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Munafa ebook

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Read Ebook: Ariadne by Gr Ville Henry

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Ebook has 68 lines and 11757 words, and 2 pages

Commentator: Henri Schmidt

Translator: Adolphe Regnier

SCHILLER

HISTOIRE

DE LA

GUERRE DE TRENTE ANS

TRADUCTION FRAN?AISE

PAR AD. REGNIER

PARIS

LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie

COULOMMIERS.--IMPRIMERIE PAUL BRODARD

NOTICE SUR SCHILLER

Leipzig, chez Wigand, 1859.

Nous citons plus loin les deux principaux.

NOTICE

SUR

L'HISTOIRE DE LA GUERRE DE TRENTE ANS

Janssen, p. 125.

SCHMIDT.

ARGUMENT ANALYTIQUE

DE LA GUERRE DE TRENTE ANS

PREMIER LIVRE.

Situation de l'Empire.--De l'Europe.--Mansfeld.--Christian, duc de Brunswick.--Wallenstein l?ve ? ses frais une arm?e imp?riale.--D?faite du roi de Danemark.--Mort de Mansfeld.--?dit de restitution de 1628.--Di?te de Ratisbonne.--N?gociations.--Wallenstein est d?pouill? de son commandement.--Gustave-Adolphe.--L'arm?e su?doise.--Gustave-Adolphe prend cong? des ?tats de Su?de ? Stockholm.--Invasion des Su?dois.--Leurs progr?s en Allemagne.--Le comte Tilly prend le commandement des troupes imp?riales.--Trait? avec la France.--Congr?s de Leipzig.--Si?ge et sac de Magdebourg.--Constance du landgrave de Cassel.--Jonction des Saxons et des Su?dois.--Bataille de Leipzig.--Cons?quences de la victoire.

TROISI?ME LIVRE.

Situation de Gustave-Adolphe apr?s la bataille de Leipzig.--Ses progr?s.--Invasion de la Lorraine par les Fran?ais.--Prise de Francfort.--Capitulation de Mayence.--Tilly re?oit de Maximilien l'ordre de couvrir la Bavi?re.--Gustave-Adolphe franchit le Lech.--D?faite et mort de Tilly.--Gustave s'empare de Munich.--Invasion de la Boh?me et prise de Prague par l'arm?e saxonne.--D?tresse de l'empereur.--Triomphe secret de Wallenstein.--Il veut s'associer ? Gustave-Adolphe.--Il reprend son commandement.--Jonction de Wallenstein et des Bavarois.--D?fense de Nuremberg par Gustave-Adolphe.--Il attaque les retranchements de Wallenstein.--Il entre en Saxe; marche au secours de l'?lecteur de Saxe; s'avance contre Wallenstein.--Bataille de L?tzen.--Mort de Gustave-Adolphe.--Situation de l'Allemagne apr?s la bataille de L?tzen.

QUATRI?ME LIVRE.

La France et la Su?de resserrent leur alliance.--Oxenstiern prend la direction des affaires.--Mort de l'?lecteur palatin.--R?volte des officiers su?dois.--Prise de Ratisbonne par le duc Bernard.--Wallenstein entre en Sil?sie.--Ses projets de trahison.--L'arm?e l'abandonne.--Il se retire ? ?gra.--Ses complices mis ? mort.--Fin de Wallenstein.--Portrait de Wallenstein.

CINQUI?ME LIVRE.

HISTOIRE

DE LA

GUERRE DE TRENTE ANS

PREMI?RE PARTIE

LIVRE PREMIER

Depuis l'?poque o? la guerre de religion commen?a en Allemagne, jusqu'? la paix de Westphalie, il ne s'est pass? presque rien d'important et de m?morable dans le monde politique de l'Europe, o? la r?formation n'ait eu la part principale. Tous les grands ?v?nements qui eurent lieu dans cette p?riode se rattachent ? la r?forme religieuse, si m?me ils n'y prennent leur source; et, plus ou moins, directement ou indirectement, les plus grands ?tats, comme les plus petits, en ont ?prouv? l'influence.

La maison d'Espagne n'employa gu?re son ?norme puissance qu'? combattre les nouvelles opinions ou leurs adh?rents. C'est par la r?formation que fut allum?e la guerre civile qui, sous quatre r?gnes orageux, ?branla la France jusque dans ses fondements, attira les armes ?trang?res dans le coeur de ce royaume, et en fit, pendant un demi-si?cle, le th??tre des plus d?plorables bouleversements. C'est la r?formation qui rendit le joug espagnol insupportable aux Pays-Bas; c'est elle qui ?veilla chez ce peuple le d?sir et le courage de s'en d?livrer, et lui en donna, en grande partie, la force. Dans tout le mal que Philippe II voulut faire ? la reine ?lisabeth d'Angleterre, son seul but fut de se venger de ce qu'elle prot?geait contre lui ses sujets protestants et s'?tait mise ? la t?te d'un parti religieux qu'il s'effor?ait d'an?antir. En Allemagne, le schisme dans l'?glise eut pour cons?quence un long schisme politique, qui livra, il est vrai, ce pays ? la confusion durant plus d'un si?cle, mais qui ?leva en m?me temps un rempart durable contre la tyrannie. Ce fut en grande partie la r?formation qui la premi?re fit entrer les royaumes du Nord, la Su?de et le Danemark dans le syst?me europ?en, parce que leur accession fortifiait l'alliance protestante, et que cette alliance leur ?tait ? eux-m?mes indispensable. Des ?tats qui, auparavant, existaient ? peine les uns pour les autres, commenc?rent ? avoir, gr?ce ? la r?formation, un point de contact important, et ? s'unir entre eux par des liens tout nouveaux de sympathie politique. De m?me que la r?formation changea les rapports de citoyen ? citoyen, et ceux des souverains avec leurs sujets, de m?me des ?tats entiers entr?rent, par son influence, dans des relations nouvelles les uns avec les autres; et ainsi, par une marche singuli?re des choses, il fut r?serv? ? la division de l'?glise d'amener l'union plus ?troite des ?tats entre eux. A la v?rit?, cette commune sympathie politique s'annon?a d'abord par un effet terrible et funeste: par une guerre de trente ans, guerre d?vastatrice, qui, du milieu de la Boh?me jusqu'? l'embouchure de l'Escaut, des bords du P? jusqu'? ceux de la mer Baltique, d?peupla des contr?es, ravagea les moissons, r?duisit les villes et les villages en cendres; par une guerre o? les combattants par milliers trouv?rent la mort, et qui ?teignit, pour un demi-si?cle, en Allemagne l'?tincelle naissante de la civilisation, et rendit ? l'ancienne barbarie ses moeurs, qui commen?aient ? peine ? s'am?liorer. Mais l'Europe sortit affranchie et libre de cette ?pouvantable guerre, dans laquelle, pour la premi?re fois, elle s'?tait reconnue pour une soci?t? d'?tats unis entre eux; et la sympathie r?ciproque des ?tats, qui ne date, ? proprement parler, que de cette guerre, serait d?j? un assez grand avantage pour r?concilier le cosmopolite avec les horreurs qui la signal?rent. La main du travail a effac? insensiblement les traces funestes de la guerre, mais les suites bienfaisantes qui en d?coul?rent subsistent toujours. Cette m?me sympathie g?n?rale des ?tats, qui fit ressentir ? la moiti? de l'Europe le contre-coup des ?v?nements de la Boh?me, veille aujourd'hui au maintien de la paix qui a termin? cette lutte. Comme, du fond de la Boh?me, de la Moravie et de l'Autriche, les flammes de la d?vastation s'?taient fray? une route pour embraser l'Allemagne, la France, la moiti? de l'Europe, de m?me, du sein de ces derniers ?tats, le flambeau de la civilisation s'ouvrira un passage pour ?clairer ces autres contr?es.

Tout cela fut l'oeuvre de la religion. Elle seule rendit tout possible; mais il s'en fallut beaucoup que tout se f?t pour elle et ? cause d'elle. Si l'int?r?t particulier, si la raison d'?tat ne s'?taient promptement unis avec elle, jamais la voix des th?ologiens et celle du peuple n'auraient trouv? des princes si empress?s, ni la nouvelle doctrine de si nombreux, si vaillants et si fermes d?fenseurs. Une grande part de la r?volution eccl?siastique revient incontestablement ? la force victorieuse de la v?rit?, ou de ce qui ?tait confondu avec la v?rit?. Les abus de l'ancienne ?glise, l'absurdit? de plusieurs de ses doctrines, ses pr?tentions excessives devaient n?cessairement r?volter des esprits d?j? gagn?s par le pressentiment d'une lumi?re plus pure, et les disposer ? embrasser la r?forme. Le charme de l'ind?pendance, la riche proie des b?n?fices eccl?siastiques devaient faire convoiter aux princes un changement de religion, et sans doute n'ajoutaient pas peu de force ? leur conviction intime; mais la raison d'?tat pouvait seule les d?terminer. Si Charles-Quint, dans l'ivresse de sa fortune, n'avait port? atteinte ? l'ind?pendance des membres de l'Empire, il est peu probable qu'une ligue protestante se f?t arm?e pour la libert? de religion. Sans l'ambition des Guises, jamais les calvinistes fran?ais n'auraient vu ? leur t?te un Cond?, un Coligny; sans l'imposition du dixi?me et du vingti?me denier, jamais le si?ge de Rome n'aurait perdu les Provinces-Unies. Les princes combattirent pour leur d?fense ou leur agrandissement; l'enthousiasme religieux recruta pour eux des arm?es et leur ouvrit les tr?sors de leurs peuples. La multitude, lorsqu'elle n'?tait pas attir?e sous leurs drapeaux par l'espoir du butin, croyait r?pandre son sang pour la v?rit?, quand elle le versait pour l'int?r?t des monarques.

Heureuses, cependant, les nations, que leur int?r?t se trouv?t cette fois ?troitement li? ? celui de leurs princes! C'est ? ce hasard seulement qu'elles doivent leur d?livrance de Rome. Heureux aussi les princes que le sujet, en combattant pour leur cause, combatt?t en m?me temps pour la sienne! A l'?poque dont nous ?crivons l'histoire, aucun monarque d'Europe n'?tait assez absolu pour pouvoir se mettre au-dessus du voeu de ses sujets, dans l'ex?cution de ses desseins politiques. Mais que de peine pour gagner ? ses vues la bonne volont? de son peuple et la rendre agissante! Les plus pressants motifs emprunt?s ? la raison d'?tat ne trouvent que froideur chez les sujets, qui les comprennent rarement et s'y int?ressent plus rarement encore. L'unique ressource d'un prince habile est alors de lier l'int?r?t du cabinet ? quelque autre int?r?t qui touche de plus pr?s le peuple, s'il en existe un de cette nature, ou de le faire na?tre, s'il n'existe pas.

Telle fut la position d'une grande partie des princes qui prirent fait et cause pour la r?forme. Par un singulier encha?nement des choses, il fallut que le schisme de l'?glise co?ncid?t avec deux circonstances politiques, sans lesquelles il aurait eu, selon les apparences, un tout autre d?veloppement. C'?tait, d'une part, la pr?pond?rance soudaine de la maison d'Autriche, qui mena?ait la libert? de l'Europe; de l'autre, le z?le actif de cette famille pour l'ancienne religion. La premi?re de ces deux causes ?veilla les princes; la seconde arma les peuples pour eux.

L'abolition d'une juridiction ?trang?re dans leurs ?tats, l'autorit? supr?me dans les affaires eccl?siastiques, une digue oppos?e ? l'?coulement des deniers envoy?s ? Rome, enfin la riche d?pouille des b?n?fices eccl?siastiques, ?taient des avantages propres ? s?duire ?galement tous les souverains: pourquoi, demandera-t-on peut-?tre, firent-ils moins d'impression sur les princes de la maison d'Autriche? Qui emp?cha cette maison, et surtout la branche allemande, de pr?ter l'oreille aux pressantes invitations d'un si grand nombre de ses sujets, et de s'enrichir, ? l'exemple d'autres souverains, aux d?pens d'un clerg? sans d?fense? Il est difficile de se persuader que la croyance ? l'infaillibilit? de l'?glise romaine ait eu plus de part ? la pieuse fid?lit? de cette maison, que la croyance contraire n'en eut ? l'apostasie des princes protestants. Plusieurs motifs concoururent ? faire des princes autrichiens les soutiens de la papaut?. L'Espagne et l'Italie, d'o? l'Autriche tirait une grande partie de ses forces, avaient pour le si?ge de Rome cet aveugle d?vouement qui distingua, en particulier, les Espagnols d?s le temps de la domination des Goths. La moindre tendance vers les doctrines abhorr?es de Luther et de Calvin aurait enlev? irr?vocablement au monarque d'Espagne les coeurs de ses sujets; la rupture avec la papaut? pouvait lui co?ter son royaume: un roi d'Espagne devait ?tre un prince orthodoxe ou descendre du tr?ne. Ses ?tats d'Italie lui imposaient la m?me contrainte: il devait peut-?tre les m?nager plus encore que ses Espagnols, parce qu'ils supportaient avec une extr?me impatience le joug ?tranger, et qu'ils pouvaient le secouer plus ais?ment. D'ailleurs, ces ?tats lui donnaient la France pour rivale et le chef de l'?glise pour voisin: motifs assez puissants pour le d?tourner d'un parti qui d?truisait l'autorit? du pape, et pour qu'il s'effor??t de gagner le pontife romain par le z?le le plus actif pour l'ancienne religion.

A ces consid?rations g?n?rales, ?galement importantes pour tout roi d'Espagne, s'ajout?rent pour chacun d'eux en particulier des raisons particuli?res. Charles-Quint avait en Italie un dangereux rival dans le roi de France, qui aurait vu ce pays se jeter dans ses bras, ? l'instant m?me o? Charles se serait rendu suspect d'h?r?sie. Pr?cis?ment pour les projets qu'il poursuivait avec le plus de chaleur, la d?fiance des catholiques et une querelle avec l'?glise lui auraient cr?? les plus grands obstacles. Quand Charles-Quint eut ? se prononcer entre les deux partis religieux, la nouvelle religion n'avait pu encore se rendre respectable ? ses yeux, et d'ailleurs on pouvait, selon toutes les vraisemblances, esp?rer encore un accommodement ? l'amiable entre les deux ?glises. Chez Philippe II, son fils et son successeur, une ?ducation monacale s'unissait ? un caract?re despotique et sombre pour entretenir dans son coeur, contre toute innovation en mati?re de foi, une haine implacable, qui ne pouvait gu?re ?tre diminu?e par la circonstance que ses adversaires politiques les plus acharn?s ?taient en m?me temps les ennemis de sa religion. Comme ses possessions europ?ennes, dispers?es parmi tant d'?tats ?trangers, se trouvaient de toutes parts ouvertes ? l'influence des opinions ?trang?res, il ne pouvait contempler avec indiff?rence les progr?s de la r?formation en d'autres pays, et son int?r?t politique imm?diat le poussait ? prendre en main la cause de l'ancienne ?glise en g?n?ral, pour fermer les sources de la contagion h?r?tique. La marche naturelle des choses pla?a donc ce monarque ? la t?te de la religion catholique et de l'alliance que ses adh?rents form?rent contre les novateurs. Ce qui fut observ? sous les longs r?gnes, remplis d'?v?nements, de Charles-Quint et de son fils, devint une loi pour leurs successeurs, et plus le schisme s'?tendit dans l'?glise, plus l'Espagne dut s'attacher fermement au catholicisme.

La branche allemande de la maison d'Autriche semble avoir ?t? plus libre; mais, si plusieurs de ces obstacles n'existaient pas pour elle, d'autres consid?rations l'encha?naient. La possession de la couronne imp?riale, qu'on ne pouvait m?me pas se figurer sur une t?te protestante , attachait les successeurs de Ferdinand Ier au si?ge pontifical; Ferdinand lui-m?me lui fut d?vou? sinc?rement par des motifs de conscience. D'ailleurs, les princes autrichiens de la branche allemande n'?taient pas assez puissants pour se passer de l'appui de l'Espagne, et c'?tait y renoncer absolument que de favoriser la nouvelle religion. Leur dignit? imp?riale les obligeait aussi ? d?fendre la constitution germanique, par laquelle ils se maintenaient dans ce rang supr?me, et que les membres protestants de l'Empire s'effor?aient de renverser. Si l'on consid?re encore la froideur des protestants dans les embarras des empereurs et dans les dangers communs de l'Empire, leurs violentes usurpations sur le temporel de l'?glise, et leurs hostilit?s partout o? ils se sentaient les plus forts, on comprendra que tant de motifs r?unis devaient retenir les empereurs dans le parti de Rome et que leur int?r?t particulier devait se confondre parfaitement avec celui de la religion catholique. Comme le sort de cette religion d?pendit peut-?tre enti?rement de la r?solution que prirent les princes autrichiens, on dut les consid?rer, dans toute l'Europe, comme les colonnes de la papaut?. La haine qu'elle inspirait aux protestants se tourna donc aussi unanimement contre l'Autriche, et confondit peu ? peu le protecteur avec la cause qu'il prot?geait.

Cependant cette m?me maison d'Autriche, irr?conciliable ennemie de la r?forme, mena?ait s?rieusement par ses projets ambitieux, soutenus de forces pr?pond?rantes, la libert? politique des ?tats europ?ens et surtout des membres de l'Empire. Ce danger tira n?cessairement ces derniers de leur s?curit?, et ils durent songer ? leur propre d?fense. Leurs ressources habituelles n'auraient jamais suffi pour r?sister ? un pouvoir aussi mena?ant: ils durent donc demander ? leurs sujets des efforts extraordinaires, et, les trouvant encore tr?s-insuffisants, ils emprunt?rent des forces ? leurs voisins et cherch?rent, par des alliances entre eux, ? contre-balancer une puissance trop forte pour chacun d'eux en particulier.

Mais les grandes raisons politiques qui engageaient les souverains ? s'opposer aux progr?s de l'Autriche n'existaient pas pour leurs sujets. Les avantages et les souffrances du moment peuvent seuls ?branler les peuples, et une sage politique ne doit jamais attendre ces mobiles-l?. Ces princes eussent donc ?t? fort ? plaindre, si la fortune ne leur e?t offert un autre mobile tr?s-puissant qui passionna les peuples et excita chez eux un enthousiasme qu'on put opposer au danger politique, parce qu'il se rencontrait dans un m?me objet avec ce danger. Ce mobile ?tait la haine d?clar?e d'une religion que prot?geait la maison d'Autriche; c'?tait le d?vouement enthousiaste ? une doctrine que cette maison s'effor?ait de d?truire par le fer et par le feu. Ce d?vouement ?tait ardent, cette haine implacable. Le fanatisme religieux craint les dangers lointains; l'enthousiasme ne calcule jamais ce qu'il sacrifie. Ce que le plus pressant p?ril politique n'aurait pu obtenir des citoyens, l'ardeur d'un z?le pieux le leur fit faire. Peu de volontaires eussent arm? leurs bras pour l'?tat, pour l'int?r?t du prince; mais pour la religion, le marchand, l'artisan, le cultivateur saisirent avec joie les armes. Pour l'?tat ou pour le souverain, on e?t t?ch? de se d?rober au plus l?ger imp?t extraordinaire: pour la religion, on risqua son bien et son sang, toutes ses esp?rances temporelles. Des sommes trois fois plus fortes affluent maintenant dans le tr?sor du prince; des arm?es trois fois plus nombreuses entrent en campagne; et l'imminence du danger de la foi imprime ? toutes les ?mes un ?lan si prodigieux, que les sujets ne sentent point des efforts qui, dans une situation d'esprit plus calme, les auraient ?puis?s et accabl?s. La peur de l'inquisition espagnole ou des massacres de la Saint-Barth?lemy fait trouver, chez leurs peuples, au prince d'Orange, ? l'amiral Coligny, ? la reine d'Angleterre, ?lisabeth, et aux princes protestants de l'Allemagne, des ressources encore inexplicables aujourd'hui.

Cependant, des efforts particuliers, quelque grands qu'ils fussent, auraient produit peu d'effet contre une force qui ?tait sup?rieure m?me ? celle du plus puissant monarque, s'il se pr?sentait isol?; mais, dans ces temps d'une politique encore peu avanc?e, il n'y avait que des circonstances accidentelles qui pussent r?soudre des ?tats ?loign?s ? s'entre-secourir. La diff?rence de constitutions, de lois, de langage, de caract?re national, qui faisait de chaque peuple et de chaque pays comme un monde ? part et ?levait entre eux de durables barri?res, rendait chaque ?tat insensible aux souffrances d'un autre, si m?me la jalousie nationale n'en ressentait pas une maligne joie. Ces barri?res, la r?formation les renversa. Un int?r?t plus vif, plus pressant que l'int?r?t national ou l'amour de la patrie, et tout ? fait ind?pendant des relations civiles, vint animer chaque citoyen et des ?tats tout entiers. Cet int?r?t pouvait unir ensemble plusieurs ?tats, et m?me les plus ?loign?s, tandis qu'il ?tait possible que ce lien manqu?t ? des sujets d'un m?me souverain. Le calviniste fran?ais eut avec le r?form? g?nevois, anglais, allemand, hollandais, un point de contact, qu'il n'avait pas avec ses concitoyens catholiques. Il cessait donc, en un point essentiel, d'?tre citoyen d'un seul ?tat, et de concentrer sur ce seul ?tat toute son attention et tout son int?r?t. Son cercle s'agrandit; il commence ? lire son sort futur dans celui de peuples ?trangers qui partagent sa croyance, et ? faire sa cause de la leur. Ce fut seulement alors que les princes purent se hasarder ? porter des affaires ?trang?res devant l'assembl?e de leurs ?tats; qu'ils purent esp?rer d'y trouver un accueil favorable et de prompts secours. Ces affaires ?trang?res sont devenues celles du pays, et l'on s'empresse de tendre aux fr?res en la foi une main secourable, qu'on e?t refus?e au simple voisin et plus encore au lointain ?tranger. L'habitant du Palatinat quitte maintenant ses foyers, pour combattre en faveur de son coreligionnaire fran?ais contre l'ennemi commun de leur croyance. Le sujet fran?ais prend les armes contre une patrie qui le maltraite et va r?pandre son sang pour la libert? de la Hollande. Maintenant on voit Suisses contre Suisses, Allemands contre Allemands, arm?s en guerre pour d?cider, sur les rives de la Loire et de la Seine, la succession au tr?ne de France. Le Danois franchit l'Eider et le Su?dois le Belt, afin de briser les cha?nes forg?es pour l'Allemagne.

Il est tr?s-difficile de dire ce que seraient devenues la r?formation et la libert? de l'Empire, si la redoutable maison d'Autriche n'avait pris parti contre elles; mais ce qui para?t d?montr?, c'est que rien n'a plus arr?t? les princes autrichiens dans leurs progr?s vers la monarchie universelle que la guerre opini?tre qu'ils firent aux nouvelles opinions. Dans aucune autre circonstance, il n'e?t ?t? possible aux princes moins puissants de contraindre leurs sujets aux sacrifices extraordinaires ? l'aide desquels ils r?sist?rent au pouvoir de l'Autriche; dans aucune autre circonstance, les divers ?tats n'auraient pu se r?unir contre l'ennemi commun.

Jamais l'Autriche n'avait ?t? plus puissante qu'apr?s la victoire de Charles-Quint ? M?hlberg, o? il avait triomph? des Allemands. La libert? de l'Allemagne semblait an?antie ? jamais avec la ligue de Smalkalde: mais on la vit rena?tre avec Maurice de Saxe, nagu?re son plus dangereux ennemi. Tous les fruits de la victoire de M?hlberg p?rirent au congr?s de Passau et ? la di?te d'Augsbourg, et tous les pr?paratifs de l'oppression temporelle et spirituelle aboutirent ? des concessions et ? la paix.

A la di?te d'Augsbourg, l'Allemagne se divisa en deux religions et en deux partis politiques: elle ne se divisa qu'alors, parce qu'alors seulement la s?paration devint l?gale. Jusque-l?, on avait consid?r? les protestants comme des rebelles: on r?solut alors de les traiter comme des fr?res, non qu'on les reconn?t pour tels, mais parce qu'on y ?tait forc?. La confession d'Augsbourg osa se placer d?s lors ? c?t? de la foi catholique, mais seulement comme une voisine tol?r?e, avec des droits provisoires de soeur. Tout membre s?culier de l'Empire eut le droit de d?clarer unique et dominante, sur son territoire, la religion qu'il professait, et d'interdire le libre exercice du culte ? la communion rivale; il fut permis ? tout sujet de quitter le pays o? sa religion ?tait opprim?e. Alors, pour la premi?re fois, la doctrine de Luther eut donc pour elle une sanction positive: si elle rampait dans la poussi?re en Bavi?re et en Autriche, elle avait la consolation de tr?ner en Saxe et en Thuringe. Toutefois, au souverain seul ?tait r?serv? le droit de d?cider quelle religion serait profess?e ou proscrite dans ses provinces; quant aux sujets, qui n'avaient point de repr?sentants ? la di?te, le trait? ne s'occupa gu?re de leurs int?r?ts. Seulement, dans les principaut?s eccl?siastiques, o? la religion catholique resta irr?vocablement dominante, le libre exercice du culte fut stipul? en faveur des sujets protestants qui l'?taient avant cette ?poque, et encore sous la seule garantie personnelle de Ferdinand, roi des Romains, qui avait m?nag? cette paix: garantie contre laquelle avait protest? la partie catholique de l'Empire, et qui, ins?r?e dans le trait? de paix avec cette protestation, ne re?ut point force de loi.

Au reste, si les opinions avaient seules divis? les esprits, avec quelle indiff?rence n'aurait-on pas consid?r? cette division! Mais ? ces opinions ?taient attach?s des richesses, des dignit?s, des droits: circonstance qui rendit la s?paration infiniment plus difficile. De deux fr?res qui avaient joui jusqu'alors en commun de leur patrimoine, l'un abandonnait la maison paternelle; de l? r?sultait la n?cessit? de partager avec celui qui restait. Le p?re, n'ayant pu pressentir cette s?paration, n'avait rien d?cid? pour ce cas. Pendant dix si?cles, les b?n?fices fond?s par les anc?tres avaient form? successivement la richesse de l'?glise, et ces anc?tres appartenaient aussi bien ? celui qui partait qu'? son fr?re qui demeurait. Or, le droit de succession ?tait-il attach? uniquement ? la maison paternelle, ou tenait-il au sang? Les donations avaient ?t? faites ? l'?glise catholique, parce qu'alors il n'en existait point encore d'autre; au fr?re a?n?, parce qu'alors il ?tait fils unique. Le droit d'a?nesse serait-il appliqu? dans l'?glise, comme dans les familles nobles? De quelle valeur ?tait la pr?f?rence accord?e ? une partie, quand l'autre ne pouvait pas encore lui ?tre oppos?e? Les luth?riens pouvaient-ils ?tre exclus de la jouissance de ces biens, que pourtant leurs anc?tres avaient contribu? ? fonder, et en ?tre exclus pour ce seul motif qu'? l'?poque de la fondation on ne connaissait pas encore cette division en luth?riens et en catholiques? Les deux partis ont d?battu et d?battent encore cette question avec des arguments sp?cieux; mais il serait aussi difficile ? l'un qu'? l'autre de prouver son droit. Le droit n'a de d?cisions que pour les cas supposables, et peut-?tre les fondations eccl?siastiques ne sont-elles pas de ce nombre, du moins lorsqu'on ?tend les volont?s des fondateurs ? des propositions dogmatiques. Comment supposer une donation ?ternelle faite ? une opinion variable?

C'est ainsi que les choses se pass?rent pour la libert? religieuse et les biens eccl?siastiques; il n'en fut pas autrement des droits et des dignit?s. Le syst?me de l'Empire germanique ?tait calcul? pour une seule ?glise, parce qu'il n'en existait qu'une dans le temps o? ce syst?me prit naissance. L'?glise s'est partag?e, la religion divise la di?te en deux partis: et l'on voudrait cependant que le syst?me entier de l'Empire en suivit un seul exclusivement? Autrefois, tous les empereurs furent des fils de l'?glise romaine, parce qu'elle ?tait sans rivale en Allemagne; mais ?tait-ce le rapport avec Rome qui constituait l'empereur des Allemands, et n'?tait-ce pas plut?t l'Allemagne qui se repr?sentait dans son empereur? A l'ensemble du corps germanique appartient aussi la partie protestante: comment sera-t-elle repr?sent?e dans une suite non interrompue d'empereurs catholiques? Les membres de la di?te se jugent eux-m?mes dans le tribunal supr?me de l'Empire, parce que ce sont eux qui nomment les juges. Qu'ils soient eux-m?mes leurs juges, qu'il y ait une justice ?gale pour tous, c'est le but de l'institution: ce but peut-il ?tre atteint, si les deux religions ne si?gent pas dans le tribunal? Si, ? l'?poque de la fondation, une seule croyance r?gnait encore en Allemagne, ce fut un hasard; mais qu'aucun membre ne p?t en opprimer un autre juridiquement, c'?tait l'objet essentiel de l'institution. Cet objet est manqu?, si un des partis religieux est en possession exclusive de juger l'autre: or l'objet doit-il ?tre sacrifi?, par suite d'un changement accidentel? Les protestants ont fini, ? grand'peine, par conqu?rir pour leur religion le droit de s?ance dans la chambre imp?riale, mais sans arriver encore ? l'enti?re ?galit? des voix. Quant ? la couronne d'empereur, aucun prince protestant ne s'y est ?lev? jusqu'? ce jour.

Quoi qu'on puisse dire de l'?galit? que la paix religieuse d'Augsbourg introduisait entre les deux ?glises, il est incontestable que l'?glise catholique en sortit victorieuse. Tout ce qu'obtint la luth?rienne, ce fut la tol?rance; tout ce que l'?glise catholique c?da, elle le sacrifia ? la n?cessit? et non ? la justice. Ce n'?tait toujours pas une paix entre deux puissances jug?es ?gales; c'?tait un simple compromis entre le souverain et un rebelle qu'il n'avait pu vaincre. Tous les proc?d?s de l'?glise catholique envers les protestants semblent avoir d?coul? de ce principe et en d?couler encore. C'?tait toujours un crime de passer dans l'?glise protestante, puisque la d?fection ?tait punie d'un dommage aussi grave que celui dont la r?serve menace les princes eccl?siastiques apostats. Dans la suite encore, l'?glise catholique pr?f?ra s'exposer ? tout perdre par la force, plut?t que de c?der volontairement et en droit le moindre avantage. On pouvait garder l'espoir de reprendre ce que la violence aurait enlev?, et ce n'?tait jamais qu'une perte accidentelle; mais une pr?tention abandonn?e, un droit conc?d? aux protestants, ?branlaient les fondements de l'?glise catholique. Dans le trait? m?me de la paix de religion, on ne perdit point de vue ce principe. Ce qu'on abandonna, dans cet accord, aux ?vang?liques, ne fut pas c?d? sans r?serve: il fut express?ment d?clar? que toutes les clauses ne seraient valables que jusqu'au prochain concile g?n?ral, qui s'occuperait des moyens de r?unir les deux ?glises. Alors seulement, si cette derni?re tentative ?chouait, la paix de religion serait d'une validit? absolue. Si faible que f?t l'esp?rance d'une r?union, si peu s?rieuse que f?t peut-?tre ? cet ?gard l'intention des catholiques eux-m?mes, on n'en avait pas moins gagn? de restreindre le trait? par cette condition.

Ainsi cette paix de religion, qui devait ?teindre pour toujours le feu de la guerre civile, ne fut au fond qu'un exp?dient temporaire, un ouvrage de la n?cessit? et de la force; elle ne fut point dict?e par la loi de l'?quit?; elle ne fut point le fruit d'id?es ?pur?es sur la religion et la libert? de religion. Une paix qui e?t eu ce caract?re, les catholiques ne pouvaient la donner, et, si l'on veut ?tre de bonne foi, les ?vang?liques ne pouvaient encore s'en accommoder. Bien loin de se montrer toujours absolument ?quitables envers les catholiques, ils opprimaient, quand cela ?tait en leur pouvoir, les calvinistes, qui, il est vrai, n'?taient pas plus dignes de la tol?rance, dans la meilleure acception du mot, vu qu'ils ?taient eux-m?mes tout aussi ?loign?s de la pratiquer. Pour une paix de religion de ce genre, l'?poque n'?tait pas m?re, et il y avait encore trop de confusion dans les esprits. Comment une partie pouvait-elle demander ? l'autre ce qu'elle ?tait elle-m?me incapable d'accorder? Ce que chaque parti religieux sauva ou gagna dans le trait? d'Augsbourg, il le dut ? l'?tat accidentel de puissance o? il se trouvait l'un par rapport ? l'autre, lorsqu'on arr?ta les bases de cette paix. Mais ce que la force avait gagn?, la force dut le maintenir: il fallait donc que le rapport de puissance subsist?t ? l'avenir, sous peine de voir le trait? perdre sa force. On avait trac?, l'?p?e ? la main, les limites des deux ?glises; il fallait les garder avec l'?p?e, ou sinon, malheur au parti qui d?sarmerait le premier! perspective incertaine, effrayante pour le repos de l'Allemagne, et qui d?j? le mena?ait du sein m?me de la paix.

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