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Munafa ebook

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Read Ebook: Les réprouvés et les élus (t.1) by Souvestre Mile

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Ebook has 2783 lines and 87432 words, and 56 pages

--Je ne suppose rien, mais je comprends.

--Non, non, c'est impossible! Vos pr?ventions contre madame de Luxeuil vous rendent injuste; cela ne peut ?tre, docteur, cela n'est pas!..... Ce serait trop horrible. Elle, grand Dieu! ma soeur, aurait pu penser que si ma fille.... Ah! pauvre enfant, pauvre enfant!

Elle s'?tait pench?e vers Honorine, qu'elle prit vivement dans ses bras en la couvrant de baisers et de larmes. Il y eut une assez longue pause. M. Vorel gardait un silence contraint, qui semblait confirmer et aggraver ce qu'il venait de dire; enfin pourtant il reprit la parole et demanda ? la malade quand elle comptait rejoindre madame de Luxeuil.

--Je ne la rejoins pas, r?pondit la baronne, elle vient me chercher.

--Ici! Quand cela?

--Au premier jour; demain peut-?tre. Son d?part d?pend du docteur Darcy.

--Comment?

--Vous savez qu'il devait faire ce voyage d'Italie en compagnie de ma soeur, dont il est l'ami d?vou?.

--Je le sais.

--Eh bien! en apprenant ma demande, il a pens? que sa pr?sence pourrait ?tre utile ? deux malades...

--Et il vient ? Ch?teau-Lavalli?re?

--Avec madame de Luxeuil.

M. Vorel changea de visage et se leva brusquement.

--C'est-?-dire que mes soins ne vous suffisent plus, dit-il avec ?clat; vous avez pris en d?fiance le savoir du m?decin de campagne, et vous voulez en appeler au m?decin de Paris.

--Moi! s'?cria la baronne saisie, ah! ne le croyez pas, mon fr?re! Sur l'honneur! je n'ai ni d?sir?, ni appel? M. Darcy.

--Qui peut alors l'avoir d?cid??

--Le d?part de ma soeur d'abord, puis le d?sir de voir madame de Norsauf, qui se trouve ? sa terre de Rill?. Ma volont? n'est pour rien dans ce voyage, et le hasard seul a tout fait.

--Hasard dont vous profiterez?

--Vous-m?me en d?ciderez, docteur. D?fendez-moi de consulter M. Darcy, et je ne lui parlerai de rien. Que votre avis soit contraire au sien, et votre avis seul sera suivi.

--Est-ce bien vrai, ma soeur?

--Doutez-vous de ma parole, mon fr?re?

M. Vorel regarda la baronne et parut un instant ind?cis.

--Non, dit-il enfin d'une voix adoucie, je veux croire que tout ceci est fortuit, comme vous me l'assurez. Si je me suis montr? bless? au premier abord, ne croyez pas que ce soit par vanit? de m?decin; mais le coeur a aussi ses susceptibilit?s.

--Oh! je connais votre d?vouement, dit madame Louis en lui tendant la main.

Il la prit et la serra dans les siennes d'un air ?mu.

--Oui, reprit-il, j'ose dire que ce d?vouement est sinc?re et d?sint?ress?. Aussi n'abuserai-je point de la confiance que vous me t?moignez. Vous consulterez le docteur Darcy, ma soeur! L'opinion d'un homme aussi justement c?l?bre ne peut ?tre qu'utile pour vous, et instructive pour moi.

--A la bonne heure, mon fr?re.

Le m?decin se tut un instant.

--Seulement, reprit-il avec une sorte d'h?sitation, je vous donnerai un conseil. Il est important que M. Darcy connaisse exactement ce que vous ?prouvez, et quel a ?t? le traitement suivi.

--Sans doute, et je lui dirai...

--Non! interrompit vivement M. Vorel; les malades s'interrogent mal; ils donnent de fausses indications, ils rapportent inexactement les m?dications employ?es, et il peut en r?sulter, pour le m?decin qui arrive, de fausses impressions.

--Vous pensez?

--J'en suis s?r; je parle dans votre int?r?t, ma soeur, et si vous m'en croyez, vous ne donnerez pas de pr?jug?s ? M. Darcy; vous me laisserez lui r?pondre...

--En v?rit?, c'est me tirer d'un grand embarras, r?pondit la baronne en souriant, car le plus souvent je ne sais comment d?finir ce que j'?prouve, et vos formules sont toujours pour moi des ?nigmes.

--Alors, vous promettez de me renvoyer le docteur pour toutes les explications?

--C'est convenu.

Le visage de M. Vorel reprit son expression souriante, et il continua quelque temps l'entretien sur un ton amical; enfin, il se leva, prit cong? de la malade, embrassa l'enfant, et, apr?s avoir fait ? la nourrice quelques recommandations pleines de sollicitude, il se dirigea vers l'auberge o? il avait laiss? son cheval.

Tant qu'il se trouva en vue de la baronne qui l'avait reconduit jusque sur le seuil de la petite porte du parterre, il marcha du pas ?gal et paisible qui lui ?tait ordinaire; mais, lorsqu'il eut tourn? la rue et qu'il se trouva loin de tous les regards, sur la route d?serte, sa marche devint insensiblement plus rapide. Le sourire qui donnait ? son visage une sorte d'?panouissement m?canique s'effa?a, et ses traits d?tendus reprirent cette forme aigu? et cette apparence fauve dont nous avons d?j? parl?. Levant la cravache qu'il tenait ? la main, il se mit ? abattre, en passant, les jeunes pousses de tro?nes qui bordaient le chemin, comme s'il e?t senti le besoin de d?charger sur quelque chose une secr?te col?re. Mais cette esp?ce d'emportement muet fut de courte dur?e; il ne tarda pas ? laisser retomber sa cravache, ? baisser la t?te et ? ralentir le pas. La r?flexion ?tait ?videmment venue, et, apr?s s'?tre indign? de quelque d?sappointement inattendu, il cherchait le moyen d'en tirer parti.

On e?t pu seulement d?fier l'observateur le plus habile de deviner la nature ou l'objet de sa pr?occupation. Tous ses mouvements avaient repris cette apparence terne et calme qui laissait, pour ainsi dire, glisser le regard; son visage n'offrait ? l'?tude qu'une esp?ce de masque en terre cuite, sec, anguleux, inerte, sur lequel ses yeux, masqu?s par des lunettes bleues, semblaient deux taches miroitantes et sombres qui ne refl?taient rien.

La pr?sence de M. Vorel dans un pareil bouge pouvait ?tonner au premier abord; mais l'h?tellier, le p?re Blanchet, ?tait un de ses anciens clients, parti de Bourgueil sans avoir sold? un long m?moire de maladie, et le docteur, qui aimait l'ordre par-dessus tout, avait pens? qu'en choisissant son auberge il pourrait obtenir, en son et en avoine, l'?quivalent des consultations qu'il n'avait pu se faire payer autrement.

Cet avantage compensait largement pour lui les d?sagr?ments d'un g?te o? il s'arr?tait d'ailleurs peu de temps.

La nuit ?tait venue, et, bien qu'il n'y e?t point de brouillard visible, aucune ?toile ne se montrait au ciel. M. Vorel suivit la grande all?e du jardin, presque effac?e par l'herbe, et arriva ? une treille dont la charpente bris?e laissait pendre des vignes maigres et ?chevel?es. Imm?diatement au-dessus, se trouvait une crois?e appartenant ? la pi?ce la plus ?cart?e de l'auberge. Alors ouverte et ?clair?e, elle laissait voir trois hommes assis autour d'une table, et qui achevaient de souper.

Bien que le bruit de leurs voix anim?es arriv?t, par instant, jusqu'? la tonnelle, le m?decin, tout entier ? sa m?ditation, ne parut point y prendre garde et s'assit sur un banc plac? sous la fen?tre.

Nous le laisserons l?, livr? ? ses r?flexions, pour introduire le lecteur dans la chambre m?me o? soupaient alors les trois voyageurs.

Les trois compagnons.

A en juger par l'unique plat pos? au milieu d'une table sans nappe, le repas que venaient de faire les trois convives avait ?t? des plus modestes: une bouteille d'eau-de-vie presque achev?e en formait le seul luxe. Un des c?t?s de la fen?tre ?tait occup? par un homme encore jeune, petit, barbu, p?le et v?tu d'un bourgeron presque neuf. Il avait la bouteille ? sa droite et versait seul ? boire, privil?ge qui le signalait ?videmment pour l'amphitryon. Son coude gauche ?tait appuy? sur la table, et il tenait, de la main droite, un couteau ? lame forte et longue, avec lequel il s'amusait ? agrandir les fissures du bois vermoulu. Toute sa personne avait une expression ch?tive, vicieuse et farouche qui se retrouvait ?galement dans le voyageur assis devant lui, mais sous des formes diff?rentes et avec d'autres nuances.

Quant au troisi?me convive, plac? au bout de la table, sa physionomie ?tait moins tranch?e. Un peu plus jeune que ses compagnons, il avait un air plut?t hardi que f?roce. Son costume et son teint bruni par le soleil, pouvaient m?me le faire prendre, au premier aspect, pour un paysan; mais, en regardant de plus pr?s, sa taille souple, ses mouvements prompts, ses mains ?troites et sans callosit?s ne permettaient point de le croire habituellement livr? aux travaux rustiques. Tout en lui annon?ait plut?t l'aventurier. Ses traits avaient une expression ouverte et insouciante, qui, sans ?tre de la puret?, n'?taient point non plus de la bassesse; ils respiraient une sorte de brutalit? na?ve qui pouvait mettre en garde contre les actes de l'homme, sans qu'il inspir?t pour cela de la haine ni du d?go?t. ?videmment le hasard et l'ignorance avaient une forte part dans cette corruption, qui ne semblait point irr?vocable.

Au moment o? commence notre r?cit, il venait de vider son verre qu'il tendit de nouveau ? son voisin en frappant sur la table et en criant:

--A boire, Parisien!

Le petit homme barbu se retourna lentement.

--Quand on a eu faim, l'estomac a besoin de se refaire, r?pondit laconiquement le Rageur.

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