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Munafa ebook

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Read Ebook: Les Romans de la Table Ronde (1 / 5) Mis en nouveau langage et accompagnés de recherches sur l'origine et le caractère de ces grandes compositions by Paris Paulin Editor

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Ebook has 733 lines and 91768 words, and 15 pages

Et puis les autres objections qu'on peut faire ? l'existence d'une chronique bretonne du neuvi?me si?cle, conservent toute leur force. Pourquoi aurait on ?crit ce livre? Pour ceux qui n'entendaient que le breton? Mais ceux-l? ?taient aussi incapables de lire le breton que le latin. On n'apprenait ? lire qu'en se mettant au latin, et c'est par la science de la lecture que les clercs ?taient distingu?s de tous les autres Fran?ais, Anglais ou Bretons. Admettez au contraire qu'au neuvi?me si?cle un clerc ait eu la bonne pens?e de marcher sur les traces du v?n?rable B?de, en inscrivant dans la seule langue alors litt?raire les traditions vraies ou fabuleuses de ses compatriotes, les difficult?s qui nous arr?taient disparaissent. Cette chronique, rarement transcrite en basse Bretagne o? elle ?tait n?e, n'aura pass? qu'au douzi?me si?cle dans la Bretagne insulaire, par les mains de l'archidiacre d'Oxford: Geoffroy de Monmouth en aura re?u la communication, et, la supposant enti?rement inconnue, il en aura fait la base d'une plus large composition; mais comme, en avouant la source ? laquelle il avait puis?, il s'exposait ? ce qu'on lui demand?t compte de tout ce qu'il avait ajout?, il aura pr?venu les objections en supposant l'existence d'un autre livre tout diff?rent de celui qu'il avait entre les mains.

Maintenant, si le premier Gildas, si le v?n?rable B?de n'avaient rien dit des rois bretons cit?s dans la chronique de Nennius, leur silence est facile ? justifier. Tous ces princes, fabuleux descendants du Troyen Brutus, n'?taient encore connus que dans la petite Bretagne o? l'on en avait fait les naturels ?mules des Francus et des Bavo des l?gendes fran?aises et belges. Si B?de n'a m?me pas ?crit une seule fois le nom d'Artus, c'est peut-?tre parce que le souvenir du h?ros breton ne s'?tait perp?tu? que parmi les habitants de l'Armorique et du pays de Galles. B?de, Anglo-Saxon d'origine, ?crivant l'histoire des Anglais, n'avait pas ? se pr?occuper des fables bretonnes. Pour saint Gildas, il n'avait rien ? dire des g?n?reux efforts d'Artus pour r?sister ? l'oppression des Anglais, dans le petit nombre de pages o? sont ?num?r?s les malheurs et les p?ch?s de ses compatriotes. Artus avait cependant exist?: il avait r?ellement lutt? contre l'?tablissement des Saxons, et le souvenir de ses glorieux combats s'?tait conserv? dans le coeur des Bretons r?fugi?s, les uns dans les montagnes du pays de Galles, les autres dans la province de France habit?e par leurs anciens compatriotes. Il ?tait devenu le h?ros de plusieurs lais fond?s sur des exploits r?els. Mais l'imagination populaire n'avait pas tard? ? le transformer; chaque jour les lais qui le c?l?braient avaient pris un d?veloppement plus chim?rique. De d?fenseur plus ou moins heureux de la patrie insulaire, il devint ainsi le vainqueur des Saxons; le souverain des trois royaumes; le conqu?rant de la France, de l'Islande, du Danemark; la terreur de l'empereur de Rome. Bien plus, affranchi de la loi commune, les F?es l'avaient transport? dans l'?le d'Avalon; elles l'y retenaient pour le faire un jour repara?tre dans le monde et rendre aux Bretons leur ancienne ind?pendance. Tel ?tait d?j? l'Artus des chants bretons, longtemps avant la r?daction de Geoffroy de Monmouth. Ces chants, surtout r?pandus en Armorique, ?taient ?cout?s dans toute la France avec une grande curiosit?, au moment o? la r?cente conqu?te des Normands leur assurait en Angleterre un accueil ?galement favorable. C'est alors que Geoffroy de Monmouth s'appuya de la chronique informe de Nennius pour faire entrer ces traditions fabuleuses dans la litt?rature latine, d'o? bient?t elles devaient passer dans nos Romans de la Table ronde.

Mais Nennius tient dans les domaines de la v?ritable histoire une place que Geoffroy s'est interdit le droit de r?clamer. S'il a recueilli beaucoup de traditions fabuleuses, il l'a fait de bonne foi. On reconna?t dans son livre plus d'un souvenir pr?cieux et sinc?re. La passion de Wortigern pour la fille d'Hengist, la perfidie des Saxons, les vains efforts des Bretons pour ?loigner ces terribles auxiliaires, tout cela est du domaine des faits r?els. L'auteur, ?tranger aux proc?d?s de la composition litt?raire, rapporte avec une parfaite candeur les deux opinions r?pandues de son temps sur l'origine des Bretons. <> dit-il, <> Ainsi, tout en se rendant l'?cho des traditions populaires, Nennius ne se prononce pas entre elles et garde la mesure qu'on peut attendre d'un historien sinc?re. Il ne parle pas m?me de Merlin, mais d'un certain Ambrosius dont on a fait le premier nom du fabuleux proph?te des Bretons. Pour Nennius, Ambrosius n'est pas encore un ?tre surnaturel, c'est le fils d'un comte ou consul romain. Il ne raconte pas les amours d'Uter-Pendragon et d'Ygierne, renouvel?es d'Ovide. Il se contente de nous dire d'Artus qu'il conduisait les arm?es bretonnes, et qu'il avait livr? douze glorieux combats aux ennemis de son pays. <> lisons-nous ? la fin de son livre, <>

Il y a loin de ce t?moignage, peut-?tre enti?rement historique, ? ce qu'on devait trouver sur le h?ros breton dans le livre de Geoffroy de Monmouth.

L'histoire fabuleuse des successeurs de Brutus doit moins ? Virgile, et plus aux traditions orales de la Bretagne. ? l'occasion du roi Hudibras, Geoffroy exprime un scrupule assez inattendu: <> dit-il, <> Les proph?ties de l'aigle de Shaftesbury ?taient c?l?bres parmi les anciens Bretons: dans son douzi?me et dernier livre, Geoffroy, malgr? l'incr?dulit? qu'il avait d'abord affect?e, assurera qu'en l'ann?e 688, le roi de la Petite-Bretagne Alain les avait consult?es en m?me temps que les livres des Sibylles et de Merlin, pour savoir s'il devait ou non mettre ses vaisseaux ? la disposition de Cadwallader.

Apr?s Hudibras viennent Bladus, fondateur de Bath;--Leir ou Lear, si fameux par les ballades et par Shakespeare;--Brennus, le conqu?rant de l'Italie;--Elidure, Peredure, dont les po?tes allemands s'empar?rent plus tard;--Cassibelaun, le rival de C?sar. Enfin, sous le r?gne de Lucius, vers 170 de l'?re nouvelle, la foi chr?tienne est pour la premi?re fois introduite en Grande-Bretagne par les missionnaires du pape ?leuth?re. Geoffroy traduit ici Nennius, et ne laisse pas soup?onner l'autre courant des traditions bretonnes qui rapportaient l'origine de la pr?dication ?vang?lique ? Joseph d'Arimathie, comme elle est expos?e dans le roman du Saint-Graal. Je donne ailleurs l'explication du silence qu'il a gard?.

Constantin avait laiss? trois fils: Constant, Aur?lius Ambroise et Uter-Pendragon.

Constant, l'a?n?, fut d'abord rel?gu? dans un monast?re; mais Wortigern, un des principaux conseillers de Constantin, l'en avait tir? pour le faire proclamer roi. Sous ce prince faible et timide, Wortigern gouverna sans contr?le; si bien qu'aspirant lui-m?me ? la couronne, il entoura le Roi-moine de serviteurs choisis parmi les Pictes, et, sur un pr?texte d'irritation envenim? par le ministre ambitieux, ces ?trangers massacr?rent le pauvre roi qu'ils devaient d?fendre. Ils se confiaient dans la reconnaissance du premier instigateur du crime: ils se tromp?rent. Wortigern recueillit le fruit du meurtre, mais, ? peine couronn?, il fit pendre les meurtriers de celui dont il recueillait la couronne.

Cependant personne ne doutait de la part qu'il avait prise ? la mort de Constant. Ceux qui gardaient les deux autres fils de Constantin se h?t?rent de mettre en s?ret? leur vie, en les faisant passer dans la Petite-Bretagne, o? le roi Bude les accueillit et pourvut ? leur ?ducation.

L'histoire des deux dragons d?couverts dans les fondements de la tour, leur combat acharn?, les explications donn?es par Merlin, et la construction de la haute tour, tout cela se trouvait dans Nennius avant d'?tre amplifi? par Geoffroy de Monmouth, et a ?t? fid?lement suivi par Robert de Boron. Au milieu de son r?cit, Geoffroy intercale les proph?ties de Merlin que, dit-il, il a traduites du breton, ? la pri?re d'Alexandre, ?v?que de Lincoln. Ces proph?ties ont ?t? admises dans un assez grand nombre de manuscrits du roman de Merlin; mais on ne peut nier qu'elles ne soient, au moins dans leur forme latine, l'oeuvre de Geoffroy de Monmouth. Comme les lais bretons, elles s'?taient conserv?es dans la m?moire des harpeurs et chanteurs populaires: et c'est de ces traditions ondoyantes et mobiles, comme il convient ? des proph?ties, que Geoffroy dut tirer la r?daction que nous en avons conserv?e, et qui eut aussit?t dans l'Europe enti?re un si grand retentissement.

Wortigern, apr?s la premi?re ?preuve du savoir de Merlin, d?sire apprendre ce qui peut encore le menacer, et la fa?on doit il doit mourir. Merlin l'avertit d'?viter le feu des fils de Constantin. <>

C'est encore ? Geoffroy que les romanciers ont emprunt? l'histoire des amours d'Ygierne et d'Uter et la naissance d'Artus. Mais, chez le latiniste, Artus succ?de ? son p?re, sans passer par l'?preuve de l'?p?e fich?e dans l'enclume du perron.

Plusieurs des h?ros secondaires de nos romans sont nomm?s par Geoffroy, mais avec une rapidit? qui permet de croire que leur c?l?brit? populaire n'?tait pas encore tr?s-bien ?tablie. Tels sont les trois fr?res Loth, Urien et Aguisel d'?cosse. Loth, ici comme dans les romans, ?poux de la soeur d'Artus, a deux fils, le fameux Walgan ou Gauvain, et Mordred, qui devait trahir son oncle Artus. Artus a ?pous? Gwanhamara , issue d'une noble famille romaine. Il a pour premier adversaire le Norw?gien Riculf, le m?me que le roi Rion qui, dans le roman d'Artus, voudra r?unir aux vingt-huit barbes royales de son manteau celle du roi L?odagan de Carm?lide, p?re de Geni?vre. Frollo, roi des Gaules, est ?galement vaincu par Artus, et bient?t apr?s l'empereur Lucius de Rome vient dans les plaines de Langres payer de sa vie l'audace qu'il avait eue de d?clarer la guerre aux Bretons.

La belle description des f?tes du couronnement d'Artus, due ? l'imagination et aux souvenirs classiques de Geoffroy, n'est pas reproduite dans le roman, o? elle e?t ?t? peut-?tre mieux ? sa place. Mais les conteurs fran?ais ont emprunt? ? Geoffroy le r?cit du combat d'Artus contre le g?ant du mont Saint-Michel. Quelques jours apr?s la grande victoire remport?e sur les Romains et les Gaulois, Artus re?oit la nouvelle de la r?volte de Mordred et de l'infid?lit? de Gwanhamara. Apr?s avoir tu? son neveu, il est lui-m?me mortellement bless?, et de l? transport? dans l'?le d'Avalon, o? Geoffroy nous permet de supposer, sans le dire express?ment, que les f?es l'ont gu?ri de ses plaies et le tiennent en r?serve pour la future d?livrance des Bretons.

<> dit Guillaume de Newburg, <

Je ne vois pas bien ce que la critique moderne pourrait dire de plus contre ce fameux livre de Geoffroy de Monmouth. Les bons esprits ne l'avaient donc accept? que comme un recueil d'histoires controuv?es ? plaisir, auxquelles les Bretons seuls pouvaient ajouter une foi s?rieuse.

Mais ce jugement lui-m?me permettait ? l'imagination et aux fantaisies po?tiques de prendre l'essor. Geoffroy avait donn? l'exemple dont nos romanciers avaient besoin et qu'ils ne tard?rent pas ? suivre. La courte, informe et cependant pr?cieuse chronique de Nennius avait ?veill? la verve de Geoffroy de Monmouth; et ce que Nennius avait ?t? pour lui, Geoffroy le fut pour Robert de Boron, et pour les auteurs des autres romans en prose et en vers, dont la France nous semble avoir le droit de r?clamer la composition, et qui devaient produire une si grande r?volution dans la litt?rature et m?me dans les moeurs de toutes les nations chr?tiennes.

Avant d'aborder les romans de la Table ronde, il faut ?puiser l'oeuvre de celui qui para?t en avoir fait na?tre la pens?e.

<

<>

Fatidici vatis rabiem musamque jocosam Merlini cantare paro: tu corrige carmen, Gloria Pontificum, calamos moderando, Roberte. Scimus enim quia te perfudit nectare sacro Philosophia suo, fecitque per omnia doctum, Ut documenta dares, dux et praeceptor in orbe. Ergo meis coeptis faveas, vatemque tueri Auspicio meliore velis quam fecerit alter Cui modo succedis, merito promotus honore. Sic etenim mores, sic vita probata genusque Utilitasque loci clerus populusque petebant, Unde modo felix Lincolnia fertur ad astra.

Duximus ad metam carmen. Vos ergo, Britanni, Laurea serta date Gaufrido de Monumeta: Est enim vester, nam quondam proelia vestra Vestrorumque ducum cecinit scripsitque libellum Quem nunc Gesta vocant Britonum celebrata per orbem.

Li Reis jadis maint bien me fist, Mult me dona, plus me pramist. Et se il tot don? m'?ust Ce qu'il me pramist, miels me fust. Nel pois avoir, nel plut al Rei...

Ergo peragratis sub multis regibus annis, Clarus habebatur Merlinus in orbe Britannus; Rex erat et vates: Demaetarumque superbis Jura dabat populis...

Dans les deux ouvrages, Wortigern est duc des Gewisseans ou West-Saxons ; Biduc est roi de la Petite Bretagne o? se r?fugient les deux fils de Constant; Artus succ?de sans opposition ? son p?re Uter-Pendragon, et la reine Gwanhamara n'est mentionn?e qu'en raison de ses relations criminelles avec Mordred.

Illicitam venerem cum conjuge Regis habebat.

Sic etenim mores, sic vita probata genusque, Utilitasque loci, clerus populusque petebant. Unde modo felix Lincolnia fertur ad astra.

On peut, en effet, rapprocher ces vers de l'empressement que montra Robert de Quesnet, suivant Giraud de Galles, pour multiplier dans la ville de Lincoln les foires et les march?s.

Vivemus pariter, vivet cum vate superstes Gloria Guillelmi, nullum moritura per aevum.

Merlin perd la raison ? la suite d'un combat dans lequel il a vu p?rir plusieurs vaillants chefs de ses amis. Il prend en horreur le s?jour des villes, et, pour se d?rober ? tous les regards, il s'enfonce dans les profondeurs de la for?t de Calidon.

Fit silvester homo, quasi silvis editus esset.

Sa soeur la reine Ganiede envoie des serviteurs ? sa recherche. Un d'eux l'aper?oit assis sur les bords d'une fontaine et parvient ? le faire rentrer en lui-m?me en pronon?ant le nom de Guendolene, et en formant sur la harpe de douloureux accords:

Cum modulis citharae quam secum gesserat ultro.

Merlin consent ? quitter les bois, ? repara?tre dans les villes. Mais bient?t le tumulte et le mouvement de la foule le replongent dans sa premi?re m?lancolie; il veut retourner ? la for?t. Ni les pleurs de sa femme, ni les pri?res de sa soeur, ne peuvent le fl?chir. On l'encha?ne; il pleure, il se lamente. Puis tout ? coup, voyant le roi Rodarcus d?tacher du milieu des cheveux de Ganiede une feuille verte qui s'y trouvait m?l?e, il jette un ?clat de rire. Le roi s'?tonne et demande la raison de cet ?clair de gaiet?. Merlin veut bien r?pondre, ? la condition qu'on lui ?tera ses cha?nes et qu'on lui permettra de retourner dans les bois. D?s que la libert? lui est rendue, il d?voile les secrets de sa soeur, la reine Ganiede. Le matin m?me, elle avait prodigu? ses faveurs ? un jeune varlet, sur un lit de verdure dont une des feuilles ?tait demeur?e dans ses cheveux. Ganiede proteste de son innocence: <> Et, pour justifier le m?pris que m?ritaient de telles accusations, elle fait prendre successivement trois d?guisements ? l'un des habitu?s du palais. Merlin interrog? annonce ? cet homme trois genres de mort. La pr?diction s'accomplit, mais beaucoup plus tard, et la reine, en attendant, triomphe de la fausse science du devin. On retrouvera dans le roman de Merlin cet ?pisode devenu c?l?bre.

Merlin reprend le chemin de la for?t. En le voyant partir, sa femme et sa soeur semblent inconsolables: <> dit Ganiede, <> r?pond Merlin; <>

<>

Un jour, les astres avertissent Merlin retir? dans la for?t que Guendolene va former de nouveaux liens. Il rassemble un troupeau de daims et de ch?vres, et lui-m?me, mont? sur un cerf, arrive aux portes du palais et appelle Guendolene. Pendant qu'elle accourt assez ?mue, le fianc? met la t?te ? la fen?tre et se prend ? rire ? la vue du grand cerf que monte l'?tranger. Merlin le reconna?t, arrache les bois du cerf, les jette ? la t?te du beau rieur et le renverse mort au milieu des invit?s. Cela fait, il pique des deux et veut regagner les bois: mais on le poursuit; un cours d'eau lui ferme le passage; il est atteint et ramen? ? la ville:

Adducuntque domum, vinctumque dedere sorori.

On ne voit pas que la mort du fianc? de Guendolene ait ?t? veng?e, et Merlin demeure l'objet du respect des gens de la cour. Pour lui rendre supportable le s?jour des villes, le roi lui offre des distractions et le conduit au milieu des foires et des march?s. Merlin jette alors deux nouveaux ris dont le roi veut encore p?n?trer la cause. Il met ? ses r?ponses la m?me condition: on le laissera regagner sa ch?re for?t. D'abord il n'a pu voir sans rire un mendiant bien plus riche que ceux dont il sollicitait la charit?, car il foulait ? ses pieds un immense tr?sor. Puis il a ri d'un p?lerin achetant des souliers neufs et du cuir pour les ressemeler plus tard, tandis que la mort l'attendait dans quelques heures. Ces deux jeux se retrouveront dans le roman de Merlin.

Libre de retourner une seconde fois dans la for?t, le proph?te console sa soeur et l'engage ? construire sur la lisi?re des bois une maison pourvue de soixante-dix portes et de soixante-dix fen?tres: lui-m?me y viendra consulter les astres et raconter ce qui doit avenir. Soixante-dix scribes tiendront note de tout ce qu'il annoncera.

La maison construite, Merlin se met ? proph?tiser, et les clercs ?crivent ce qu'il lui pla?t de chanter:

O rabiem Britonum quos copia divitiarum Usque superveniens ultra quam debeat effert!...

Inque suis thalamis posuit super aurea regem Strata, manuque detexit vulnus honesta, Inspicitque diu, tandemque redire salutem Posse sibi dixit, si secum tempore longo Esset...

Monmouth, dans sa tr?s-v?ridique histoire, s'?tait content? de dire qu'Artus, mortellement bless?, avait ?t? port? dans l'?le d'Avalon pour y trouver sa gu?rison; ce qui pr?senterait une contradiction ridicule, si l'?le d'Avalon et le pays des F?es n'?taient pas ordinairement, dans les chansons de geste et dans les traditions bretonnes, l'?quivalent des Champs-?lys?es chez les Anciens.

D'ailleurs, la description de cette ?le:

Insula pomorum quae Fortunata vocatur,

avec son printemps perp?tuel et sa merveilleuse abondance de toutes choses, convient assez mal ? cette ?le d'Avalon, qu'on crut plus tard reconna?tre dans Glastonbury.

Un dernier trait de la l?gende galloise de Merlin se retrouve dans notre po?me. Merlin et Talgesin exposaient ? qui mieux mieux les propri?t?s de certaines fontaines et la nature de certains oiseaux, quand ils sont interrompus par un fou furieux qu'on entoure et sur lequel on interroge Merlin: <> dit-il; <>

Je l'ai d?j? dit, ce po?me, expression de la tradition galloise du proph?te Merlin, ne sera pas inutile au prosateur fran?ais, et nous permettra de mieux suivre les d?veloppements de la l?gende armoricaine, exprim?e dans la seconde branche de nos Romans de la Table ronde.

SUR LE LIVRE LATIN DU GRAAL ET SUR LE PO?ME DE JOSEPH D'ARIMATHIE.

La curiosit?, vivement ?veill?e, conduisit bient?t ? la pens?e de former un recueil unique de ces romans, devenus l'entretien de toutes les cours seigneuriales. En les ?tudiant aujourd'hui, on pourrait encore y distinguer la main des assembleurs. Ainsi, tandis que le romancier du Saint-Graal avait annonc? le livre comme apport? du ciel par J?sus-Christ, les assembleurs le donnent pour une histoire faite de toutes les histoires du monde; messire de Boron l'aurait compos?e, tant?t seul et par le commandement du roi Philippe de France, tant?t avec l'aide de Me Gautier Map, et par le commandement du roi Henry d'Angleterre. Ils privent le livre de Merlin de son dernier paragraphe, o? se trouvait annonc?e la suite de l'histoire d'Alain le Gros, et remplacent la branche promise par celle d'Artus. On lisait encore vers la fin du Merlin qu'Artus, ? partir de son couronnement, <> La ligne a ?t? biff?e, parce qu'imm?diatement apr?s on ins?rait le livre d'Artus, oeuvre d'un autre ?crivain, o? d'abord ?taient racont?es les longues guerres d'Artus avec les Sept rois, avec Rion d'Islande, avec les Saisnes ou Saxons. Il faut prendre garde ? toutes ces retouches, ? ces interpolations, si l'on veut se rendre compte de la composition successive de ces fameux ouvrages.

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