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Read Ebook: Capitals of the Northlands: Tales of Ten Cities by Hannah Ian C Hannah Edith B Illustrator
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next Page Prev PageEbook has 764 lines and 64780 words, and 16 pagesCes pieuses cruaut?s ont ?t? exerc?es par les hommes, tant?t sur eux-m?mes, tant?t sur des animaux, tant?t sur les ?tres de leur propre esp?ce. Tout le monde conna?t les ?tonnantes barbaries que les idol?tres et les payens, tant anciens que modernes, ont exerc?es sur eux-m?mes; le lecteur, pour peu qu'il soit instruit, ne peut manquer de s'en rappeler des exemples frappans, mais comme dans un autre ouvrage je me suis ?tendu sur ce sujet, je ne rapporterai ici que quelques traits, afin de passer ? ceux que l'on rencontre parmi les chr?tiens. Il est vrai que les cruaut?s pratiqu?es par ces derniers ne paraissent pas au premier coup d'oeil si r?voltantes que celles des payens; on ne voit pas les chr?tiens se pr?cipiter, comme les Japonnais, tout vivans dans des ab?mes; on ne voit pas des g?n?raux chr?tiens se d?vouer ? une mort certaine en se jetant au milieu d'une arm?e ennemie; on ne voit point parmi nous des hommes se briser contre des rochers, ou comme les Indiens se faire ?craser sous les roues d'un chariot qui porte les dieux; cependant en regardant la chose de pr?s nous trouverons les pratiques des chr?tiens ? plusieurs ?gards plus pernicieuses que celles des payens m?mes et d?riv?es comme les leurs des notions atroces qu'ils se font de la divinit? qu'ils honorent: en effet, si ces chr?tiens ne s'imaginaient pas que leur Dieu est tr?s cruel, ils ne supposeraient pas qu'il peut approuver et encore moins commander les tourmens rigoureux qu'ils s'infligent ? eux-m?mes. Ind?pendamment des aust?rit?s pratiqu?es par un grand nombre de chr?tiens qui se sont fait un m?rite de vivre dans des d?serts, parmi des rochers inaccessibles, dans des cavernes, de se refuser les besoins de la vie, de se laisser mourir de faim, etc, combien ne voyons-nous pas de gens des deux sexes s'enfermer pour la vie dans des monast?res! Il est vrai que quelques-uns y vivent dans l'aisance; mais d'autres semblent s'?tre condamn?s ? une prison perp?tuelle, et se trouvent enti?rement priv?s des douceurs de la soci?t?. Ces pauvres reclus se soumettent ? des aust?rit?s p?nibles, ? une mal-propret? brutale; ils ne portent point de linge, ils gardent leurs habillemens jusqu'? devenir des objets d?go?tans les uns pour les autres; ils s'imposent des ch?timens s?v?res, ils se donnent fr?quemment la discipline; on les voit dans de certains pays se flageller publiquement dans les rues; en un mot, ils s'obligent par des sermens et des voeux ? ne jamais travailler ? leur bonheur. S. Athanase nous apprend, dans la vie de S. Antoine, l'un des premiers fondateurs du monachisme, que ce saint homme portait sur sa chair un cilice, ou une chemise de crin, par dessus laquelle il avait un habit de peau, qu'il porta toute sa vie. Il ajoute que jamais il ne se lavait les pieds, ? moins qu'en voyageant il ne v?nt par hasard ? les mouiller. Quelle religion que celle qui fait un m?rite de pareilles indignit?s! quelles id?es doivent avoir de Dieu des hommes qui s'imaginent qu'il faut ?tre malpropre pour lui plaire! La vie monastique et le c?libat forc? sont certainement tr?s pr?judiciables ? ceux qui les embrassent; ces institutions sont propres ? causer des maladies dangereuses et ? nuire ?galement ? l'esprit et au corps: elles sont tr?s nuisibles ? la soci?t?, pour qui elles rendent un grand nombre de ses membres totalement inutiles, en mettant des obstacles ? la population. Bien plus, c'est un outrage ? l'esp?ce humaine et ? la nature; et, ce qui est encore plus terrible, ces usages insens?s sont souvent cause que des m?res sont forc?es de d?truire leurs enfans, et que les moines se livrent ? des crimes contre nature. On compte qu'en France les pr?tres, les moines et les religieuses montent ? 500 mille, tandis que le nombre des habitans monte ? 24 millions. En y comptant 6 millions d'adult?res, on trouvera que parmi ceux-ci un sixi?me est vou? au c?libat. Il y a tout lieu de croire qu'en Italie, en Espagne et en Portugal le nombre de ceux ? qui le mariage est interdit, est encore proportionnellement plus grand qu'en France. Nous terminerons ces r?flexions en rapportant quelques exemples frappans des cruaut?s exerc?es contre eux-m?mes par des chr?tiens ?pris de l'id?e de se rendre agr?ables ? un Dieu dont la bont? est infinie. Cressy, dans son histoire de l'?glise, nous dit que S. Egwin se chargea d'une cha?ne de fer et fit dans cet ?quipage un p?lerinage ? Rome. Le m?me Th?odoret rapporte qu'un moine, appel? Baradatus, imagina pour son habitation une esp?ce de cage, form?e d'un treillage si peu serr? qu'il p?t demeurer expos? aux injures de l'air, et si basse qu'il ne pouvait pas s'y tenir debout, de mani?re qu'il ?tait oblig? de rester toujours courb?. Un autre moine, nomm? Thalalcus, qui ?tait d'une taille fort grande, s'enferma dans une autre cage si ?troite et si basse qu'il ?tait forc? d'avoir continuellement la t?te entre ses genoux; il avait ?t? dix ans dans cette posture lorsque Th?odoret le vit. Le m?me auteur nous dit que Saint Sim?on Stylite, tr?s-grand personnage, qui faisait des miracles sans nombre, qui gu?rissait les malades, qui procurait des enfans aux femmes st?riles, et qui avait converti des milliers de payens au christianisme, s'?tait accoutum? ? s'abstenir totalement de nourriture pendant quarante jours cons?cutifs, ? l'exemple d'?lie et de J?sus-Christ. Au tems o? Th?odoret ?crivait, il y avait d?j? vingt-huit ans qu'il observait ce jeune rigoureux chaque ann?e; durant les premiers jours il se tenait debout, et lorsque faute de nourriture il ne pouvait plus se soutenir sur ses jambes il s'asseyait, et ? la fin il ?tait forc? de se coucher, ?tant r?duit ? un ?puisement total: il se tenait sans cesse au haut d'une colonne, dont la circonf?rence ?tait ? peine de trois pieds, et apr?s avoir pass? bien des ann?es dans cette posture semblable ? une statue sur son pi?destal, il finit par monter sur une colonne de trente-six coud?es, sur laquelle il v?cut durant trente ans. Joignez ? tous ces exemples ceux que le m?me Th?odoret rapporte des solitaires et des moines d'Egypte et des pays voisins: les uns se nourrissaient de charognes, afin de n'?prouver aucun plaisir en mangeant; d'autres s'accoutumaient ? passer toute la nuit en pri?res; d'autres marchaient pieds nuds sur des ?pines, pour se rappeller les tourmens que J?sus-Christ avait soufferts de la part des cloux qui lui avaient perc? les pieds et les mains; d'autres enfin passaient des nuits enti?res les bras ?tendus pour imiter la posture de J?sus-Christ. Enfin de nos jours encore l'on rencontre dans les pays catholiques romains un grand nombre de couvens des deux sexes qui renferment de pieux fr?n?tiques, ing?nieux ? se tourmenter eux-m?mes, et qui font ? la divinit? l'outrage de penser qu'ils lui plaisent et qu'ils entrent dans ses vues en s'infligeant ? eux-m?mes des je?nes, des mac?rations, des supplices rigoureux; ce qui ne prouve rien, sinon que ces d?vots extravagans se sont fait des id?es atroces de la divinit? qu'ils adorent, et que d'un autre c?t? ils supposent remplie de bont?. Cruaut? des sacrifices sanglans. Des sacrifices humains. Nous venons de parler des cruaut?s que la pi?t? religieuse a d?termin? les hommes ? exercer contre eux-m?mes; examinons maintenant celles qu'ils ont exerc?es sur d'autres cr?atures et sur les ?tres de leur propre esp?ce. Les sacrifices sanglans ont fait de fort bonne heure et pendant tr?s long-tems partie du culte divin chez presque tous les peuples du monde; ils nous fournissent une preuve indubitable de la cruaut? des hommes; en effet c'est visiblement ? cette disposition f?cheuse que ces sacrifices expiatoires ont d? leur origine. Il est vrai qu'en voyant l'antiquit? et l'universalit? de cet usage r?pandu chez presque toutes les nations, quelques personnes se sont imagin? que c'?tait une preuve que ces sacrifices ?taient d'institution divine; cependant ceux qui sont de cette opinion devraient se souvenir que l'idol?trie a ?t? encore plus universellement re?ue que ces sacrifices, qu'elle n'est pas moins ancienne qu'eux, et qu'aucun chr?tien n'en conclura que l'idol?trie ait pu ?tre d'institution divine. Le fait est que les hommes ?tant cruels et superstitieux, et que leurs pr?tres ?tant toujours pr?ts ? tirer parti des vices, des faiblesses, des passions du genre humain, pour les faire tourner au profit du sacerdoce, il ne faut point chercher ailleurs que dans ces vices et dans la superstition, qui s'est montr?e sous des formes tr?s diverses dans les diff?rens pays, les causes auxquelles l'on peut attribuer l'universalit? de ces sacrifices. Comme les hommes sont commun?ment vindicatifs, cruels, alt?r?s de sang, ils ont imagin? que leurs dieux ?taient dans les m?mes dispositions. Il est difficile de d?cider si c'est l'extravagance ou la cruaut? qui l'ont emport? dans l'institution de ces pratiques absurdes et barbares: en effet quoi de plus insens? que d'imaginer qu'en ?gorgeant un tendre agneau on pouvait expier les crimes d'un homme m?chant! N'est-ce pas une cruaut? r?voltante que de r?pandre ainsi du sang sans aucune n?cessit?? Il para?t difficile de concilier ces passages des pseaumes et des proph?tes avec le l?vitique de Mo?se, c'est-?-dire Dieu lui-m?me para?t fort occup? des sacrifices du peuple d'Isra?l. Mais continuons d'examiner l'absurdit? et la barbarie de ces pratiques religieuses, et les cons?quences fatales qui en sont d?coul?es. Il est ?vident que l'usage de r?pandre le sang ? grands flots dans les sacrifices a d? contribuer ? rendre les hommes cruels ou ? fortifier en eux la disposition naturelle qu'ils ont ? la cruaut?; en effet n'?tait-ce pas les familiariser avec le sang? Quel d?luge ne devait-on pas en r?pandre lorsqu'on immolait ? la fois vingt-deux mille boeufs et cent vingt mille brebis! quel affreux carnage qu'un pareil sacrifice! si de semblables spectacles ?taient propres ? disposer ? la cruaut? le peuple qui n'en ?tait que le t?moin, quel effet ces sacrifices ne devaient-ils pas produire sur les pr?tres, qui faisaient les fonctions de bouchers, et qui jouaient le principal r?le dans cette sc?ne d?go?tante de carnage et d'horreurs! Quelque n?cessaire qu'il soit d'avoir des hommes dont la profession soit de tuer des animaux pour notre nourriture, l'exp?rience nous prouve constamment que ce m?tier est tr?s propre ? les rendre bien plus cruels que d'autres. Notre l?gislation s'en est aper?ue, car elle ne veut point que les bouchers soient admis ? ?tre juges en mati?re criminelle. Au reste, il n'est pas douteux que bien des personnes s'en tiendraient au r?gime Pythagoricien si elles ne pouvaient se procurer de la chair qu'en tuant elles-m?mes des animaux. J'en appelle ? tout lecteur sensible; et je lui demande s'il n'a pas ?prouv? un sentiment tr?s douloureux quand par hazard ses yeux se sont port?s sur un innocent agneau l?chant la main de celui qui lui enfon?ait le couteau dans la gorge, ou m?me quand il a vu un boeuf succomber sous des coups de massue, et montrer par ses mouvemens convulsifs qu'il luttait contre la mort? Si des exemples de ce genre sont si propres ? affecter une ?me sensible, ? quel point n'e?t-elle pas ?t? touch?e ? la vue du carnage inutile dont nous avons parl? plus haut, qui n'avait pour objet que des pratiques superstitieuses? Quelque r?voltant que f?t l'usage de sacrifier des animaux, il n'est pas ? beaucoup pr?s le plus cruel de ceux que les hommes ont pratiqu? dans leurs cultes religieux; nous trouvons en effet que c'?tait une tr?s ancienne coutume chez plusieurs nations, telles que les Canan?ens ou Ph?niciens, les Carthaginois, les Scythes, les Gaulois et m?me les Grecs et les Romains plus civilis?s, de sacrifier des ?tres de leur esp?ce; et m?me chez quelques peuples on immolait aux dieux ses propres enfans. C?sar nous dit que les Gaulois ?tant tr?s superstitieux, ceux qui se sentaient attaqu?s de quelque maladie dangereuse, ou qui se voyaient expos?s aux dangers de la guerre, offraient des sacrifices humains, ou bien s'immolaient eux-m?mes au pied des autels, croyant que les dieux immortels ne pouvaient ?tre appais?s que lorsqu'on leur sacrifiait la vie d'un homme pour celle d'un autre. Les Druides ?taient charg?s de ces sacrifices; ils pr?paraient pour cet effet de grandes figures d'osier dans lesquelles ils renfermaient des hommes vivans; apr?s quoi ils mettaient le feu ? ces figures: les malheureuses victimes p?rissaient ainsi dans les flammes. Il est vrai que les Gaulois croyaient que les voleurs et les malfaiteurs ?taient les victimes les plus agr?ables ? leurs dieux, mais ? leur d?faut ils prenaient des hommes innocens. C'?tait l'usage ? Tyr dans les grandes calamit?s que les rois immolassent leurs fils pour appaiser la col?re des dieux. Les particuliers qui se piquaient de n'?tre pas moins d?vots que leurs souverains, sacrifiaient pareillement leurs enfans quand il leur arrivait quelque grand malheur; lorsqu'ils n'avaient point d'enfans ils achetaient ceux des pauvres, afin de ne pas perdre les avantages d'une oeuvre si m?ritoire. Les Carthaginois avaient appris cette coutume des Tyriens leurs anc?tres; quand il r?gnait chez eux quelque maladie contagieuse, ils sacrifiaient sans piti? un grand nombre d'enfans; sans ?gard pour des ?tres infortun?s dont l'?ge tendre excite la compassion dans les ?mes les plus f?roces, ces superstitieux abrutis cherchaient dans leurs crimes des rem?des contre leurs malheurs; ils devenaient barbares pour exciter la piti? des dieux. Diodore de Sicile nous dit que lorsqu'Agatocle assi?geait Carthage, les habitans de cette ville se voyant r?duits ? l'extr?mit?, imput?rent leurs maux ? la juste col?re de Saturne, parce qu'au lieu d'immoler, suivant l'usage, les enfans des personnes les plus distingu?es, on leur avait frauduleusement substitu? des enfans d'?trangers et d'esclaves. Pour r?parer cette faute, ils sacrifi?rent ? leur dieu deux cents enfans des familles les plus nobles et les plus qualifi?es de Carthage; de plus, trois cents citoyens qui se sentirent coupables de ce crime imaginaire, firent ? leur divinit? le sacrifice de leur vie. Les Mexicains avaient de plus un sacrifice particulier d'un esclave, que l'on traitait pendant une ann?e de la fa?on la plus honorable; il ?tait superbement v?tu, on lui donnait le nom de l'idole du pays, on lui assignait un logement dans le temple, on lui servait les mets les plus exquis qui lui ?taient pr?sent?s par les principaux d'entre les pr?tres; il ?tait gard? par les plus grands seigneurs, afin d'emp?cher qu'il n'?chapp?t. Quand il passait dans les rues il ?tait suivi par des grands, le peuple sortait des maisons pour le voir, et les femmes lui pr?sentaient leurs enfans pour recevoir sa b?n?diction. A la suite de ces honneurs, ou plut?t de cette farce cruelle, lorsque le tems de la f?te ?tait venu, on lui ouvrait l'estomac, dont on arrachait le coeur que l'on offrait tout fumant au soleil et l'on mangeait son corps. Il para?t que les pr?tres de ce peuple ?taient si sanguinaires et avaient un tel ascendant sur les princes, qu'ils leur persuadaient que leurs dieux ?taient en col?re et ne s'appaiseraient qu'en cas qu'on leur immol?t quatre ou cinq mille hommes en un jour dans des tems marqu?s; ainsi pour les satisfaire il fallait, ? tort ou ? raison, faire la guerre aux voisins pour se procurer un nombre suffisant de victimes. Un pr?tre environn? d'une foule cruelle, Portera sur ma fille une main criminelle, D?chirera son sein, et d'un oeil curieux Dans son coeur palpitant consultera les Dieux! Des traitemens cruels que les hommes se font ?prouver les uns aux autres ? cause de la diff?rence de leurs opinions religieuses et de la diversit? de leur culte. Le troisi?me et le dernier point de vue sous lequel on se propose d'envisager la cruaut? religieuse, a pour objet les traitemens inhumains que les hommes se font r?ciproquement ?prouver ? cause de leurs diff?rens sentimens en mati?re de religion, et des diverses formes de leurs cultes. Toutes les religions qui n'avaient pas totalement la superstition pour base, ou qui n'?taient pas de pures inventions politiques, ou qui n'avaient pas pour objet de tromper le plus grand nombre pour l'avantage du plus petit, ont d? se proposer le bien-?tre du genre humain; elles ont d? surtout avoir pour but de leur apprendre ? r?primer quelques passions, d'en r?gler d'autres, de rendre les hommes paisibles, humains, indulgens, bienfaisans, sensibles ? la piti?; pour qu'une religion f?t bonne, on aurait droit de s'attendre ? lui voir produire ces fruits avantageux; une religion que l'on nous donne comme institu?e par la divinit? m?me devrait surtout ne jamais perdre ces grands objets de vue. Cependant dans le fait toutes les religions ont produit des effets tout contraires; elles ont fait ?clore des disputes, des jalousies, des animosit?s, des guerres, des pers?cutions, des meurtres et des carnages, et celle qui passe pour la meilleure de toutes est pr?cis?ment celle qui a produit les plus grands d?sordres; ? en juger par ses effets, il semblerait que la religion chr?tienne, loin d'apporter la paix sur la terre, n'est venue y apporter que le glaive et la destruction. < Nous ferons voir par la suite les causes de ces maux. Depuis le meurtre du juste Abel jusqu'? nous, l'histoire nous montre la fa?on cruelle dont les hommes se sont trait?s r?ciproquement, en vue de la diversit? de leurs opinions religieuses et de leurs cultes; elle nous prouve que ces choses ont en tout tems et en tous pays fait na?tre des pers?cutions humaines. Les juifs furent encore cruellement pers?cut?s par Antiochus ?piphane, qui, quoiqu'il f?t un prince tr?s m?chant, ne laissait pas, comme il arrive tr?s souvent, d'avoir beaucoup de z?le pour sa religion: ceux d'entre les juifs qui ne voulaient pas renoncer au culte du vrai Dieu pour adorer ses idoles, furent par les ordres de ce tyran cruellement battus, tourment?s, mis en croix; il fit mourir les femmes qui contre ses ordres circoncisaient leurs enfans, il fit attacher ceux-ci au col de leurs parens crucifi?s. Les supplices qu'il fit endurer ? ?l?azar et aux fr?res Machab?es, parce qu'ils refus?rent de renoncer ? leur religion et de sacrifier aux dieux des Grecs, sont des exemples affreux de la cruaut? religieuse de ce monarque pervers. Lorsque la religion chr?tienne fit son entr?e dans le monde, les juifs et les payens lui d?clar?rent la guerre et se r?unirent pour l'?touffer. Les juifs soumis eux-m?mes ? une nation ?trang?re, quoiqu'ils eussent la volont? de l'extirper, n'en avaient pas le pouvoir; mais les Romains pers?cut?rent les chr?tiens pendant pr?s de trois cents ans; ils us?rent souvent contre eux de cruaut?s inouies, qui ne furent surpass?es que par celles que les chr?tiens ont depuis exerc?es les uns contre les autres. En quoi consistent quelques-unes des querelles religieuses qui ont divis? les chr?tiens, et combien les mati?res en dispute ont ?t? inintelligibles pour les disputans. Avant d'entrer dans l'examen de la mani?re dont un grand nombre de chr?tiens se sont trait?s les uns les autres ? l'occasion de leurs querelles religieuses, il est ? propos de jetter un coup-d'oeil sur les objets de leurs disputes et de montrer combien peu les questions disput?es ?taient entendues par ceux qui se croyaient int?ress?s dans ces d?m?l?s; en effet les choses qui n'?taient point regard?es comme des points essentiels ne m?ritaient pas qu'on y m?t tant de chaleur; quant ? celles que l'on n'entendait pas, il ?tait, sans doute, inutile et ridicule d'en disputer. Si les hommes ne disputaient que sur les mati?res qu'ils entendent, il est certain que les disputes sur la religion se r?duiraient ? bien peu de choses; si l'on venait ? d?truire tous les livres qui traitent des mati?res ou qui renferment les disputes dont les auteurs eux-m?mes n'ont point eu d'id?es claires, on d?truirait un bien plus grand nombre de livres que ceux qui furent consum?s dans la biblioth?que d'Alexandrie, o? n?anmoins l'on comptait jusqu'? 500,000 volumes. Une des premi?res disputes qui s'?leva parmi les chr?tiens, fut pour savoir s'il fallait pratiquer la circoncision et quelques autres c?r?monies juda?ques que l'on voulait incorporer dans la religion chr?tienne. Il para?t que ce fut l? l'occasion de la querelle qui divisa les ap?tres St.-Pierre et St.-Paul, et qui subsista dans l'?glise encore long-tems apr?s eux. Mais revenons ? quelques-unes des opinions qui ont occasionn? des querelles et des pers?cutions atroces parmi les chr?tiens. D?s le tems de St.-Polycarpe qui ?tait disciple de St.-Jean, il y eut une dispute tr?s vive renouvel?e plusieurs fois depuis, et qui absorba pendant un grand nombre d'ann?es l'attention du monde chr?tien: il s'agissait de savoir si pour la c?l?bration de la P?que l'on se r?glerait sur les juifs qui suivaient la pleine lune, ou si l'on se r?glerait sur la r?surrection de J?sus-Christ, ou si on la c?l?brerait un dimanche. Par malheur dans le nouveau testament rien ne semble obliger les chr?tiens ? observer la P?que; cependant cette question ne laissa pas d'exciter entre eux de furieuses querelles, et fit m?me r?pandre beaucoup de sang. Sous le r?gne de l'empereur H?raclius et de Constance son petit-fils, il s'?leva une violente dispute pour savoir si J?sus-Christ avait eu deux volont?s, l'une divine et l'autre humaine. A la sollicitation de Paul, ?v?que de Constantinople, on pers?cuta avec fureur pour cet important article; mais Martin, ?v?que de Rome, assembla un concile compos? de cent cinquante ?v?ques, qui d?cida que quiconque refuserait de reconna?tre deux volont?s, l'une divine et l'autre humaine, dans le m?me J?sus-Christ, devait ?tre anath?matis?. Est-il rien au monde de plus ridicule que de voir 150 graves pr?lats assembl?s pour une pareille question? Il e?t ?t? tr?s heureux s'il n'y avait eu que des eccl?siastiques qui se fussent m?l?s dans ces absurdes querelles, mais malheureusement pour la chr?tient? les empereurs s'y int?ress?rent tr?s vivement et tandis que les Sarrazins assaillaient l'empire de tous c?t?s et en arrachaient des provinces les unes apr?s les autres, les empereurs au lieu d'assembler des arm?es pour les repousser, assemblaient des conciles et faisaient faire des canons, des d?crets, des ordonnances au sujet de sp?culations m?taphysiques qui n'avaient aucun rapport avec la religion chr?tienne. Cette dispute m?morable en fit ?clore une autre; il s'agissait de savoir si J?sus-Christ ?tait seulement de deux natures et non pas en deux natures. Cette importante question partagea l'an 504 la ville d'Antioche en deux factions: la populace des deux partis fut enivr?e de rage et de folie par ses guides spirituels; on se battit sans avoir aucuns ?gards ni aux liens de l'amiti? ni ? ceux de la parent?; cependant les orthodoxes, c'est-?-dire les plus ent?t?s et les plus forts l'emport?rent, et la rivi?re d'Oronte fut arr?t?e dans son cours par le grand nombre de cadavres des Eutychiens qui furent ?gorg?s sans piti?. Dans la querelle au sujet du culte des images, c'est-?-dire lorsqu'il fut question de savoir si les chr?tiens devaient ?tre idol?tres ou non, ceux qui soutenaient l'affirmative l'emport?rent, v? que c'est ordinairement ceux qui ont tort qui se battent avec le plus de z?le et de fr?n?sie. Cette dispute se termina donc par l'?tablissement de l'idol?trie, qui subsiste encore aujourd'hui dans l'?glise romaine, au grand scandale de la chr?tient?. Dieu, qui sait et pr?voit tout, a cr?? tous les hommes en cons?quence d'un acte de sa volont?; il les a forc?s d'exister, quoique suivant l'opinion de ceux qui soutiennent la r?probation, il s?t ou pr?v?t tr?s bien, et m?me e?t ordonn? que la plus grande partie des hommes serait ?ternellement malheureuse. Tel est selon eux le d?cret d'un Dieu infiniment juste, infiniment bon, infiniment mis?ricordieux. Il est certain que si l'on voulait soumettre cette question au tribunal de la raison, elle ne pr?terait gu?re ? la dispute, elle deviendrait plut?t un objet d'horreur. Le lecteur intelligent pourra probablement pousser o? il voudra ses r?flexions l?-dessus: mais il ne peut les pousser trop loin, s'il se laisse uniquement guider par la v?rit?. Cette dispute, ?galement intelligible de part et d'autre, ?galement ?difiante et instructive, fut l'occasion des violences, des pers?cutions, des massacres les plus atroces, et fit verser des flots de sang. De notre temps on a vu encore bien des combats au sujet de la Trinit?, mais les combattans, quoique tr?s acharn?s les uns contre les autres, n'ayant point d'autres armes que leurs langues et leurs plumes, n'ont gu?re pu se faire d'autre mal que de s'injurier, de se calomnier, de s'outrager r?ciproquement. Le lecteur pourra facilement imaginer combien les disputans pouvaient ?tre ?clair?s sur les mati?res pour lesquelles ils s'entr?gorgeaient les uns les autres. Cependant il est bon de faire voir combien leurs disputes ?taient entendues par le peuple qui y prenait un tr?s vif int?r?t: il est pourtant ? pr?sumer que le vulgaire le plus grossier ?tait pour l'ordinaire autant au fait des questions que ses th?ologiens les plus profonds. On nous dira peut-?tre que beaucoup de ces querelleurs ou de ces saints ont souffert le martyre. Nous en conviendrons; mais il para?t ?vident qu'ils manquaient de charit? et de beaucoup d'autres vertus chr?tiennes; dans ce cas ? quoi pouvait-il leur servir de laisser br?ler leur corps? Le martyre seul ne prouve point qu'ils aient ?t? des gens de bien; il y a tout lieu de croire que l'orgueil et le d?sir de passer pour des saints ou d'acqu?rir une haute r?putation furent les motifs de leur conduite; ou bien peut-?tre esp?raient-ils que leurs souffrances les aideraient ? expier les crimes dont ils se sentaient coupables et leur vaudraient des r?compenses. Il peut encore se faire que la chaleur de leur temp?ramment e?t beaucoup de part ? leur conduite; en effet beaucoup d'hommes tr?s m?chans sont devenus martyrs, m?me pour des bagatelles ou dans de mauvaises causes. L'ath?isme lui-m?me eut ses martyrs, et l'on rapporte de Philox?ne que les menaces des tourmens les plus rigoureux ne purent jamais l'engager ? louer les mauvais vers d'un tyran. M. de la Loubere nous apprend que lorsque le prince Tartare qui r?gnait ? la Chine en 1687, voulut forcer les Chinois ? se raser la t?te ? la fa?on des Tartares, un grand nombre de ces Chinois aima mieux mourir que de se conformer ? cet ordre. Les Bonzes de ce m?me pays s'enferment dans des chaises ? porteurs remplies de cloux dont la pointe est tourn?e en dedans, et s'infligent beaucoup de tourmens semblables, uniquement pour exciter l'admiration et la charit? du vulgaire. Des philosophes indiens se sont br?l?s eux-m?mes pour acqu?rir de la r?putation; les femmes de l'Indostan vont avec la plus grande ga?t? se br?ler vives sur les corps de leurs maris d?c?d?s, le tout parce que c'est une coutume ?tablie dans ces contr?es. Joignez ? cela que nous ne devons pas supposer que tous les saints qui furent mis ? mort sous les empereurs romains aient ?t? ? proprement parler des martyrs du christianisme; on sait tr?s bien que plusieurs d'entre eux ont ?t? punis pour des attentats contre le gouvernement, et que beaucoup d'autres le furent parce qu'ils avaient excit? la populace ? d?molir les temples des pa?ens ou ? commettre d'autres d?sordres tr?s contraires au repos de la soci?t?. De plusieurs saints tr?s orthodoxes et p?res de l'?glise qui ont ?t? de violens pers?cuteurs. Apr?s avoir rapport? quelques-uns des articles sur lesquels les chr?tiens ont eu de violentes disputes; apr?s avoir montr? combien ces articles ont ?t? entendus par les disputeurs et par ceux qui se sont crus int?ress?s dans ces querelles; apr?s avoir fait voir quelle esp?ce d'hommes ?taient les chefs les plus z?l?s et les plus d?vots qui les excitaient, nous allons continuer ? mettre sous les yeux du lecteur quelques exemples des pers?cutions atroces et des cruaut?s r?voltantes, qu'un grand nombre de ceux qui s'appellent des chr?tiens ont exerc? les uns contre les autres ? l'occasion de leurs opinions diverses. Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page |
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