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Read Ebook: Histoire des salons de Paris (Tome 3/6) Tableaux et portraits du grand monde sous Louis XVI Le Directoire le Consulat et l'Empire la Restauration et le règne de Louis-Philippe Ier by Abrant S Laure Junot Duchesse D
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next Page Prev PageEbook has 1335 lines and 79982 words, and 27 pagesCependant les hommes qui s'isolaient ainsi de leurs semblables, et ne les r?unissaient que pour les envoyer ? la mort, ces m?mes hommes avaient parmi eux de grands talents, et m?me des esprits aimables. Robespierre, lui-m?me, l'?tait lorsqu'il voulait l'?tre. Il connaissait le prix de la causerie, et l'aimait; mais il craignait l'abandon, et on le con?oit. SALON DE ROBESPIERRE. J'ai d?j? dit que Camille Desmoulins n'?tait pas aussi coupable que ses coll?gues, et je puis le prouver en faisant conna?tre son histoire et celle de sa femme; le sort de ces deux personnes est curieux ? bien ?tudier... il fait voir quel fut le prix que re?urent presque tous ceux qui, n?s dans une classe ?lev?e, voulurent abattre tout ce qui ?tait au-dessus des autres, mutilant ainsi le corps auquel ils appartenaient. Camille ?tait un homme d'un esprit remarquable, mais sans aucun jugement. L? o? il voyait un changement, il croyait en une am?lioration. Cette aberration d'esprit fut malheureusement trop commune alors. Camille fut un des premiers ? l'attaque de la Bastille; et un jour, au Palais-Royal, son ?loquence entra?nante fit fouler aux pieds la cocarde de la France pour lui substituer la couleur verte. Camille Desmoulins parlait avec une puissance d'entra?nement qui ?tait ?nergique et instantan?e dans ses effets... mais qui n'avait aucune dur?e; et cela venait sans doute du foyer qui produisait, et dont le feu n'avait pas une vraie chaleur. En joignant la fortune de sa femme ? la sienne, Camille eut une position sociale. Madame Desmoulins, jeune, jolie, spirituelle, et vivement impressionn?e par ce mouvement r?volutionnaire dont les meneurs ?taient sans cesse autour d'elle, devint ? son tour l'une des puissances du moment. C'?tait un moyen dont les r?volutionnaires n'avaient garde de ne pas profiter, que celui de l'effet que produiraient des maximes r?pandues et insinu?es par une jolie personne aux paroles engageantes et persuasives... Madame Desmoulins re?ut chez elle tout ce qui alors marquait fortement dans son parti, et son salon fut un lieu central. Le duc d'Orl?ans y allait fort souvent; il y d?nait et y soupait m?me fr?quemment en revenant de l'assembl?e. Le g?n?ral Lafayette lui donna son buste; chacun enfin ?tait ? ses pieds pour ?couter sa spirituelle et dangereuse causerie. Camille Desmoulins n'avait pas eu d'abord cette pens?e de mettre ainsi sa femme en ?vidence; ce fut Saint-Just, qui avait des projets ult?rieurs sur elle, qui la lui inspira. Camille Desmoulins, tout en pr?chant les principes d?magogiques qui le perdirent, sentit d?s le premier moment qu'ils lui seraient mortels, et pourtant il poursuivit. Un jour qu'il avait eu plusieurs personnes ? d?ner, entre autres une qui a surv?cu ? ces temps d'horreurs, il dit tr?s-haut: --La r?volution prend une mauvaise tournure... j'ai grande envie de me mettre avec les royalistes... la fortune tout enti?re de ma femme est sur l'?tat. Mais sa femme, jeune, enthousiaste, ne voyait que le lever lumineux de cette r?volution, dont le midi devait ?tre ? la fois si sanglant et si sombre, et ce fut elle qui arr?ta Camille dans son intention de changer de parti. Alors il adopta franchement celui de la R?volution. Ce fut lui qui, avec Danton, fonda la soci?t? ou plut?t le club des Cordeliers... il ?tait ? cette ?poque le plus chaud partisan de Robespierre; il l'aimait d'une amiti? sainte, et cet homme, aveugl? sur le monstre, ne voyait en lui qu'un homme voulant la r?g?n?ration de la France... Ce fait, ainsi que celui bien prouv? de l'ignorance du fr?re de Robespierre des crimes de celui-ci, est une des choses les plus curieuses de la R?volution. --Enfant, dit-il en froissant le papier dans sa main et le jetant au loin... enfant!.. te jouer ? moi!... Madame Desmoulins entra dans ce moment dans le cabinet de son mari; Prudhomme r?p?ta ce qu'il croyait devoir ?tre compris par elle; mais, bien loin de l'?couter, elle lui imposa silence. --Si Camille pouvait suivre vos conseils, lui dit-elle, je le d?savouerais. C'est une noble mission qu'il a re?ue de l'humanit? agonisante... il doit parler... d?t-il en mourir... Et s'approchant de son mari, elle l'embrassa avec amour. --Si tu meurs pour cette cause sainte, mon Camille, lui dit-elle en le regardant avec une ineffable tendresse, je mourrai avec toi... --Mais en mourant il cesse de remplir cette mission ? laquelle il est appel?, lui r?pondit Prudhomme.... --N'importe quel sera son sort... il doit faire son devoir... Si Camille cessait d'?crire dans le moment o? la tyrannie des comit?s n'a plus de bornes, lorsqu'enfin leur inamovibilit? r?v?le leur ambition, il serait un l?che... et moi-m?me je le renierais et l'?loignerais de mon coeur. --Prenez garde ? vous-m?me, malheureuse femme; prenez garde ? vos imprudentes paroles... les bourreaux de la France ne reconnaissent aucun pouvoir... celui de la vertu, de la beaut?, de l'esprit, demeure sans force devant eux... tremblez de les irriter... Madame Desmoulins demeura quelques secondes dans le silence... Au bout de ce temps, elle releva fi?rement la t?te, et regardant Prudhomme avec calme:--Ils ne me feront pas mourir la premi?re, lui dit-elle; et apr?s lui!... je demanderais la mort... Et se jetant dans les bras de son mari, elle l'embrassa en pleurant... mais au milieu de ses sanglots, on entendait encore ces mots: D?sesp?r? du peu de succ?s de sa d?marche, Prudhomme courut chez madame Duplessis, m?re de madame Desmoulins... il lui parla de ses craintes et du sujet fond? qui les lui inspirait. Madame Duplessis lui r?pondit qu'elle connaissait sa fille, et que son caract?re ?tant beaucoup plus fort que celui de Camille, tout ?tait perdu si elle le portait ? r?sister... On sait en effet quel fut le r?sultat de la conduite nouvelle de Camille Desmoulins!... Le second jour de son arrestation, sa femme, au d?sespoir de ne pouvoir fl?chir aucun des juges-bourreaux qui devaient prononcer sur le sort de son mari, organisa un mouvement avec ses amis pour le d?livrer... Elle eut l'imprudence de lui ?crire. La lettre fut intercept?e, et tout espoir d?truit. Madame Camille Desmoulins, arr?t?e ? l'instant m?me, p?rit huit jours apr?s sur le m?me ?chafaud, comme ayant voulu renverser le gouvernement de la r?publique. ... Et elle ?tait plus r?publicaine qu'aucun d'eux!... Une ambition sans mesure, appuy?e sur un orgueil sans ?gal, et pourtant une grande inf?riorit? ? c?t? de ceux qu'il a fait p?rir, tels sont les principaux traits du caract?re de Robespierre; il faut y ajouter le go?t du sang par nature et une profonde hypocrisie. Mais ce qui, surtout, ?tait la passion la plus effrayante pour tout ce qui se trouvait sur son chemin, c'?tait cette jalousie envieuse que lui inspirait toute sup?riorit?. C'est cette appr?hension d'?tre prim? en quoi que ce f?t, qui lui fit sacrifier Danton et Camille Desmoulins. Voici, ? cet ?gard, une anecdote assez singuli?re qui m'a ?t? rapport?e par un t?moin de la chose. Avant que les deux comit?s, qui ?taient ? eux seuls tout le pouvoir, se centralisant encore dans Robespierre, eussent fait p?rir, dans la m?me journ?e, la fleur des talents que renfermait la Convention; avant que cette Convention, se mutilant elle-m?me, envoy?t ? l'?chafaud cette faction de la Gironde qui voulait r?ellement la libert?, et ne savait pas d'abord, simple qu'elle ?tait, que Robespierre et les siens voulaient de la tyrannie et du despotisme; avant la mort des Girondins, plusieurs tentatives furent faites pour op?rer un rapprochement entre les deux factions. Un jour, Danton, alors dans tout l'?clat de sa belle puissance tribunitienne, attendait avec d'autres coll?gues l'ouverture de la s?ance. Plusieurs membres de diff?rents partis causaient ensemble dans une des salles qui pr?c?daient la Convention. L'un d'eux dit ? Danton: --Vous devriez bien vous rapprocher de ceux de la Gironde. Et il mena Danton vers Valaz? et quelques autres. Apr?s avoir ?chang? quelques mots, Valaz? dit ? Danton: --Ce n'est pas Robespierre, ce n'est pas Marat, bien que celui-ci ait une verve et une repartie mordante qui souvent emporte la pi?ce, que nous redoutons... Le premier est nul, et le second est faible malgr? sa fureur apparente... C'est vous que nous craignons... c'est votre ?loquence tonnante, c'est cette col?re d'un homme persuad?, convaincu, que vous jetez ? la t?te de vos adversaires et que vous leur opposez comme une digue qu'ils ne peuvent quelquefois renverser. Votre ?loquence entra?ne, d?termine la multitude... Et voil? la v?ritable ?loquence du tribun du peuple dans des temps orageux... Voil? ce qui nous inqui?te; le reste est de peu d'importance. Un ami de Danton l'en avertit; Danton sourit, et son horrible figure s'illumina tout ? coup de ce sourire sardonique. Robespierre fut d'une extr?me adresse dans cette conversation; il sut maintenir son pouvoir sur Tallien, tout en accusant d'autres coll?gues. --Que veux-tu qu'on fasse, apr?s tout? --Prouver que toi ainsi que Carnot, et tous ceux qui composent les deux comit?s, n'avez aucune ambition, les renouveler enfin. Robespierre sourit avec ironie. --Oui, c'est cela. Te voil? maintenant du m?me bord que ceux de la commune de Paris, et les autres machinateurs qui veulent perdre la patrie. --Et que veulent ces hommes? --Ce que tu demandes toi-m?me: changer les comit?s... les comit?s! qui seuls peuvent sauver et sauveront la patrie; nous sommes dans un moment de crise, Tallien, o? la chose publique est perdue si le timon est abandonn? ? trop de mains. La Convention n'est d?j? que trop nombreuse! Tallien fit un mouvement ? ce mot qui fut remarqu? par Robespierre... Il se reprit et dit ensuite: --Elle est trop nombreuse, quand je vois des hommes dans son sein qui peuvent perdre notre malheureuse patrie. --Qui sont-ils? Et quel est leur nombre? --Trop grand sans doute, surtout lorsqu'? leur t?te on voit un homme comme Danton. --Danton! --Lui-m?me!... Crois-tu maintenant que la R?publique doive prendre trop de mesures pour centraliser son pouvoir, lorsqu'elle voit de semblables perfidies? --Mais o? est la preuve? --Crois-tu que je t'en impose? --Non; mais tu peux ?tre mal inform?. Un homme aussi bon patriote que Danton ne doit ?tre jug? dans l'opinion de ses fr?res qu'apr?s avoir ?t? entendu. Intimement li? avec Danton, Tallien courut aussit?t pr?s de lui, et lui demanda comment il ?tait avec Robespierre. --Mais tr?s-bien, r?pondit Danton. Nous avons bien quelquefois de petites discussions, mais, ajouta-t-il en souriant, cela passe comme cela vient. --Tu t'abuses, malheureux! Et Tallien lui rapporta sa conversation du jour m?me avec Robespierre... Danton demeura stup?fait. --? tout autre qu'un ami, je dirais que ce n'est pas vrai! mais ? toi, je te laisse voir le fond de mon ?me. Elle est profond?ment navr?e de ce que tu me dis. Me crois-tu? --Oui!... mais que comptes-tu faire? --Voir Robespierre... Demande-lui un rendez-vous pour demain ? huit heures du matin. Nous serons seuls ? cette heure... Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page |
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