers, pr?voyant l'?chec de la n?gociation engag?e ? Vienne, avait adress? ? tous ses agents diplomatiques, particuli?rement ? ceux qui ?taient accr?dit?s pr?s les cours d'Allemagne, une circulaire o? il appelait leur attention sur la n?cessit? de marier promptement le duc d'Orl?ans. <> Il ajoutait, dans une lettre confidentielle ? notre ambassadeur ? Saint-P?tersbourg: <> Notre repr?sentant ? Berlin, M. Bresson, qui s'?tait fort habilement m?nag? de puissants moyens d'action ? la cour de Prusse, fit mettre la circulaire de M. Thiers sous les yeux de Fr?d?ric-Guillaume; le vieux roi ?tait encore sous le charme des princes fran?ais qui venaient d'?tre ses h?tes pendant quelques jours; il fit venir M. Bresson. <> Puis, apr?s avoir nomm? la princesse H?l?ne de Mecklembourg-Schwerin, il ajouta: <> Ces ouvertures furent bien re?ues en France. Toutefois il ne leur fut pas imm?diatement donn? suite. Le duc d'Orl?ans voulait prendre ses informations sur la princesse qu'on lui offrait; de plus, il craignait qu'un mariage trop pr?cipit? n'e?t un air de d?pit.

Pendant ce temps, la nouvelle se r?pandit que l'archiduchesse Th?r?se allait ?pouser le roi de Naples. On se flattait ? Vienne que, de ce c?t?, les r?volutions ?taient moins ? craindre. Vanit? des pr?cautions humaines! la future reine de Naples devait mourir en exil, tout comme la future duchesse d'Orl?ans.

L'?chec des n?gociations matrimoniales causa un chagrin de coeur ? la Reine, un regret politique au Roi; mais surtout il fut un vif m?compte pour M. Thiers. Le jeune pr?sident du conseil avait mis tout son enjeu sur cette carte, et il perdait. Quel ?tait, en effet, le r?sultat de son minist?re? Par quel succ?s avait-il justifi? une ?l?vation si prompte et si contest?e? ? l'int?rieur, il n'avait rien fait que se maintenir au moyen de coups de bascule dont le secret ?tait maintenant trop connu, l'effet us?, et qu'il savait bien ne pouvoir recommencer ? la session suivante. ? l'ext?rieur, il ne lui restait que l'impopularit? d'avoir d?sert? la politique de 1830, sans le profit qu'il avait eu en vue. Irrit?, il r?solut de se venger sans retard des puissances continentales qui n'avaient pas r?pondu, comme il l'esp?rait, ? ses avances. Compromis, il voulut reconqu?rir la faveur de l'opinion lib?rale. Ayant manqu? un coup d'?clat conservateur et pacifique, il ne songea plus, avec sa mobilit? aventureuse, qu'? faire un coup de t?te r?volutionnaire et belliqueux. Le Roi, qui l'observait, s'aper?ut de ce changement. <>

Sur quel th??tre allait-il chercher cette sorte de revanche? Quelques mois auparavant, comme le chancelier autrichien exprimait, non sans ironie, la crainte que le ministre fran?ais ne se m?t dans l'embarras par l'imp?tuosit? du z?le qu'il d?ployait contre les radicaux suisses: <> Un peu plus tard, ? un moment o? le mariage paraissait encore possible, l'ambassadeur de Prusse avertissait, le 9 juin, son gouvernement qu'en cas d'?chec, M. Thiers ?tait r?solu <>.

Depuis que le pr?sident du conseil avait refus?, le 18 mars 1836, la coop?ration propos?e par lord Palmerston, l'anarchie s'?tait encore accrue dans la P?ninsule. Entre le parti r?volutionnaire qui se rendait ma?tre, ? la suite d'insurrections sanglantes, de presque toutes les grandes villes de l'est et du sud, et les bandes carlistes qui s'approchaient chaque jour davantage de Madrid, le gouvernement de la reine Isabelle, sans un r?al dans ses caisses, sans un r?giment sur lequel il p?t compter, semblait ? toute extr?mit?. Aussi M. Isturitz, radical qui avait remplac? au minist?re son coreligionnaire Mendizabal, sollicitait-il, ?perdu, le secours arm? de la France. Plus l'anarchie se montrait opini?tre en Espagne, plus nous devions y regarder ? nous charger d'y porter rem?de. Mais M. Thiers, ? mesure qu'il perdait espoir d'obtenir le mariage autrichien, redevenait favorable ? l'intervention. Il recommen?ait ? soutenir que les progr?s des r?volutionnaires n'?taient dus qu'au malaise produit par l'insurrection carliste; que d'ailleurs l'int?r?t premier, dominant, de la France de 1830, ?tait d'emp?cher le triomphe du parti r?trograde au del? des Pyr?n?es. Les gouvernements du continent ne furent pas longs ? s'apercevoir de cette ?volution. Le 30 juillet, M. de Metternich se plaignait que le minist?re fran?ais par?t vouloir <>, et il trouvait l? sujet de s'exprimer, avec une singuli?re amertume, sur la dangereuse incapacit? de M. Thiers dans le maniement des affaires ext?rieures. Les puissances n'avaient plus d'espoir que dans la sagesse de Louis-Philippe. Elles comptaient du reste que son autorit? pr?vaudrait; l'un des ambassadeurs ?trangers ?crivait, en parlant de ce prince: <>

? peine arriv? en Espagne, M. de Bois-le-Comte, tout en annon?ant les secours, d?clara qu'il fallait renoncer ? l'espoir d'une action directe de la France; mais il avait beau dire, ? Madrid, on comptait toujours sur l'intervention, et le public interpr?tait la venue de l'envoy? fran?ais comme l'annonce de cette intervention ou tout au moins d'une mesure devant y conduire. Tel ?tait, du reste, le secret dessein de M. Thiers. Il se flattait d'amener, bon gr?, mal gr?, le Roi ? l'intervention, d?t-il l'y contraindre par des moyens r?volutionnaires. <> En attendant, d'accord avec le ministre de la guerre, le pr?sident du conseil poussait activement l'organisation de la l?gion, sans s'inqui?ter de l'humeur t?moign?e par les puissances continentales, et sans se g?ner pour sortir, sur plus d'un point, des conditions convenues avec la Couronne.

Louis-Philippe ?tait trop fin pour ne pas voir qu'on cherchait ? le jouer. Il se plaignait que son ministre <>. De l? des questions, des explications, des r?criminations incessantes, au sein du conseil des ministres. Tout cela n'?tait pas fait pour diminuer les doutes et les r?pugnances du Roi au sujet des mesures adopt?es; il en venait ? se demander si ces mesures n'?taient pas plus mauvaises encore que l'intervention directe. Lui-m?me exposait ainsi les raisons de ses inqui?tudes: <>

On devait commencer ? se rendre compte, aux Tuileries, qu'on ?tait loin d'avoir gagn? au change, en rempla?ant le duc de Broglie par M. Thiers. Le premier, sans doute, n'?tait pas un ministre commode; par une conception trop absolue du r?gime parlementaire et par une m?fiance excessive des interventions parfois un peu tatillonnes de Louis-Philippe, il avait exag?r? l'ind?pendance minist?rielle jusqu'? refuser ? la Couronne sa part d'action l?gitime: c'?tait le cas, par exemple, quand il ne voulait pas montrer au Roi les lettres confidentielles des ambassadeurs et ne lui communiquait qu'? grand'peine les d?p?ches officielles; mais, apr?s tout, il ?tait loyal et respectueux, n'usant, pour faire triompher sa volont?, ni de ruse ni de violence, offrant seulement une d?mission qu'il ?tait pr?t ? donner sans ?clat et sans rancune. Dans M. Thiers, avait-on trouv? le ministre d?sir? qui devait se borner, selon la parole de M. de Talleyrand, ? ?tre <>? Apr?s quelques mois d'?preuve, il ?tait visible que sa souplesse cachait autant d'esprit d'ind?pendance que la roideur de M. de Broglie; il avait en moins la s?ret? dans le jugement et dans le caract?re; ce n'?tait plus un syst?me raisonn? qu'il pr?tendait imposer, mais les aventures o? le poussaient son caprice et son d?pit; et, pour arriver ? ses fins, il ne se faisait pas scrupule d'essayer de tromper ou d'opprimer la Couronne.

M. Thiers n'avait sans doute aucun go?t pour la constitution de 1812 et pour le parti qui s'?tait empar? du pouvoir ? Madrid, mais il soutenait toujours que, pour faire cesser le d?sordre, il fallait d'abord abattre don Carlos, que la France seule le pouvait, et qu'abandonner la jeune reine dans le p?ril qu'elle courait, c'?tait vouloir sa ruine. Il pressait donc plus que jamais l'organisation de la l?gion ?trang?re. Le g?n?ral Lebeau, auquel avait ?t? confi? un commandement dans ce corps, se croyait autoris? ? annoncer, non sans fracas, aux autorit?s espagnoles de Pampelune que la l?gion ?tait l'avant-garde d'une nombreuse arm?e envoy?e par la France ? leur secours.

Chaque heure augmentait donc la distance qui s?parait la politique du Roi de celle de son ministre: une rupture ?tait in?vitable. Louis-Philippe la provoqua dans les derniers jours d'ao?t, en demandant formellement que les corps rassembl?s sur les Pyr?n?es fussent dissous. Comme toutes les fois o? les int?r?ts ext?rieurs de la France lui paraissaient en p?ril, il ?tait fort r?solu et disait ? M. Thiers: <> Le pr?sident du conseil combattit la mesure que proposait le Roi, par la raison que ce serait renoncer d?finitivement ? agir en Espagne. <> Ses coll?gues, sauf M. de Montalivet, adh?r?rent ? sa d?claration. <>

D'ailleurs, cette intervention en Espagne, ? propos de laquelle avait ?clat? la crise, ?tait loin d'?tre populaire. Elle l'?tait m?me si peu qu'on se demande comment M. Thiers avait choisi pour livrer sa derni?re bataille une question o? il devait ?tre tellement assur? d'?tre battu. Peut-?tre avait-il assez conscience de l'avortement de son minist?re pour ne plus chercher qu'un moyen de s'esquiver, pareil ? ces joueurs impatients qui, aussit?t qu'ils devinent la partie perdue, jettent de d?pit les cartes sur la table. On a observ? plaisamment que, s'il ?tait plus agile que tous ? grimper au m?t de cocagne du pouvoir, nul n'?tait plus prompt ? s'en laisser glisser: contraste avec M. Guizot qui s'y hissait lourdement, mais s'y cramponnait avec t?nacit?. Dans ces descentes, du reste, M. Thiers mettait beaucoup de souplesse et d'art, s'arrangeant pour retomber toujours sur ses pieds. En succombant sur la question d'intervention, il ?chappait au danger qui l'effrayait entre tous, celui de se retirer pour avoir tent? sans succ?s de s'unir aux anciens tenants de la Sainte-Alliance. L'imprudence m?me de l'aventure r?volutionnaire et belliqueuse o? il faisait mine de vouloir jeter la France contribuait ? mieux effacer les avances faites nagu?re aux puissances continentales; il donnait un gage ?clatant ? cette Angleterre qu'il venait de tant n?gliger; il se retrouvait, pour l'opposition ? venir, l'homme de la politique <> et <>. Com?die si bien jou?e que, quelques semaines plus tard, M. Odilon Barrot, montrant l'Europe divis?e entre les ?tats r?formateurs et les conservateurs, entre la r?volution et l'ancien r?gime, f?licitait, avec sa gravit? sentencieuse, M. Thiers d'avoir compris, au pouvoir, que la place de la France de Juillet ?tait dans le premier camp, ? c?t? des gouvernements ayant m?me principe et m?me origine qu'elle, et il faisait honneur au pourfendeur des radicaux suisses, au n?gociateur du mariage autrichien, d'?tre tomb? victime de sa fid?lit? aux alliances lib?rales et de son horreur pour la contre-r?volution europ?enne.

L'ALLIANCE ET LA RUPTURE DE M. MOL? ET DE M. GUIZOT.

Le vote qui renverse un minist?re d?signe d'ordinaire ses successeurs, souvent m?me les impose. Rien de pareil dans la chute de M. Thiers, qui se retirait pour avoir ?t?, non en minorit? devant la Chambre, mais en d?saccord avec la Couronne. Il en r?sultait pour le Roi plus de latitude dans le choix des nouveaux ministres, et aussi une tentation plus grande de suivre ses go?ts personnels. Ceux-ci le port?rent tout de suite vers un personnage auquel il s'?tait d?j? souvent adress?, dans les crises minist?rielles survenues depuis 1832, mais qui ne s'?tait jamais jug? en mesure de r?pondre ? ces appels. Nous voulons parler du comte Mol?.

M. Mol?, qui n'avait pas encore eu l'occasion de d?ployer ? la tribune le talent et la puissance dont il fera preuve dans les d?bats de la coalition, n'?tait pas alors compt? parmi les grands orateurs: sa parole sobre, distingu?e, ?tait celle d'un homme de bonne compagnie, habitu? ? traiter des affaires publiques; mais elle manquait un peu de relief, de chaleur et d'?clat. Il n'?tait pas non plus un grand chef de parti, tra?nant derri?re soi toute une nombreuse client?le. Membre de la Chambre des pairs, ?tranger aux divisions de la Chambre des d?put?s, on e?t ?t? embarrass? de le rattacher ? un groupe parlementaire. Conservateur sans doute, il s'?tait, dans le minist?re de l'av?nement, rang? du c?t? de la r?sistance; n?anmoins, demeur? un peu ? l'?cart pendant les grandes luttes de 1831 ? 1834, il avait paru, une fois ces luttes finies, en coquetterie avec le tiers parti; c'est ainsi qu'on a expliqu? les scrupules inattendus qui l'emp?ch?rent de si?ger jusqu'au bout dans le proc?s des accus?s d'avril. En politique ?trang?re, il avait ?t? le premier, apr?s 1830, ? proclamer le principe de non-intervention, si d?plaisant aux puissances continentales; et cependant, en 1836, il passait pour vouloir se rapprocher de ces m?mes puissances. En tout, une souplesse d'allure qui lui avait permis, comme ? M. Pasquier et avec la m?me correction d?cente, d'?tre successivement ministre de l'Empire, de la Restauration et de la monarchie de Juillet. Il n'avait trahi ni r?pudi? aucun de ces gouvernements, avait servi chacun d'eux comme il leur convenait de l'?tre, mais sans se livrer ni se compromettre, acceptant les r?les nouveaux que lui apportaient les ?v?nements, nullement embarrass? de leur diversit?, et se bornant ? dire, avec une m?lancolie sans amertume: <> Tout cela n'?tait pas pour d?plaire ? Louis-Philippe. Ne pouvait-il pas penser qu'un tel ministre aurait ? compter davantage avec la Couronne, et que celle-ci aurait plus de chances de faire pr?valoir son propre syst?me?

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

Back to top Use Dark Theme