|
Read Ebook: Ariadne by Gr Ville Henry
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next Page Prev PageEbook has 68 lines and 11757 words, and 2 pagesAinsi cette paix de religion, qui devait ?teindre pour toujours le feu de la guerre civile, ne fut au fond qu'un exp?dient temporaire, un ouvrage de la n?cessit? et de la force; elle ne fut point dict?e par la loi de l'?quit?; elle ne fut point le fruit d'id?es ?pur?es sur la religion et la libert? de religion. Une paix qui e?t eu ce caract?re, les catholiques ne pouvaient la donner, et, si l'on veut ?tre de bonne foi, les ?vang?liques ne pouvaient encore s'en accommoder. Bien loin de se montrer toujours absolument ?quitables envers les catholiques, ils opprimaient, quand cela ?tait en leur pouvoir, les calvinistes, qui, il est vrai, n'?taient pas plus dignes de la tol?rance, dans la meilleure acception du mot, vu qu'ils ?taient eux-m?mes tout aussi ?loign?s de la pratiquer. Pour une paix de religion de ce genre, l'?poque n'?tait pas m?re, et il y avait encore trop de confusion dans les esprits. Comment une partie pouvait-elle demander ? l'autre ce qu'elle ?tait elle-m?me incapable d'accorder? Ce que chaque parti religieux sauva ou gagna dans le trait? d'Augsbourg, il le dut ? l'?tat accidentel de puissance o? il se trouvait l'un par rapport ? l'autre, lorsqu'on arr?ta les bases de cette paix. Mais ce que la force avait gagn?, la force dut le maintenir: il fallait donc que le rapport de puissance subsist?t ? l'avenir, sous peine de voir le trait? perdre sa force. On avait trac?, l'?p?e ? la main, les limites des deux ?glises; il fallait les garder avec l'?p?e, ou sinon, malheur au parti qui d?sarmerait le premier! perspective incertaine, effrayante pour le repos de l'Allemagne, et qui d?j? le mena?ait du sein m?me de la paix. L'Empire jouit alors d'une tranquillit? momentan?e: le lien d'une concorde passag?re semblait r?unir de nouveau en un seul corps ses membres divis?s, en sorte que le sentiment du bien commun se r?veilla m?me pour un temps. Mais la s?paration avait atteint l'Empire au coeur; r?tablir la premi?re harmonie ?tait chose d?sormais impossible. Si exactement que le trait? de paix par?t avoir d?termin? les droits des deux parties, il n'en fut pas moins l'objet d'interpr?tations diverses. Il avait impos? un armistice aux combattants dans la plus grande chaleur de la lutte; il avait couvert le feu, il ne l'avait pas ?teint, et, des deux c?t?s, il restait des pr?tentions non satisfaites. Les catholiques croyaient avoir trop perdu, les ?vang?liques n'avoir pas assez gagn?; les uns et les autres se d?dommageaient en interpr?tant, selon leurs vues, la paix, qu'ils n'osaient pas enfreindre encore. Le puissant motif qui avait port? tant de princes protestants ? embrasser avec un tel empressement la doctrine de Luther, je veux dire la prise de possession des biens eccl?siastiques, ne fut pas moins efficace apr?s la conclusion de la paix qu'avant, et tous les b?n?fices m?diats, qui n'?taient pas encore dans leurs mains, y pass?rent bient?t. Toute la basse Allemagne fut, en peu de temps, s?cularis?e, et, s'il en fut autrement dans la haute, cela tint ? la vive r?sistance des catholiques, qui y avaient la sup?riorit?. Quand un parti se sentait le plus fort, il molestait ou opprimait l'autre; les princes eccl?siastiques surtout, ?tant, de tous les membres de l'Empire, les plus d?pourvus de moyens de d?fense, furent sans cesse inqui?t?s par le d?sir d'agrandissement de leurs voisins non catholiques. Quiconque se sentait incapable de repousser la force par la force se r?fugiait sous les ailes de la justice, et les plaintes en spoliations, contre les membres protestants de la di?te, s'accumul?rent devant le tribunal de l'Empire, assez dispos? ? poursuivre les accus?s par ses sentences, mais trop peu soutenu pour les faire ex?cuter. La paix, qui accordait aux princes l'enti?re libert? de religion, avait aussi pourvu, en quelque mani?re, aux int?r?ts du sujet, en stipulant pour lui le droit de quitter en toute s?curit? le pays o? son culte serait opprim?. Mais la lettre morte du trait? de paix ne pouvait le prot?ger contre les violences qu'un souverain peut se permettre envers un sujet d?test?; contre les pers?cutions inou?es par lesquelles il peut entraver son ?migration; contre les pi?ges, adroitement tendus, dans lesquels l'artifice, joint ? la force, peut enlacer les esprits. Le sujet catholique de princes protestants se plaignait hautement de la violation de la paix religieuse; l'?vang?lique, plus hautement encore, des pers?cutions que lui faisait subir son souverain catholique. L'animosit? des th?ologiens et leur humeur querelleuse envenimaient des incidents insignifiants par eux-m?mes et enflammaient les esprits: heureux encore si cette rage th?ologique s'?tait ?puis?e sur l'ennemi commun, sans r?pandre son venin sur les alli?s de sa propre croyance! L'union des protestants entre eux serait ? la fin parvenue ? maintenir l'?quilibre entre les deux partis oppos?s et ? prolonger ainsi la paix; mais, pour mettre le comble ? la confusion, cette union cessa bient?t. La doctrine que Zwingle avait r?pandue ? Zurich et Calvin ? Gen?ve ne tarda pas ? s'?tablir aussi en Allemagne et ? diviser les protestants, au point qu'ils ne se reconnaissaient presque plus entre eux qu'? leur commune haine contre la papaut?. Les protestants de cette ?poque ne ressemblaient plus ? ceux qui avaient pr?sent?, cinquante ann?es auparavant, leur confession de foi ? Augsbourg; et la raison de ce changement, c'est dans cette confession m?me qu'il faut la chercher. Par elle, une limite positive fut trac?e ? la croyance luth?rienne, avant que l'esprit d'examen, qui s'?tait ?veill?, acquies??t ? cette limite, et les protestants sacrifi?rent aveugl?ment une partie de ce qu'ils avaient gagn? ? se s?parer de Rome. Ils trouvaient d?j? un point de r?union suffisant dans les griefs que tous les protestants ?levaient ?galement contre la hi?rarchie romaine et les abus de l'?glise, dans leur commune improbation des dogmes catholiques; cependant, ils cherch?rent ce point de r?union dans un nouveau syst?me de croyance positive, o? ils plac?rent le signe distinctif de leur ?glise, son caract?re essentiel et sa pr??minence, et auquel ils rattach?rent le trait? qu'ils conclurent avec les catholiques. C'est simplement comme adh?rents ? la confession de foi qu'ils conclurent la paix de religion: ce titre seul donnait part aux avantages de cette paix; aussi, quel que f?t le r?sultat, ces adh?rents devaient bient?t se trouver dans une f?cheuse position. Une barri?re permanente ?tait oppos?e ? l'esprit d'examen, si les prescriptions de la confession de foi obtenaient une aveugle soumission; mais le point de r?union ?tait perdu, si l'on se divisait au sujet du formulaire adopt?. Malheureusement ce double effet se produisit, et les cons?quences funestes de l'un et de l'autre se manifest?rent. L'un des partis s'attacha fermement ? la premi?re confession, et, si les calvinistes s'en ?loign?rent, ce fut uniquement pour s'enfermer, d'une mani?re semblable, dans un nouveau syst?me de doctrine. Les protestants ne pouvaient donner ? leur ennemi commun de plus sp?cieux pr?texte que cette division intestine, ni de spectacle plus agr?able que celui de l'animosit? avec laquelle ils se poursuivaient les uns les autres. Qui pouvait maintenant faire un crime aux catholiques de trouver ridicule l'arrogance avec laquelle les r?formateurs avaient pr?tendu annoncer le seul vrai syst?me de religion? qui pouvait les bl?mer d'emprunter aux protestants eux-m?mes des armes contre les protestants? et, en pr?sence de ces opinions contradictoires, de s'attacher ? l'autorit? de leur croyance, qui, en partie, avait du moins pour elle une antiquit? respectable et une majorit? de suffrages plus respectable encore? Mais les protestants furent jet?s par leur division dans des embarras plus s?rieux encore. La paix de religion ne concernait que les adh?rents ? la confession de foi, et les catholiques les press?rent de d?clarer qui ils entendaient reconna?tre pour leurs coreligionnaires. Les ?vang?liques ne pouvaient, sans charger leur conscience, admettre dans leur union les r?form?s; ils ne pouvaient les exclure sans convertir d'utiles amis en dangereux ennemis. Cette d?plorable s?paration ouvrit ainsi la voie aux machinations des j?suites, pour semer la d?fiance entre les deux partis et d?truire l'accord de leurs mesures. Encha?n?s par la double crainte des catholiques et des adversaires qu'ils avaient dans leur propre secte, les protestants n?glig?rent le moment unique de conqu?rir ? leur ?glise un droit absolument ?gal ? celui de l'?glise romaine. Ils eussent ?chapp? ? tous ces embarras, la s?paration des r?form?s e?t ?t? sans pr?judice pour la cause commune, si l'on avait cherch? le point de r?union uniquement dans ce qui ?loignait de l'?glise romaine, et non dans des confessions d'Augsbourg ou des formulaires de concorde. Si divis? que l'on f?t sur tout le reste, on sentait unanimement qu'une s?ret? qu'on n'avait due qu'? l'?galit? des forces ne pouvait ?tre maintenue que par cette ?galit?. Les r?formes continuelles d'un parti, les efforts contraires de l'autre, entretenaient des deux c?t?s la vigilance, et la teneur du trait? de paix ?tait le sujet de contestations ?ternelles. Chaque d?marche d'un parti semblait n?cessairement ? l'autre tendre ? violer la paix; ce qu'on se permettait ? soi-m?me n'avait pour objet que de la maintenir. Tous les mouvements des catholiques n'avaient pas un but offensif, comme le leur reprochaient leurs adversaires; de leurs actes, plus d'un leur ?tait impos? par la n?cessit? de se d?fendre. L'autre parti avait fait voir, d'une mani?re non ?quivoque, ? quoi devaient s'attendre les catholiques si malheureusement ils avaient le dessous. L'avidit? de la secte protestante pour les biens de l'?glise ne leur laissait esp?rer aucun m?nagement, sa haine, aucune g?n?rosit?, aucune tol?rance. Mais les protestants ?taient excusables aussi de montrer peu de confiance en la loyaut? des catholiques. Les traitements perfides et barbares qu'on se permettait en Espagne, en France et dans les Pays-Bas envers leurs coreligionnaires; le honteux subterfuge de certains princes catholiques, qui se faisaient d?lier par le chef de l'?glise des serments les plus sacr?s; l'abominable maxime, qu'on n'?tait pas tenu de garder sa foi et sa parole aux h?r?tiques, avaient d?shonor? l'?glise romaine aux yeux de tous les gens de bien. Point de promesse dans la bouche d'un catholique, point de serment si redoutable, qui p?t rassurer le protestant. Comment se serait-il repos? sur la paix de religion, que les j?suites pr?sentaient dans toute l'Allemagne comme une transaction provisoire, et que Rome avait m?me solennellement rejet?e? Cependant le concile g?n?ral, auquel on s'?tait r?f?r? dans le trait? de paix, s'?tait tenu dans la ville de Trente, mais, comme on l'avait pr?vu, sans pouvoir r?concilier les deux partis qui se combattaient, sans leur avoir fait faire un seul pas vers cette r?conciliation, enfin sans que les protestants y eussent seulement envoy? des d?put?s. Ils ?taient d?sormais solennellement condamn?s par l'?glise, dont le concile se d?clarait le repr?sentant. Pouvaient-ils trouver une garantie suffisante contre l'anath?me dans un trait? profane, et, de plus, impos? par la force des armes, un trait? appuy? sur une condition qui semblait mise ? n?ant par le d?cret du concile? L'apparence du droit ne manquait donc plus aux catholiques, s'ils se sentaient d'ailleurs assez forts pour enfreindre la paix de religion, et les protestants n'?taient plus prot?g?s que par le respect qu'inspirerait leur propre force. D'autres causes s'ajout?rent ? celles-l?, pour augmenter la d?fiance. L'Espagne, sur qui s'appuyait l'Allemagne catholique, faisait alors aux Pays-Bas une violente guerre, qui avait amen? aux fronti?res de l'Allemagne l'?lite des forces espagnoles. Comme elles seraient bien vite au coeur de l'Empire, si un coup d?cisif les y rendait n?cessaires! L'Allemagne ?tait alors comme une place de recrutement pour presque toutes les puissances europ?ennes. La guerre de religion y avait amass? des soldats que la paix laissait sans pain. Il ?tait facile, ? tant de princes, ind?pendants les uns des autres, de r?unir des troupes, qu'ils louaient ensuite ? des puissances ?trang?res, soit par l'app?t du gain, soit par esprit de parti. Philippe II attaqua les Pays-Bas avec des troupes allemandes, et ils se d?fendirent avec des troupes allemandes. En Allemagne, des lev?es de ce genre alarmaient toujours un des deux partis: elles pouvaient tendre ? son oppression. Un envoy? qui parcourait le pays, un l?gat extraordinaire du pape, une conf?rence de princes, enfin toute nouveaut?, ?tait n?cessairement une menace pour les uns ou pour les autres. Ainsi v?cut l'Allemagne pendant un demi-si?cle, toujours la main sur l'?p?e: le moindre bruit de feuille effrayait. Ferdinand Ier, roi de Hongrie, et son excellent fils, Maximilien II, tinrent, durant cette ?poque difficile, les r?nes de l'Empire. Avec un coeur plein de droiture, avec une patience vraiment h?ro?que, Ferdinand avait m?nag? la paix d'Augsbourg et prodigu? inutilement sa peine pour r?unir les deux ?glises dans le concile de Trente. Abandonn? par son neveu, Philippe d'Espagne, press? ? la fois en Hongrie et en Transylvanie par les armes victorieuses des Turcs, comment cet empereur aurait-il pu songer ? violer la paix de religion et ? d?truire lui-m?me son laborieux ouvrage? Les faibles ressources de ses domaines ?puis?s ne pouvaient suffire aux frais consid?rables de cette guerre des Turcs, toujours renaissante: il fallait recourir ? l'assistance de l'Empire, dont la paix de religion tenait seule encore r?unis en un m?me corps les membres divis?s. L'?tat des finances de Ferdinand lui rendait les protestants aussi n?cessaires que les catholiques, et lui imposait, par cons?quent, l'obligation de traiter les uns et les autres avec une ?gale justice: au milieu de leurs pr?tentions si contraires, c'?tait un v?ritable travail de g?ant. Aussi le succ?s fut loin de r?pondre ? ses voeux; et sa condescendance envers les protestants ne servit qu'? r?server pour ses petits-fils la guerre, qui n'affligea pas ses derniers regards. La fortune ne fut pas beaucoup plus favorable ? son fils Maximilien, que la contrainte des circonstances et sa vie trop courte emp?ch?rent seules peut-?tre d'?lever la nouvelle religion sur le tr?ne imp?rial. La n?cessit? avait appris au p?re ? m?nager les protestants; la n?cessit? et la justice dict?rent au fils la m?me conduite. Il en co?ta cher au petit-fils de n'avoir ni ?cout? la justice ni c?d? ? la n?cessit?. Maximilien laissa six enfants m?les: l'a?n?, l'archiduc Rodolphe, h?rita seul de ses ?tats et monta sur le tr?ne imp?rial; ses fr?res ne re?urent que de faibles apanages. Une ligne collat?rale, continu?e par leur oncle, Charles de Styrie, poss?dait quelques annexes de territoires, qui furent r?unies ? la succession d?s le r?gne de Ferdinand II, son fils. Ainsi, ces pays except?s, la vaste puissance de la maison d'Autriche se trouvait maintenant r?unie tout enti?re dans une seule main; mais malheureusement cette main ?tait faible. Ce fut le mauvais g?nie de l'Allemagne qui lui donna pour chef un Rodolphe, ? cette ?poque difficile, o? une souple prudence et un bras puissant pouvaient seuls conserver la paix de l'Empire. En un temps plus tranquille, la Conf?d?ration germanique se serait elle-m?me tir?e d'affaire, et Rodolphe, comme tant d'autres de son rang, aurait cach? sa faiblesse dans une obscurit? myst?rieuse. Le besoin pressant des vertus qui lui manquaient fit para?tre au grand jour son incapacit?. La situation de l'Allemagne demandait un empereur qui p?t donner par ses propres forces du poids ? ses r?solutions, et les ?tats h?r?ditaires de Rodolphe, quelque consid?rables qu'ils fussent, se trouvaient dans une situation qui pla?ait leur souverain dans un extr?me embarras. Les princes autrichiens ?taient, ? la v?rit?, catholiques, et de plus les soutiens de la papaut?; mais il s'en fallait beaucoup que leurs ?tats fussent catholiques comme eux. Les nouvelles opinions y avaient aussi p?n?tr?; favoris?es par les embarras de Ferdinand et la bont? de Maximilien, elles s'y ?taient r?pandues avec un rapide succ?s. Les domaines autrichiens pr?sentaient en petit le m?me spectacle que l'Allemagne en grand. La plupart des seigneurs et des chevaliers ?taient ?vang?liques, et dans les villes les protestants avaient acquis une grande pr?pond?rance. Lorsqu'ils eurent r?ussi ? faire si?ger dans les ?tats des provinces quelques-uns des leurs, peu ? peu les protestants occup?rent, l'une apr?s l'autre, les charges provinciales, remplirent les conseils et supplant?rent les catholiques. Contre l'ordre nombreux des seigneurs et des chevaliers et les d?put?s des villes, que pouvait faire la voix de quelques pr?lats, que des railleries grossi?res et un m?pris insultant finirent m?me par chasser enti?rement de la di?te? L'assembl?e des ?tats d'Autriche devint ainsi insensiblement toute protestante, et, d?s lors, la r?forme fit des pas rapides vers une existence publique. Le prince d?pendait des ?tats, parce que c'?taient eux qui refusaient ou consentaient les imp?ts. Ils profit?rent de la g?ne financi?re de Ferdinand et de son fils, pour arracher ? ces princes une libert? religieuse apr?s l'autre. Enfin Maximilien accorda ? l'ordre des seigneurs et des chevaliers le libre exercice de leur culte, mais seulement sur leur propre territoire et dans leurs ch?teaux. Le z?le indiscret des pr?dicateurs ?vang?liques franchit ces bornes fix?es par la sagesse. Au m?pris de la d?fense formelle, plusieurs se firent entendre publiquement dans les villes de province et m?me ? Vienne, et le peuple courait en foule ? ce nouvel ?vangile, dont le meilleur assaisonnement ?tait les allusions et les invectives. Ce fut pour le fanatisme un aliment toujours nouveau, et l'aiguillon de ce z?le impur envenima la haine des deux ?glises, si voisines l'une de l'autre. Parmi les ?tats h?r?ditaires de l'Autriche, il n'en ?tait pas de moins s?rs et de plus difficiles ? d?fendre que la Hongrie et la Transylvanie. L'impossibilit? de prot?ger ces deux pays contre la puissance voisine et sup?rieure des Turcs avait d?j? amen? Ferdinand ? la d?termination humiliante de reconna?tre, par un tribut annuel, la suzerainet? de la Porte sur la Transylvanie: funeste aveu d'impuissance, et encore plus dangereuse amorce pour une inqui?te noblesse, lorsqu'elle croirait avoir ? se plaindre de son souverain. Les Hongrois ne s'?taient pas soumis sans r?serve ? la maison d'Autriche. Ils maintenaient la libert? d'?lire leur roi, et ils r?clamaient fi?rement tous les droits constitutionnels ins?parables de cette libert?. Le proche voisinage de l'empire turc et la facilit? de changer de ma?tre impun?ment fortifiaient encore les magnats dans leur insolence. M?contents de l'Autriche, ils se jetaient dans les bras des Ottomans; peu satisfaits de ceux-ci, ils revenaient ? la souverainet? allemande. Leur passage fr?quent et rapide d'une domination ? une autre avait influ? sur leur caract?re: de m?me que leur pays flottait entre les deux souverainet?s allemande et ottomane, leur esprit balan?ait incertain entre la r?volte et la soumission. Plus ces deux pays souffraient de se voir abaiss?s ? l'?tat de provinces d'une monarchie ?trang?re, plus ils aspiraient invinciblement ? ob?ir ? un chef choisi parmi eux: aussi n'?tait-il pas difficile ? un noble entreprenant d'obtenir leur hommage. Le pacha turc le plus voisin s'empressait d'offrir le sceptre et la couronne ? un seigneur r?volt? contre l'Autriche; un autre avait-il enlev? quelques provinces ? la Porte, l'Autriche lui en assurait la possession avec le m?me empressement, heureuse de conserver par l? une ombre de souverainet? et d'avoir gagn? un rempart contre les Turcs. Plusieurs de ces magnats, Bathori, Boschkai, Ragoczy, Bethlen, s'?lev?rent ainsi successivement, en Hongrie et en Transylvanie, comme rois tributaires, et ils se maintinrent sans autre politique que de s'attacher ? l'ennemi, pour se rendre plus redoutables ? leur ma?tre. Ferdinand, Maximilien et Rodolphe, tous trois souverains de Transylvanie et de Hongrie, ?puis?rent leurs autres ?tats pour d?fendre ces deux pays contre les invasions des Turcs et les r?voltes int?rieures. A des guerres d?sastreuses succ?daient sur ce sol de courtes tr?ves, qui n'?taient gu?re moins funestes. La contr?e ?tait au loin d?vast?e dans toutes les directions, et le sujet maltrait? se plaignait ?galement de son ennemi et de son protecteur. Dans ces provinces aussi, la r?forme avait p?n?tr?, et, ? l'abri de leur libert? d'?tats, ? la faveur du tumulte, elle avait fait de sensibles progr?s. On l'attaqua alors aussi imprudemment, et l'exaltation religieuse rendit l'esprit de faction plus redoutable. La noblesse de Transylvanie et de Hongrie, conduite par un rebelle audacieux, nomm? Boschkai, l?ve l'?tendard de la r?volte. Les insurg?s hongrois sont sur le point de faire cause commune avec les protestants m?contents d'Autriche, de Moravie et de Boh?me, et d'entra?ner tous ces pays dans un m?me et formidable soul?vement. D?s lors, la ruine de la religion romaine y devenait in?vitable. Ses repr?sentations redoubl?es ? l'empereur ?tant demeur?es sans effet, il appela ? Presbourg les archiducs, ses fr?res et ses cousins, et d?lib?ra avec eux sur le danger croissant de leur maison. Ses fr?res sont unanimes pour lui remettre, comme ? l'a?n?, la d?fense de leur h?ritage, que laissait p?rir un fr?re imb?cile. Ils d?posent dans les mains de cet a?n? tout leur pouvoir et tous leurs droits, et l'investissent de la pleine autorit? d'agir selon ses vues pour le bien commun. Matthias ouvre aussit?t des n?gociations avec la Porte et les rebelles hongrois. Il est assez habile pour sauver le reste de la Hongrie, au moyen d'une paix avec les Turcs, et les pr?tentions de l'Autriche sur les provinces perdues, par un trait? avec les rebelles. Mais Rodolphe, aussi jaloux de sa puissance souveraine que n?gligent pour la soutenir, refuse de ratifier cette paix, qu'il regarde comme une atteinte coupable ? sa supr?matie. Il accuse l'archiduc d'intelligence avec l'ennemi et de projets criminels sur la couronne de Hongrie. L'activit? de Matthias n'?tait rien moins qu'exempte de vues int?ress?es, mais la conduite de l'empereur h?ta l'ex?cution de ces vues. La reconnaissance lui assurait l'attachement des Hongrois, auxquels il venait de donner la paix; ses n?gociateurs lui promettaient le d?vouement de la noblesse; en Autriche m?me, il pouvait compter sur un nombreux parti: il ose donc d?clarer plus ouvertement ses desseins et contester, les armes ? la main, avec l'empereur. Les protestants d'Autriche et de Moravie, pr?par?s de longue main ? la r?volte et gagn?s maintenant par l'archiduc, qui leur promet la libert? de conscience, prennent hautement et publiquement son parti, et effectuent leur r?union, depuis longtemps redout?e, avec les rebelles hongrois. Une formidable conjuration s'est form?e tout ? coup contre l'empereur. Il se r?sout trop tard ? r?parer la faute commise; en vain il essaye de dissoudre cette ligue funeste. D?j? tout le monde est en armes; la Hongrie, l'Autriche et la Moravie ont rendu hommage ? Matthias, qui marche d?j? sur la Boh?me, o? il va chercher l'empereur dans son ch?teau et trancher le nerf de sa puissance. Au fond, ils n'avaient plus de commun que le nom avec les anciens utraquistes; ils ?taient, en r?alit?, de vrais protestants. Pleins de confiance dans la force de leur parti et la tol?rance de l'empereur, ils os?rent, sous le Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page |
Terms of Use Stock Market News! © gutenberg.org.in2025 All Rights reserved.