|
Read Ebook: Histoire du Consulat et de l'Empire (Vol. 08 / 20) faisant suite à l'Histoire de la Révolution Française by Thiers Adolphe
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next Page Prev PageEbook has 529 lines and 184554 words, and 11 pagesAvant de s'en occuper il lui avait fallu op?rer quelques changements indispensables dans les hauts emplois civils et militaires. M. de Talleyrand fut la cause principale, sinon unique, de ces changements. Cet habile repr?sentant de Napol?on aupr?s de l'Europe, qui ?tait paresseux, sensuel, jamais press? d'agir ou de se mouvoir, et dont les infirmit?s physiques augmentaient la mollesse, avait ?t? cruellement ?prouv? par les campagnes de Prusse et de Pologne. Vivre sous ces froids et lointains climats, courir sur les neiges ? la suite d'un infatigable conqu?rant, ? travers les bandes de cosaques, coucher le plus souvent sous le chaume, et, quand on ?tait favoris? par la fortune de la guerre, habiter une maison de bois, d?cor?e du titre de ch?teau de Finkenstein, ne convenait pas plus ? ses go?ts qu'? son ?nergie. Il ?tait donc fatigu? du minist?re des relations ext?rieures, et il aurait voulu non pas renoncer ? diriger ces relations, qui ?taient son occupation favorite, mais les diriger ? un autre titre que celui de ministre. Il avait beaucoup souffert dans son orgueil de ne pas devenir grand dignitaire, comme MM. de Cambac?r?s et Lebrun, et la principaut? de B?n?vent, qui lui avait ?t? accord?e en d?dommagement, n'avait qu'ajourn? ses d?sirs sans les satisfaire. Une occasion se pr?sentait d'accro?tre le nombre des grands dignitaires, c'?tait l'absence ind?finie des princes de la famille imp?riale, qui ?taient ? la fois grands dignitaires et souverains ?trangers. Il y en avait trois dans ce cas: Louis Bonaparte, qui ?tait roi de Hollande et conn?table; Eug?ne de Beauharnais, qui ?tait vice-roi d'Italie et archichancelier d'?tat, enfin Joseph, qui ?tait roi de Naples et grand-?lecteur. M. de Talleyrand avait insinu? ? l'Empereur qu'il fallait leur donner des suppl?ants, sous les titres de vice-conn?table, de vice-grand-?lecteur, de vice-chancelier d'?tat, et que si, ? la v?rit?, ces fonctions fort peu actives n'exigeaient gu?re un double titulaire, on ne pouvait trop multiplier les grandes charges destin?es ? r?compenser les services ?clatants. M. de Talleyrand aurait voulu devenir vice-grand-?lecteur, et, laissant ? un ministre des affaires ?trang?res le soin vulgaire d'ouvrir et d'exp?dier des d?p?ches, continuer ? diriger lui-m?me les principales n?gociations. Il n'avait n?glig?, pendant son s?jour ? l'arm?e, aucune occasion d'entretenir l'Empereur de ce sujet, ne cessant de pr?ner les avantages de ces nouvelles cr?ations, et all?guant, pour ce qui le concernait en particulier, son ?ge, ses infirmit?s, ses fatigues, son besoin de repos. Il avait, ? force d'insistance, obtenu une sorte de promesse, que Napol?on s'?tait laiss? arracher ? contre-coeur; car il ne voulait pas que les grands dignitaires exer?assent des fonctions actives, vu que, participant en quelque sorte ? l'inviolabilit? du souverain, ils n'?taient gu?re faits pour ?tre responsables. Napol?on au contraire tenait essentiellement ? pouvoir destituer les personnages rev?tus de fonctions actives, et il r?pugnait surtout ? placer dans une position de demi-inviolabilit? un personnage dont il se d?fiait, et qu'il croyait prudent de garder toujours sous sa main toute-puissante. ? peine de retour ? Paris, au moment o? chacun allait recevoir la r?compense de ses services pendant la derni?re guerre, M. de Talleyrand se pr?senta ? Saint-Cloud, pour rappeler ? Napol?on ses promesses. L'archichancelier Cambac?r?s ?tait pr?sent. Napol?on laissa percer un m?contentement tr?s-vif.--Je ne comprends pas, dit-il brusquement ? M. de Talleyrand, votre impatience ? devenir grand dignitaire, et ? quitter un poste o? vous avez acquis votre importance, et o? je n'ignore pas que vous avez recueilli de grands avantages . Vous devez savoir que je ne veux pas qu'on soit ? la fois grand dignitaire et ministre, que les relations ext?rieures ne peuvent d?s lors vous ?tre conserv?es, et que vous perdrez ainsi un poste ?minent auquel vous ?tes propre, pour acqu?rir un titre qui ne sera qu'une satisfaction accord?e ? votre vanit?.--Je suis fatigu?, r?pondit M. de Talleyrand, avec un flegme apparent, et avec l'indiff?rence d'un homme qui n'aurait pas compris les allusions blessantes de l'Empereur; j'ai besoin de repos.--Soit, r?pliqua Napol?on, vous serez grand dignitaire, mais vous ne le serez pas seul.--Puis s'adressant au prince Cambac?r?s: Berthier, lui dit-il, m'a servi autant que qui que ce soit; il y aurait injustice ? ne pas le faire aussi grand dignitaire. R?digez un d?cret par lequel M. de Talleyrand sera ?lev? ? la dignit? de vice-grand-?lecteur, Berthier ? celle de vice-conn?table, et vous me l'apporterez ? signer.--M. de Talleyrand se retira, et l'Empereur exprima plus longuement au prince Cambac?r?s tout le m?contentement qu'il ressentait. C'est ainsi que M. de Talleyrand quitta le minist?re des relations ext?rieures, et s'?loigna, avec beaucoup de dommage pour lui-m?me et pour les affaires, de la personne de l'Empereur. Le d?cret fut sign? le 14 ao?t 1807. Il fallait remplacer le prince de Talleyrand et le prince Berthier dans leurs fonctions, l'un de ministre des affaires ?trang?res, l'autre de ministre de la guerre. Napol?on avait sous la main M. de Champagny, ministre de l'int?rieur, homme doux, honn?te, appliqu?, initi? par son ambassade ? Vienne aux usages mais non aux secrets de la diplomatie, et malheureusement peu capable de r?sister ? Napol?on, que du reste personne alors n'e?t ?t? capable de retenir, tant avait de force l'entra?nement des succ?s et des circonstances. M. de Champagny fut donc choisi comme ministre des affaires ?trang?res. On le rempla?a au minist?re de l'int?rieur par M. Cr?tet, membre instruit et laborieux du Conseil d'?tat, et dans le moment gouverneur de la Banque de France. Il fut pr?f?r? au comte Regnault de Saint-Jean-d'Ang?ly, dont le double talent d'?crire et de parler parut indispensable au Conseil d'?tat et au Corps L?gislatif, et dont le caract?re ne semblait pas convenir au poste de ministre de l'int?rieur. M. Jaubert, autre membre du Conseil d'?tat, rempla?a M. Cr?tet dans le gouvernement de la Banque. Napol?on, en ?levant le prince Berthier ? la dignit? de vice-conn?table, ne voulut pourtant pas se priver de lui comme major-g?n?ral de la grande arm?e, fonction dans laquelle nul ne pouvait l'?galer, et il lui conserva cet emploi. Mais il appela pour le remplacer au minist?re de la guerre le g?n?ral Clarke, dont il venait d'?prouver les talents administratifs dans le poste de gouverneur de Berlin, talents plus sp?cieux que solides, mais qui, en se produisant sous la forme d'une docilit? empress?e, et d'une grande application au travail, avaient s?duit Napol?on. Cependant ce choix ?tait assez motiv?, car les militaires propres ? la guerre active ?taient tous employ?s, et, parmi ceux qui ?taient mieux plac?s dans le cabinet que sur le champ de bataille, le g?n?ral Clarke semblait celui qui avait le plus cet esprit d'ordre, et cette intelligence des d?tails, que r?clame l'administration. M. Dejean resta ministre charg? du mat?riel de la guerre. Le g?n?ral Hullin, dont Napol?on avait pu appr?cier plus d'une fois le d?vouement et le courage personnel, rempla?a dans le commandement de Paris le g?n?ral Junot, qui allait ?tre mis ? la t?te de l'arm?e de Portugal. La France venait de faire ? cette ?poque une perte sensible dans la personne du ministre des cultes, M. le comte de Portalis, jurisconsulte savant, ?crivain ing?nieux et brillant, coop?rateur habile des deux plus belles oeuvres de Napol?on, le Code civil et le Concordat, ayant su garder dans ses rapports avec le clerg? une juste mesure entre la faiblesse et la rigueur, estim? de l'?glise fran?aise, exer?ant sur elle et sur Napol?on une influence utile; personnage enfin fort regrettable dans un moment o? l'on marchait ? une rupture ouverte avec la cour de Rome, aussi regrettable dans l'administration des cultes que M. de Talleyrand dans la direction des affaires ?trang?res. Cet homme laborieux, frapp? d'une sorte de c?cit?, avait eu l'art de suppl?er au sens qui lui manquait par une m?moire prodigieuse, et il lui ?tait arriv?, ?tant appel? ? ?crire sous la dict?e de Napol?on, de reproduire par la m?moire ses pens?es et leur vive expression, qu'il avait feint de recueillir par l'?criture. M. de Portalis ?tait devenu cher ? Napol?on, qui le regretta vivement. Il eut pour successeur au minist?re des cultes un autre jurisconsulte, un autre auteur du Code civil, M. Bigot de Pr?ameneu, esprit peu brillant, mais sage, et religieux sans faiblesse. Il fallait d?dommager M. Regnault de Saint-Jean-d'Ang?ly d'avoir approch? du minist?re de l'int?rieur sans y parvenir. M. Regnault ?tait l'un des membres du Conseil d'?tat les plus employ?s par Napol?on, ? cause de sa grande habitude des affaires, et de sa facilit? ? les exposer dans des rapports clairs et ?loquents. Comme il n'y avait alors d'autre lutte de tribune que celle d'un conseiller d'?tat discutant contre un membre du Tribunat, devant le Corps L?gislatif muet, et apportant des raisons convenues contre des objections ?galement convenues, il suffisait pour ces luttes arrang?es ? l'avance dans des conf?rences pr?paratoires, et ressemblant ? celles des assembl?es libres, comme les manoeuvres d'apparat ressemblent ? la guerre, d'un talent disert, vari?, brillant. Seulement il le fallait facile et infatigable, sous un ma?tre prompt ? concevoir et ? ex?cuter, voulant, lorsqu'il portait son attention sur un sujet, accomplir ? l'instant m?me ce que lui avait inspir? ce sujet, afin de passer imm?diatement ? un autre. M. Regnault ?tait le premier des orateurs pour un tel r?le, et il ?tait ? lui seul, on peut le dire, toute l'?loquence du temps. Napol?on, appr?ciant ses services, voulut le d?dommager par le titre de ministre d'?tat, titre sans d?finition, qui procurait le rang de ministre sans en conf?rer le pouvoir, et par une charge de cour tr?s-bien r?tribu?e, celle de secr?taire d'?tat de la famille imp?riale. M. Defermon, pour ses services dans la section des finances; M. Lacu?e, pour ceux qu'il rendait dans la direction de la conscription, obtinrent aussi la qualit? de ministres d'?tat. Ces nominations arr?t?es avec l'archichancelier Cambac?r?s, seul consult? en ces circonstances, Napol?on donna ? la l?gislation, ? l'administration int?rieure, aux finances, aux travaux publics, une attention qu'il ne leur avait pas refus?e pendant la guerre, mais qui, accord?e de loin, rapidement, au bruit du canon, ?tait suffisante pour surveiller, non pour cr?er. Un peu d'agitation ne se manifestait dans ce gouvernement que lorsqu'un cinqui?me du Corps L?gislatif devait sortir. Alors quelques intrigues se formaient autour du S?nat, qui ?tait appel? ? choisir les membres des corps d?lib?rants sur des listes pr?sent?es par des coll?ges ?lectoraux form?s ? vie. On essayait quelques d?marches aupr?s des principaux s?nateurs, et on sollicitait un si?ge au Corps L?gislatif, muet mais r?tribu?, comme on sollicite une place de finances. L'archichancelier Cambac?r?s veillait sur ces ?lections, afin de n'admettre que des adh?rents, ce qui n'exigeait pas un grand triage. C'est tout au plus si, ? la fin de chaque liste, il se glissait quelques cr?atures des opposants du S?nat, improbateurs timides et peu nombreux, que Siey?s avait abandonn?s et oubli?s, qui le lui rendaient en l'oubliant ? leur tour, et qui n'en voulaient pas ? Napol?on des entreprises t?m?raires dans lesquelles la France allait trouver sa perte, mais du Concordat, du Code civil, et de beaucoup d'autres cr?ations tout aussi excellentes. Telles ?taient les formes de ce despotisme h?ro?que issu de la R?volution. Il importait peu de les changer, car le fond devait rester le m?me. On pouvait sans doute rectifier certains d?tails dans l'organisation de ces corps soumis et d?pendants. Cela se pouvait, et Napol?on l'avait ainsi projet? au sujet du Tribunat. Le Tribunat, r?duit ? des critiques de mots dans des conf?rences priv?es, incommode au Conseil d'?tat, dont il n'?tait plus que l'obscur rival, avait une position fausse, et peu digne de son titre. Le Corps L?gislatif, bien que ne d?sirant pas plus d'importance qu'il n'en avait, et nullement dispos? ? user de la parole si on se d?cidait ? la lui rendre, ?tait cependant quelque peu confus de son mutisme, qui l'exposait au ridicule. Il y avait une chose toute simple ? faire, et qui ne pouvait gu?re nuire ? la libert? du temps, c'?tait de r?unir le Tribunat au Corps L?gislatif, en confondant dans un m?me corps les attributions et les personnes. C'est ce que Napol?on r?solut, apr?s en avoir conf?r? avec l'archichancelier Cambac?r?s. En cons?quence, il d?cida que le Tribunat serait supprim?, que ses attributions seraient transf?r?es au Corps L?gislatif, remis ainsi en possession de la parole; qu'? l'ouverture de chaque session il serait form? dans le sein du Corps L?gislatif, et au scrutin, trois commissions de sept membres chacune, destin?es, comme les commissions supprim?es du Tribunat, ? s'occuper, la premi?re de l?gislation, la seconde d'administration int?rieure, la troisi?me de finances; que ces sections continueraient ? discuter avec les sections correspondantes du Conseil d'?tat, et dans des conf?rences particuli?res, les projets de lois pr?sent?s par le gouvernement; que lorsqu'elles se trouveraient d'accord avec le Conseil d'?tat, un membre de ce conseil viendrait exposer ? la tribune du Corps L?gislatif les motifs que le gouvernement avait eus pour proposer le projet dont il s'agirait, et que le pr?sident de la commission donnerait de son c?t? les motifs qu'elle avait eus pour l'approuver; mais qu'en cas de d?saccord, tous les membres de la commission seraient admis ? produire publiquement les raisons sur lesquelles se fondait leur r?sistance, et qu'enfin le Corps L?gislatif continuerait ? voter sans autre d?bat les mesures soumises ? son approbation. Il fut arr?t? en outre que, pour ne pas changer l'?tat pr?sent des choses dans la session qui allait s'ouvrir, et dont tous les travaux ?taient d?j? pr?par?s, le s?natus-consulte, contenant les dispositions nouvelles, ne serait promulgu? que le jour de la cl?ture de cette session. En fait, le Corps L?gislatif recouvrait la parole, puisque vingt et un de ses membres, choisis tous les ans au scrutin, ?taient appel?s ? la discussion des affaires, et la suppression du Tribunat ne faisait dispara?tre qu'un corps depuis long-temps priv? de vie. Le Corps L?gislatif fut sensible ? cette restitution de la parole, non qu'il f?t pr?t ? s'en servir, mais parce qu'on le d?livrait d'un ridicule devenu embarrassant. Toutefois, il y avait un mot supprim?, mot qui avait eu quelque importance, c'?tait celui de Tribunat. C'en ?tait assez pour d?plaire ? certains amis constants de la R?volution, et pour plaire ? Napol?on, qui ne craignit pas, afin d'effacer un mot que les souvenirs de 1802 lui rendaient d?sagr?able, de restituer au Corps L?gislatif des pr?rogatives de quelque valeur. Il est vrai qu'une pr?caution fut prise contre ces nouvelles pr?rogatives, ce fut de fixer ? quarante ans l'?ge auquel on pouvait si?ger dans le Corps L?gislatif; triste pr?caution qui n'aurait pas emp?ch? une assembl?e d'?tre entreprenante, si l'esprit de libert? avait pu se r?veiller alors, et qui faisait commencer trop tard l'?ducation politique des hommes publics. Il restait, apr?s s'?tre d?barrass? de cette ombre importune du Tribunat, ? s'occuper du sort des personnes, que Napol?on, par bienveillance naturelle autant que par politique, n'aimait jamais ? froisser. Il fut donc r?solu que les membres du Tribunat s'en iraient avec leurs pr?rogatives chercher un asile dans le sein du Corps L?gislatif, o? ils devaient trouver un titre et des appointements. Cependant Napol?on ne voulait pas rendre trop nombreux le Corps L?gislatif, fix? alors ? trois cents membres, en y versant le Tribunat tout entier. Aussi n'ouvrit-il cet asile qu'aux membres les plus obscurs du corps. Quant ? ceux qui avaient montr? des lumi?res, de l'application aux affaires, il leur destina de hauts emplois. Il pla?a d'abord au S?nat M. Fabre de l'Aude, qui avait pr?sid? le Tribunat avec distinction, et M. Cur?e, qui avait commenc? sa carri?re par la manifestation d'un r?publicanisme ardent, mais qui l'avait termin?e par la motion de r?tablir la monarchie, en instituant l'Empire. Quant aux autres membres du Tribunat distingu?s par leur m?rite, Napol?on ordonna aux ministres de l'int?rieur et de la justice de les lui proposer pour les places vacantes de pr?fets, de premiers pr?sidents, de procureurs-g?n?raux. Enfin, il en r?servait quelques autres pour les faire figurer dans une nouvelle magistrature qui devait ?tre le compl?ment de nos institutions financi?res, la Cour des comptes, dont nous raconterons bient?t la cr?ation. Aussi les revenus ordinaires, que Napol?on avait suppos? en 1806 devoir s'?lever ? 700 millions, s'?levaient fort au del? en 1807, et pouvaient ?tre ?valu?s approximativement ? 740 millions, se d?composant de la mani?re suivante: 315 millions provenant des contributions directes ; 180 provenant de l'enregistrement ; 80 provenant des droits r?unis, 50 des douanes, 30 du sel, 5 des sels et tabacs au del? des Alpes, 5 des salines de l'est, 12 de la loterie, 10 des postes, 1 des poudres et salp?tres, 10 des d?comptes dus par les acqu?reurs des domaines nationaux, 6 de recettes diverses, 36 du subside italien, repr?sentant l'entretien de l'arm?e fran?aise charg?e de garder l'Italie. Cette somme totale de 740 millions, accrue de 30 millions de produits sp?ciaux, c'est-?-dire de centimes additionnels ajout?s aux contributions directes pour les d?penses d?partementales, et de l'octroi ?tabli sur certaines rivi?res pour l'entretien de la navigation, devait monter ? 770 millions. Tel de ces produits, comme celui de l'enregistrement, des droits r?unis ou des douanes, pouvait s'?lever ou s'abaisser; mais le total des produits devait atteindre et d?passer successivement le revenu moyen de 740 millions, 770 avec les produits sp?ciaux. Il est vrai que la d?pense n'avait pas moins d?pass? que la recette les limites pos?es dans la loi des finances. Napol?on, en 1806, avait ?valu? ? 700 millions le budget de l'?tat de guerre, ?tat le plus ordinaire ? cette ?poque; ce qui devait, avec 30 millions de produits sp?ciaux, porter la d?pense totale ? 730 millions. On savait d?j? qu'elle serait de 760 millions pour cette m?me ann?e 1806. On sut m?me plus tard qu'elle avait ?t? de 770. Elle avait donc d?pass? de 40 millions le chiffre pr?vu. En 1807, ann?e dont nous faisons en ce moment l'histoire, la d?pense ?valu?e ? 720 millions, ? 750 avec les produits sp?ciaux, mena?ait d'?tre beaucoup plus consid?rable. Elle fut r?gl?e plus tard ? 778 millions. La cause de ces augmentations se devine ais?ment, car la d?pense de la guerre , ?valu?e ? 300 millions, ?tait mont?e ? 340. Encore cette somme est-elle loin d'en r?v?ler toute l'?tendue; car, ind?pendamment des d?penses mises ? la charge de l'?tat, les pays occup?s par nos troupes avaient fourni une partie des vivres, et le tr?sor de l'arm?e dans lequel ?taient vers?es les contributions de guerre, avait support? une partie des d?penses du mat?riel et de la solde. Les suppl?ments tir?s de ce tr?sor ne s'?levaient pas ? moins de 40 ou 50 millions pour 1806, et ? moins de 140 ou 150 pour 1807. Mais les recettes courantes de l'ann?e donnant d?j? 740 millions , et le tr?sor de l'arm?e pouvant fournir quelques suppl?ments sans s'appauvrir, on est fond? ? dire que Napol?on avait atteint son but d'?galer les recettes aux d?penses, m?me pendant l'?tat de guerre, sans recourir ? l'emprunt. Du reste, le total de 770 millions de d?penses pour 1806, de 778 pour 1807, ne s'?tait pas encore r?v?l? tout entier, car la comptabilit? fran?aise, quoique en progr?s, n'?tait point alors parvenue ? la perfection qui permet aujourd'hui, quelques mois apr?s une ann?e ?coul?e, d'en constater et d'en arr?ter la d?pense. Il ne fallait pas moins de deux ou trois ann?es pour arriver ? une pareille liquidation. Napol?on ?valuait donc les d?penses de l'ann?e ? 720 millions, ? 750 avec les services pay?s sur les produits sp?ciaux, et, sauf quelques exc?dants pour l'entretien de l'arm?e, cette ?valuation ?tait exacte. Dans ce total de 720 millions la dette publique devait entrer pour 104 millions ; la liste civile, pour 28 ; le service des affaires ?trang?res, pour 8; l'administration de la justice, pour 22; la d?pense de l'int?rieur et des travaux publics, pour 54 ; la dotation des cultes, pour 12; la police g?n?rale, pour 1; les finances, pour 36 ; l'administration du tr?sor, pour 18 ; la marine, pour 106; la guerre, pour 321; enfin un fonds de r?serve destin? aux d?penses impr?vues, pour 10: total 720 millions, 750 avec les d?penses des d?partements. Ce total des d?penses formant 750 millions, compar? avec le produit des recettes formant 770 millions, laissait une somme libre de 20 millions. Napol?on voulut sur-le-champ en restituer la jouissance au pays, par la suppression des 10 centimes de guerre ?tablis en 1804, en remplacement des dons volontaires vot?s par les d?partements pour la construction de la flottille de Boulogne. C'?tait un soulagement consid?rable sur les contributions directes, les plus pesantes de toutes ? cette ?poque, et le troisi?me de ce genre accord? depuis le 18 brumaire. Napol?on ordonna qu'en pr?sentant la loi de finances au Corps L?gislatif, qui allait ?tre assembl? apr?s une prorogation d'une ann?e, on lui propos?t imm?diatement cette am?lioration importante dans le sort des contribuables, et qu'on annon??t ainsi la fin d'une partie des charges de la guerre, avant la fin de la guerre elle-m?me. Sa pens?e ardente, aimant ? plonger dans l'avenir, avait d?j? recherch? quel serait en quelques ann?es l'?tat des finances du pays, et il avait constat? qu'en quinze ans l'extinction rapide des rentes viag?res et des pensions eccl?siastiques, le rachat ?galement rapide des rentes perp?tuelles dot?es d'un fonds d'amortissement que la vente, chaque jour plus avantageuse, des biens nationaux rendait tr?s-puissant, r?duiraient la dette publique de 104 millions ? 74. Mais bien avant ce r?sultat, qu'il fallait attendre plusieurs ann?es encore, le r?tablissement de la paix pouvait faire tomber les d?penses publiques fort au-dessous de 720 millions, faire monter fort au-dessus les revenus, et offrir d'abondants moyens ou de d?gr?vements, ou de cr?ations utiles. Sans les fautes que nous aurons bient?t ? raconter, ces beaux r?sultats eussent ?t? r?alis?s, et les finances de la France auraient ?t? sauv?es avec sa grandeur. Mais l'arriv?e de Napol?on en janvier 1806, revenant victorieux, et les mains pleines des m?taux enlev?s ? l'Autriche, avait fait rena?tre la confiance, et apport? un premier secours dont on avait grand besoin. Bient?t le cr?dit renaissant, l'int?r?t de 12 et 15 pour cent ?tait retomb? ? 9, et m?me ? 6 pour cent, dans l'escompte des valeurs du Tr?sor. D'autres moyens avaient ?t? pris pour r?soudre les difficult?s du moment, et en rendre le retour impossible. Premi?rement on avait retir?, comme nous l'avons dit, au S?nat, ? la L?gion-d'Honneur, ? l'Universit?, les biens nationaux qui constituaient leur dotation, allou? des rentes en compensation, et transmis ces biens ? la caisse d'amortissement, pour qu'elle en op?r?t la vente peu ? peu, ce qu'elle faisait avec prudence et avantage. On estimait ces biens ? 60 millions, et sur ce gage il avait ?t? cr?? 60 millions de rescriptions, portant 6 et 7 pour cent d'int?r?t, suivant les ?ch?ances, et successivement remboursables ? ladite caisse, dans le courant de cinq ann?es. Ces rescriptions, ? cause de l'int?r?t qu'elles rapportaient, de la certitude du gage, et de la confiance qu'inspirait la caisse qui en ?tait garante, avaient acquis le cr?dit des meilleures valeurs, et n'avaient pas cess? de se n?gocier ? un taux tr?s-rapproch? du pair. Elles avaient ainsi fourni un moyen d'acquitter l'arri?r? des budgets de 1803, 1804, 1805. Les biens donn?s en gage acqu?rant avec le temps une valeur plus consid?rable, on put porter ? 70, et m?me ? 80 millions, le chiffre de ces rescriptions, afin de suffire aux charges successivement r?v?l?es par la liquidation des exercices ant?rieurs. Apr?s avoir pourvu ? cet arri?r?, on avait apport? un grand soin ? la rentr?e des 141 millions constituant le d?bet des n?gociants r?unis. M. Mollien, devenu ministre du Tr?sor au moment de la destitution de M. de Marbois, et sans cesse stimul? par Napol?on, avait d?ploy?, dans la r?alisation des valeurs composant ce d?bet, un z?le et une habilet? remarquables. D'abord on s'?tait empar? de dix ? onze millions d'immeubles appartenant aux sieurs Ouvrard et Vanlerbergh. Puis on avait saisi les magasins de M. Vanlerbergh; et comme l'Empereur, tr?s-content de son activit?, lui avait continu? le service des vivres de l'arm?e et de la marine, on s'?tait m?nag?, en ne lui payant qu'une partie de ses fournitures, le moyen de rentrer bient?t dans une somme d'une quarantaine de millions. MM. Ouvrard, Desprez, Vanlerbergh avaient encore vers?, en diff?rents payements, ou en effets sur la Hollande, une somme de 30 millions. Enfin l'Espagne, reconnue personnellement d?bitrice dans le d?bet total d'une somme de 60 millions, s'?tait acquitt?e en d?l?guant 36 millions de piastres sur le Mexique, et en promettant de payer directement 24 millions, dans le courant de 1806, ? raison de trois millions par mois. L'Espagne ?tait le plus mauvais de tous ces d?biteurs, car, sur les 24 millions acquittables mensuellement en 1806, elle n'avait vers? que 14 millions en ao?t 1807, apr?s avoir montr? avant I?na une mauvaise volont? ?vidente, et depuis I?na une impuissance d?plorable. C'est ? force d'emprunts sur la Hollande qu'elle avait rembours?, en ao?t 1807, 14 des 24 millions dus en 1806. Quant aux 36 millions de piastres ? toucher dans les comptoirs de Mexico, de la Vera-Cruz, de Caracas, de la Havane, de Buenos-Ayres, M. Mollien avait employ? un moyen fort ing?nieux pour en recouvrer la valeur: c'?tait de les c?der ? la maison hollandaise Hope, qui les c?dait ? la maison anglaise Baring, laquelle obtenait, ? cause du besoin que l'Angleterre avait de m?taux, la permission de les extraire des ports espagnols sur des fr?gates anglaises. La France ne garantissait que le versement, en rade, ? bord des canots anglais, et les livrait au prix de 3 fr. 75 c., prix auquel elle les avait re?ues. Le b?n?fice de 1 fr. 25 c., abandonn? ? ceux qui bravaient les difficult?s de l'op?ration, n'?tait donc pas fait sur elle-m?me, mais sur l'Espagne, qui payait ainsi par un ?norme escompte l'?loignement des sources de sa richesse, et la faiblesse de son pavillon, oblig? d'abandonner au pavillon anglais l'extraction des m?taux de l'Am?rique. Les maisons Baring et Hope, par des virements de valeurs, transmettaient ensuite au Tr?sor fran?ais le montant des piastres c?d?es. On en avait n?goci? ? ces conditions pour plus de 25 millions, dont une partie venait de rentrer. Le surplus avait ?t? employ? ? payer aux ?tats-Unis, ou dans les colonies espagnoles, les dettes contract?es par notre marine, et notamment les d?penses faites pour les vaisseaux de l'amiral Willaumez, qui avaient cherch? refuge, les uns dans le port de la Havane, les autres dans le Delaware et dans la Chesapeak. C'est ? l'aide de ces diverses combinaisons qu'en ao?t 1807, le Tr?sor fran?ais ?tait parvenu ? recouvrer 100 millions, sur les 141 composant l'?norme d?bet des n?gociants r?unis. La rentr?e des 41 millions restants ?tait assur?e, ? 4 ou 5 millions pr?s, et ? des termes tr?s-rapproch?s. Le Tr?sor ob?r? dans l'hiver de 1806, bient?t soulag? par les secours m?talliques que Napol?on avait tir?s de l'?tranger, par le retour de la confiance, par le payement int?gral de l'arri?r? des budgets, par le recouvrement presque total du d?bet des n?gociants r?unis, n'avait eu ? pourvoir, en 1807, qu'? une petite partie de ce d?bet, et aux 124 millions d'obligations ordinairement recouvrables dans l'exercice suivant, ce qui ?tait facile, comme nous l'avons d?j? dit, l'acquittement de la d?pense ?tant presque autant retard? que celui de l'imp?t. Aussi l'Empereur avait-il pu exiger et obtenir que la solde de la grande arm?e, qui repr?sentait 3 ? 4 millions par mois, et dont il avait dispens? le Tr?sor de faire le versement imm?diat, s'accumul?t peu ? peu ? Erfurt, ? Mayence, ? Paris, et y form?t un d?p?t en num?raire de plus de 40 millions, pr?caution excessive qui prouve combien ?tait prudent ? la guerre cet homme si imprudent dans la politique. M. Mollien, comme on s'en souvient sans doute, ?tait directeur de la caisse d'amortissement, lorsque Napol?on, satisfait de la mani?re dont il avait dirig? cette caisse, l'appela en 1806 au minist?re du Tr?sor, en remplacement de M. de Marbois, destitu? par suite de l'affaire des n?gociants r?unis. M. Mollien ?tait un discoureur subtil, ing?nieux, tout plein des doctrines des ?conomistes, tr?s-habile en affaires quoiqu'il les expos?t dans un langage pr?tentieux, timide, susceptible, se troublant ais?ment devant Napol?on, qui n'aimait pas les longues dissertations, mais retrouvant bient?t en lui-m?me l'ind?pendance d'un honn?te homme, et la fermet? d'un esprit convaincu. Napol?on traitait quelquefois, avec la libert? de la toute-puissance et du g?nie, les th?ories de M. Mollien, et puis laissait agir cet habile ministre, sachant ? quel point il ?tait consciencieux, appliqu?, et propre surtout ? r?former le m?canisme du Tr?sor, o? r?gnaient encore de vieilles routines prot?g?es par des int?r?ts opini?tres. M. Mollien ne s'?tait pas born? ? la cr?ation d'une caisse de service au centre de l'empire, il en avait institu? une semblable dans les d?partements situ?s au del? des Alpes. L? plus encore que dans l'ancienne France, se rencontrait la f?cheuse contradiction de fonds stagnants chez les comptables avec des besoins pressants auxquels il fallait pourvoir par des envois de num?raire. Pour faire cesser ce grave inconv?nient, M. Mollien ?tablit, non pas ? Turin, mais ? Alexandrie, dans l'enceinte de la grande forteresse construite par Napol?on, une caisse de virements, ? laquelle tous les comptables de la Ligurie, du Pi?mont et de l'Italie fran?aise, devaient verser leurs fonds, et qui ? son tour les dirigeait vers les lieux o? existaient des besoins, ? Milan surtout, o? il y avait ? payer l'arm?e fran?aise. Cette caisse, plac?e sous la direction d'un agent habile, M. Dauchy, avait bient?t produit les m?mes avantages que celle qu'on avait institu?e ? Paris, c'est-?-dire rendu le service facile, les ressources abondantes, les envois de num?raire inutiles; et c'?tait la peine, en v?rit?, d'apporter un tel ordre dans cette partie des finances de l'Empire, car l'Italie fran?aise , l'Italie fran?aise rapportait ? cette ?poque jusqu'? 40 millions, dont 18 ?taient consacr?s ? payer l'administration locale, la justice, la police, les routes; et 22 millions restaient, soit pour la construction des places fortes, soit pour contribuer ? l'entretien des 120 mille hommes, qui fermaient aux Autrichiens les routes de la Lombardie. Ce pr?t accord? au Tr?sor de l'?tat par le tr?sor de l'arm?e ne devait pas ?tre temporaire, mais d?finitif, au moyen d'une combinaison profonde, qui r?v?lait plus clairement encore l'usage que Napol?on entendait faire des produits de la victoire. Il entrevoyait qu'apr?s avoir pay? les d?penses extraordinaires de guerre de 1805, de 1806 et de 1807, il lui resterait environ 300 millions, lesquels ?taient d?j? d?pos?s en partie, et devaient ?tre d?pos?s en totalit? ? la caisse d'amortissement. Il pr?tendait faire sortir de ce tr?sor comme d'une source merveilleuse, non-seulement le bien-?tre de ses g?n?raux, de ses officiers, de ses soldats, mais la prosp?rit? de l'Empire. Si ? cette somme on ajoute 12 ? 15 millions qu'il avait l'art d'?conomiser tous les ans sur les 25 millions de la liste civile, plus une quantit? de domaines fonciers, en Pologne, en Prusse, en Hanovre, en Westphalie, on aura une id?e des ressources immenses qu'il s'?tait m?nag?es, pour assurer ? la fois les fortunes particuli?res et la fortune publique. Mais, dans le d?sir d'en retirer un double bienfait, il se serait bien gard? de r?compenser ses g?n?raux, ses officiers, ses soldats avec des sommes en argent, car ces sommes auraient ?t? bient?t d?vor?es par ceux qu'il voulait enrichir, et qui, se sentant expos?s continuellement ? la mort, entendaient jouir de la vie pendant qu'elle leur ?tait laiss?e. Il lui suffisait donc que le tr?sor de la grande arm?e f?t riche en revenus, et il ne tenait pas ? ce qu'il le f?t en argent comptant. En cons?quence il d?cida que, pour les 84 millions qu'il allait verser ? la caisse de service, l'?tat fournirait au tr?sor de l'arm?e une somme ?quivalente d'inscriptions de rentes 5 pour cent. Bien r?solu ? ne pas recourir au public pour contracter des emprunts, il avait ainsi dans le tr?sor de l'arm?e un capitaliste tout trouv?, qui pr?tait ? l'?tat, moyennant un int?r?t raisonnable, sans qu'il y e?t ni agiotage ni d?pr?ciation de valeurs; et de plus il pouvait compl?ter par des dotations en rentes les fortunes militaires, qu'il avait d?j? commenc?es avec des dotations en terres. C'est d'apr?s ce principe qu'il acheva de r?gulariser les budgets de 1806 et de 1807, qui n'?taient pas encore d?finitivement liquid?s. Les contributions de guerre frapp?es en pays conquis servaient des budgets ? acquitter les d?penses extraordinaires d'entretien, de mat?riel, de remonte de l'arm?e, et Napol?on ne laissait au compte du Tr?sor que la solde annuelle et ordinaire. Mais cette charge seule de la solde devait faire monter ? 770 millions le budget de 1806, ? 778 celui de 1807, et, comme on l'a vu, les ressources ordinaires de l'imp?t n'avaient pas encore atteint ce chiffre. Napol?on pensa que les produits de la victoire devaient servir non-seulement ? enrichir ses soldats, mais aussi ? soulager les finances, et ? les maintenir en ?quilibre. Il voulut donc qu'il f?t pourvu par la caisse de l'arm?e ? ces exc?dants de d?pense que l'imp?t ne pouvait pas couvrir, jusqu'? concurrence de 33 millions pour 1806, et de 27 millions pour 1807. Gr?ce ? ce secours, les quatorze mois de solde dont le versement avait ?t? ajourn?, et dont la valeur avait ?t? accumul?e peu ? peu en num?raire, dans des caisses de pr?voyance ?tablies ? Paris, ? Mayence, ? Erfurt, se trouv?rent liquid?s. Si on joint ce suppl?ment ? ceux que la caisse des contributions avait d?j? fournis pour les d?penses extraordinaires de guerre, on arrive ? des sommes de 80 millions pour 1806, de 150 millions pour 1807; ce qui ferait monter les d?penses totales de l'arm?e ? 372 millions pour 1806, et ? 486 millions pour 1807, sans parler de beaucoup d'autres consommations locales ?chappant ? toute ?valuation. C'est l? ce qui explique comment sur les 60 millions impos?s ? l'Autriche en 1803, sur les 570 impos?s en 1806 et 1807 ? l'Allemagne, soit en nature, soit en argent, il ne devait rester au tr?sor de l'arm?e qu'environ 20 millions de la premi?re contribution, et 280 de la seconde. Mais ce genre de service n'?tait pas le seul que le tr?sor de l'arm?e d?t rendre aux budgets de 1806 et de 1807. Le Tr?sor avait compt? comme recettes de ces deux exercices des valeurs qui n'?taient pas imm?diatement r?alisables, telles que 10 millions de biens r?troc?d?s par les n?gociants r?unis, 6 millions du prix des salines de l'Est, 8 millions d'anciens d?comptes des acqu?reurs de biens nationaux, le tout montant ? 24 millions. Napol?on consentit ? ce que le Tr?sor pay?t avec ces valeurs ce qu'il devait ? l'arm?e pour le r?glement de la solde. Ces valeurs, d'une r?alisation plus ou moins ?loign?e, mais certaine, convenaient au tr?sor de l'arm?e, qui n'avait pas besoin d'argent mais de revenus, et ne convenaient pas au Tr?sor de l'?tat, auquel il fallait des ressources imm?diates. Napol?on, charm? de ce bel ordre, voulut r?compenser le ministre qui l'avait ?tabli, et qu'il avait du reste puissamment second? par son approbation, par la force qu'il lui avait pr?t?e contre des r?sistances int?ress?es. N'approuvant pas toujours ses id?es en fait d'?conomie publique, quoiqu'il approuv?t toutes ses id?es en fait de comptabilit? financi?re, il avait un jour au Conseil d'?tat lanc? quelques traits ac?r?s contre les novateurs. M. Mollien avait cru que ces traits ?taient dirig?s contre lui, et s'en ?tait plaint dans une lettre respectueuse, mais empreinte du chagrin qu'il avait ressenti. Napol?on se h?ta de lui r?pondre en termes pleins de noblesse et de cordialit?, et de lui exprimer sa haute estime, et son regret d'avoir ?t? mal compris. Puis il lui adressa l'une des grandes d?corations qu'il distribuait ? ses serviteurs, et une somme consid?rable pour acheter une terre, dans laquelle ce ministre passe aujourd'hui les derni?res ann?es d'une vie utile et justement honor?e. Une seule institution manquait encore pour que l'administration de la France ne laiss?t plus rien ? d?sirer. On avait r?uni dans la comptabilit? centrale, comme dans un foyer o? des rayons lumineux viennent se concentrer pour r?pandre plus d'?clat, tous les moyens de contr?le et de constatation math?matique. Mais cette comptabilit? n'avait qu'une autorit? purement administrative. Ses d?cisions ? l'?gard des comptables ?taient insuffisantes dans certains cas, pour les contraindre ou pour les lib?rer, et, ? l'?gard du pays, elles n'avaient d'autre valeur morale que celle d'un t?moignage rendu par les administrateurs du Tr?sor sur eux-m?mes et sur leurs subordonn?s. Il restait ? cr?er une juridiction plus ?lev?e, c'est-?-dire une magistrature apurant tous les comptes, d?chargeant valablement les comptables, d?gageant leurs personnes et leurs biens hypoth?qu?s ? l'?tat, affirmant, apr?s un examen fait en dehors des bureaux des finances, l'exactitude des comptes pr?sent?s, et donnant ? leur r?glement annuel la forme et la solennit? d'un arr?t de cour supr?me. Il fallait enfin cr?er une Cour des comptes. Napol?on y avait souvent pens?, et il r?alisa au retour de Tilsit cette grande pens?e. Il avait exist? autrefois en France, sous le titre de Chambres des comptes, des tribunaux de comptabilit?, exer?ant sur les comptables une surveillance active, rempla?ant jusqu'? un certain degr? celle qu'une tr?sorerie mal organis?e ne pouvait exercer alors, ayant sur eux les pouvoirs d'une juridiction criminelle, charg?e de poursuivre les d?lits de concussion, mais expos?e aussi ? ?tre dessaisie par un gouvernement arbitraire, et l'ayant ?t? plus d'une fois quand il s'agissait de riches comptables, hautement prot?g?s parce qu'ils avaient ?t? hautement corrupteurs. C'?tait l? un premier mod?le qu'il fallait am?liorer, et adapter aux institutions, aux moeurs, ? la r?gularit? des temps nouveaux. Depuis l'abolition en 1789 des Chambres des comptes, ensevelies avec les parlements dans une ruine commune, il n'avait exist? qu'une commission de comptabilit?, ind?pendante ? la v?rit? du Tr?sor, mais priv?e de caract?re, trop peu nombreuse, et ayant laiss? s'arri?rer un nombre immense de comptes. Napol?on, ob?issant ? son go?t pour l'unit?, et se conformant au caract?re de la nouvelle administration fran?aise, centralis?e dans toutes ses parties, ne voulut qu'une seule Cour des comptes, qui aurait rang ?gal au Conseil d'?tat et ? la Cour de cassation, et viendrait imm?diatement apr?s ces deux grands corps. Elle dut juger, directement, individuellement, et tous les ans, les receveurs g?n?raux et les payeurs, c'est-?-dire les agents de la recette et de la d?pense. On ne lui attribua aucune action criminelle sur eux, car c'e?t ?t? d?placer les juridictions, mais on lui donna le pouvoir de les d?clarer tous les ans quittes envers l'?tat pour leur gestion annuelle, et de lib?rer leurs biens, c'est-?-dire de d?cider les questions d'hypoth?que. On la chargea enfin de tenir des cahiers d'observations sur la fid?le ex?cution des lois de finances, cahiers remis chaque ann?e au chef de l'?tat par le prince architr?sorier de l'Empire. On discuta vivement devant Napol?on, et dans le sein du Conseil d'?tat, si la nouvelle Cour des comptes jugerait ou ne jugerait pas les ordonnateurs, c'est-?-dire si elle se bornerait ? constater que les agents des recettes avaient per?u des deniers l?galement vot?s, et en avaient rendu un compte fid?le, que les agents de la d?pense avaient acquitt? des d?penses l?galement autoris?es, ou bien si elle irait jusqu'? d?cider que les ordonnateurs, c'est-?-dire les ministres, avaient bien ou mal administr?, avaient, par exemple, bien ou mal achet? les bl?s destin?s ? nourrir l'arm?e, les chevaux destin?s ? remonter la cavalerie, qu'ils avaient ?t?, en un mot, ou n'avaient pas ?t? dispensateurs intelligents, ?conomes et habiles de la fortune publique. Aller jusque-l?, c'?tait donner ? des magistrats, qui devaient ?tre inamovibles pour ?tre ind?pendants, le moyen, et avec le moyen la tentation, d'arr?ter la marche du gouvernement lui-m?me, en leur permettant de s'?lever du jugement des comptes au jugement des agents supr?mes du pouvoir. Le gouvernement e?t abdiqu? son autorit? en faveur d'une juridiction inamovible, d?s lors invincible dans ses ?carts. Il fut donc r?solu que la nouvelle Cour des comptes ne jugerait que les comptables, jamais les ordonnateurs; et, pour plus de s?ret?, il fut ?tabli que ses d?cisions, loin d'?tre sans appel, pourraient ?tre d?f?r?es au Conseil d'?tat, juridiction souveraine, ? la fois impartiale et imbue de l'esprit de gouvernement, d'ailleurs amovible, et toujours facile ? ramener si elle avait pu s'?garer. Restait ? r?gler l'organisation de la nouvelle Cour. On voulut proportionner le nombre de ses membres ? l'?tendue de sa t?che. D'abord pour que l'examen auquel elle se livrerait f?t r?el, et ne dev?nt pas une simple homologation du travail ex?cut? dans les bureaux des finances, on institua, sous le nom de conseillers r?f?rendaires, une premi?re classe de magistrats, n'ayant pas voix d?lib?rative, aussi nombreux que la multiplicit? des comptes l'exigerait, et charg?s de v?rifier chacun de ces comptes, les pi?ces comptables sous les yeux. Ils devaient soumettre le r?sultat de leur travail ? la haute magistrature des conseillers-ma?tres, qui seuls auraient voix d?lib?rative, et seraient divis?s en trois chambres de sept membres chacune, six conseillers et un vice-pr?sident. Il fut ?tabli que, suivant la gravit? des questions, les trois chambres se r?uniraient en une seule assembl?e, sous la pr?sidence d'un premier pr?sident, qui, avec un procureur g?n?ral, devait ?tre ? la t?te de la compagnie, lui donner l'impulsion et la direction. Ce corps respectable, qui a depuis rendu de si grands services ? l'?tat, devait prendre rang imm?diatement apr?s la Cour de cassation, et recevoir les m?mes traitements. On lui assigna, d?s son d?but, une t?che difficile, et qu'il pouvait seul accomplir, c'?tait d'apurer les comptabilit?s arri?r?es, dont le nombre ne s'?levait pas ? moins de 2,300, dont la date remontait ? la cr?ation des assignats, et dont la derni?re commission de comptabilit? n'avait jamais pu achever l'examen. Cet examen ?tait difficile, car il fallait distinguer entre les comptables de bonne foi, qui avaient souffert des variations continuelles du papier-monnaie, et les comptables frauduleux qui en avaient profit?. Il ?tait non-seulement difficile mais urgent, urgent pour l'?tat qui avait ? r?clamer des valeurs consid?rables, et pour les familles des comptables morts ou r?voqu?s, qui avaient ? se d?barrasser de l'hypoth?que l?gale mise sur tous leurs biens. La nouvelle Cour re?ut le pouvoir d'arbitrer ? l'?gard de ces comptabilit?s arri?r?es, tandis que pour les comptes nouveaux elle devait s'en tenir ? l'application rigoureuse des lois. Elle s'acquitta bient?t de cet arbitrage, avec autant de justice qu'elle en montra depuis dans l'application pure et simple des lois de finances, dont elle a la garde, comme la Cour de cassation a la garde des lois civiles et criminelles de notre pays. Cette institution, qui devait avoir des r?sultats si utiles et si durables pour l'administration tout enti?re, eut encore l'avantage secondaire de fournir des emplois honorables et lucratifs aux membres les plus distingu?s du Tribunat, que Napol?on tenait ? placer d'une mani?re convenable, car dans ses conceptions tout se liait et s'encha?nait fortement. Il composa donc la nouvelle Cour des comptes avec les membres de la commission de comptabilit? qui venait d'?tre supprim?e, et avec les membres du Tribunat qui venait d'?tre supprim? ?galement. MM. Jard-Panvilliers, Delpierre, Bri?re de Surgy, les deux premiers membres du Tribunat, le troisi?me membre de la commission de comptabilit?, furent nomm?s vice-pr?sidents de la nouvelle Cour. M. Garnier, membre de la commission de comptabilit?, en fut nomm? procureur g?n?ral. Restait ? pourvoir ? la charge importante de premier pr?sident. C'?tait le cas de r?parer envers un homme respectable les rigueurs passag?res dont il avait ?t? l'objet. Cet homme ?tait M. de Marbois, destitu? en 1806 des fonctions de ministre du Tr?sor, pour avoir manqu? de finesse et de fermet? dans ses relations avec les n?gociants r?unis. Napol?on avait eu tort d'attendre de lui ces qualit?s, et de le punir parce qu'il ne les avait pas. Il r?para ce tort, en le mettant ? sa v?ritable place, celle de premier pr?sident de la Cour des comptes, car M. de Marbois ?tait bien plus fait pour ?tre le premier magistrat de la finance que pour en ?tre l'administrateur actif et avis?. ? ces soins donn?s ? la comptabilit? de l'Empire, Napol?on ajouta des soins non moins actifs pour les grands travaux d'utilit? g?n?rale. S'occupant de ce sujet avec M. Cr?tet, ministre de l'int?rieur, avec MM. Regnault et de Montalivet, membres du Conseil d'?tat, avec les ministres des finances et du Tr?sor public, il prit des r?solutions nombreuses, qui avaient pour but, ou d'imprimer une plus grande activit? aux travaux d?j? commenc?s, ou d'en ordonner de nouveaux. Le r?tablissement de la paix, la diminution suppos?e prochaine des d?penses publiques, la facult? de puiser dans le tr?sor de l'arm?e soit pour ?galer les recettes aux d?penses, soit pour contracter des emprunts ? un taux modique sans recourir au cr?dit, permettaient ? Napol?on de suivre les inspirations de son g?nie cr?ateur. Treize mille quatre cents lieues de grandes routes, formant le vaste r?seau des communications de l'Empire, avaient ?t? ou r?par?es, ou entretenues aux frais du Tr?sor public. Deux routes monumentales, celles du Simplon et du Mont-Cenis, venaient d'?tre achev?es. Napol?on fit allouer des fonds pour entreprendre enfin celle du Mont-Gen?vre. Il ouvrit les cr?dits n?cessaires pour tripler les ateliers de la grande route de Lyon au pied du Mont-Cenis, pour doubler ceux de la route de Savone ? Alexandrie, destin?e ? relier la Ligurie au Pi?mont, pour tripler ceux de la grande route de Mayence ? Paris, l'une de celles auxquelles il attachait le plus d'importance. Il d?cr?ta en outre l'ouverture d'une route non moins utile ? ses yeux, celle de Paris ? Wesel. Quatre ponts ?taient termin?s parmi ceux qui avaient ?t? ant?rieurement d?cr?t?s. Dix ?taient en construction, notamment ceux de Roanne et de Tours sur la Loire, de Strasbourg sur le Rhin, d'Avignon sur le Rh?ne. Il ordonna celui de S?vres sur la Seine, l'ach?vement sur la m?me rivi?re de celui de Saint-Cloud, dont une partie ?tait en bois, celui de la Scrivia entre Tortone et Alexandrie, celui enfin de la Gironde devant Bordeaux, qui est devenu l'un des plus grands monuments de l'Europe. Mais jamais il ne s'occupait de grands travaux sans songer ? Paris, Paris son s?jour, le centre de son gouvernement, la ville de sa pr?dilection, la capitale qui r?sumait en elle-m?me la grandeur, la pr?dominance morale de la France sur toutes les nations. Il s'?tait promis de ne pas finir son r?gne sans l'avoir couverte de monuments d'art et d'utilit? publique, sans l'avoir rendue aussi salubre que magnifique. D?j?, gr?ce ? lui, trente fontaines, au lieu de verser l'eau pendant quelques heures, la versaient jour et nuit. L'avancement du canal de l'Ourcq permettait encore d'ajouter ? cette abondance, et de faire couler l'eau sans interruption, dans les autres fontaines anciennes ou nouvelles. En ce moment s'?levaient, par la main de plusieurs milliers d'ouvriers, les deux arcs de triomphe du Carrousel et de l'?toile, la colonne de la place Vend?me, la fa?ade du Corps L?gislatif, le temple de la Madeleine, alors dit Temple de la Gloire, le Panth?on. Le pont d'Austerlitz, jet? sur la Seine, ? l'entr?e de cette rivi?re dans Paris, ?tait achev?. Le pont d'I?na, jet? sur la Seine ? sa sortie, se construisait, et la capitale de l'Empire allait ainsi ?tre enferm?e entre deux souvenirs immortels. Napol?on avait enjoint ? l'administration de la Banque de b?tir un h?tel pour ce grand ?tablissement. Il avait d?cr?t? le palais de la nouvelle Bourse, et en faisait chercher l'emplacement. La grande rue Imp?riale, r?solue en 1806, devait ?tre commenc?e prochainement. C'?tait assez, en fait de monuments d'art, et il fallait s'occuper de monuments d'utilit? publique. Napol?on, dans l'un de ses conseils, d?cida que de longues galeries couvertes seraient construites dans les principaux march?s, pour y mettre ? l'abri des intemp?ries des saisons les acheteurs et les vendeurs; qu'? la place de quarante tueries, o? l'on abattait les bestiaux destin?s ? l'alimentation de Paris, et qui ?taient aussi insalubres que dangereuses, on ?l?verait quatre grands abattoirs aux quatre principales extr?mit?s de Paris; que la coupole de la Halle aux bl?s serait reconstruite; enfin que de vastes magasins, capables de contenir plusieurs millions de quintaux de grain, seraient b?tis du c?t? de l'Arsenal, pr?s de la gare du canal Saint-Martin, au point m?me o? venaient aboutir les voies navigables. Il avait donn? des soins assidus et consacr? des sommes consid?rables ? l'approvisionnement de Paris; mais il pensait que ce n'?tait pas tout que d'acheter des bl?s pour vingt millions de francs, comme il l'avait fait ? une autre ?poque, qu'il fallait en outre avoir un lieu dans lequel on p?t les d?poser, et c'est ? cette pens?e que sont dus les greniers d'abondance existant aujourd'hui pr?s de la place de la Bastille. Pour tous ces travaux, r?pandus du centre ? la circonf?rence de l'Empire, le budget de l'int?rieur monta instantan?ment de trente et quelques millions ? 56. Le fonds de r?serve, plac? dans le budget comme ressource, et enfin des sommes compl?mentaires qu'on savait o? prendre, devaient suffire ? ces exc?dants de d?pense, ordonn?s, non dans des vues int?ress?es d'utilit? locale, mais dans des vues g?n?rales de bien public, et ne d?passant jamais une sage mesure, malgr? la fougue cr?atrice du chef de l'?tat. Cependant Napol?on voulait soulager le Tr?sor, ou plut?t lui m?nager le moyen de pourvoir sans cesse ? de nouvelles entreprises, et il imagina pour arriver ? ce but diverses combinaisons. D'abord l'abolition des dix centimes de guerre, r?cemment accord?e, lui parut une occasion dont on devait profiter. Il suffisait de retenir une petite partie de ce bienfait dans quelques d?partements, trois ou quatre centimes par exemple, pour cr?er des ressources consid?rables. Napol?on pensa que certains travaux, quoique ayant un haut caract?re d'utilit? g?n?rale, comme le canal de Bourgogne, le canal du Berry, la route de Bordeaux ? Lyon, pr?sentaient, en m?me temps, un caract?re ?vident d'utilit? particuli?re et locale; que les d?partements feraient volontiers des sacrifices pour en acc?l?rer l'ach?vement, et qu'on trouverait dans leur concours, avec une plus grande justice distributive, des moyens d'ex?cution plus consid?rables. Ce n'?tait pas l? une vaine esp?rance, car plusieurs d?partements s'?taient d?j? volontairement impos?s, pour contribuer ? ces vastes travaux d'utilit? g?n?rale et particuli?re. Mais ces votes avaient l'inconv?nient d'?tre temporaires, soumis aux vicissitudes des d?lib?rations des conseils g?n?raux, et on ne pouvait gu?re fonder sur une pareille base des entreprises durables. Napol?on r?solut donc de pr?senter une loi, en vertu de laquelle la participation des d?partements ? certains travaux serait ?quitablement r?gl?e, et les centimes jug?s n?cessaires impos?s pour un nombre d'ann?es d?termin?. Trente-deux d?partements se trouv?rent dans ce cas. La plus grande dur?e des centimes ?tait de vingt et un ans, la moindre de trois, la moyenne de douze; le maximum des centimes impos?s 6, la moyenne 2-2/3. Ainsi les d?partements de la C?te-d'Or et de l'Yonne, avec l'arrondissement de Bar, durent concourir au canal de Bourgogne; ceux de l'Allier et du Cher, au canal du Berry; ceux du Rh?ne, de la Loire, du Puy-de-D?me, de la Corr?ze, de la Dordogne et de la Gironde, ? la grande route de Bordeaux ? Lyon. Il serait trop long de citer les autres. En g?n?ral la proportion du concours de l'?tat et du d?partement ?tait fix?e ? la moiti? pour chacun. Cette imposition n'?tait apr?s tout qu'un moindre d?gr?vement de la contribution fonci?re, et la source d'immenses avantages pour les localit?s impos?es. Un subside annuel ?tant d?s lors assur? par la loi qui imposait les centimes, il ?tait possible de contracter des emprunts, puisqu'on avait le moyen d'en servir les int?r?ts. On s'adressa au pr?teur ordinaire, au tr?sor de l'arm?e, qui, suivant les intentions de Napol?on, devait tendre ? se procurer des revenus solides, en pla?ant bien ses capitaux. Ce tr?sor pr?ta imm?diatement au pr?fet de la Seine huit millions pour les travaux de Paris. D'autres villes, ainsi que plusieurs d?partements, eurent recours ? cette bienfaisante dispensation des richesses acquises par la victoire. Tirant toujours de chaque id?e tout ce qu'elle renfermait d'utile, Napol?on imagina de pousser plus loin encore l'emploi de ce genre de ressources. Trois canaux parmi ceux que nous venons d'?num?rer, ceux de l'Escaut au Rhin, du Rhin au Rh?ne, du Rh?ne ? la Seine, lui paraissaient plus dignes de fixer son attention, et de devenir l'objet de son activit? toute-puissante. ? c?t? de ces trois canaux, et presque dans leur voisinage, s'en trouvaient trois autres, achev?s ou pr?s de l'?tre, et pouvant donner des revenus prochains: c'?taient les canaux de Saint-Quentin, d'Orl?ans, du Midi. Napol?on r?solut de les terminer sur-le-champ, de les vendre ensuite ? des capitalistes sous forme d'actions qui devaient rapporter 6 ou 7 pour cent, se faisant fort de procurer un acheteur pour toutes celles que le public ne prendrait pas. Cet acheteur, comme on le pense bien, c'?tait toujours le tr?sor de l'arm?e.--Ces sommes, dit-il au ministre de l'int?rieur, vous les emploierez ? pousser l'ex?cution des trois canaux dont l'ach?vement importe si fort ? la prosp?rit? de l'Empire, et, ces trois derniers achev?s, je les vendrai ? un acheteur qui les prendra encore, et en promenant ainsi d'un ouvrage sur un autre un capital de trois ou quatre cents millions, accru des prestations annuelles de l'?tat et des d?partements, nous changerons en peu d'ann?es la face du sol.-- Son projet ?tait, apr?s avoir mis toutes ces entreprises en mouvement, apr?s avoir fait voter dans une courte session, outre le budget, les mesures l?gislatives dont il avait besoin pour l'ex?cution de ses plans, de donner avant l'hiver quelques jours ? l'Italie, voulant apporter, ? elle aussi, le bienfait de ses regards cr?ateurs. Il se proposait de r?soudre ? son retour les questions rest?es sans solution, pour qu'au printemps les travaux pussent commencer dans tout l'Empire. Il ordonna donc au ministre de l'int?rieur de soumettre toutes ces id?es ? un examen approfondi, afin de les r?aliser le plus promptement possible. < De plus, Napol?on tenait beaucoup ? l'extinction de la mendicit?. Pour arriver ? l'abolir il voulait cr?er des maisons d?partementales, dans lesquelles on fournirait aux mendiants du travail et du pain, et dans lesquelles aussi on les enfermerait de force lorsqu'on les trouverait demandant l'aum?ne sur les places publiques ou sur les grandes routes. Il exigeait qu'on ouvr?t avant peu des maisons de ce genre, dans tous les d?partements.--< Napol?on demanda que l'int?r?t f?t r?duit ? 4 pour cent ? la Banque, mesure qu'elle adopta avec empressement. Il ordonna que l'int?r?t des cautionnements f?t r?duit, pour les uns de 6 ? 5, pour les autres de 5 ? 4. Enfin il poussa l'impatience du bien jusqu'? vouloir fixer ? 3 et 3-1/2, l'int?r?t que la caisse de service allouait aux capitaux. N'ayant pas besoin d'argent, en versant abondamment ? cette caisse, il soutenait qu'il ne fallait garder que les fonds qui pouvaient se contenter de cette r?mun?ration, renvoyer les autres au commerce, et forcer ainsi la baisse de l'int?r?t par tous les moyens dont pouvait disposer le gouvernement. Mais M. Mollien l'arr?ta en lui prouvant qu'un tel r?sultat ?tait pr?matur?, car l'argent promis ? la caisse n'?tait pas enti?rement vers?, et on avait encore besoin des ressources qui l'alimentaient ordinairement. Le succ?s d'une telle mesure e?t ?t? infaillible l'ann?e suivante, si de nouvelles entreprises au dehors n'?taient venues d?tourner les capitaux comme les soldats de la France de leur emploi le meilleur, le plus utile, le plus s?r. L'aspect sinon effrayant, du moins triste, que la guerre avait pris durant l'hiver de 1807, joint aux rigueurs de la saison, ? l'absence de la cour imp?riale, avait ralenti un moment l'activit? des affaires, particuli?rement ? Paris. Mais le r?tablissement de la paix continentale, l'esp?rance de la paix maritime, avaient rendu le plus vif essor aux imaginations, et de toutes parts on commen?ait ? fabriquer dans les manufactures, et ? faire dans les maisons de commerce des projets de sp?culation qui embrassaient l'?tendue enti?re du continent. Bien que les produits de la Grande-Bretagne franchissent encore le littoral europ?en, par quelques issues ignor?es de Napol?on, n?anmoins ils avaient de la peine ? p?n?trer, et beaucoup plus encore ? circuler. Les fils et les ?toffes de coton, qui, gr?ce aux lois prohibitives rendues alors en France, avaient ?t? fabriqu?s avec b?n?fice, en grande quantit?, et avec un commencement de perfection, rempla?aient les produits anglais du m?me genre, passaient le Rhin ? la suite de nos arm?es, et se r?pandaient en Espagne, en Italie, en Allemagne. Nos soieries, sans rivales dans tous les temps, remplissaient les march?s de l'Europe, ce qui causait ? Lyon une satisfaction g?n?rale. Nos draps, qui avaient l'avantage de la mati?re premi?re, depuis que les laines espagnoles manquaient aux Anglais et surabondaient pour nous, chassaient les draps anglais de toutes les foires du continent, car ils avaient la sup?riorit? non-seulement de la qualit?, mais de la beaut?. Ce n'?taient pas, au surplus, nos produits seuls qui gagnaient ? l'exclusion des produits anglais. La Saxe, la plus industrieuse des provinces allemandes, envoyait d?j? des charbons par l'Elbe ? Hambourg, des draps fabriqu?s avec les belles laines saxonnes sur des march?s o? ils n'avaient jamais p?n?tr?, et les m?taux de l'Erzgebirge partout o? manquaient les m?taux de l'Am?rique. Nos fers et les fers allemands profitaient aussi beaucoup de l'exclusion des fers anglais et su?dois, et se perfectionnaient ? vue d'oeil. Par la puissance de la mode, puissance l?g?re et fantasque, qui partage avec la sainte puissance de la conscience le privil?ge d'?chapper au pouvoir, mais qui cependant ob?it volontiers ? la gloire, Napol?on s'effor?ait de faire pr?valoir l'usage des produits fabriqu?s avec des mati?res d'origine continentale. Il voulait qu'on pr?f?r?t par exemple la toile et le linon, compos?s de chanvre et de lin, ? la mousseline fabriqu?e avec du coton. Il voulait aussi qu'on pr?f?r?t la soierie au simple drap, ce qui devait entra?ner un retour vers le luxe de l'ancien r?gime, vers ce temps o? les hommes, au lieu de se v?tir de la modeste ?toffe qu'on appelle le drap noir, s'habillaient en ?toffes aussi riches que celles qui sont employ?es aux robes des femmes. Et il encourageait ce retour au luxe, comme le retour ? la noblesse, aux titres, aux dotations, par des raisons ? lui propres, raisons s?rieuses, qui le dirigeaient toujours dans les choses en apparence les plus futiles. Sauf nos industries maritimes qu'il cherchait ? d?dommager de leur inaction par d'immenses cr?ations navales, nos autres industries trouvaient donc une cause puissante de d?veloppement dans cette situation extraordinaire que Napol?on avait procur?e ? la France. Mais, chose singuli?re, la plus grande des forces m?caniques, celle de la vapeur, qui, par sa puissance expansive, anime aujourd'hui l'industrie humaine tout enti?re, qui fait mouvoir tant de m?tiers, qui pousse tant de b?timents, qui est, avec la paix, la cause principale du bien-?tre des classes inf?rieures et du luxe des classes sup?rieures, la force de la vapeur, ?chappant seule aux regards de Napol?on, se d?veloppait ? c?t? de lui et sans lui. Ces machines, dites alors machines ? feu, de leur ph?nom?ne le plus apparent, grossi?rement construites, consommant une quantit? excessive de combustible, n'?taient employ?es que sur les houill?res, ? cause du bon march? du charbon dans ces sortes d'?tablissements. La Soci?t? d'encouragement pour l'industrie proposait un prix, afin de r?compenser ceux qui les rendraient d'un usage plus pratique et plus ?conomique; et, ? deux mille lieues de nos rivages, Fulton, peu ?cout? de Napol?on en 1803, parce que celui-ci avait besoin pour passer la mer, non pas d'un moyen ? l'essai, mais d'un moyen ?prouv?, ?tait all? faire l'exp?rience d'un bateau m? par ce qu'on appelait alors la machine ? feu. Il avait ex?cut? le double trajet de New-York ? Albany, et d'Albany ? New-York, en quatre jours, et avait ? peine attir? les regards du monde, dont trente ans plus tard il devait changer la face. Ce n'est pas la premi?re fois qu'une grande invention due ? des g?nies secondaires mais sp?ciaux, a pass? ? c?t? de g?nies sup?rieurs sans attirer leur attention. La poudre ? canon, qui, en d?truisant ? la guerre l'empire de la force physique, contribua si puissamment ? une r?volution dans les moeurs europ?ennes, fut non-seulement odieuse ? l'h?ro?que Bayard, mais inspira le d?dain de Machiavel, ce juge si profond des choses humaines, cet auteur, si admir? par Napol?on, du trait? sur la guerre, et fut consid?r?e par lui comme une invention ?ph?m?re et de nulle cons?quence. Pensant qu'une bonne l?gislation est, avec les capitaux et les d?bouch?s, le plus grand bien qu'on puisse procurer au commerce, Napol?on avait ordonn? ? l'archichancelier Cambac?r?s de faire pr?parer un code commercial. Ce code venait effectivement d'?tre r?dig?. On en avait emprunt? le fond aux nations maritimes les plus c?l?bres, et la forme simple et analytique ? l'esprit fran?ais, qui, plus que jamais, brillait sous ce rapport dans la r?daction des lois, parce que, con?ues sur un plan uniforme et vaste, soigneusement remani?es dans leur r?daction au Conseil d'?tat, elles n'?taient jamais retouch?es par le Corps l?gislatif, qui les adoptait ou les rejetait sans amendement. Ce code, tout pr?par? au moment du retour de Napol?on, devait, avec les autres mesures dont nous venons de parler, ?tre pr?sent? au Corps l?gislatif dans la courte session qui se pr?parait. Il ?tait temps que Napol?on accord?t enfin ? ses glorieux soldats les r?compenses qu'il leur avait promises, et qu'ils avaient si bien m?rit?es durant les deux derni?res campagnes. Mais ce fut dans la forme m?me de ces r?compenses qu'il fit surtout ?clater son g?nie organisateur et puissant. Il se serait bien gard?, en effet, de leur jeter les d?pouilles des vaincus, pour qu'ils les d?vorassent dans une orgie. Il voulait avec ce qu'il leur donnerait fonder de grandes familles, qui entourassent le tr?ne, concourussent ? le d?fendre, contribuassent ? l'?clat de la soci?t? fran?aise, sans nuire ? la libert? publique, sans entra?ner surtout aucune violation des principes d'?galit? proclam?s par la r?volution fran?aise. L'exp?rience a prouv? qu'une aristocratie ne nuit point ? la libert? d'un pays, car l'aristocratie anglaise n'a pas moins contribu? que les autres classes de la nation ? la libert? de la Grande-Bretagne. La raison dit encore qu'une aristocratie peut ?tre compatible avec le principe de l'?galit?, ? deux conditions: premi?rement, que les membres qui la composent ne jouissent d'aucuns droits particuliers, et subissent en tout la loi commune; secondement, que les distinctions purement honorifiques accord?es ? une classe soient accessibles ? tous les citoyens d'un m?me ?tat qui les ont achet?es par leurs services ou leurs talents. C'est l? ce qu'il y avait de raisonnable dans les voeux de la r?volution fran?aise, et c'est l? ce que Napol?on entendait maintenir invariablement. Cependant, ? notre avis, dans les soci?t?s modernes, o? l'envie est soulev?e contre les institutions aristocratiques, ce qu'un gouvernement sens? a de mieux ? faire, c'est de laisser les lois de la nature humaine agir, sans s'en m?ler aucunement. Elles ram?nent l'homme libre ? Dieu, et, apr?s Dieu, ? un autre culte, celui des anc?tres. Quoi qu'on fasse ou qu'on ne fasse pas, le grand guerrier, le grand magistrat, le savant illustre, l?gueront ? leurs descendants une consid?ration qui les fera distinguer de la foule, et qui leur ?pargnera, quand ils auront du m?rite, la plus s?rieuse des difficult?s que rencontre le m?rite en ce monde, celle d'attirer le premier regard du public. Les lois n'ont pas besoin d'intervenir pour qu'il en soit ainsi; car ce ne sont pas les lois ?crites, c'est la nature qui a produit l'aristocratie de tous les pays, et surtout celle des r?publiques. La nature avait cr?? l'aristocratie de Venise, bien avant que celle-ci songe?t ? s'attribuer par les lois des droits particuliers. C'est une chose dont il n'y a pas ? se m?ler, si on y a go?t. Le temps fait partout des aristocraties; il n'y a qu'? s'?pargner le ridicule d'en faire soi-m?me, et tout au plus ? les emp?cher de s'arroger des privil?ges exclusifs, ce dont elles ne seront plus tent?es ? l'avenir. S'il y avait cependant un souverain dans le monde qui p?t ?chapper au ridicule ou ? l'odieux qu'excite quelquefois l'?tablissement d'institutions aristocratiques, c'?tait celui qui osait et pouvait r?tablir la monarchie le lendemain de la r?publique, la diff?rence des rangs , le lendemain d'une brutale ?galit?; qui dans sa vaste imagination r?vait une soci?t? grande comme son g?nie et son ?me, et qui avait, pour cr?er de puissantes familles, des noms immortels et des tr?sors; qui pouvait les appeler Rivoli, Castiglione, Montebello, Elchingen, Awerstaedt, et leur donner jusqu'? un million de revenu annuel. Il ?tait donc excusable, car il ne voulait pas violer les vrais principes de la r?volution fran?aise, et il croyait au contraire les consacrer d'une mani?re ?clatante, en faisant, ? l'image de sa propre fortune, un duc, un prince, avec un enfant de la charrue. Une derni?re consid?ration enfin se pr?sentait ici pour d?sarmer la raison la plus s?v?re, c'?tait de se m?nager des moyens innocents et inoffensifs d'exciter et de r?compenser les grands d?vouements. Ce fut encore le S?nat qui re?ut la mission d'imprimer un caract?re l?gal ? cette nouvelle cr?ation imp?riale, au moyen d'un s?natus-consulte, qui stipulait tr?s-express?ment que ces titres ne conf?raient aucun droit particulier, n'emportaient aucune exception ? la loi commune, n'attribuaient aucune exemption des charges ou des devoirs impos?s aux autres citoyens. Il n'y avait d'exceptionnel que le r?gime des substitutions impos? aux familles anoblies, lesquelles acqu?raient leur nouvelle grandeur en sacrifiant pour elles-m?mes l'?galit? des partages. Ces dispositions arr?t?es, Napol?on distribua entre ses compagnons d'armes une partie des tr?sors amass?s par son g?nie. En attendant qu'il e?t d?cern? ? Lannes, Mass?na, Davout, Berthier, Ney et autres, les titres qu'il se proposait d'emprunter aux grands ?v?nements du r?gne, il voulut assurer tout de suite leur opulence. Il leur donna des terres situ?es en Pologne, en Allemagne, en Italie, avec facult? de les revendre, pour en placer la valeur en France, plus des sommes en argent comptant pour acheter et meubler des h?tels. Ce n'?tait l? qu'un premier don, car ces dotations furent plus tard doubl?es, tripl?es, quadrupl?es m?me pour quelques-uns. Le mar?chal Lannes re?ut 328 mille francs de revenu, et un million en argent; le mar?chal Davout, 410 mille francs de revenu, et 300 mille francs en argent; le mar?chal Mass?na, 183 mille francs de revenu, et 200 mille francs en argent ; le major g?n?ral Berthier, 405 mille francs de revenu, et 500 mille francs en argent; le mar?chal Ney, 229 mille francs de revenu, et 300 mille francs en argent; le mar?chal Mortier, 198 mille francs de revenu, et 200 mille francs en argent; le mar?chal Augereau, 172 mille francs de revenu, et 200 mille francs en argent; le mar?chal Soult, 305 mille francs de revenu, et 300 mille francs en argent; le mar?chal Bernadotte, 291 mille francs de revenu, et 200 mille francs en argent. Les g?n?raux S?bastiani, Victor, Rapp, Junot, Bertrand, Lemarois, Caulaincourt, Savary, Mouton, Moncey, Friant, Saint-Hilaire, Oudinot, Lauriston, Gudin, Marchand, Marmont, Dupont, Legrand, Suchet, Lariboisi?re, Loison, Reille, Nansouty, Songis, Chasseloup et autres, re?urent les uns 150, les autres 100, 80, 50 mille francs de revenu, et presque tous 100 mille francs en argent. Les hommes civils eurent aussi leur part de ces largesses. L'archichancelier Cambac?r?s et l'architr?sorier Lebrun obtinrent chacun 200 mille francs de revenu. MM. Mollien, Fouch?, Decr?s, Gaudin, Daru en obtinrent chacun 40 ou 50 mille. Tous, civils et militaires, n'?taient encore que provisoirement dot?s par ces dons magnifiques, et l'?taient en Pologne, en Westphalie, en Hanovre, ce qui devait les int?resser au maintien de la grandeur de l'Empire. Napol?on s'?tait r?serv? en Pologne 20 millions de domaines, en Hanovre 30, en Westphalie un capital repr?sent? par 5 ? 6 millions de revenu, ind?pendamment de 30 millions en capital, et de 1,250 mille francs de rente en Italie, d?j? r?serv?s dans l'ann?e 1805. Il avait donc de quoi enrichir les braves qui le servaient, et de quoi r?aliser les belles paroles qu'il avait adress?es ? plusieurs d'entre eux: < Les g?n?raux fran?ais ne furent pas les seuls ? participer ? ces largesses, car les g?n?raux polonais Zayonscheck et Dombrowski, vieux serviteurs de la France, obtinrent chacun un million. Apr?s les g?n?raux, les officiers et les soldats re?urent aussi des marques de sa lib?ralit?. Napol?on fit payer ? tous, outre la solde arri?r?e, des gratifications consid?rables, afin de leur procurer sur-le-champ quelques plaisirs qu'ils avaient bien m?rit?s. Dix-huit millions furent distribu?s sous cette forme, dont six millions pour les officiers, douze pour les soldats. Les bless?s avaient triple part. Ceux qui avaient ?t? assez heureux pour assister aux quatre grandes batailles de la derni?re guerre, Austerlitz, I?na, Eylau, Friedland, obtenaient le double des autres. ? ces gratifications du moment il fut ajout? des dotations permanentes de 500 francs pour les soldats amput?s, et de mille, 2 mille, 4 mille, 5 mille, 10 mille en faveur des militaires qui s'?taient distingu?s, depuis le grade de sous-officier jusqu'? celui de colonel. Pour les officiers comme pour les g?n?raux, ce ne fut l? qu'une premi?re r?mun?ration, suivie post?rieurement d'autres plus consid?rables, et ind?pendante des traitements de la L?gion d'honneur, ainsi que des pensions de retraite l?galement dues ? la fin de la carri?re militaire. Ce glorieux vainqueur voulait donc que tout le monde particip?t ? sa prosp?rit? comme ? sa gloire. Quant ? lui, simple, ?conome, magnifique seulement pour les autres, r?primant le moindre d?tournement des deniers publics, impitoyable pour toute d?pense qui ne lui semblait pas n?cessaire dans son palais ou dans l'?tat, il n'?tait prodigue que dans de nobles vues, et pour tout ce qui avait servi la grandeur de la France ou la sienne. Les d?tracteurs de sa gloire et de la n?tre ont pr?tendu qu'il avait, en spoliant les vaincus, en assouvissant l'avidit? des soldats, pris chez les uns le moyen d'exalter la bravoure des autres. Il faut laisser de telles calomnies ? l'?tranger, ou aux partis associ?s aux passions de l'?tranger. Ces tr?sors ?taient pris non sur les peuples, mais sur les empereurs, rois, princes, couvents, conjur?s contre la France depuis 1792. Quant aux peuples vaincus, ils ?taient m?nag?s autant que la guerre permet de le faire, beaucoup plus qu'ils ne l'avaient ?t? dans aucun temps et dans aucun pays, beaucoup plus que nous ne l'avons ?t? nous-m?mes. Et quant ? ces h?ro?ques soldats, dont on dit que Napol?on excitait la bravoure avec de l'argent, ils ne se doutaient pas plus, en courant ? Austerlitz, ? I?na, ? Eylau, ? Friedland, qu'ils rencontreraient la fortune sur leur chemin, qu'ils ne s'en doutaient en courant ? Marengo, ? Rivoli, et plus anciennement ? Valmy ou ? Jemmapes. Apr?s avoir en 1792 vol? ? la d?fense de leur pays, ils s'?lan?aient maintenant ? la gloire, entra?n?s par la passion des grandes choses, passion que la r?volution fran?aise avait fait na?tre en eux, et que Napol?on avait exalt?e au plus haut degr?. Si au lendemain d'un long d?vouement ? braver le froid, la faim, la mort, ils trouvaient le bien-?tre, c'?tait une surprise de la fortune, dont ils jouissaient ainsi qu'un soldat jouit d'un peu d'or trouv? sur un champ de bataille; et ces satisfactions qu'on leur avait m?nag?es, ils ?taient pr?ts ? les quitter de nouveau, pour r?pandre encore cette vie qu'ils ne regardaient pas comme ? eux, et dont ils se h?taient d'user comme d'un pr?t que leur faisait Napol?on, en attendant qu'il leur en demand?t le sacrifice. Napol?on prit d'autres mesures aussi sages qu'elles ?taient humaines. Selon son habitude ? chaque intervalle de paix, il ordonna coup sur coup plusieurs revues de l'arm?e, pour faire sortir des rangs les soldats fatigu?s ou mutil?s, et ne rendant plus d'autre service que celui de stimuler les jeunes soldats par leurs r?cits militaires. Il faisait r?gler leur pension, et occuper leur place dans les rangs par des conscrits, r?p?tant sans cesse que le tr?sor de l'arm?e ?tait assez riche pour payer tous les vieux services, mais que le budget de l'?tat ne l'?tait pas assez pour payer des soldats qui ne pouvaient plus servir activement. Songeant aux m?rites civils non moins qu'aux m?rites militaires, il exigea et obtint une modification ? la loi des pensions civiles, loi qui depuis 1789 avait autant vari? sous l'influence du caprice populaire, que les r?compenses variaient avant cette ?poque sous l'influence du caprice royal. Du temps de l'Assembl?e constituante on avait adopt? pour limite la plus ?lev?e de toute pension civile, 10 mille francs, du temps de la Convention 3 mille, du temps du Consulat 6 mille. Napol?on voulut que ce terme f?t fix? ? 20 mille, se r?servant de n'en approcher, et de ne l'atteindre, qu'en faveur de services ?clatants. C'est la mort de M. Portalis, laissant une veuve sans fortune, qui lui inspira cette pens?e, peu dangereuse pour les finances d'un ?tat, et utile pour le d?veloppement des talents. Il accorda une pension de 6 mille francs, et une somme de 24 mille francs, ? mademoiselle Dillon, soeur du premier officier ?gorg? dans nos d?sordres populaires. La m?re de l'Imp?ratrice, madame de La Pagerie, ?tant morte ? la Martinique, il fit affranchir les n?gres et les n?gresses qui l'avaient servie, doter une jeune fille qui l'avait soign?e, placer en un mot dans l'aisance tous ceux qui avaient eu l'honneur d'approcher d'elle. L'?glise, comme tous les serviteurs de l'?tat, eut part ? cette munificence du conqu?rant. Sur la proposition du prince Cambac?r?s, qui avait administr? temporairement les cultes, pendant l'intervalle ?coul? entre la mort de M. Portalis et la nomination de M. Bigot de Pr?ameneu, il ?tablit que le nombre des succursales serait port? de 24 ? 30 mille, afin d'?tendre le bienfait du culte ? toutes les communes de l'Empire. S'apercevant en outre que la carri?re du sacerdoce ?tait moins recherch?e qu'autrefois, il accorda 2,400 bourses pour les petits s?minaires. Il voulait faire savoir ? l'?glise que s'il avait avec son chef quelques diff?rends de nature purement temporelle, il ?tait sous le rapport spirituel toujours aussi dispos? ? la servir et ? la prot?ger. Dans ce moment il s'occupait, en ex?cution de la loi de 1806, qui l'autorisait ? cr?er une universit?, de la fondation de ce grand ?tablissement. Mais cette pens?e n'?tait pas m?re encore, ni chez lui ni autour de lui. Pour le pr?sent il se contenta d'augmenter le nombre des bourses dans les lyc?es. Tous les genres de gloire seraient par la Providence dispens?s ? une nation, que cette nation aurait de vifs regrets ? concevoir si la gloire des lettres, des sciences, des arts, lui ?tait refus?e; et, si les Romains n'avaient eu que le m?rite de vaincre le monde, de le civiliser apr?s l'avoir vaincu, de lui donner des lois immortelles, qui, adapt?es ? nos moeurs, vivent encore dans nos codes; s'ils n'avaient eu que cet ?minent m?rite, s'ils n'avaient compt? parmi leurs grands hommes Horace, Virgile, Cic?ron, Tacite, n'ayant rien fait pour charmer l'humanit?, apr?s avoir tant fait pour la dominer, ils laisseraient aux Grecs l'honneur d'en ?tre les d?lices, et ils occuperaient dans l'histoire de l'esprit humain une place inf?rieure ? celle de ce petit peuple. Mais le g?nie du gouvernement et de la guerre n'exista jamais sans le g?nie des lettres, des arts et des sciences, parce qu'il est impossible d'agir sans penser, et de penser sans parler, ?crire et peindre. Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page |
Terms of Use Stock Market News! © gutenberg.org.in2025 All Rights reserved.