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Read Ebook: L'Illustration No. 0051 17 Février 1844 by Various
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next PageEbook has 162 lines and 22370 words, and 4 pagesmble et sera une preuve nouvelle qu'il ne faut pas laisser ? la Chambre le soin d'improviser une loi. La proposition sur les incompatibilit?s a ?t? d?pos?e samedi dernier par M. de R?musat. Lundi les bureaux se sont r?unis pour prononcer sur la question de savoir si la lecture publique en serait ou non autoris?e. Trois bureaux ayant vot? pour qu'il en f?t donn? connaissance ? la Chambre, la lecture, aux termes du r?glement, en a ?t? faite mardi par l'honorable d?put? de la Haute Garonne, et, sur sa demande, la discussion pour la prise en consid?ration a ?t? fix?e au mercredi 21. Les statisticiens de la Chambre calculent que dans le vote des bureaux 175 voix se sont montr?es favorables ? la proposition et que 200 lui ont ?t? contraires. Nous ne savons si le d?bat public modifiera ces chiffres, qui n'ont donn? au minist?re qu'une majorit? plus faible encore que dans le vote sur l'ensemble de l'adresse; mais ce qui para?t bien probable c'est que la discussion sera vive et la lutte chaudement engag?e. Ce qui s'est pass? dans les bureaux ne le fait que trop pressentir. Si l'on doit d?plorer l'?tat d'animation auquel, dans cette circonstance, sont arriv?es les opinions, on doit applaudir du moins ? un mode de voter en usage dans les chambres anglaises, qui s'est introduit d?j? dans les bureaux de la Chambre et qui un peu plus tard, nous l'esp?rons, sera adopt? par le r?glement pour les s?ances publiques, le vote par division. La repr?sentation nationale y gagnera beaucoup en dignit?, en bonne r?putation. Sans doute ce mode pourra mettre a d?couvert quelques jeux doubles assez bien jou?s jusqu'ici, mais en en rendant le retour impossible pour l'avenir et en donnant ? chacun la responsabilit?, c'est-?-dire l'honneur comme les charges de ses opinions, il rel?vent le caract?re et ?clairera la religion souvent surprise de l'?lecteur. La Chambre des Pairs a nomm? sa commission pour l'examen du projet sur la libert? de l'enseignement, et ses choix, comme la discussion qui les a pr?c?d?s, ont prouv? qu'elle entendait apporter l'attention la plus s?rieuse ? ce compl?ment de la Charte de 1830, vainement tent? en 1836 et en 1841, et ne pas vouloir, pour sa part, se laisser attribuer un retard nouveau, si cette loi en avait encore un ? subir contre toute attente. Une autre question dont on attend ?galement la solution avec impatience, c'est celle des chemins de fer, et du parti que le gouvernement adoptera d?finitivement pour mener ? fin le r?seau trac? en 1842. La loi vot?e ? cette ?poque, au milieu de tous les vices qu'on lui peut reprocher, a eu un m?rite et a rendu un service ?galement incontestables; elle a r?tabli la confiance en des entreprises qui promettent ? l'industrie et au pays tout entier d'immenses avantages, confiance qu'avaient profond?ment ?branl?e les tristes r?sultats de sp?culations mal con?ues. Mais cela fait, et aujourd'hui que l'?tat a d?pass? de beaucoup et sur toutes les lignes la part de coop?ration et de d?penses qu'il avait accept?e par la loi de 1842, aujourd'hui qu'il a acquis et fait poser des rails nombreux sur la ligne du Nord, sur celles d'Orl?ans ? Tours et de Chalon ? Dijon, doit-il appeler des compagnies ? recueillir le fruit des peines qu'il s'est donn?es et des avances qu'il a faites et qui ne lui incombaient point, en leur abandonnant, par des baux de longue dur?e, des entreprises dans lesquelles elles ne se seront engag?es que quand il n'y aura plus eu que des b?n?fices de bourse ? recevoir? Voil? ce que s'est demande le nouveau ministre des travaux publics avec une sollicitude qui est une preuve de son patriotisme et de son bon esprit. Soit que l'?tat demeure charg? de l'exploitation des chemins de fer, soit que, menant ? fin les travaux de pose de rails et d'ensablement de la voie il afferme cette exploitation par des baux de courte dur?e qui trouveront une grande concurrence de preneurs, il y a l? pour la chose publique des avantages auxquels il serait d'une mauvaise administration de renoncer, et pour les services de l'?tat comme celui de la poste aux lettres par exemple, des facilit?s que lui refusent obstin?ment les compagnies pour lesquelles les sacrifices les plus grands, nous ne voulons pas dire les plus inexplicables, ont ?t? faits. Nous faisons donc des voeux pour que l'opinion de M. Dumont pr?vale, pour que ses efforts l'emportent dans le conseil. Il serait bien impossible de donner en ce moment l'?tat au vrai de l'Espagne. Ou a dit ? la tribune de notre Chambre des D?put?s que la fi?vre que ce pays ressentait depuis plusieurs ann?es ?tait une fi?vre de croissance. S'il en est ainsi, de tant et de si violents acc?s il ne pourra sortir qu'un g?ant. A Alicante, ? Murcie, ? Carthag?ne, l'insurrection a pris le dessus; mais des d?p?ches nous ont appris qu'elle avait ?t? maltrait?e dans une sortie de la premi?re de ces villes, et comprim?e dans quelques localit?s voisines de cette m?me place. Pendant ce temps-l? le minist?re d?clare l'Espagne enti?re en ?tat de si?ge et exp?die des ordres que la d?p?che suivante du ministre de la guerre au capitaine g?n?ral Roncali met ? m?me de bien appr?cier: < Les ministres capables d'?crire de pareils ordres ne pourraient-ils du moins n'en pas laisser peser la responsabilit? sur cette enfant qu'on a pr?matur?ment assise sur le tr?ne, qui ? coup s?r est bien ?trang?re aux volont?s cruelles qu'on lui pr?te ici, et dont le nom devrait ?tre r?serv? pour les actes de cl?mence, si jamais il peut venir dans la pens?e de pareils conseillers de la couronne d'en pr?senter ? la signature royale? Du reste, il n'en faut pas douter pour l'avenir de l'Espagne, personne ne croira aux formules de M. Mazaredo, et il ne se trouvera pas, dans toute la P?ninsule, un Espagnol assez injuste pour faire retomber sur Isabelle l'odieux de pareilles mesures et d'un semblable langage. Cette situation des affaires et des esprits en Espagne ne d?tourne pas l'ex-reine-r?gente, Marie-Christine, de se rendre aupr?s de sa fille. Il est impossible que les impressions que cette princesse a d? recueillir ? Paris sur l'attitude prise par le gouvernement de Madrid, ne la portent pas ? faire entendre des conseils d'une mod?ration moins cruellement d?risoire que celle dont se targue le minist?re Bravo. L'Angleterre est toujours vivement pr?occup?e du mouvement de la grande ligue pour la r?forme compl?te des lois sur les c?r?ales. Aux associations organis?es dans ce but, on s'efforce d'opposer des associations pour le maintien de la l?gislation existante. D'un c?t? se rangent les districts manufacturiers, les radicaux, les chartistes; de l'autre, les torys et les principaux habitants des pays o? l'agriculture domine. Des deux parts on l?ve des souscriptions dont le produit atteint des chiffres consid?rables. Une collecte faite dans un meeting de la ligue ? Birmingham a donn? 21,000 fr. Dans une r?union de douze cents membres de l'antiligue tenue ? Devizes, on a recueilli 30,000 fr.--Dans une des derni?res s?ances du Parlement, le gouvernement, sur une motion de M. Baring, a communiqu? le compte g?n?ral des recettes et des d?penses de la Grande-Bretagne pendant l'exercice 1843. La somme totale du revenu a ?t? de 1,340,862,000 fr., dans laquelle est comprise l'indemnit? obtenue du gouvernement chinois. L'int?r?t de la dette consolid?e absorbe ? lui seul 728,817,000 fr., la marine en a co?t? 168,454,000, l'arm?e de terre 152,927,000; l'artillerie et le g?nie, qui forment un article ? part dans le budget, 18,723,000 fr. L'exc?dant du revenu sur la d?pense a ?t? d'environ 36,804,000 fr. Une ?norme quantit? de neige a couvert les Alpes Suisses et la plaine ? une grande distance. Des avalanches redoutables ont, le 1er f?vrier, port? l'?pouvante et la ruine dans le village de Netstall et dans le canton d'Uri. Une maison a ?t? emport?e pr?s de Goeschenen dans la profondeur de la vall?e. Les deux familles qui l'habitaient ?taient depuis quelques instants de retour de l'?glise lorsque la montagne de neige est venue les envelopper et les ensevelir. Ou a retrouv? les cadavres dispers?s, loin les uns des autres, d'un p?re, d'une m?re et de deux enfants; on ?tait ? la recherche des corps des autres victimes. Dans l'Oberland bernois, dans l'Oberland saint-gallois, d'autres d?sastres semblables ont jet? la m?me consternation. < M. le duc de Montpensier se rend en Alg?rie pour prendre part ? une exp?dition que pr?pare le commandant de la province de Constantine, son fr?re, M. le duc d'Aumale.--M. le prince de Joinville va s'embarquer ? Toulon, et faire appareiller une escadre pour ?tre ? m?me d'offrir l'intervention de la France dans le d?m?l? entre la Sardaigne et la r?gence de Tunis. La Cour de cassation, qui doit voir avec une double peine mourir un de ses membres, et pour la perte qu'elle fait, et pour le successeur que les exigences politiques font donner la plupart du temps au d?funt, la Cour de cassation vient de rendre les derniers devoirs ? M. Legouidec, un de ses plus anciens conseillers.--L'?migration polonaise a vu un vide bien p?nible se former dans ses rangs. M. Fr. Wolowski, ancien nonce ? la di?te de Pologne, vient de mourir. Courrier de Paris. De quoi voulez-vous que je vous parle, si ce n'est encore de bal, de concerts et de danses? Vous seriez bien singuliers de vous en ?tonner. Qu'est-ce qui occupe toute, la ville, sinon le bal? Quelle est la grande affaire du moment, sinon la danse? Il ne s'agit pas de savoir comment va l'Orient ou l'Occident, le Nord ou le Midi; si la Chine accueille note ambassade ou si l'Espagne continue ? s'?gorger; si l'Irlande se l?ve ? la voix d'O'Connell ou si le glaive turc d?cime les chr?tiens du Liban. Bagatelles! Le bal d'hier, le bal d'aujourd'hui, le bal de demain, voil? la grande nouvelle! Dans le temps h?ro?que o? Napol?on couvrait l'Europe de soldats, le Courrier de Paris n'apportait que des bulletins de bataille; aujourd'hui, dans notre si?cle de galop et de polka, que pouvez-vous en attendre? Des bulletins de contredanses.--Chaque saison a ses fleurs et ses fruits: le printemps a le lilas et la rose, et toutes les familles odorantes qui peuplent les parterres; l'automne a ses grappes m?ries et ses pommes dor?es suspendues aux arbres du verger; les fruits et fleurs de l'hiver sont la valse et la danse: ils naissent et s'?panouissent en serre-chaude sous le feu des lustres et des ardentes prunelles. La saison ne finit qu'en avril. Il faut donc vous attendre, jusque-l?, ? recevoir de temps en temps, par mon minist?re, la mercuriale de ce produit et de cette denr?e d'hiver. Le bal de l'Op?ra est, ? l'heure o? je parle, dans son plus chaud acc?s de fi?vre; c'est que le carnaval touche ? sa fin; c'est que le mercredi des cendres, ce croque-mort des jours de folies, creuse d?j? la fosse o? le mardi gras doit ?tre port? en terre par les d?bardeurs ?plor?s. Dans quelques jours tout sera dit, Musard n'aura plus qu'? monter sur son pupitre pour prononcer l'oraison fun?bre du carnaval de 1844. Le galop commence en effet, mais Gavarni a cru devoir y mettre des m?nagements; de m?me que toute v?rit? n'est pas bonne ? dire, tout galop n'est pas bon ? montrer. Ne montre donc, ? Gavarni! que juste ce qui se peut voir; m?nage notre jeunesse et notre candeur. Bien! nous pouvons risquer les deux yeux: ce d?bardeur qui se dandine en s'appuyant sur l'?paule de son voisin, ce malin, ce grenadier, ce lancier polonais, ces figures burlesques, et cette pantomime qui les accompagne, tout ce carnaval n'a rien qui me paraisse devoir en arr?ter l'impression, connue disaient les visas des censeurs d'autrefois: la fille permettra la vue de cet innocent galop ? sa m?re.--Mais assez danser et galoper comme cela; passons ? d'autres exercices. L'affaire recommencera dans deux mois, et comme dans cette m?morable s?ance du 8 f?vrier, deux fauteuils seront offerts ? l'ambition des concurrents: ce fauteuil de Casimir Delavigne, si vivement disput? et qu'on croirait imprenable, et celui de Charles Nodier, encore vierge de toute attaque; durant ces deux mois, M. du Vigny, M. Sainte-Beuve, M. Vatout, auront le temps de reprendre haleine et d'affiler leurs armes ?mouss?es. Mais les Acad?mies et les flots sont changeants; qui sait si M. Vatout, qui voguait hier ? la surface, demain ne fera pas un plongeon; M. du Vigny et M. Sainte-Beuve sont, en effet, les deux talents vraiment litt?raires que l'Acad?mie devrait s?rieusement adopter. Elle se ferait honneur par ces deux choix, en faisant justice ? deux hommes d'un m?rite incontestable et incontest?; mettez donc l'un dans le fauteuil de Delavigne, et que l'autre fasse son nid dans celui de Charles Nodier! on battrait des mains de tous c?t?s. Or l'Acad?mie est peu habitu?e ? recueillir, pour prix de ses suffrages particuliers, le suffrage universel. Ce sera du fruit nouveau pour elle. Il est vrai que la question se complique; au lieu de deux ?crivains distingu?s, de deux rares esprits poursuivant le double h?ritage de Delavigne et de Nodier, l'Acad?mie fran?aise en comptera, dit-on, un troisi?me. M. M?rim?e, l'auteur si ing?nieux et si correct de tant du petits romans exquis, s'est d?cid? ? se livrer un flux et reflux acad?mique; M. de Vigny et M. Sainte-Beuve l'auront pour adversaire dans la prochaine rencontre.--Du Vigny, Sainte-Beuve, M?rim?e, Vatout, voil? les quatre candidats appel?s ? tenir le haut bout dans cette nouvelle m?l?e; d'autres encore rodent aux portes, pour t?cher de se faufiler dans un moment de confusion et de trouble, et de se glisser au fauteuil par un tour d'escamotage; nous ne les nommerons point, de peur de les compromettre. Mais l'histoire de l'hu?tre et des plaideurs est d'une application tout acad?mique; plus d'une fois, deux tiers champions, se battant ? qui aurait le fauteuil, ont ?t? tout surpris de voir un monsieur qui fl?nait paisiblement par l? s'y installer ? leur barbe: M. Casimir Bonjour a des chances. Le trait suivant de moeurs conjugales vient faire diversion aux int?r?ts acad?miques; c'est pr?cis?ment dans le voisinage de l'Institut que le fait s'est pass?, non loin du quai Voltaire.--M. et madame A.... ne brillent point par un exc?s de tendresse r?ciproque; plus d'une fois ils ont donn? ? leurs voisins des preuves de l'incompatibilit? de leur humeur; ou accus? M. A.... d'?tre un peu bourru, et madame d'avoir des crises de nerfs par trop fr?quences; quand monsieur gronde, madame s'?vanouit, et quand madame s'?vanouit, monsieur temp?te de plus belle; de sorte que les col?res de monsieur et les crises de madame arrivant tous les jours, plut?t deux fois qu'une, c'est v?ritablement un m?nage diabolique.--Vendredi dernier, madame A.... se plaignit de violentes douleurs d'entrailles: < Fragments d'un voyage en Afrique , Des chevaux tout sell?s furent mis ? notre disposition, et nous nous joign?mes au cort?ge de l'?mir, qui ?tait compos? d'environ huit cents hommes, y compris les cinq cents cavaliers r?guliers qui forment sa garde ordinaire. Ces cavaliers ne quittent jamais sa personne, pour laquelle ils ont montr?, dans certaines circonstances, le d?vouement le plus absolu. Au milieu des r?guliers je remarquai un kalifat qui portait l'?tendard de l'?mir; cet ?tendard est tout simplement un petit carr? de toile qui a la forme des guidons de nos r?giments; elle est de couleur bleue, avec un yatagan rouge au milieu. Nous franch?mes au galop la distance qui s?parait le douair d'Abd-el-Kader des douairs de son arm?e. En arrivant, nous la trouv?mes rang?e en bataille dans la plaine. L'interpr?te, qui marchait ? nos c?t?s, et devant lequel je n'avais pas jug? ? propos de faire parade de ma connaissance de la langue arabe, m'expliquait ce qui se passait autour de moi; puis, me montrant avec ostentation les bataillons qui se d?roulaient devant nous en longues spirales. < --Ton ma?tre est donc bien puissant? m'?criai-je. --Son bras s'?tend sur toute l'Alg?rie; il gouverne ? la fois les provinces auxquelles tant de beys commandaient jadis. Le descendant d'Isma?l est inspir? de Dieu, et la lumi?re c?leste illumine son ?me. Comment veux-tu que les Arabes r?sistent ? l'entra?nement qu'il leur inspire? Le serviteur du Proph?te r?unit donc sous sa banni?re tous les Arabes ind?pendants. Ce que tu aper?ois d'hommes et de chevaux ne constitue que la moiti? des ressources de mon ma?tre; il y ajouterait au besoin les vaillants soldats de Ben-Thamy, les deux mille cinq cents combattants de Bou-Hamidy, et la foule innombrable des volontaires dont tu ne vois ici qu'un faible d?tachement.>> Nous arrivions, en cet instant, au milieu de la plaine; Abd-el-Kader et sa suite se plac?rent sous l'ombrage de quelques arbres qui ?tendaient leurs rameaux protecteurs ? quelques pieds du sol, et, tandis que l'arm?e se disposait ? ?voluer en notre pr?sence, l'?mir me fit dire qu'il avait ? causer avec moi. Je m'approchai, non sans crainte, du tertre sur lequel se trouvait l'?mir; mais ma timidit? ne tint pas devant son sourire, et ce fut avec toute l'aisance dont j'?tais susceptible que je vins prendre place ? ses c?t?s. Apr?s les saints d'usage, que les Arabes prolongent ind?finiment, et tandis que l'arm?e d?filait ? quelques pas de nous, j'expliquai ? Abd-el-Kader mes vues et mon trait? de commerce. Quelques avantages que je lui fis entrevoir le s?duisirent, et il m'accorda sur-le-champ son appui. La revue se termina enfin; je pris cong? de mon protecteur, et je rentrai en ville avec le seul de mes compagnons de route qui f?t rest? ? mon service, le fid?le Ben-Oulil. Depuis ce jour, j'eus souvent l'occasion de voir Abd-el-Kader, qui ne cessa de me t?moigner le vif int?r?t qu'il portait ? la r?ussite de mes desseins. J'obtins m?me de lui un sauf-conduit rev?tu de son sceau; et, apr?s un assez long s?jour ? Milianah, je fis mes pr?paratifs pour un long voyage ? travers des populations inconnues. J'avais le droit d'exploiter, sans exception, tous les points du territoire arabe; et l? o? j'op?rais, il n'?tait permis ? personne de me faire concurrence. L'?mir en avait fait publier l'ordre dans tous les march?s. M?d?ah fut le lieu o? j'?tablis le centre de mes op?rations; cette ville me convenait d'autant mieux, qu'elle ?tait plus rapproch?e des possessions fran?aises, et que ses laines et celles de la province sont d'une qualit? sup?rieure ? toutes les autres. Le trait? que j'avais conclu fut ex?cut? malgr? les obstacles que m'oppos?rent le bey et les notables de la ville. On me soumit au contr?le du chef; mais, chaque fois que j'?tais menac? d'un acte arbitraire, j'?crivais ? l'?mir, qui me rendait toujours justice. J'allai dans l'int?rieur des terres, afin d'obtenir des laines ? des prix modiques. Je passai deux mois au milieu des tribus arabes, assistant ? tous les march?s, sans avoir eu ? supporter la moindre injure. C'?tait, au contraire, ? qui me livrerait ses produits, et ils se battaient quelquefois pour m'offrir l'hospitalit?. L'empressement avec lequel j'?tais accueilli partout para?tra d'autant plus extraordinaire, que je n'avais pour toute escorte que mon juif Ben-Oulil . Jamais le moindre incident f?cheux ne troubla mon repos, et pourtant je parlais sans cesse aux Arabes de ma patrie, de la valeur de nos soldats, de la sup?riorit? de nos armes. Loin d'exciter leur col?re, j'?tais ?coul? avec int?r?t; je leur faisais d?sirer d'?tre gouvern?s par cette nation qu'ils nomment, dans leur m?taphorique langage, la sultane des nations. C'est avec la m?me s?curit? que je visitai successivement des lieux qui touchent au d?sert: le Ziben, Ghronat et Boural. Je parcourus les aghalicks des Beni-Bonyacoub, Tittery, Douaier, Habedy, o? les populations me parurent pencher du c?t? de la France; mais la crainte que leur inspire l'?mir est plus forte que leur d?sir. Plus tard ils furent, comme tous les Arabes, appel?s ? la guerre sainte. Force leur fut de marcher; mais ils combattirent avec tant de mollesse, qu'Abd-el-Kader les frappa d'une contribution de cent mille houdjous. D?s que j'eus ?coul? mes laines, je me rendis ? Tekedempt. L?, je trouvai les ouvriers fran?ais qui ?taient venus fonder une manufacture d'armes. Je me liai d'amiti? avec l'un de mes jeunes compatriotes, et nous nous m?mes ? visiter la place, qui allait devenir bient?t la capitale de l'empire arabe. Tekedempt est d'une importance incontestablement sup?rieure ? toutes les villes de l'int?rieur de l'Afrique. Situ?e non loin du d?sert, au milieu de montagnes ?lev?es, elle semble inexpugnable ? l'?mir. Un fort assez mal b?ti, peu consid?rable auquel on travaille depuis quatre ans, ?l?ve ? peine ? quelques pieds du sol ses murs inachev?s. L'int?rieur du fort a ?t? divis? en magasins et en casernes; quatre canons de 1 sont plac?s sur une esplanade ? l'entr?e du fort; en dehors est un grand hangar o? l'on met l'orge. Comme celui de Tazza, le fort de Tekedempt poss?de des cachots o? les prisonniers ne sont pas trop maltrait?s. L'H?tel des monnaies d'Abd-el-Kader est aussi ? Tekedempt. On y frappe de petites pi?ces en cuivre d'une valeur conventionnelle de trois liards, et qui ont tout au plus la valeur intrins?que du tiers. L'?mir n'a jamais frapp? de monnaies d'or ni d'argent, mais il a mis en circulation quelques pi?ces blanchies auxquelles il a donn? une valeur assez ?lev?e. Les outils dont on se sert ? la monnaie proviennent de France. La ville Tekedempt est non seulement le d?p?t particulier de Mascara, mais encore le d?p?t g?n?ral de l'Arabie ind?pendante. L'?mir y entretenait constamment cinq cents chameaux et deux cents mulets affect?s aux transports de la guerre. D'immenses approvisionnements y sont amoncel?s; c'est l? qu'aboutissent les caravanes charg?es d'armes et de poudre qu'exp?die le Maroc, et qu'on distribue ? toutes les places de l'int?rieur, suivant les besoins du moment. A c?t? du fort principal est un fortin ? demi ruin?; c'est l? qu'ont ?t? ?tablis les ouvriers, envoy?s par le gouvernement Fran?ais. A droite, au fond de la vall?e et sur les bords d'un ruisseau, a ?t? b?ti un bel ?difice qui devait leur servir d'atelier. Les travaux s'ex?cutent ? l'aide d'une machine hydraulique. Durant mon voyage ? M?d?ah, j'appris que la fabrication des fusils avait commenc? et qu'on en livrait trois par jour ? l'?mir. On avait d?sign?, sur la demande des ouvriers, une cinquantaine d'Arabes, pour faire l'apprentissage du m?tier; car, ? l'expiration de leur engagement nos compatriotes devaient rentrer dans leurs foyers. Abd-el-Kader les payait fort mal. Le chef de ces ouvriers, M. Guillemin, avait ?t? assassin?; un second ?tait mort de la fi?vre; les autres ont revu la France. Tekedempt poss?de une garnison de deux cents r?guliers, une compagnie, de canonniers et quatre pi?ces de petit calibre, r?par?es par nos ouvriers. A trois cents pas du fort s'?l?vent une multitude de cabanes en chaume et en ma?onnerie. L'?mir engagea les habitants ? b?tir des maisons; ceux-ci ne tenant pas compte de l'invitation, il s'avisa de mettre le feu ? leurs huttes, et renouvela trois fois la plaisanterie. Les arabes ob?irent alors et se mirent ? jouer de la truelle. Une mosqu?e brille au milieu de la ville. Tous les dimanches il s'y tient un grand march?; les tribus y apportent leurs r?coltes; on y vend des raisins de M?d?ah et de Milianah ? un prix excessif. De hautes montagnes enserrent Tekedempt; la Mina l'arrose de ses eaux bienfaisantes. La rivi?re est tr?s-dangereuse pendant l'hiver, qui est ordinairement rigoureux dans cette contr?e. L'?t? s'y distingue, au contraire, par des chaleurs excessives, d'o? naissant des fi?vres mortelles. Les lions y sont nombreux et portent leurs ravages jusqu'aux portes de la ville. D?s que le soleil se couche, on entend rugir ces animaux qui mettent la population en ?moi et enl?vent des ?nes sous le fort m?me. Les hy?nes et les panth?res r?dent aussi en grand nombre aux alentours. Du reste, les jardins de Tekedempt sont charmants, et le sol de la province est fertile. On remarque, tout pr?s de la ville, une montagne colossale et taill?e ? pic d'un c?t?, tandis que l'autre a la forme d'une scie; c'est l'Ouenseris: elle a donn? son nom ? la tribu qui l'habile. Vers le milieu de la pente, est une grande caverne d'o? l'on extrait 80 pour cent de plomb et 2 pour 100 d'argent. Les Ouenseris ont le monopole de l'exploitation; ils retirent le m?tal en allumant de grands feux dans la caverne et en le faisant fondre; ils fabriquent beaucoup de balles avec ce plomb. Chronique musicale. La Soci?t? des Concerts, qui a repris ses belles s?ances au Conservatoire, a d?but? cette ann?e par une oeuvre, sinon nouvelle, du moins inconnue ? Paris. C'est une symphonie de M. Mendelshon-Bartholdy, laquelle passe, en Allemagne, pour une des productions les plus remarquables de ce ma?tre. Elle atteste, en effet, un grand savoir, un sentiment tr?s-d?licat de l'harmonie, une habilet? de contre-pointiste, que peu de musiciens vivants pourraient ?galer, que nul ne pourrait surpasser peut-?tre. Les d?tails ing?nieux y abondent, et les fines nuances, et les piquantes dispositions d'orchestre; seulement il nous semble que la pens?e premi?re n'est pas toujours au niveau de tout ce savoir-faire, et qu'? cette oeuvre si habilement travaill?e l'inspiration manque quelquefois. Sans cela. M. Mendelshon devrait ?tre plac? sur le m?me rang que Haydn, Mozart et Beethoven, ces rois de la symphonie. M. Mendelshon occupe du moins le premier degr? au-dessous d'eux, et c'est encore une place assez ?lev?e pour satisfaire les plus ardentes ambitions. Trois ex?cutants se sont fait entendre dans ces trois s?ances. Dans la premi?re, M. Belke, premier trombone de la musique de sa majest? prussienne. C'est un artiste d'un talent remarquable, qui engage fi?rement la lutte avec son instrument rebelle, et qui r?ussit presque toujours ? le dompter. Mais ? quoi bon ces batailles sans but et ces st?riles exploits? Le trombone ne para?t-il pas un peu pr?tentieux quand il lutte avec le galoubet, et ne ressemble-t-il pas au g?ant Polyph?me faisant l'aimable aupr?s de Galath?e, que ses tendres attentions mettent en fuite? M. Dorus a prouv? pour la centi?me fois, ce qui est d?j? connu de tout le monde, et n'est contest? par personne, savoir qu'il n'aurait point de rival sur la fl?te, si M. Tulou n'existait pas. Mademoiselle Louise Maliman a ex?cut? dans le troisi?me concert un concerto de Beethoven pour piano et orchestre. Elle a montr? une nettet?, une fermet?, un aplomb que l'on rencontre rarement chez les ma?tres les plus exp?riment?s, et mademoiselle Maliman n'a pas dix-huit ans! Telle est d?j? la perfection de son ex?cution, la rigoureuse pr?cision de ses allures, la puret? de son go?t, l'?l?gante simplicit? de son style; tel est enfin son respect pour le texte qu'elle ex?cute et pour les intentions du ma?tre qui l'a ?crit, qu'on peut sans h?siter ranger son talent au nombre des plus s?rieux, des plus solides de ce temps-ci. Tel est aussi le caract?re du talent de M. Charles Dancla, ?l?ve de Baillot, et ?galement recommandable comme violoniste, ou violiniste, et comme compositeur. M. Dancla a donn? derni?rement un concert o? il a fait entendre plusieurs morceaux de sa composition, des ?tudes pour le violon d'une tr?s-habile facture, une ballade vocale d'un style tort distingu?, un trio pour piano, violon et violoncelle, et un fragment de quatuor. Tout cela atteste ? la fois de l'imagination, du go?t et beaucoup de savoir. Dans cette s?ance, M. Charles Dancla ?tait assist? de mademoiselle Laure Dancla, sa soeur, et de MM. Arnaud et L?opold Dancla, ses deux fr?res. Charmant et touchant spectacle que celui de ces quatre jeunes artistes, enfants de la m?me m?re, vivant ensemble, travaillant ensemble, et s'appuyant l'un sur l'autre le long de ce chemin raboteux et escarp? qui m?ne ? la renomm?e! Quant aux autres compositions nouvelles que M. Berlioz a fait, ce soir-l?, conna?tre au public, n'en parlons pas... Et qu'importe ? un g?n?ral d'?tre battu dans une escarmouche, pourvu qu'il reste vainqueur en bataille rang?e? On nous annonce, du fond de la Russie, des succ?s bien brillants aussi et des victoires bien ?clatantes. C'est madame Viardot qui est le triomphateur; l'arm?e moscovite suit son char avec enthousiasme, et vient de lui d?cerner, par souscription, une couronne d'or rehauss?e de pierres pr?cieuses. Voil? ce qu'on peut appeler, sans m?taphore et sans hyperbole, d'imp?rissables lauriers. Add to tbrJar First Page Next Page |
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